
1863 et concluent, le 18 septembre 1863, un projet de contrat qui leur ferait apporter 36
millions de francs lors d’une augmentation de capital énorme de 4 à 40 millions…, comme
s’ils imaginaient d’en faire le ferment d’une seconde Banque de France ! Les Pereire
doivent encore convaincre le pouvoir exécutif parisien, l’empereur – à qui ils remettent une
note en janvier 1864 –, le gouvernement de Rouher, le ministre des Finances – mais leur
rival Fould, un banquier d’une grosse maison de Haute Banque
, vient de revenir à ce poste
depuis 1861 –, et évidemment la Banque de France elle-même. Les Pereire remettent un
mémoire analysant leur projet à Fould le 27 novembre 1863. Le « système Pereire » a
besoin d’être alimenté par une forte expansion du crédit, de la monnaie de banque, de la
circulation monétaire, alors que la Banque de France tarde à densifier son réseau de
succursales, fort seulement d’une cinquantaine d’unités. Utiliser la Banque de Savoie pour
créer une nouvelle institution bancaire, voire pour diffuser de la monnaie de banque et du
réescompte, contribuerait à la croissance générale et à l’offre d’argent, en particulier pour
diffuser plus encore les valeurs mobilières (pouvant servir de gage à des prêts). C’est à cette
époque, rappelons le, que les Pereire participent au-delà des Alpes à la création du Crédit
mobilier italien (en 1863), une banque d’affaires insérée dans un schéma d’investissements
en chemins de fer et industries ; et que se fondent successivement le Crédit lyonnais
(1863), la Société générale
et la Société marseillaise de crédit (1864). L’affaire de la
Banque de Savoie n’est donc pas seulement un « coup spéculatif », car elle s’insère dans un
schéma de pensée et d’action qui dispose de sa logique structurée, diversifier l’économie
bancaire et développer la liquidité d’ensemble de l’économie.
Toutefois, ils doivent vite déchanter : c’est la mobilisation générale contre leurs
conceptions. Le gouverneur de la Banque de France, Adolphe Vuitry, « est fort alarmé des
projets que l’on prête au Crédit mobilier pour une reconstruction de la Banque de Savoie
avec des succursales dans tous les départements, ayant le droit d’émettre des billets en
concurrence avec la Banque de France. Ce projet serait insensé, et, quelques que soient les
espérances que fondent MM. Pereire sur des conversations avec l’empereur, je crois que la
Banque peut être parfaitement tranquille. »
Fould prend position fermement : « Je n’ai
nullement encourage M. Pereire dans son projet de la Banque de Savoie. Je vous serai
obligé de faire devenir le gouverneur de la Banque [de France] et de lui communiquer le
sens de cette dépêche qui calmera les inquiétudes qu’il m’a exprimée au nom de son
Conseil »
de Régence. « J’ai bien étudié cette affaire et les statuts de la Banque de Savoie
ne lui donneraient tout au plus le doit d’établir des succursales dans les deux départements
du pays. Ainsi que je lui [à Pereire] déjà dit, je regarderais la concurrence qui tendrait à
s’établir entre la Banque de France et la Banque de Savoie comme déplorable, et je
l’empêcherai par tous les moyens possibles. Je suis dans ma position de défenseur naturel
de la Banque de France. »
Malgré leurs tentatives et leur groupe de pression, les Pereire
ne peuvent percer ainsi
dans le grand Sud-Est, ni par le biais de la Banque de Savoie, ni par leurs intérêts dans les
Frédéric Barbier, Finance et politique. La dynastie des Fould, XVIIIe-XXe siècles, Paris, Armand Colin, 1991.
Jean Bouvier, Le Crédit lyonnais (1863-1882). Naissance d'une grande banque, Paris, SEVPEN, 1961 ;
Flammarion, 1968 ; EHESS, 1999.
Hubert Bonin, Histoire de la Société générale. I. 1864-1890. Naissance d’une banque, Genève, Droz, 2006.
Lettre de Fould à Pierre Jules Baroche, 27 septembre 1863, archives Baroche, Bibliothèque Thiers, n°979-
980, cité par Alain Plessis, op.cit., p. 265.
Fould à Baroche, 28 septembre 1863, Ibidem.
Fould à Baroche, 27 septembre 1863, Ibidem.
Cf. Nicolas Stoskopf, Les patrons du Second Empire. Banquiers et financiers parisiens, Paris, Picard,
2002. Jean Autin, Les frères Pereire. Le bonheur d’entreprendre, Paris, Perrin, 1984. Elisabeth Paulet,
« Financing industry: The Crédit mobilier in France, 1860-1875 », Journal of European Economic History,
2002, volume 31, n°1, p. 89-112. Elisabeth Paulet, The Role of Banks in Monitoring Firms. The Case of the