tête, aux sabres agiles et à la peau burinée ont fait partie de mon existence pendant six
mois et trois jours. Ils hantent encore mes rêves et je les revois brandir leurs sabres au-
dessus de ma tête d’un air menaçant. Combien de fois ai-je cru ma dernière heure
arrivée ? Combien de fois ai-je espéré une libération qu’on me disait proche ? Je n’avais
pas d’argent de côté ou très peu et mes parents non plus. Alors je me demandais bien
pendant ces journées de captivité qui paierait pour moi ?
Mais commençons par le début. Je venais de me faire licencier pour raisons économiques
lorsque je me décidais donc à partir en Asie. Hong-kong serait mon premier point de
chute, le temps que je connaisse un peu le chinois. J’avais peu d’argent devant moi mais
assez pour me payer le voyage et vivre un mois là-bas. Je ne partais pas les mains vides
puisque j’avais déjà trouvé un poste depuis Londres. J’allais travailler dans un des grands
hotels de la ville comme concierge. Mon expérience professionnelle était un peu
différente de cette nouvelle fonction mais je parlais quatre langues, j’en comprenais et
lisais deux de plus et j’étais très débrouillarde. J’avais une large connaissance technique
qui me permettrait de m’en sortir au cas où quoi que ce soit tombe en panne. Et surtout
j’aimais le contact humain et rendre service. Je me sentais donc tout à fait apte à remplir
mes nouvelles fonctions.
Je quittais Londres un jour pluvieux et froid de mars pour m’envoler vers Hong-kong.
J’étais heureuse de ce changement et excitée à l’idée de ce monde si différent dans lequel
j’allais désormais vivre. Je savais par mon frère que tout ne serait pas rose. Les Hong-
kongais ne sont pas faciles à vivre et très exigeants. Mais je n’éprouvais aucune angoisse,
quoi qu’il arrive, je me sentais prête à le surmonter. Je n’ai jamais eu en moi cette
barrière psychologique qui empêche d’avancer par peur de ne pas y arriver. Je me suis
toujours dit qu’avec de la persévérance tout ou presque était à ma portée. Et rien jusque là
ne m’avait fait dévier de cette idée.
Lorsque je débarquais à l’aéroport international Chek lap Kok, le temps était très humide
mais chaud. La pluie ne m’a jamais vraiment dérangée. Je préfère qu’il pleuve et fasse
chaud plutôt qu’un ciel bleu mais un air froid. J’étais donc enchantée de trouver la
chaleur à mon arrivée après cinq mois de froid à Londres. Je n’eus qu’un petit aperçu du
temps quand je sortis de l’avion pour m ‘engouffrer dans les longs couloirs menant à la
douane, puis à l’Airport Express qui allait me menait à Hong-kong en un peu plus de
vingt minutes. Tout était reluisant et neuf dans ce nouvel aéroport n’ayant pas encore
deux ans d’activité. L’ancien aéroport plus petit et plus près de la ville avait été
abandonné et on allait y construire des habitations, avais-je lu dans un guide touristique.
Mon frère devait me réceptionner à l’arrivée de l’express et m’accompagner de l’autre
côté de Kowloon, dans la zone économique spéciale de Shenzhen. Malgré qu’il habitât en
permance à Canton, il avait acheté un appartement à Shenzhen, ce qui m’arrangeait plutôt
car je n’avais pas encore trouvé de logement. Shenzhen se trouvant à une demi-heure
environ en train de Hong-kong, je pouvais donc habiter là les premiers temps.
La ville était loin d’être belle : une grande mégalopole où se côtoyaient immeubles
d’habitations et de bureaux et industries variées. C’était un centre international de