En 2004-2005, on commence à réfléchir sur ce modèle de croissance

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Vers un nouveau mode de croissance
de l’économie chinoise ?
Jean-François Huchet, professeur, Institut National des Langues et Civilisations orientales.
Notions, mots-clés
Chine, croissance, économie, modèle de croissance, partage des richesses, croissance
démographique, système financier, protection sociale.
Inscription dans les programmes
– 4e et 1re Bac Pro : « Une puissance émergente ».
– Tles L et Es : « Dynamiques géographiques des grandes aires continentales : l’Asie du
Sud et de l’Est ; les enjeux de la croissance ».
Introduction
Pendant longtemps, la question de la nature de cette croissance ne posait pas de
problème. La Chine manifestait la volonté de revenir sur la scène internationale.
Elle n’a pas connu le même degré de globalisation ni le même contenu des économies
selon les périodes. À la fin du XVIIIe siècle, elle est une grande puissance au même titre
que l’Europe de l’Ouest et l’Inde ; au XIXe siècle, commence son déclin séculaire. En 1978,
elle s’ouvre au moment où débute le décollage de l’Inde (les deux pays ont donc un
parcours un peu parallèle).
Plusieurs générations de dirigeants en Chine ont vécu ce déclin comme une tragédie,
d’autant que plusieurs essais de décollage, depuis le XIXe siècle, ont échoué. Ce qui s’est
passé depuis 1978 est très important car c’est la première fois que le pays connaît une
croissance aussi forte et aussi longue.
Elle a toutefois connu des préoccupations à la fin des années 1990, lorsque les banques
distribuaient généreusement l’argent aux entreprises d’État avec des risques de
surproduction. Lors de la crise asiatique de 1997, les dirigeants ont été « un peu sonnés »
et ont compris la nécessité de faire attention à l’emballement de cette croissance (fin des
années 1990-début des années 2000 : une croissance supérieure parfois à 10 % par an).
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En 2004-2005, on commence à réfléchir sur ce modèle de croissance
Il n’est pas soutenable à long terme pour deux raisons :
– les problèmes d’environnement : la Chine paie encore le prix de ce développement axé
surtout sur l’industrie ;
– la croissance est en général soutenue par l’investissement, la consommation, les
exportations : or, il n’y a pas assez de consommation (même si la croissance est
importante) par rapport à la croissance du PIB et de l’investissement ; donc cela signifie
une baisse relative de la consommation dans le pays et que les deux piliers étaient
l’investissement et l’excédent commercial (jusqu’à 9 % du PIB).
En effet, le partage inéquitable de la richesse favorise les entreprises et se fait peu au
profit des salariés (on remarque une phase similaire dans les croissances au Japon…, qui
est normale si on ne veut pas trop fonctionner grâce à la dette ou à l’emprunt) : cela
permet une part importante d’autofinancement des entreprises.
Mais, quand on va trop loin dans ce modèle, cela pose des problèmes car la demande et
le pouvoir d’achat ne suivent pas (comme en 1929).
Pendant les années 2003-04, la Chine ressent un certain soulagement car les entreprises
peuvent déverser leurs productions sur les marchés mondiaux (comme par exemple pour
l’acier, et non pas sur des niches de haute qualité). Cette démarche s’avérait un peu
obligatoire puisque le marché intérieur ne pouvait pas absorber les produits ; il fallait aussi
que des pays aient de l’argent pour acheter (d’où les prêts de la Chine aux États-Unis et à
l’Union Européenne [700 milliards de dollars de dettes rachetées]).
Mais des préoccupations apparaissent à propos de la monnaie qu’on estimait déjà sousévaluée.
Puis, en 2007-2008, le moteur extérieur (la demande internationale) s’essouffle ; en 2009,
le commerce extérieur a même une influence négative sur la croissance.
Le Gouvernement réagit par un plan de relance massif
Il s’agit d’augmenter la consommation intérieure et surtout de booster l’investissement (par
des projets d’infrastructures). En 2009-2010, la croissance de l’investissement devient très
importante.
Croissance
en %
de
l’investissement Croissance de la consommation
en %
1996-2000
8,8
8,9
2001-2005
14,6
8,6
2006-2010
16,4
11,1
2011-2015
6,5
10,4
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2016-2020
3,2
9,8
Des problèmes se posent dans l’immobilier et l’industrie lourde pour absorber l’offre. Les
cas de passage devant l’OMC se multiplient pour « dumping » et « réactions
protectionnistes » (qui sont « normales » en raison des problèmes rencontrés).
Le système qui finance sa croissance par la dette bancaire et en injectant de plus en plus
d’argent pour des investissements de moins en moins rentables (comme dans le cas de
l’URSS des années 1960) va « droit dans le mur » (c’est le même problème qu’au Japon,
depuis l’éclatement de la bulle des années 1990, où la dette dépasse les 200 % du PIB et
le système fonctionne avec injection constante de liquidités pour relancer l’économie).
De plus, la croissance s’oriente sur les industries lourdes, des constructions, soit des
activités très consommatrices d’énergie, dont beaucoup de charbons (qui ne sera pas
« propre » avant longtemps) et du pétrole importé, avec des répercussions importantes
sur le plan environnemental.
Les dirigeants chinois ne se sont donc pas attaqués au cœur du problème.
La question du partage des richesses reste la plus difficile problème à
résoudre
Les inégalités s’avèrent fortes (révélées par le coefficient de Gini de 0,61), même si
environ 10 % des richesses sont « masquées », cachées par les habitants (revenus
« gris » ou pas déclarés), surtout par les plus riches (argent lié à la spéculation, ou qui
repart à l’étranger) ; le système n’est donc pas stimulant.
Se pose également le problème de la croissance démographique
On assiste à un vieillissement accéléré de la population : cette transition démographique a
commencé au Japon quand le revenu par tête atteignait 14 900 $, en Corée à 16 000 $ ;
en Chine, il n’est que de 4 000 $.
Ce sont surtout les classes d’âge 30-40 ans qui diminuent, c’est-à-dire la main-d’œuvre
potentielle, issue des campagnes entre autre.
En 1992, le Gouvernement a pris des décisions pour encadrer et limiter un mouvement
ouvrier qui aurait pu se développer, se structurer et influencer l’évolution (comme en
Corée, à Taïwan… où on a privilégié le patronat) ; il y a bien eu des grèves et des
protestations, mais pas de structuration des ouvriers parce que la réaction du
Gouvernement est très forte.
Aujourd’hui, le surplus de main-d’œuvre non employé (surtout des migrants) concerne
surtout les plus de 40 ans.
Cette situation fait évoluer la question des salaires, qui augmentent plus rapidement
depuis 2008.
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Comment le Parti communiste pourrait-il imposer des négociations collectives aux
entreprises privées ? Des délégations viennent actuellement en France et en Europe pour
étudier nos systèmes.
Le système financier donne aussi des inquiétudes
Les taux d’intérêt inférieurs à l’inflation au début des années 2000 (cf. la volonté de
réparer les dégâts dans les banques) génèrent une perte de pouvoir d’achat des
ménages.
Depuis quelques mois, des signes montrent que la nouvelle équipe prend le problème au
sérieux : par exemple, elle a créé une nouvelle ZES (zone économique spéciale) à
Shanghai, avec beaucoup de déréglementation.
Cela pose des problèmes au Parti communiste qui a été habitué à contrôler tout le
système financier et manifeste des réticences, d’autant que d’autres pays ont été
confrontés à ce problème auparavant et ont connu des conséquences difficiles (cf.
Gorbatchev et les conséquences de la libéralisation financière ; les difficultés en France
lors de la libéralisation financière dans les années 1980 à l’époque de Bérégovoy).
La question de la protection sociale a été insuffisamment prise en
compte pendant longtemps
Le taux d’épargne des ménages reste très important afin de parer aux dépenses liées à la
vieillesse, la santé, l’éducation…
Les dépenses de protection sociale augmentent beaucoup depuis 2004 mais il faut que la
confiance s’installe avant que l’épargne des ménages change.
Il faut attendre de voir ce que le plénum de début novembre va décider.
Compte rendu réalisé par Maryse Baudson, académie de Reims.
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