Sommaire
Dossier artistique p.3
L’inconstance et l’aveu, François Regnault.
Mettre en scène Marivaux aujourd’hui, Christian Colin.
Note sur la scénographie
Biographies
Marivaux et son théâtre p.11
Texte de Marivaux, Le spectateur français.
Marivaux 1682 1763 quelques repères, Jean Goldzinck.
Marivaux, un homme secret et un « honnête homme »,Claude Eterstein.
Marivaux, A.Rykner.
Regards sur le théâtre de Marivaux.
Le portrait, le miroir et le masque, Jacques Scherer.
La plus haute expression de la convention théâtrale, Louis Jouvet.
La Double inconstance p.34
Résumé, Laffont-Bompiani.
Notice, Frédéric Deloffre et Françoise Rubellin.
Une architecture mobile du mensonge, Françoise Rubellin.
Le personnage d’Arlequin, Françoise Rubellin.
Bibliographie p.60
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La Double Inconstance
de Marivaux
Mise en scène / Christian Colin
Scénographie /Claude Plet, Christian Colin
Costumes / Patrice Cauchetier assisté de Coralie Sanvoisin
Lumière / Jean-Pascal Pracht
Musique / Mico Nissim
Vidéo / Claude Plet, Nicolas Humbert
Collaboration artistique / François Regnault, Stéphane Mercoyrol
Assistante à la mise en scène / Lisa Sans
Avec:
Marie Favre, Silvia
Audrey Bonnet, Flaminia
Jérémie Lippmann, Arlequin
Jean-Jacques Levessier, Trivelin
Alexandre Pavloff - sociétaire de la Comédie Française Le Prince
Lisa Sans, Lisette
Et Charline Grand, Julie Moreau, Frédéric Sonntag, Arnaud Stephan Les philosophes
Production, Théâtre National de Chaillot / Théâtre National de Bretagne à Rennes /
La Compagnie Atelier 2 Christian Colin.
Tournée :
Comédie de Reims du 7 au 10 février 2007, Comédie de Genève du 13 au 18 mars
2007,
Théâtre National de Bretagne à Rennes du 21 au 30 mars 2007, Théâtre du Nord à Lille
du 5 au 14 avril 2007, Théâtre National de Bordeaux en Aquitaine du 25 au 27 avril
2007, Théâtre du
Gymnase à Marseille du 22 au 26 mai 2007.
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DOSSIER
ARTISTIQUE
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L’inconstance et l’aveu
Ou bien les amants ne savent pas encore qu’ils s’aiment, et l’aveu les inquiète, ou bien
ils le savent, et l’inconstance les menace.
Cette différence caractérise assez un grand nombre de pièces de Marivaux.
Et puis il y a aussi les pièces « à îles », celles qui proposent une expérimentation sur la
servitude (L’Île des esclaves), la raison (L’Île de la raison), la différence des sexes (La
Nouvelle Colonie), ou justement sur la naissance de l’inconstance (La Dispute).
La Double Inconstance nous présente assurément un couple qui s’aime, mais un Prince
a jeté son dévolu sur la jeune Silvia, et une femme se sent naître de l’inclination pour le
jeune Arlequin.
À la lecture du titre, le spectateur imagine aussitôt que l’homme et la femme vont cesser
de s’aimer, mais, comme cela leur arrivera à tous deux, ils en seront quittes pour aimer
en d’autres lieux.
L’aveu est d’une importance capitale chez Marivaux, et ce n’est pas parce que Silvia et
Arlequin s’aiment déjà au début de la pièce, qu’ils ne devront pas rencontrer aussi
l’épreuve de l’aveu : entre le Prince et Silvia, entre Arlequin et Flaminia.
L’aveu consiste en cette logique mystérieuse et courante qui veut que vous ne déclariez
votre amour que lorsque vous êtes à peu près assuré que l’autre vous aime, sinon, c’est
peine perdue !
L’inconstance, elle, consiste en cette logique courante et mystérieuse qui, fondée sur
l’axiome que l’amour ne dure pas, induit le spectateur à en observer les tout premiers
signes : la distraction, puis l’indifférence, puis le ressentiment, la haine et la trahison.
« Voilà de part et d’autre les premiers pas vers l’inconstance qui fait le sujet de la
pièce », dit fort bien un compte rendu de la première représentation le 6 avril 1723.
Marivaux a alors trente-cinq ans, c’est sa sixième pièce, écrite, comme la plupart d’entre
elles, pour la Comédie-Italienne, qu’il aime tant. Et d’ajouter : « La métaphysique du
cœur y règne un peu trop », critique fréquente contre lui en ce siècle pourtant si doué
pour parler d’amour. Peut-être est-ce pour cela que le metteur en scène, Christian Colin,
a souhaité qu’on entrevoie ces ténèbres cachées derrière les lumières de la couverte
amoureuse, comme ces héros de la Nouvelle Vague, jeunes, oisifs, raisonneurs, à la
fois charmants et méfiants, qui discutaient tant d’amour avant 1968, à perte de vue. Il a
voulu que quatre jeunes philosophes, deux filles et deux garçons, derrière le lieu de
l’action et autour, servent de contrepoint aux personnages comme ces lignes musicales
de l’alto qui « doublent » les parties de violon. Ils échangeront des propos tirés de
quelques scénarios d’Éric Rohmer, qui se trouve si à l’aise dans ce siècle libre et parfois
pervers.
François Regnault
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Mettre en scène Marivaux aujourd'hui …
C'est tenter de laisser apparaître le Marivaux des profondeurs.
Sortir de l'image d'Epinal : dramaturge spirituel, peintre d'une mondanité éprise de mots
d'esprit.
S'échapper de la vision boursouflée à la Sainte-Beuve qui ne voyait dans ce théâtre que
« badinage à froid, espièglerie compassée et prolongée, tillement redoublé et
prétentieux, enfin une sorte de pédantisme sémillant et joli ». En effet en observant de
plus près, il y a chez Marivaux de l'ordre de l'observation chirurgicale, de l'autopsie de
l'amour, du langage amoureux, du langage social. Et s'il construit un théâtre, c'est en
recourant aux pires moyens. Il dresse une machine infernale, on entre et on sort,
comme si on cherchait le cadavre, comme si on souhaitait le faire manger. Un Marivaux
âpre, violent, cruel. Ironique. Avec froideur et légèreté il bâtit un théâtre où se dresse la
plus terrible ambiguïté, nous conduisant à nous demander : pourquoi nous convie-t-il à
ce spectacle ?
La Double Inconstance est l'une des pièces de Marivaux où l'étrangeté, la force de cette
énigme apparaît dans son caractère le plus frappant.
Et pénétrant dans cette histoire « élégante et gracieuse d'un crime » selon la formule
d’Anouilh, à chacun d'entendre Arlequin dans ses premières questions : « Que diantre !
qu'est-ce que cette maison-là et moi avons affaire ensemble ? Qu'est-ce que c'est que
vous ? Que me voulez-vous ? Où allons-nous ? »
La première étrangeté à laquelle nous nous retrouvons confrontés est le caractère,
extrêmement paradoxal, ambigu du rapport à la loi dans lequel s'inscrivent l'action et les
personnages. En effet dans ce « palais à volonté », où la cour comme le village
obéissent à un seul maître, le Prince, celui-ci obéit lui-même à des lois, dont la première
(il ne doit pas user de violence à l'égard de Silvia ni d'Arlequin) est tout de suite déniée
(Silvia est enlevée au début de la pièce).
Ainsi au-delà du caractère juridique, organique et même moral de la loi, cette double
contrainte donne une règle constitutive au jeu et à l'action dramatique. Sans prohibition
de la violence qui impose délais et négociations, et sans la violation de cette loi il n'y a
pas d'enjeu. Cependant aux lois qui s'imposent au Prince répondent les lois qui
s'appliquent aux villageois. Ainsi en ce qui concerne la question de la fidélité, si Silvia
peut énoncer au début : « il faut qu'une honnête femme aime son mari », cet
engagement est relativisé peu de temps après : « il n'y a qu'à rester comme nous
sommes, il n'y aura pas besoin de serment », avant que ce désir de fidélité ne devienne
plus qu'un argument de séduction : « Pardessus ce marché cette fidélité n'est-elle pas
mon charme ? » Et finalement Silvia pourra affirmer sans plus de difficultés : « Lorsque
je l'ai aimé, c'était un amour qui m'était venu, à cette heure que je ne l'aime plus, c'est
un amour qui s'en est allé, il est venu sans mon avis, il s'en retourne de même, je ne
crois pas être blâmable. » Il s'agit donc bel et bien d'un étrange royaume dans lequel on
prend la peine d'énoncer des lois, dans lequel on s'efforce de les respecter mais en
méconnaissant ou en déniant leur rigueur. Tous ces arrangements avec la loi sont des
traits qui dessinent une figure du monde réel. Le coeur du théâtre de Marivaux est bien
ici : chercher à dire le monde vrai. Et si la question de l'amour est si centrale, c'est
qu'elle est un paradigme de cet endroit de l'équivoque, de l'ambiguïté où le rêve
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