Cancérologie - Faculté de Médecine d’Amiens - Pr Chauffert.
CHIMIOTHERAPIE ANTICANCEREUSE
- La chimiothérapie anticancéreuse, l’hormonothérapie, l’immunothérapie et les traitements ciblés sont les
traitements médicaux spécifiques des cancers. Ils différent des traitements symptomatiques non
spécifiques (antiémétiques, antalgiques, corticothérapie …).
I. Bases pharmacologiques et cellulaires de la chimiothérapie
- La chimiothérapie utilise des médicaments interférant dans le métabolisme et la vie cellulaire et qui, de ce
fait, sont cytotoxiques: c'est par ce mécanisme que la chimiothérapie permet d'inhiber la croissance
tumorale. Le terme de chimiothérapie paraît en lui-même mal adapté (tout médicament chimique est une
chimiothérapie stricto sensu) : on devrait parler de médicaments anticancéreux.
- Le plus souvent, la chimiothérapie est administrée par voie intraveineuse (systémique) mais les formes
orales se développent.
- La chimiothérapie anticancéreuse est née après la seconde guerre mondiale; les premiers succès transitoires ont été
remportés dans les lymphomes et leucémies en utilisant des agents alkylants. Depuis de nouvelles molécules ont été
découvertes; ces molécules sont généralement associées dans le cadre de protocoles validés par des essais cliniques.
- Les médicaments anticancéreux cherchent à éliminer les cellules tumorales ou du moins à freiner leur prolifération.
Ce sont des molécules cytotoxiques d’origine synthétique ou naturelle.
- Les anticancéreux agissent essentiellement l’ADN et/ou les enzymes nécessaires à la réplication de l’ADN et sur la
tubuline, protéine impliquée dans la formation du fuseau mitotique.
- La chimiothérapie est globalement plus active sur les cellules en réplication rapide (leucémies, lymphomes) mais elle
peut agir sur des cancers à croissance plus lente (cancer colique).
- Les médicaments arrêtent ou freinent le cycle cellulaire et déclenche une mort cellulaire programmée (apoptose).
Cependant la cellule cancéreuse, comme la cellule normale, développent des mécanismes de résistance
(augmetnation de la réparation de l’ADN, mutation de la tubuline, diminution du seuil de déclenchement de
l’apoptose) à l’origine d’échecs thérapeutiques.
- La sensibilité des cellules à la chimiothérapie dépend en grande partie de l’origine histologique de la tumeur :
o Les tumeurs germinales (cancer du testicule ou tumeur germinale de l’ovaire), les leucémies aigües, les
lymphomes sont très chimiosensibles et chimiocurables.
o Les cancers de l’ovaire, les cancers du poumon à petites cellules sont chimiosensibles mais rarement
chimiocurables en raison du développement rapide de clones résistants.
o Les cancers du sein, du colon, du poumon, des voies aérodigestives supérieures (VADS, ORL) ont une
chimiosensibilité variable selon les individus. Les bases de cette chimiosensibilité sont en cours de
décryptage grâce à la pharmacologie moléculaire qui détecte les cibles et les mécanismes de résistance.
o Exemple : résistance multidrogue liée aux transporteurs ABC qui expulsent les médicaments hors
des cellules.
o Exemple : présence de la protéine anti-apoptotique bcl2 qui est associée à la chimiorésistance des
lymphomes.
o Exemple : protéine ERCC1 associée à la paration des adduits de cisplatine dans les cancers du
poumon.
o Certains cancers sont intrinsèquement chimiorésistants (cancer du rein, de la thyroïde) mais sont
accessibles à d’autres traitements (molécules ciblées, iode radioactif)
- En 2011, la chimiothérapie :
o Guérit certaines tumeurs dans une proportion importante de cas: cancer du testicule, choriocarcinome
placentaire, maladie de Hodgkin et lymphomes de haut grade, leucémies et tumeurs de l’enfant
(chimiothérapie à visée curative).
o Prolonge la survie des patients porteurs de tumeurs évoluées : cancer de l’ovaire, du sein, du colon, cancer
du poumon à petites cellules (chimiothérapie à visée palliative), mais son efficacité s’épuise en raison de
résistances acquises.
o Elle reste peu efficace dans le cancer du rein, le cancer du poumon non petites cellules, le cancer du
pancréas, du foie ...où d’autres approches doivent être explorées.
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II. Médicaments utilises en chimiothérapie
CE CHAPITRE 2 EST UNIQUEMENT POUR INFORMATION
- Ces médicaments ont pour cible l’ADN ou des protéines nécessaires à la mitose. Leur activité n’est pas spécifique des
cellules néoplasiques et ils ont aussi une toxicité notable sur les cellules normales de l’hôte, d’où l’étroitesse de leur
marge thérapeutique. Ils sont généralement plus efficaces sur les cellules en cycle que sur les cellules quiescentes,
d’où leur efficacité insuffisante dans de nombreuses tumeurs solides à évolution lente. On les classe selon leur cible
biochimique principale et leur famille chimique :
2. Alcaloïdes de la pervenche
- Incristine (Oncovin), vinblastine (Velbe), vindésine (Eldisine), vinorelbine (Navelbine), vinflunine (Javelor).
- Ce sont des dérivés hémi-synthétiques d’une molécule extraite de la pervenche de Madagascar.
- Ils inhibent la polymérisation de la tubuline qui joue un rôle essentiel dans la formation du fuseau
mitotique. Ils bloquent la cellule en une métaphase prolongée, ce qui déclenche l’apoptose. Ce sont les
seuls véritables “antimitotiques”.
- Cependant la polyrisation de la tubuline est nécessaire au flux axonal qui assure la trophicité des nerfs
périphériques, d’où la neurotoxicité des vinca-alcaloïdes (polynévrites, constipation, iléus, etc.). Ils sont plus
ou moins hémato-toxiques.
- Le mécanisme principal de résistance principal est la sélection de clones dont la tubuline est mutée et moins
affine pour les médicaments.
- Ils s’emploient par voie intraveineuse stricte; leur extravasation provoque des nécroses cutanées.
- Principales indications: leucémies lymphoïdes (vincristine + prednisone), lymphomes (CHOP:
cyclophosphamide + adriamycine + oncovin + prednisone), maladie de Hodgkin (ABVD: adriamycine +
bléomycine + vinblastine + déticène), cancer du poumon non à petites cellules (navelbine + platine), cancer
du sein (navelbine hebdomadaire).
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2. Taxanes
- Paclitaxel (Taxol), docetaxel (Taxotère), cabazitaxel (Jevtana).
- Ce sont des molécules extraites de l’if.
- Ils empêchent la dépolymérisation de la tubuline. Ce sont aussi des antimitotiques vrais qui bloquent la cellule en
métaphase.
- Ils sont neurotoxiques et hématotoxiques. Le Taxotère a une toxicité endothéliale (oedème par fuite protéique
interstitielle) et sur les phanères (alopécie, onychopathie).
- Ils s’administrent par voie intraveineuse stricte.
- Principales indications: cancer de l’ovaire (taxol + carboplatine), cancer du sein (taxol ou taxotère + anthracycline ou
fluorouracile), cancer du poumon (taxanes + platine).
3. Alkylants (ou alcoylants)
- Chlorambucil (Choraminophène), cyclophosphamide (Endoxan), ifosfamide (Holoxan), melphalan (Alkeran),
thiophosphoramide (Thiotepa), busulfan (Misulban), nitrosourées (Belustine, Carmustine, Muphoran), procarbazine
(Natulan), dacarbazine (Déticène), mitomycine C (Amétycine).
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- Ce sont des molécules de synthèse (sauf la mitomycine, extraite de culture de saccharomyces). Après activation
hépatique ou tissulaire, ces médicaments forment des molécules électrophiles qui se lient de manière covalente aux
bases de l’ADN (adduits); les réarrangements de ces adduits provoquent des cassures d’ADN, des ponts intra- ou
interbrins qui inhibent la progression de l’ADN polymérase.
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- La toxicité des alkylants est à la fois non spécifique (hématologique) et dépendante de chaque molécule (cystite
chimique: Endoxan, Holoxan; insuffisance rénale : mitomycine; fibrose pulmonaire: nitrosourées). Les alkylants sont
mutagènes (protection du personnel +++) et cancérogènes (leucémies secondaires, cancer de la vessie).
- Ils s’administrent par voie orale (Chloraminophène, Endoxan, Melphalan, Misulban, Bélustine, Témodal) ou par voie
intraveineuse (Endoxan, Holoxan, Melphalan, Thiotépa, Carmustine, Muphoran, Amétycine).
- Principales indications :
o Endoxan : lymphomes (CHOP), cancer du sein (FAC: fluorouracile + adriamycine + cyclophosphamide; CMF:
cyclophosphamide + thotrexate + fluorouracile), maladies auto-immunes sévères (+ corticoïdes).
o Holoxan : sarcomes (+ adriamycine), cancer du testicule (VIP: Vépéside + Ifosfamide + platine).
o Chloraminophène : leucémie lymphoïde chronique.
o Alkéran : myélome ( per os: melphalan + prednisone; ou à forte dose intraveineuse + autogreffe de cellules
souches sanguines).
o Misulban : leucémie myéloïde chronique.
o Nitrosourées : tumeurs cérébrales, mélanomes (Muphoran).
o Déticène : Hodgkin (ABVD), mélanome.
o Amétycine : cancer du poumon (MIP: mitomycine + ifosfamide + platine), cancer du pancréas, de l’estomac;
traitement intravésical des tumeurs superficielles de vessie.
o Témodal: (prodrogue du Déticène) actif sur les gliomes et oligodendrogliomes.
4. les dérivés du platine
- Cisplatine, carboplatine (Paraplatine), oxaliplatine (Eloxatine).
- Ce sont des molécules de synthèse. Comme les alkylants, ils forment des intermédiaires électrophiles qui se lient par
covalence avec les bases nucléiques (atome N7 de la guanine) et créent des ponts intrabrins ou interbrins qui
perturbent la réplication de l’ADN. A la différence des alkylants, ils forment des adduits doubles (alkylants
bifonctionnels).
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