Introduction

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Tibor Takács1
Le Terrorisme international peut-il déclencher une guerre mondiale ?
(L’assassinat de François-Ferdinand á Sarajevo)
Introduction
L’archiduc d’Autriche François-Ferdinand, né en 1863 à Gratz, a joué sans aucun doute un
rôle fondamental de l’histoire européenne et mondiale du XXéme siècle2. Après le suicide
tragique du prince héritier Rodolphe, François-Ferdinand, petit-fils de l’archiduc FrançoisCharles, est devenu le prétendant virtuel au trône, ce titre ne lui ayant été jamais attribué.
Après avoir conclu un mariage morganatique avec la comtesse Sophie Chotek, future
duchesse de Hohenberg, il a été nommé inspecteur général de l’ensemble des forces armées
autrichiennes en 1913, mais tout en restant écarté des affaires de l’Etat, il a pris la conscience
de la nécessité de réformer la monarchie. Son assassinat à Sarajevo, le 28 juin 1914, par des
partisans serbes, provoque le déclenchement de la Première Guerre mondiale.
Son assassinat ne peut pas être considéré comme un crime isolé, mais au contraire, comme
élément et exemple du terrorisme international. Naturellement, l’action des jeunes fanatiques
serbes a été soutenue secrètement par les mouvements radicaux et ultra-serbes, qui étaient
soutenus par des personnes jouant un rôle important dans la vie publique et politique serbe.
Chronique de l’assassinat
Avant le voyage à Sarajevo de prince héritier, la question de savoir pourquoi l’empereur
François-Joseph 1er, qui connaissant la situation réelle de Balkan, n’a pas empêché ce voyage,
a été soulevée par la Cour autrichienne. Au moment où le projet des manœuvres militaires de
l’armée autrichienne à côté de la frontière serbe a été mis au jour, Jovan Jovanovic,
l’ambassadeur serbe à Vienne, s’est adressé directement à Bilinski, ministre de la finance
austro-hongrois, chargé des affaires bosniaques, pour empêcher le voyage de prince héritier. Il
a fait valoir que le déroulement de ces manœuvres militaires le jour de Vidovdan, fête
nationale de la Bataille de Kosovo Polje de 1389, bataille héroïque des peuples sud-salves
contre les oppresseurs turques, serait considéré par les nationaux serbes comme provocation
dangereuse contre l’indépendance de la Serbie3. Le problème était d'autant plus accru que le
prince héritier avait l’intention de diriger personnellement et naturellement sur terre les
manœuvres, d’autant plus qu’il était considéré personnellement comme l’ennemie du peuple
serbe4. Le général Potiorek5, dirigeant desdites manœuvres militaires, a expressément forcé la
Tibor Takács est assistant universitaire au Département d’Histoire de Droit à la Faculté de Droit, de
l’Université de Miskolc.
2
Pour un aperçu plus complet concernant la vie de prince héritier, cf. Fejtõ Ferenc : Rekviem egy hajdan volt
birodalomért (Ausztria-Magyarország szétrombolása) [Requiem pour un empire défunt] Budapest, 1997, pp.
136-146 ; A. J. P. Taylor : A Habsburg Monarchia 1809-1918 (Az Osztrák Birodalom és az Osztrák-Magyar
Monarchia története) [La Monarchie austro-hongroise de 1809 à 1918] pp. 254-277
3
Eöttevény, Olivér : Ferenc Ferdinád [François-Ferdinand], Budapest, 1942, p. 329
4
Franz Herre : Ferenc József [François Joseph], Budapest, 2000, pp. 341-342
5
Auparavant, le général Potiorek a été professeur de Kriegsschule, Haute école militaire à Vienne, ce qui peut
nous montrer, par son propre fait, sa capacité pour carrière militaire. Immédiatement après le déclenchement du
1
réalisation du plan d’origine, et l’a jugé absolument nécessaire pour ne pas montrer la
faiblesse de l’armée autrichienne. Le prince héritier, lui-même, a refusé de prendre des
mesures de sécurité plus élevées ou d’abandonner son voyage6.
Le voyage de François-Ferdinand et de son épouse a été riche en événements sinistres. Ils ont
pris le train à la gare de Chlumec7, petite ville tchèque, mais le commandant de cette gare,
prenant peur, a annoncé la surchauffe du principal essieu de la voiture de salon réservée
strictement à l’usage de couple héritier. A cause de cet incident, selon le mémoire de baron
Morsey, le prince héritier s’est adressé à son épouse : « Tu vois, il commence comme ça.
D’abord, une voiture surchauffée, puis un attentat à Sarajevo, et si tout ça ne sert à rien, une
explosion sur la navire Viribus unitis »8. Le deuxième incident inattendu s’est produit à la
gare de Vienne ; l’éclairage de la voiture est tombé en panne, quelques minutes avant le
départ du train. Comme on n’avait pas suffisamment du temps pour remédier à cette panne,
quelques bougies se sont substituées à l’éclairage habituel9.
D’après les récits des personnes proches du prince, le couple héritier, sur le conseil de baron
Rummerskirch - qui, pendant la duré des manœuvres militaires, résidait à Ilidza, ville d’eaux
très fréquentée, prés de Tarcin, - a demandé que l’on abandonne la parade militaire pour
retourner immédiatement à Vienne. Cependant, le lieutenant-colonel Merrizi, officier
d’ordonnance du général Potiorek, a ordonné le maintient de la parade militaire, en expliquant
la haute importance de cette visite parmi les membres dirigeantes bosniaques. En même
temps, il a affirmé que l'abandon de cette parade exercerait une influence négative sur les
relations politiques autrichiennes et que l’état d’esprit du peuple étaient excellent à Sarajevo.
Le voyage du prince héritier est né sous de mauvais auspices, ce que François-Ferdinand n’a
pas su prendre en considération. Mais, le déroulement des événements historiques ne pouvait
pas être arrêté.
Le 26 et 27 juin 1914, le prince héritier s’occupait des manœuvres militaires, tandis que son
épouse, en compagnie de baron Morsey, visitait la ville de Sarajevo 10. Au soir de 27 juin, le
couple héritier a donné à dîner à Ilidza où les dirigeants des autorités civiles étaient invités11.
Le matin de 28 juin, François-Ferdinand a fait appeler le baron Morsey pour lui montrer sa
nouvelle cravate militaire qui fonctionnait avec un bouton à pression, détail qui joua un rôle
important après l’assassinat puisqu’il permit un rapide déshabillement du prince héritier.
Après avoir participé à la messe, ils ont pris un train particulier à 9 heures et demi, en
compagnie des membres de leur suite pour arriver à la gare de Sarajevo, où le général
Potiorek les ont accueillis. Suite à la visite du camp militaire, ils ont pris les voitures dans
l’ordre suivant : dans la première voiture se sont installés le couple héritier, le générale
premier conflit mondial, il a été libéré d’urgence de ses fonctions, en raison de la maladie encéphalique très
grave. – V. Eöttevény, Olivér, p. 330.
6
Sur la base de mémoire de comte Ottokar Czernin, nous avons la possibilité de descendre dans les détails du
voyage de prince héritier à Madrid, à l’occasion du couronnement d’Alphonse XIII, en 1902. François-Ferdinand
s’est assisté aux fêtes dudit couronnement, bien qu’il ait été préalablement informé sur la risque d’un attentat
éventuel contre un grand-duc russe ;s tout au long du défilé, il a pris sa place à côté de ce grand-duc et a refusé
de prendre toutes mesures de sécurité. Ce cas peut nous montrer son esprit de détermination et son fatalisme. –
V. Eöttevény, Olivér, p. 330.
7
Galántai József : Szarajevótól a háborúig [De Sarajevo á la guerre], Budapest, 1975, p. 24
8
Cité par Eöttevény, Olivér, p. 332
9
Pour un aperçu plus complet concernant le voyage de couple héritier, voir Eöttevény, Olivér, pp. 332-335
10
Galántai József : Szarajevótól a háborúig… p. 29
11
Pour un aperçu plus complet concernant l’assassinat de François-Ferdinand et de son épouse, cf. Vladimir
Dedijer : The Road to Sarajevo, New York, 1966 ; Eöttevény, Olivér: Chapitre XXV – Sarajevo, pp. 336-342
Potiorek et le propriétaire de cette voiture; dans la deuxième voiture, ont trouvé la place le
comte Boos-Waldeck, propriétaire de la voiture, le colonel Bardolff, ainsi que le grand maître
des cérémonies Rummerckirch et le lieutenant-colonel Merrizi. Les trois autres voitures ont
été consacrées à l'aménagement des membres de la suite. Une sixième suivait le cortège des
voitures. Il peut être étonnant que dans le cadre de la visite officielle du prince héritier de la
Monarchie austro-hongroise, il ait été fait usage de voitures privées qui étaient, dans la plupart
des cas, en mauvais état et considérées comme des voitures simples ou quotidiennes.
En traversant le centre-ville, une détonation d’un coup de fusil Flaubert s’est produite à côté
du bâtiment de la Direction de la poste, et un homme s’est jeté dans le ruisseau de Miljacka.
Rapidement, une bombe a été lancée par Gabrinovic sur la première voiture ; le prince
héritier, réagissant proprement, l’a percutée, entraînant l’explosion de la bombe dans la
deuxième voiture. Les éclats de bombe a grièvement blessé le lieutenant-colonel Merrizi à la
tête. La file des voitures s’est immédiatement arrêtée, et les membres de la suite sont
descendus pour voir le couple héritier. François-Ferdinand, lui-même, est descendu pour
acquérir la certitude que personne n’avait trouvé la morte et pour apporter son aide aux
blessés. La voiture de comte Boos-Waldeck est devenue inutilisable et la vite pare-brise de la
troisième voiture a également été cassée. Parmi les piétons se trouvant au milieu de la file des
voitures, une vingtaine était légèrement blessé. Un coiffeur, ayant la nationalité hongroise,
résidant à Sarajevo, s’est jeté dans le ruisseau pour arrêter Gabrinovic, l’auteur de crime12.
Quelques minutes après l’explosion de la bombe, le couple héritier et sa suite sont arrivés à
l’Hôtel de ville de Sarajevo où le maire de la ville, Fehim effendi Curcic, a commencé à
prononcer son discours solennel qui a été vu interrompu par François-Ferdinand, laissant
échapper le cri suivant : « Monsieur le Maire ! Nous sommes venus dans votre ville et ici,
nous sommes accueillis par des bombes ! Bien, maintenant vous pouvez reprendre votre
discours ! »13. Après avoir accueilli les salutations des invités, le prince héritier a ordonné le
baron Morsey d’accompagner la duchesse soit à la ville d’Ilidza, soit au palais du gouverneur.
Mais la demande de prince a été rejetée par son épouse. Même dans cette situation très
inquiétante, François-Ferdinand avait eu l’intention d’aller à l’hôpital pour voir le blessé
Merrizi. Le parcours qui devait être effectué par sa voiture était fixé conjointement par
Bardolff et Gerber, chef de la police municipale. Le maire et Gerber se sont installés dans la
première voiture, tandis que le couple héritier et le général Potiorek, ainsi que le comte
Harrach dans la deuxième. En prenant le chemin vers l’hôpital municipal, la première voiture
s’est trompé de route; s' apercevant de cette erreur, le chauffeur de la voiture de prince
héritier, par ordre de général Potiorek, s’est arrêté pour retourner et suivre le bon chemin. Au
moment où la voiture s’est arrêtée, des coups de feu ont été tirés sur le couple héritier14. La
tête de la duchesse Hohenberg est tombée sur le torse de prince qui s’est rejeté au fond de la
voiture. Ils sont restés dans la même position jusqu’à ce que la voiture soit retournée au palais
du gouverneur avec la plus grande vitesse possible. L’assassin, le jeune Gavrilo Princip, a été
arrêté par le baron Morsey juste après les coups de feu ; mais selon lui, les policiers présents
sur le lieu de crime n’ont pas agit rapidement, du fait de la faiblesse des contrôles réalisés le
jour de l’assassinat dans toute la ville de Sarajevo15.
La duchesse a trouvé la mort au moment du coup de feu ; le médecin Feuer a tout tenté pour
la sauver, mais rapidement, il a déclaré ne pouvoir plus rien faire : « Toute aide est
12
Eöttevény, Olivér, p. 338
Cité par Eöttevény, Olivér, p. 338
14
Eöttevény, Olivér, p. 339
15
Galántai József : Szarajevótól a háborúig… pp. 29-30
13
impossible ; sa Majesté est décédée ! »16. Le Père Puntigam a fait la dernière onction sur le
prince héritier. L’archevêque de Sarajevo, accompagné des prêtes, a prié à côté du corps de
François-Ferdinand.
Quatorze ans après son mariage – le 28 juin 1900 –, le prince héritier et son épouse ont trouvé
la mort à Sarajevo sous le tirs d’un jeune ultra-serbe, Princip. Cet événement est considéré
comme la cause immédiate du déclenchement de la Première Guerre mondiale et a ouvert une
des pages les plus noires de l’histoire européenne et mondiale.
Situation politique de l’époque dans les Balkans
Le 7 octobre 1879, une alliance a été conclue par l’Allemagne et la Monarchie austrohongroise17, afin d’assurer une aide militaire mutuelle en cas d’agression de l’une des parties
au traité par la Russie18. L’alliance a été indirectement soutenue par la plus grande puissance
du monde de l’époque, l’Angleterre19, la France et la Russie étant considérées comme ses
ennemies. Pendant les quinze années suivantes, la zone d’influence de la Monarchie a été
élargie dans les Balkans. En 1881, les relations entre la Russie et l’Allemagne ont été
améliorées grâce à la politique de Premier ministre allemand, Bismarck, qui avait commencé
à rapprocher les intérêts allemands et russes concernant la situation politique dans les
Balkans. Au cours de la même année, un traité secret a été conclu par la Monarchie et la
Serbie dont la situation économique a été raillée, de plus en plus, à la Monarchie. Toutefois,
l’opposition politique serbe a progressivement vu le jour ; c’est d’ailleurs en 1881 que le parti
radical de Pasic a été fondé20. Une alliance tripartie entre la Monarchie, l’Italie et l’Allemagne
a été signée le 20 mai 1882 à Vienne, dans le but de sauvegarder le principe de la monarchie
dans chacun de ces trois pays, mais il servait à assurer les intérêts de ces pays contre la
France. Ces trois dits traités avaient pour finalité de renforcer la Monarchie dans les Balkans,
car il lui garantissait le soutien allemand et la neutralité italienne en cas de conflit avec la
Russie21. Le renforcement de la Monarchie et l’isolement de la Russie ont abouti, en
Roumanie, au refoulement de l’influence française et à la conclusion d’une alliance, en 1883,
entre la Monarchie et la Roumanie.
Ces événements ont abouti au renforcement de la position politique autrichienne dans les
Balkans. Ces années peuvent d’ailleurs être considérées comme l’âge d’or de la Monarchie
dualiste22. Grâce à cela, presque tout le territoire de Balkans est tombé sous l’influence
autrichienne et inversement la Russie en a été refoulée23. La politique sud-slave de la
Monarchie des années de 1880 tendait à créer et à intégrer sous l’autorité de la Couronne des
16
Cité par Eöttevény, Olivér, p. 341
Galántai, József : A Habsburg Monarhia alkonya [Le déclin de la Monarchie austro-hongroise], Budapest,
1985, p. 255
18
Fejtõ, Ferenc : Rekviem egy hajdan volt birodalomért (Ausztria-Magyarország szétrombolása) [Requiem pour
une empire de jadis] Budapest, 1997, p. 144
19
Pour un aperçu plus complet concernant l’appréciation anglaise de la situation externe de la Monarchie austrohongroise, voir notamment Jeszenszky, Géza : Az elvesztett presztizs [Le prestige perdu] Budapest, 1994, p. 282
et s.
20
V. notamment Eöttevény, Olivér, pp. 317-320
21
Op. citée : Eöttevény, Olivér, p. 321
22
Barbara Jelavich : A Balkán története, II. kötet [L’Histoire de Balkans, Vol. II.] Budapest, 2000, pp. 99-100
23
Galántai, József : A Habsburg Monarchia alkonya, p. 261
17
unités de province des peuples sud-slaves ; mais, dans le même temps, l’opposition serbe
encourageait une politique d’unification24.
Au moment de la Révolution industrielle, et compte-tenu des différences de développement
économique au sein du continent européen, les positions politiques ont été profondément
réorganisées. L’Autriche-Hongrie était beaucoup moins développée économiquement que la
France, l’Allemagne, et, par conséquent, elle est devenue au début des années de 1900 un
pouvoir de seconde ordre, notamment en matière de politique extérieure25. L’alliance tripartie
[réunissant l’Allemagne, l’Autriche-Hongrie et l’Italie] de 1882 a encouragé le rapprochement
économique et politique entre la Russie et la France. Si la conclusion de l’alliance, en 1894,
entre la Russie et la France, a été considérée comme aboutissement négatif, elle n’a pas pour
autant modifié la situation dans les Balkans. La situation des pays membres de l’alliance
tripartie a largement évolué : le rôle de l’Allemagne a connu un réel développement au
préjudice de la position autrichienne et italienne. La Monarchie se trouvait intégrée à une
alliance dont le principal ennemie était l’Angleterre, tandis que la position russe était
encouragée par la France et l’Angleterre. Cette situation a été admise au sein de la cour
autrichienne, et certains, comme le principe héritier Rodolphe, ont émis l’idée de relâcher un
peu le cadre de l’alliance tripartie.
Il était désormais évident que si l’Allemagne ne pouvait pas compter sur la Monarchie austrohongroise, il ne lui resterait qu’une seule solution pour préserver ses intérêts : le
rapprochement vers la Russie. Cette situation était particulièrement dangereuse pour les
intérêts autrichiens. La Cour de Habsbourg a bien reconnu qu’au regard de cette nouvelle
situation, il était nécessaire de régler définitivement ses relations avec la Russie tsariste pour
faire obstacle à une alliance germano-russe. A l’occasion de la visite officielle de FrançoisJoseph 1er à Saint-Pétersbourg, un traité a été conclu entre la Monarchie et la Russie pour
maintenir le statu quo dans les Balkans26.
A la fin du XIXeme comme au début du XXeme siècle, la Monarchie s’occupait de ses
problèmes internes, notamment les questions nationales et sociales, tandis que la Russie était
largement tournée vers la guerre contre le Japon. Jusqu’à ce moment, les nouveaux pays des
Balkans, notamment le Monténégro, la Serbie, la Roumanie, la Bulgarie et la Grèce, se
renforçaient tant économiquement que politiquement alors que les mouvements
d’indépendance des peuples sud-salves profitaient largement des crises internes de la Turquie,
de la Monarchie dualiste, ainsi que de la Russie tsariste. En 1903, le couple royal serbe a été
assassiné par les membres d’un groupe d’officiers permettant à la famille royale
Karadjordjevic, de monter sur le trône, soutenue en cela par la politique extérieure russe.
Dès 1907, la Monarchie est parvenue à stabiliser la crise interne, ce qui lui permit de se
concentrer sur les questions extérieures, notamment sur la crise de plus en plus profonde dans
les Balkans. Le chef d’état-major autrichien, Conrad von Hötzendorf, en accord avec
l’empereur François-Joseph 1er, a fait préparer un projet tendant à l’annexion de la Serbie au
profit de la Monarchie. En mai 1907, le ministre austro-hongrois de la finance, Burian, a
rédigé un rapport sur la Bosnie-Herzégovine, dans lequel il déclarait : « Actuellement, il n’y a
24
Barbara Jelavich, p. 101
Palotás Emil : A Balkán-kérdés az Osztrák-Magyar és az orosz diplomáciában a XIX. század végén [La
question de Balkans dans la diplomatie de la Monarchie austro-hongroise et de la Russie, à la fin de XIX eme
siècle] Budapest, 1972, pp. 226-232
26
Op. citée : Palotás, p. 231
25
pas de crise, notre gouvernement est encore le maître de la situation »27. Il a également
proposé d’intégrer ledit territoire dans le cadre de la Monarchie, en laissant une autonomie
assez large pour les serbes. L’annexion a été faite le 6 octobre 1908 ; elle a été soutenue
financièrement par la Turquie, et approuvée par toutes les grandes puissances européennes,
compte-tenu de leurs différentes crises internes et externes.
La politique préconisée par François-Ferdinand trouvait sa limite dans la nécessité de ne pas
être en guerre avec l’empire russe. Il était faorable à une guerre d’intervention contre l’Italie
et la Serbie, mais au moment où la situation risquait de dévier vers une guerre avec la Russie,
le prince héritier est devenu fidèle à la diplomatie pour éviter un conflit militaire. D’ailleurs,
en février 1912, au cours d’une discussion avec le directeur du cabinet, Bardolff, il a déclaré :
«Etre en guerre avec l’empire russe signifierait la fin de notre monarchie. En agissant
militairement contre la Serbie soutenue par la Russie, nous allons nous trouver, tout de suite,
en guerre avec l’empire russe. Est-t-il nécessaire que l’empereur autrichienne et le tsar russe
se détrônent mutuellement et en conséquence de cela, ils encouragent le développement des
révolutions ? »28.
Le but principal de la politique externe autrichienne était donc d’éviter un conflit militaire
avec la Russie, à propos de la situation dans les Balkans,29 ; mais, cette solution ne tenait pas
compte des mouvements d’indépendance serbes et restait entièrement concentrée sur les
événements externes.
Précédents de l’assassinat
Les assassins de couple héritier autrichien étaient des jeunes, n’ayant aucune expériences des
affaires politiques, intégrés aux différents mouvements nationaux et ultra-serbes, dont le but
principal était de lutter contre l’annexion autrichienne et d’arracher la Serbie au corps de la
Monarchie. Ces mouvements bénéficiaient également du soutien tant matériel que politique
de la part du gouvernement serbe.
En 1908, année de l’annexion autrichienne de la Serbie, Narodna Obrana30, mouvement
d’indépendance serbe, a été fondée dans le seul but de mener une propagande contre la
Monarchie austro-hongroise et de rattacher les peuples sud-slaves au territoire serbe31. Ce
mouvement a regroupé plus de 2000 organismes municipaux fonctionnant sur tout le territoire
du pays. Plusieurs officiers, ministres et hommes politiques travaillaient dans le cadre
d’Obrana, par exemple le ministre Jovanovic, le général Jankovic, et le haut-fonctionnaire
Dacic. Des manifestations, les cours scolaires ont été organisés dans toutes les villes du pays
pour propager l’idée de la Grande Serbie. Le complot, group d’Obrana ayant le but
d’assassiner le prince héritier, a été constitué de trois personnes suivantes : Gavrilo Princip32,
27
Cité par Eöttevény, Olivér, p. 338
Cité par Eöttevény, Olivér, p. 340
29
Op. citée : Galántai, József : A Habsburg Monarchia alkonya p. 262
30
Pour un aperçu plus complet concernant la fondation de Narodna Obrana, voir notamment Galántai József :
Szarajevótól..., pp. 31-38
31
Kosáry Domokos : Magyarország története [L’histoire de la Hongrie], Budapest, 1943, p. 337
32
Gavrilo Princip, ce jeune bosniaque, est né dans une famille d'agriculteurs très pauvre ; après avoir terminé ses
études primaires á Grahovo, il a poursuivi ses études secondaires au lycée commercial á Sarajevo, mais il
s’intéressait particulièrement á la littérature. En 1911, il est devenu membre de Narodna Obrana, et en
conséquence de sa participation á une manifestation en printemps 1912, il en a été exclu. Il voulait se rallier aux
comités serbes, dirigés par le général Tankosic, officier de l’armée serbe. A cause de faible constitution, il ne
28
Nedjeljko Cabrinovic33 et Trifko Grabez34. Il a été soutenue par le commandant serbe Voja
Tankosic et l’agent ferroviaire Milan Ciganovic. Les bombes et les pistolets nécessaires à
l’assassinat ont été fournis par Tankosic et Ciganovic ; les assassins ont été formés, pendant
plusieurs jours, par deux officiers, à l’ordre du commandant Tankosic, prés de la gare de
Beograd, au champ de feu de Topsider35. Leur voyage de la Serbie vers la BosnieHerzégovine a été préparé par Ciganovic et dirigé par le sergent-major Radivoj Grbic36. Par
conséquent, la complicité directe du gouvernement serbe de l’époque peut être sans aucune
doute prouvée, et aussi il était prévenu de la préparation de l’assassinat et son action passive a
contribué à la réalisation37. Conformément aux enquêtes faites á Sarajevo, le 11 juillet 1914,
par Wiesner, conseiller de ministre autrichien des affaires étrangères, rien d’autre ne pouvait
être prouvé que l’assassinat avait été organisé de Beograd et que les pistolets ont été attribués
par le commandant Tankosic et l’agent ferroviaire Ciganovic38. Mais une chose est certaine : á
la fin de mai et au début de juin 1914, le gouvernement serbe á été informé sur la préparation
d’un assassinat éventuel contre le prince héritier, et voulait prévenir ce dernier pour éviter
l’aggravation de la situation tendue avec la monarchie39. Mais en même temps, l'arrestation
des comploteurs et leur livraison á la famille Habsbourg aurait directement provoqué un
conflit politique interne et la chute du gouvernement40.
Il faut avant toute chose signaler qu’une autre version de l’assassinat a été fournie par le
gouvernement serbe. Stanoj Stanojevic, professeur universitaire à Beograd a développé, dans
son œuvre, que l’assassinat de prince héritier avait été commis par un autre mouvement
d’indépendance, Crena Ruka (La Maine Noire)41, fondée en 1911, dont le dirigeant était, à
l’époque, le chef d’état-major serbe Dragutin Dimitrijevic42. Cet haut-officier de l’armée
serbe a été informé par l’état-major russe qu’à l’occasion de la rencontre de l’empereur
allemand et le prince héritier autrichien, en octobre 1913, les deux hommes politiques étaient
convenus de la nécessité d’une intervention autrichienne sur le territoire de la Serbie. Etant
prévenu des manœuvres militaires de l’armée austro-hongroise en Bosnie, Dimitrijevic était
absolument convaincu que la Monarchie interviendrait sur le territoire de son pays. Il ne
restait qu’une seule solution pour éviter cette intervention militaire: assassiner le prince
héritier. A l’époque, le commandant Tankosic, membre du même mouvement, a informé
Dimitrijevic que deux jeunes serbes avaient cherché à lui demander de l’aide pour assassiner
le prince héritier. Le chef d’état-major a ordonné au commandant de mettre à la disposition
des jeunes les armes et accessoires nécessaires. Après que les deux jeunes aient quitté la ville
pouvait pas être admis. Il travaillait dans la petite usine de son frère et regagnait la ville de Beograd pour passer
ses examens.
33
Né dans une famille de classe moyenne, il est devenu typographe ; il travaillait dans plusieurs ateliers de
typographie, même dans celui des social-démocrates croates. Au début de 1912, il a regagné la ville de Sarajevo,
mais en conséquence de sa participation á une grève, il a été expulsé. Il est retourné á Sarajevo où il faisait la
connaissance de Princip. Il a découvert les idées social-démocrates ; mais après avoir eu un conflit avec les
dirigeants de ce parti, il a quitté la ville de Sarajevo en mars 1913. En octobre de même année, il a regagné la
ville de Beograd pour y travailler dans l’atelier d’Etat de typographie.
34
Fils d’un prêtre catholique, il poursuivait ses études á Beograd, et habitait dans la même chambre que Princip
en printemps 1914.
35
Voir en ce sens notamment, May, Ferdinand : A « Fekete Kéz », [La Maine Noire], Budapest, 1979, p. 82 et s.
36
Eöttevény, Olivér, p. 340
37
V. Galántai, József : Az elsõ világháború [La première guerre mondiale], Budapest, 1980, pp. 103-104
38
Galántai p. 103 et s.
39
Galántai pp. 84-85
40
Galántai József : Szarajevótól..., pp. 38-39
41
May, Ferdinand : A « Fekete Kéz », p. 82 et s.
42
Sur la rencontre de Dimitrijevic avec Artamanov, attaché militaire russe, en printemps 1914, voir May,
Ferdinand : A « Fekete Kéz », pp. 64-70
de Beograd, le comité central de Crena Ruka a été convoqué pour être informé du projet
d’assassinat.
Il ne faut pas croire que l’assassinat de François-Ferdinand fut la seule action terroriste. Le 15
juin 1910, le général commandant de corps armée, gouverneur de la Bosnie-Herzégovine,
Varesanin, a été assassiné par l’étudiant Bogdan Žerajic43 à Sarajevo, qui s’est suicidé juste
après l’attentat, tandis que tous ses papiers avaient été préalablement détruits44. Il était par
conséquent impossible de prouver le rôle des mouvements terroristes serbes, mais l’assassin a
été glorifié comme héros national par les quotidiens serbes. Le 8 juin 1912, l’étudiant Luka
Jukic a tenté d’assassiner Cuvaj, commissaire royal ; mais il s’est malencontreusement
trompé, et c’est le conseiller Hrvojic qui a été touché par la balle. Selon le dossier de
l’enquête, l’auteur de l’attentat n’a fait que mettre en application les projets élaborés par
Narodna Obrana. Le 20 mai 1914, un attentat a été préparé par Jakov Sefer contre le ban de
Croatie, Skerlecz Ivan, mais il a été déjoué dans les dernières secondes par un policier. Il était
prouvé que cette tentative avait été élaborée dans le cadre dudit mouvement serbe. Nous
pouvons constater qu’il existe des points communs entre chacun de ces attentats : les auteurs
étaient jeunes et révolutionnaire ; la préparation a été effectuée sur le territoire serbe d’où
venaient, dans tous les cas, les aides matérielles, les armes, les accessoires pour les bombes.
Les hauts-dirigeants de la Monarchie austro-hongroise étaient impuissants face à ces attentats,
alors que l’assassinat de ces dirigeants autrichiens poursuivait le même but que la future
disparition du prince héritier45.
Après la fondation de Narodna Obrana, plusieurs autres mouvements ayant pour but
d’instaurer la Grande Serbie, et de déblayer le terrain pour sa réalisation, ont vu le jour.
Slovenski Jug, mouvement d’étudiant, a créé une cellule-fille même aux Etats-Unis ; en 1907,
l’attentat fait par ce mouvement contre le duc [devenu Roi par la suite] du Monténégro est
resté sans résultat. En 1902, une association, nommée Prosvjeta, ayant un but proprement
culturel, a été fondé, pour devenir par la suite instrument de la propagande serbe. Elle a
institué plusieurs bibliothèques et fonctionnait pendant des années comme services
d’espionnage. Sokol, fondée en 1906, avait pour but de former des soldat parmi ses membres.
Plusieurs mouvements recrutaient les jeunes et les étudiants, notamment Omladina (La
Jeunesse), Zora (Le Petit jour), et Rad (Le Travail)46.
Pour mieux comprendre le rôle russe, nous allons examiner le mémoire de Gottschalk, publié
dans Berliner Monatshefte, en 1934. Il développe que le 14 juin 1914, la famille tsariste a
rencontré officiellement le roi roumain Carol 1er à Constanza, ville maritime au bord de la
Mer Noire. Après la visite, le 24 juin 1914, le Chef de la diplomatie russe, Sazonow, a rédigé
un rapport sur la rencontre, dans lequel il a développé qu’une intervention militaire
autrichienne sur le territoire serbe ne serait jamais tolérée par les russes. Prenant en
considération que ce rapport a été rédigé quelques jours avant la tragédie de Sarajevo, il est à
présumer qu’en ce temps-là, une intervention autrichienne a été tenue possible à SaintPétersbourg. Autre élément intéressant, le 31 juin 1914 [c’est-à-dire, après la tragédie, mais
avant la notification autrichienne de l’état de guerre] Sazonow a rencontré les ambassadeurs
français et anglais à Saint-Pétersbourg ; l’ambassadeur roumain a assisté à cette rencontre
43
Membre de Narodna Obrana, il était le plus grand héros national aux yeux des tous les jeunes serbes. Sa tombe
était toujours plein de fleures ; le soir de 27 juin 1914, c’est-à-dire le dernier soir avant l’assassinat de prince
héritier, Princip et Cabrinovic, indépendamment l’un de l’autre, sont allés voir la tombe de leur héros.
44
Galántai József : Szarajevótól... p. 39
45
Eöttevény, Olivér, p. 336 et s.
46
Sur les autres mouvements d’indépendance, voir Eöttevény, Olivér, p. 318 et s.
officielle. Il semble évident que ces plans contre la Monarchie austro-hongroise ont été
soutenus par les grandes puissances européennes. En 1924, dans Kriegsschuldfrage, journal
de Berlin, Jovanovic Ljuba, ancien ministère d’éducation du gouvernement serbe de Pasic, a
publié un mémoire sous le titre « La crise du slavisme ». Il a établi qu’en été 1914, le premier
ministre serbe, Pasic, était informé de la préparation d’un attentat contre le prince héritier à
Sarajevo. Le Conseil des ministres a ordonné aux services frontaliers de renforcer le contrôle
sur la frontière et d’empêcher le passage des personnes précisément identifiées. Selon
Jovanovic, les gardes-frontières étaient eux-mêmes membres des complots, ce qui n’a pas
permis la mise en application de la décision gouvernementale.
La note de la Monarchie
Le 11 juin 1914, une réunion a été convoquée pour consigner les sanctions contre la Serbie
dans une note. Une lettre d’István Tisza, premier ministre hongrois, adressée à l’empereur
austro-hongrois, nous donne la possibilité d’examiner la position hongroise dans ce domaine.
Dans sa lettre de 11 juin 1914, le chef de gouvernement hongrois a clairement déclaré :
« …jusqu’à ce moment, nous ne possédons pas de preuves suffisantes pour rendre la Serbie
responsable de l’assassinat de François-Ferdinand, et déclarer la guerre à cet Etat… »47. La
position de Tisza était claire : il est suffisant d’utiliser les sanctions politiques, mais il faut
absolument éviter d’intervenir militairement au territoire serbe. En prenant la même position
qu’en octobre 1913, le Premier ministre Tisza a encouragé « une action radicale », qui serait
nécessaire et suffisante pour un succès diplomatique. Burian, ministre austro-hongrois de la
finance, a été habilité à participer à cette réunion et à présenter les intérêts hongrois. Après la
réunion, il a informé son premier ministre : « …On est d’accord de ne pas intervenir
militairement au territoire serbe… »48. Le même jour, l’empereur allemand a accordé à la
Monarchie son appui plein et entier. Le 14 juillet, une réunion, avec la participation de
Brechtold49 et Burian, a fixé les points de la note autrichienne; aux termes de la réunion, il
avait été convenu d’attendre la fin de la visite de Président de la République française, R.
Poincaré, à Saint-Pétersbourg pour adresser la note au gouvernement serbe. Le 19 juillet, le
cabinet commun s’est réuni à Vienne pour fixer l’heure précise de la transmission de la note :
le 23 juin, à 5 heures de l’après-midi. Selon les mots de Brechtold : « …il est impossible
d’attendre plus longtemps, parce que Berlin va s’énerver de plus en plus… »50.
Le 20 juillet 1914, le président Poincaré est arrivé au bord de son navire à Saint-Pétersbourg
pour une visite officielle. Dans cette situation politique très dangereuse, cette visite attirait
l’attention de tous les hommes politiques européens. Le lendemain, à 16 heures, le président
Poincaré a rencontré les ambassadeurs accrédités à Saint-Pétersbourg. Il n'échangea aucun
mot avec l’ambassadeur allemand sur la situation politique, tandis que les discussions avec les
ambassadeurs italien et espagnol relevaient davantage du "badinage". L’ambassadeur austrohongrois, Szapáry51, après deux mois d’absence à cause de la maladie de sa femme et de son
fils, est reparti un jour avant la visite de président français, ceci pouvant expliquer
l'aggravation du conflit austronésien. Poincaré a affirmé qu’il faudrait résoudre le conflit avec
Lettre d’István Tisza, premier ministre hongrois, de 11 juin 1914, in : Balogh József, Tóth Laszló (ed) :
Magyar leveleskönyv, no 877, p. 448
48
Galántai, József : Az elsõ világháború, p. 101
49
Chef de la diplomatie austro-hongroise à l’époque.
50
Cité par Galántai, József : Az elsõ világháború, p. 104
51
Frigyes Szapáry, noble hongrois, ambassadeur austro-hongrois à Saint-Pétersbourg à l’époque.
47
la plus grande prudence possible, mais en même temps il a prévenu que « ce conflit sera traité
avec bienveillance. Mais, de la même manière, il tournerait à l’aigre. La Serbie possède trop
d’amis en Russie. Et la Russie, elle a une alliée : c’est la France ! »52. Selon le communiqué
commun, les deux chefs d’Etat étaient d’accord pour maintenir la paix européenne et
l’équilibre politique, y compris l’équilibre à l’Est de l’Europe53. Avant de reprendre le voyage
vers la Suède, le tsar russe et le président français se sont rencontrés encore une fois pour
fixer leurs positions concernant la situation de Balkans. Tous les deux hommes s’accordaient
sur une agression potentielle germano-autrichienne dans les Balkans contre la Serbie. Ils
étaient en accord de recourir à des mesures pacifiques.
Le préambule de la note a rappelé que « l’annexion54 » des territoires de la BosnieHerzégovine [c’est-à-dire la transformation du titre acquis en 1878 au congrès de Berlin,
comme cession à des fins d’administration pour le titre de souveraineté entière en 1908] était
acceptée par le gouvernement serbe conformément á la note autrichienne de 31 mars 1909; et
le gouvernement serbe se chargeait d’améliorer ses liens politiques avec la Monarchie. Mais
selon la note, cette amélioration ne se réalisait pas. Les mouvements radicaux ont été
longtemps tolérés et indirectement soutenus par le gouvernement serbe ; ce fait peut être
considéré comme cause directe de l’attentat contre le prince héritier. Les deux premiers
articles de la note ont été consacrés à la nécessité de liquider tous les mouvements
d’indépendance ayant pour but d’agir contre l’unité territoriale de la Monarchie. Le troisième
et le quatrième article visaient à liquider tous les propagandes, notamment celles qui peuvent
être trouvées dans l’enseignement public, l’administration publique et l’armée serbe. La
souveraineté de gouvernement serbe a été évidemment touchée par l’article 5, en déclarant :
« le gouvernement serbe se charge de coopérer avec toutes les autorités autrichiennes et de la
Monarchie pour liquider les mouvements radicaux ayant pour but d’agir contre la
Monarchie »55. La note a fixé un délai de 48 heures pour formuler la demander serbe.
Au moment de la transmission de la note, les hauts dirigeants politiques serbes ne se
trouvaient pas dans la capitale, en raison de la préparation de l’élection législative. La note a
été reçue par Pacu, ministre de la finance serbe, vice premier ministre, qui, au même moment,
a demandé la protection politique de la Russie et déclaré que le gouvernement serbe ne
pouvait pas accepter les revendications autrichiennes. La réunion des ministres a été
convoquée le matin de 24 juillet : le premier ministre Pasic a déclaré qu’il faillait attendre
jusqu’à l’arrivée de la réponse russe avant de prendre des mesures militaires 56. Il était clair
que dans cette situation, même avec le soutien militaire de la Russie, la Serbie n’était pas
capable de sauvegarder ses frontières face aux interventions autrichiennes. Il n'était jugé
opportun d'entrer en guerre avec la Monarchie, même avec le soutien militaire russe57.
Appréciation de l’attentat par la diplomatie française
52
Paléologue, Maurice: A cárok Oroszországa az elsõ világháború alatt [La Russie des tsars pendant la
première guerre mondiale] Budapest, 1982, p. 13
53
Cité par Maurice Paléologue, p. 17
54
Les journalistes et les politiciens de l’époque ainsi que les historiens d’aujourd’hui ont utilisé et utilisent les
expressions « occupation » et « annexion » de la Bosnie-Herzégovine dans un sens spécial qui ne coïncident pas
avec le contenu courant de ces notions dans le droit international.
55
Galántai, József : Az elsõ világháború, p. 105
56
Andrássy Gyula gróf : Diplomácia és világháború [Diplomatie et guerre mondiale], Budapest, 1990, p. 47 et
s.
57
Szalay Jeromos : Igazságok Középeurópa körül [Les vérités autour de l’Europe de l’Est], Paris, 1960, p. 13
Les ambassadeurs français étaient chargés de rédiger ordinairement des rapports pour le Chef
de la diplomatie française, permettant de connaître tous les détails importants de la politique
interne et externe des pays. Ces rapports nous permettent également d’examiner comment les
ambassadeurs français accrédités dans les plus importantes capitales européennes ont apprécié
la situation politique et l’opinion publique, consécutivement à l’attentat de prince héritier58.
L’ambassadeur français à Rome, Barrière, a rédigé son rapport et l’a envoyé au Ministère
Viviani le 30 juin 1914 ; au premier abord, l’opinion publique et tous les hommes politiques
ont été choqués par l’attentat, mais la situation a rapidement changé. Cela peut être expliqué
par le fait que le prince héritier était contre le rattachement à l’Italie du territoire autrichien
habité par les italiens59.
L’ambassadeur français à Beograd, Descos, a rédigé son rapport le 27 juin 1914, dans lequel,
il affirme que l’attentat avait été indifféremment reçu par le peuple serbe, tandis que selon la
plupart des journaux, ce n’était que la Monarchie et le gouvernement autrichien qui devaient
prendre la responsabilité de l’attentat. Le jeune Gavrilo Princip est devenu héros national
serbe60.
L’ambassadeur français à Vienne, Dumaine, rédigeant son rapport le 3 juillet 1914, a
développé l’idée que l’attentat a rallumé la haine contre la Serbie et la Russie, et sa vengeance
servirait de prétexte pour raviver la question de Balkans61.
L’ambassadeur français à Saint-Pétersbourg, Paléologue, dans son rapport de 30 juin 1914, a
développé que la presse russe conservait une certaine décente ; mais tous les journaux étaient
d’accord pour dire que l’attentat devait être considéré comme l’expiation de la Monarchie
pour tous les crimes commis par elle contre la Bosnie-Herzégovine. En ce qui concerne le
personnage de François-Ferdinand, selon les cercles politiques russes, la Russie a perdu son
ennemie le plus audacieux62.
Conclusions
Le terrorisme international, même au début de la XXeme siècle, pouvait donc déclencher une
guerre mondiale. Mais l’assassinat de François Ferdinand, comme tous les autres attentats
commis contre les hauts dirigeants autrichiens, peut-il être considéré comme un des premiers
exemples du terrorisme international ? La réponse est affirmative.
La responsabilité du gouvernement serbe, même indirecte, doit être établie. Les mouvements
d’indépendance serbes ont été soutenus, de manière politique et matérielle, par tous les
gouvernement serbes. Les hauts officiers de l’armée serbe étaient dirigeants desdits
mouvements, et, comme nous venons de le constater, tous les accessoires et moyens ont été
fournis par eux. De plus, le gouvernement serbe n’était pas capable de prendre les mesures
apprpriées pour essayer de contrecarrer la préparation des attentats. En vrai dire, il n’avait pas
l’intention de le faire. La volonté de créer un Etat serbe indépendant a été encouragée et, bien
sur, soutenue par la Russie. Par conséquent, l’influence russe sur la naissance de la Serbie
58
Eöttevény, Olivér, p. 357-374
Eöttevény, Olivér, p. 358
60
Eöttevény, Olivér, p. 359
61
Eöttevény, Olivér, p. 361
62
Cité par Paléologue, Maurice, p. 21
59
indépendante a été absolument fondamentale. Le territoire serbe est devenu une zone
d’accrochage entre la Monarchie et la Russie. Ces deux grandes puissances européennes
avaient l’intention de tirer ce territoire vers leur zone d'influence. L’éclatement du conflit était
ainsi inévitable au terme d’un exemple de terrorisme international.
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