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demande, est au contraire devenu une activité subordonnant la production à une
agrégation permanente de toutes les formes d’audiences, auxquelles il promet à la
fois le conformisme consumériste et l’élévation de soi à une interactivité permettant
d’étendre sans limites les équipements de la personnalité.
Une entreprise n’a plus pour vocation essentielle de renforcer l’affirmation de son
« cœur métier » par l’exercice d’une productivité intensive, renforçant ses courbes
d’apprentissages internes, justifiant la promesse qu’elle peut faire à ses salariés de
carrières longues par l’acquisition d’un métier identifiable. Son problème principal est
plutôt d’apparaître comme crédible afin d’assembler sous sa propre marque des flux
de valeurs ajoutées qui lui sont périphériques, et de multiplier, à ses interfaces, les
« capteurs » lui permettant d’intégrer cette forme de productivité extensive. Plutôt
que l’image d’une « boîte noire », dont les murs seraient stables, et dont l’effort de
maximisation porterait essentiellement sur le rapport outputs / inputs, c’est plutôt
l’analogie avec une « plate-forme » ou un « hub » qu’il faudrait considérer pour
rendre compte de l’activité réelle des entreprises. Le chiffre essentiel, tout à fait
indéfinissable par nos cadres comptables actuels et par l’esprit même de la
comptabilité en partie double, est plutôt, à la sortie, le problème de la monétarisation
des impacts, et à l’entrée celui des capacités de captation des ressources d’un
territoire productif dont l’essentiel de l’activité et de la distribution des valeurs
ajoutées échappe aux cadres sociaux de nos conceptions du travail. Un impact est
une réalisation de plus-value d’un type bien particulier, qui n’est pas réductible à la
transaction formée autour d’un prix de marché fixe. Il agrège autour de lui une
multitude de fonctions d’utilité dérivées et différées, de telle sorte que la transaction
porte au moins autant sur la livraison d’un produit défini que sur une multitude
d’options de fonctionnalités ou de services additionnels, et dont l’activation
marginalise toujours plus le seul présent de l’acte d’achat. Nos marchés d’
outcomes
,
terme qu’il faudrait préférer à celui d’
output
, engagent un besoin toujours plus
approfondi de participation de la subjectivité dans la reprise permanente d’un
processus de co-conception, et étendent toujours plus loin les limites de ce qu’il est
concevable d’exiger comme implication de l’intimité dans l’acte même de
consommation.