Il peut introduire l'atelier d'écriture par une justification théorique rapide comme celle
développée plus haut. Personnellement je note au tableau les citations présentées dans cet
article. Pendant le déroulement, les avertir très simplement sur le sens des consignes les
rassure et les implique plus fortement parce qu'ils comprennent mieux ce qu'on attend d'eux.
L'instruction donnée perd ainsi sa puissance manipulatoire. Par exemple, il les préviendra :
"nous allons faire un liste de mots parce que la pensée se fabrique comme un mur à partir de
matériaux". Etc.
En définitive, l'élève effectue deux tâches en parallèle : d'une part il produit un texte,
d'autre part, il réfléchit à sa technique d'écriture. Il travaille à la fois la cognition (les
savoirs) et la méta cognition (la façon d'apprendre).
Les moments d'euphorie et de jubilation sont des récompenses magnifiques pour le
professeur comme pour les élèves.
III Quel regard porter sur les productions des élèves.
Lire le positif dans les textes d'élèves, organiser l'écriture collective n'est ni spontané ni facile
pour les enseignants. Nous pensons trop souvent que chacun doit écrire seul et qu'il faut
montrer constamment ses erreurs à l'élève pour qu'il les corrige. Lors de mes premières
expériences d'enseignement sous forme de démarches de construction du savoir, j'étais
terrifiée à l'idée que les élèves pouvaient produire des idées fausses ! Je les incite
maintenant à oser les erreurs pour se permettre de penser.
III a Distinguer les phases d'apprentissage où on favorise l'expression de l'erreur et
les phases d'évaluation où il faut respecter des normes.
Les séquences décrites en annexe sont au cœur de phases d'apprentissage. Elles
permettent d'élaborer des pensées, de construire des raisonnements. Elles demandent aux
lycéens d'aller puiser des ressources au plus profond d'eux-mêmes. L'atelier ne cherche pas
à travailler sur le subconscient, mais celui-ci est de toute façon sollicité.
La distinction entre le faux et le juste ne marche pas ici. Par exemple, lorsque les lycéens
réalisent une liste de mots évoqués par le sens ou le son du mot DROIT le professeur doit
tout écrire au tableau sans porter aucune critique. Souvent un mot paraît décalé par rapport
à la consigne (exemple, journaliste), et le texte produit finalement est enrichi par ce terme.
Parfois, les élèves créent des associations d'idées qui nous paraissent incompréhensibles
mais qui ont du sens pour eux. Le rôle des consignes est de faire produire du texte.
Elles peuvent être détournées sans cesser d'être productives.
L'objectif de ces ateliers n'est pas de faire penser juste, mais de permettre la réflexion. La
peur de faire faux bloque son émergence. Souvent, les lycéens orientés en STT manquent
de confiance en leurs capacités intellectuelles ; ils cherchent la rentabilité en termes de
notes. Au lieu de réfléchir, ils essaient de deviner ce que le professeur attend d'eux pour se
conformer à ce modèle. Cette phase de travail est formative ; dans l'immédiat elle est
incompatible avec une approche normative.
Par la suite, les textes produits peuvent être remis en travail ; on cherchera les
incohérences, les erreurs, les fautes d'orthographe ou de syntaxe pour les corriger. Le travail
en projet peut prendre le relais et donner un sens puissant à la réécriture. Préparer une
intervention pour une radio locale, rédiger une page web ou élaborer un dossier d'épreuve
pratique destiné à emporter l'adhésion d'un jury. Corriger un texte à titre d'exercice est
ennuyeux, le perfectionner pour le socialiser permet de se construire soi-même. La norme
n'est pas forcément la note de l'enseignant, c'est la possibilité de rendre un texte
lisible par d'autres.
III b Encourager l'échange des textes, la réécriture du texte de l'autre, le pillage
Utiliser les mots des autres, s'emparer des textes des copains pour les déformer, les
prolonger, les détourner sont des jeux passionnants : on ne pense pas seul, mais en relation