Les Théories de l'Evolution
L'idée d'évolution biologique est largement admise par les scientifiques : les espèces animales et
végétales actuelles sont issues d'autres espèces.
Au sein du monde vivant coexistent des groupes d'animaux, de végétaux très diversifiés mais aussi des
groupes très ressemblants. Par ailleurs, tous possèdent un même code génétique et une même unité de
structure et de fonctionnement : la cellule .
Comment expliquer cette diversité, ces ressemblances et cette unité ?
I - Les théories ignorant la génétique et la géochronologie
Elles ignorent Mendel ( et la génétique ) et la géochronologie ( stratigraphie,radiochronologie ).
A - Le créationnisme
1) Carl von LINNE ( 1707-1778 ) et la création unique
Il travaille sur le vivant et ignore les fossiles; c'est un classificateur ( père de la systématique ) et l'inventeur
de la nomenclature binominale.
Selon LINNE, les espèces sont le fruit d'une création unique par l'Etre suprème et ces espèces sont
définitivement fixées dès l'origine ( fixité des espèces).
2) Georges CUVIER ( 1769-1832 ) et les créations successives
Il étudie les Vertébrés fossiles, note que des espèces se sont éteintes et l'existence de faunes disparues
successives.
Il envisage ainsi des extinctions suivies de nouvelles créations et attribue les extinctions à des
cataclysmes à répétition ( " cataclysmisme", "catastrophisme" ); chaque création est d'essence divine et
les espèces sont ainsi définitivement fixées dès l'origine ( " fixisme " ).
Poussé à l'extrème, ce raisonnement conduit d'ORBIGNY à envisager la répétition de créations
successives.
Jusqu'au XIXème siècle, le créationnisme est la conception dominante; ses fondements sont
religieux
( création divine ). L'âge de la Terre est fixé à 6000 ans sur des bases bibliques.
Cette théorie est encore défendue par des fondamentalistes actifs aux USA .
Georges-Louis Leclerc, comte de BUFFON ( 1707- 1788 ) refuse ces théories catastrophiques et
privilégie les
" causes lentes " :
* en géologie : il estime à 75000 ans l’âge de la Terre mais ses écrits mentionnent 3 millions
d’années ;
* en biologie : il rassemble des espèces voisines en familles issues par diversification d’une
espèce unique.
B - L'évolutionnisme
Ce courant de pensée scientifique recherche des explications ( pourquoi et comment se déroule
l'évolution biologique ? ) qu'il soumet dans le meilleur des cas à l'épreuve des observations, de
l'expérimentation et de la critique.
1) Jean-Baptiste de LAMARCK ( 1744-1829 ) et le transformisme ( " lamarckisme " )
Principaux écrits
* Philosophie zoologique ( 1809 )
* Histoire naturelle des animaux sans vertèbres ( 1815 )
Observations de base
* existence de variations individuelles au sein de l'espèce;
* séries phylétiques de Mollusques fossiles montrant des modifications graduelles.
Principes de la théorie de Lamarck
* les êtres vivants sont adaptés à leur milieu;
* face à des variations durables de leur milieu de vie, les êtres vivants se transforment
( principe de transformation ) mais selon Lamarck, les espèces ne disparaissent jamais ( il n’y a ni
extinction ni bifurcation ) : elles se transforment en d’autres espèces;
* la transformation est réalisée par modification du corps;
( c'est le principe d'usage et de non-usage - les organes utiles se développent , les organes inutiles
s'atrophient - principe exprimé par " la fonction crée l'organe " );
* les transformations sont graduelles et difficilement perceptibles;
* les transformations acquises par l'individu sont transmises à la descendance
( principe de l'hérédité des caractères acquis ) et s’additionnent au fil du temps;
* l'évolution va dans le sens d'une complexification des êtres vivants.
Exemples célèbres
* l'atrophie des yeux de la Taupe vivant dans l'obscurité;
* l'allongement du cou de la Girafe forcée de brouter les feuilles à la cime des arbres lors des
périodes de sécheresse. La girafe voulant allonger son cou pour atteindre la cime des arbres a
provoqué le développement de celui-ci par l'usage et a transmis ce caractère à sa descendance.
En résumé - Il y a auto-adaptation active des organismes grâce à une " volonté interne " ou " force
interne " et en réponse aux variations durables du milieu; le milieu et ses variations ont un rôle essentiel
car ils induisent les transformations des individus ( " à nouveau milieu , nouveaux besoins " ). Les acquis
de l'individu sont transmis à la descendance.
NB : la " volonté interne " impliquée par Lamarck ne recouvre ici en rien un effort conscient de l’individu.
Objections et critiques
* les variations des individus au sein de l'espèce ne sont pas forcément adaptatives;
* l'hérédité des caractères acquis n'a jamais été démontrée; il en est de même pour...
* les mécanismes de la transformation sous l'influence déterminante du milieu;
* l'argumentation de Lamarck, purement intellectuelle, ne repose sur aucune base expérimentale.
Un héritage du lamarckisme : le " finalisme "
On dit " l'animal a évolué pour......." alors que l'on doit dire et penser
" chez cet animal, L'EVOLUTION A EU POUR EFFET DE...... "
Chez Etienne Geoffroy SAINT-HILAIRE ( 1772-1844 ), l’idée de transformation des espèces s’appuie sur
de solides observations d’anatomie :
* les organes conservent toujours entre eux les mêmes relations ( loi des corrélations
anatomiques ), aucun organe nouveau ne se crée ( loi de permanence ) et un organe ne peut se
développer qu’au détriment d’un autre ( loi du balancement ) ;
* l’unité des plans d’organisation des animaux suggère que des espèces peuvent provenir d’une
espèce primitive par développement d’un organe au dépens d’un autre ;
* les monstres humains et animaux résultent de la transformation imparfaite et accidentelle de
l’individu.
2) Charles DARWIN ( 1809 -1882 ) et le darwinisme
Principaux écrits
* L'origine des espèces ( 1859 )
* De la descendance de l'Homme ( 1871 )
Bases du darwinisme
* des observations rigoureuses ( voyage autour du Monde sur le Beagle, pinsons des Galapagos,
faune et flore de Patagonie );
* les travaux des cultivateurs et des éleveurs : par sélection artificielle ( tri orienté ), les variétés
domestiques ont été obtenues à partir des espèces sauvages ( bétail, chien, poule, pigeon ).
Principes de la théorie de Darwin
Certains sont des emprunts à Lamarck et à Malthus mais Darwin y ajoute les siens constituant ainsi un
ensemble véritablement cohérent .
* Les individus d'une même espèce manifestent une variabilité ( cf. Lamarck ) et cette variabilité
est héréditaire ( transmise des géniteurs à la descendance );
* la variabilité au sein de l'espèce est le matériau du changement évolutif;
* les ressources du milieu de vie limitent l'excédent des populations ( cf. Malthus );
canismes évolutifs proposés par Darwin
* les ressources du milieu ( aliments, gîtes ) étant limitées, il y a compétition entre individus d'une
espèce et, de même, entre espèces;
* la compétition conduit à la sélection naturelle des individus les plus aptes à vivre dans un milieu
donné aux ressources limitées et ainsi l’adaptation des espèces à leur milieu de vie est expliquée par la
sélection naturelle;
* les individus sélectionnés se reproduisent , assurent la continuité de l'espèce et transmettent à
leur descendance leurs caractères favorables ( cf. hérédité des caractères acquis chère à Lamarck );
* il en résulte une évolution par transformation lente et graduelle de l'espèce
( cf. transformisme déjà énoncé par Lamarck );
* les espèces qui se ressemblent dérivent probablement d'un ancètre commun.
* A la sélection naturelle, Darwin ajoute une sélection sexuelle responsable de la transmission à la
descendance d'attributs plus ou moins spectaculaires, plus ou moins attractifs pour le partenaire, plus ou
moins efficaces dans les rivalités ( plumage des oiseaux, queue du paon, ergots du coq, bois des
Cervidés).
Exemple célèbre : l'allongement du cou de la Girafe selon Darwin
Au sein d'une population de girafes, le cou présente des variations de longueur. Quand les feuillages se
font rares ou clairsemés ( période de sécheresse ), les individus aux cous les plus longs peuvent atteindre
les feuilles inaccessibles aux autres et ont donc plus de chance de survivre et de transmettre leur
caractère.
En résumé - Pour Darwin, l'élément déterminant de l'évolution est la compétition ( " struggle for life " )
entre individus d'une espèce douée de variabilité; le milieu de vie à un rôle de sélection ( survie des plus
aptes ) .
Objections et critiques sur 2 points fondamentaux :
* Darwin ne fournit aucune explication à la variation et à la variabilité ( aptitude à varier ) des
espèces.
* Comme Lamarck, il ne donne pas d’explication satisfaisante de l’hérédité et ne démontre pas
l'hérédité des caractères acquis .
Cependant, le darwinisme apparaît comme la première théorie scientifique de l'Evolution car basée sur
des observations rigoureuses, une expérimentation personnelle, l'analyse critique des travaux des
éleveurs ( qui pratiquent une " sélection artificielle " orientée ).
3) Auguste WEISSMANN ( 1834 -1914 ) et le " darwinisme épuré "
Cette version du darwinisme voit le jour en 1883 quand Weissmann reprend des idées de Darwin (
sélection naturelle, compétition ) tout en rejetant le dogme de l'hérédité des caractères acquis.
Il montre que les cellules de la lignée germinale (germen) s'isolent très précocement des cellules de la
lignée somatique (soma ); le soma étant seul susceptible d'acquérir des caractères, ceux-ci ne peuvent
pas être transmis aux descendants via les cellules germinales.
Il est également célèbre pour ses expériences sur des générations de souris amputées de la queue : ce
caractère " acquis "
( perte de la queue ) n'est jamais transmis à la descendance.
Cette version du darwinisme ne retient donc comme mécanisme de l'évolution que la sélection naturelle .
Important - Même si Weissmann ne parle pas encore de lignée germinale, on lui doit la théorie du "
plasme germinatif " et la distinction soma / germen . Le plasme germinatif immortel est transmis de
génération en génération et il assure la transmission des caractères au fil des générations.....La notion de
lignée germinale est sous-jacente et Weismann apparaît ainsi comme le précurseur direct de la théorie
chromosomique de l'hérédité ( Morgan ).
4) Hugo de VRIES ( 1848 -1935 ) et le mutationnisme
Bases : Les mutations sont percues dès le XVIIIème siecle par Maupertuis puis Lamarck et Darwin mais
de Vries, le premier, les nomme et les définit comme de brusques transformations spontanées et
héréditaires i.e. transmises à la descendance .
Principes de la théorie de de Vries
Selon la théorie mutationniste de l'évolution, les nouvelles espèces apparaissent brusquement
sans formes intermédiaires par macro-mutations ( c’est à dire par de grosses variations héréditaires entre
parents et descendants ) et sont immédiatement stables. La sélection naturelle ne retiendra que ce qui est
adapté au milieu.
Ceci va à l'encontre du transformisme graduel et lent cher à Lamarck et Darwin
Exemple célèbre : l'allongement du cou de la Girafe selon de Vries
Dans des populations de girafes à petit cou sont apparus spontanément et indépendamment du
milieu des individus à long cou. Ces individus, bien adaptés [ ils peuvent atteindre les feuilles inaccessibles
aux autres en période de sécheresse ] furent à l'origine d'une nouvelle espèce de girafe à long cou.
II - Les théories intégrant la génétique et la durée des temps géologiques
Les lois de Mendel (re)découvertes en 1900 chez les animaux et les végétaux donnent son essor à la
génétique
( science de l'hérédité ).
A - La génétique généalogique selon MORGAN ( 1900 )
Un élément nouveau : Les gènes localisés dans le noyau sur les chromosomes sont les supports de
l'hérédité . Des relations sont connues entre gènes et caractères et des cartes de distribution des gènes
sur les chromosomes sont établies.
Des bases expérimentales : Transmission héréditaire étudiée sur des élevages de Drosophile avec une
attention particulière pour les mutations.
Mécanismes du changement évolutif :
* La mutation et uniquement la mutation
La sélection naturelle chère à Darwin n'est pas prise en compte ; il n'y a pas ici d'orientation de l'évolution
sous l'influence du milieu .
* Niveau d'application : la mutation est considérée à l'échelle du couple de géniteurs et de sa
descendance; à l'extrème, il suffit d'un couple avec individu(s) muté(s) pour qu'apparaisse une nouvelle
espèce.
En résumé - " c'est du mutationnisme ( H. de Vries ) sans la sélection naturelle et avec un support et une
explication à l'hérédité ".
La critique :
Elle vient des zoologistes et surtout des paléontologistes. Les mutations sont des phénomènes
aléatoires et brusques or la paléontologie et la zoologie révèlent des lignées . Ces lignées montrent des
transformations progressives [ ce qui va à l'encontre de la brutalité des mutations ] et des directions de
transformation maintenues sur de longues périodes dans de longues lignées [ ce qui va à l'encontre du
caractère aléatoire des mutations ].
La conciliation avec la sélection naturelle est difficile : la génétique généalogique est centrée sur la
transmission des caractères existants et donc leur maintien ; les individus issus de mutations sont
d’emblée adaptés à leur milieu et non soumis à la sélection.
B - La génétique évolutive des populations ( # 1920 ): les généticiens
néo-darwiniens
Fischer et Haldane ( Grande Bretagne ), Wright ( U.S.A. ), L'Héritier et Teissier ( France )
* Ils situent le problème à l'échelle des populations .
Au départ est déterminée la fréquence de tel allèle au sein d'une population ; les variations de cette
fréquence sont suivies au fil des générations successives.
Tout changement évolutif réside dans les variations de fréquence allélique et celles-ci sont influencées
par l'environnement , le milieu de vie par le biais de la sélection naturelle ( cf. Darwin ).
En résumé : les processus évolutifs sont ramenés à des changements de fréquence allélique.
* Les critiques viennent des naturalistes, systématiciens et paléontologistes : où se situe le lien
entre les changements de fréquence allélique au sein des populations et les faits évolutifs
( évolution des espèces, apparition de nouvelles espèces, apparition de nouveaux taxons ) ?
C - La théorie synthétique ( # 1940 ) ou néo-darwinisme
Julian Huxley, Ernst Mayr, Théodosius Dobzansky, George Gaylord Simpson
En 1942, J. Huxley crée le terme de synthèse évolutive pour cette théorie qui unit les connaissances de
toute la biologie [ biochimie, biochimie de l'hérédité, génétique généalogique et génétique des populations,
cytologie, physiologie du développement, biologies animale et végétale, écologie, éthologie,
biogéographie, paléontologie, systématique ], de la géologie [ en particulier la radiochronologie et la
tectonique globale] et l'analyse mathématique.
Présentée ainsi, la théorie synthétique de l'évolution n'est pas un dogme mais un instrument de travail
susceptible d'évoluer en intégrant sans cesse les derniers progrès et découvertes.
Principes de la Théorie synthétique
1) principe prenant en compte le temps à l'échelle géologique :
* la structure de l'espèce est restée identique du passé à l'actuel ( cf. définition de E. Mayr );
* les mécanismes actuels de l'évolution sont les mêmes que ceux ayant agi dans le passé.
[ " c'est l'actualisme appliqué à l'évolution " ]
2) l'unité évolutive : la population
* l'espèce, constituée de populations, manifeste une variabilité héréditaire;
* l'unité évolutive n'est pas l'individu ni le couple de géniteurs et sa descendance mais la population
[ la génétique généalogique mendélienne s'efface derrière la génétique des populations ].
3) le changement évolutif :
La théorie synthétique reconnait l'existence de 2 modalités évolutives: anagènèse et cladogènèse.
L'anagènèse correspond à l'évolution temporelle d'une lignée unique ( transformation discrète, graduelle
et irréversible : la transformation évolutive ne peut pas être ici une transformation radicale majeure - i.e.
totale, immédiate et de grande amplitude - car elle romprait l'adaptation de l'individu à son milieu ). Dans
ce cas , une lignée descendante remplace une lignée ancestrale dans la continuité.
La cladogènèse correspond à la scission d'une lignée ancestrale en 2 lignées descendantes.
Le gradualisme phylétique postule une évolution lente, progressive par sommations de petits
changements
( micro-évolution ).
4) mécanisme du changement évolutif :
Les transformations évolutives sont dues à des changements génétiques élémentaires aléatoires et
brusques
( mutations ponctuelles, géniques et chromosomiques ====> ou mutation au sens large ).
5) orientation du changement évolutif : la sélection naturelle
A toute mutation s.l. ( et à la transformation correspondante ) peut être attribuée une valeur adaptative et
sélective
* valeur positive si elle procure un avantage par rapport aux individus non mutants;
* valeur négative dans le cas inverse.
Ces transformations sont triées par le milieu via la sélection naturelle: un allèle est retenu ou éliminé en
fonction de sa valeur adaptative.
La sélection naturelle ne doit pas être abordée sous l'angle négatif de l'élimination de l'individu le plus
faible mais sous l'angle positif d'une population qui s'adapte au milieu de vie grâce à la transmission aux
descendants des allèles avantageux pour l'espèce dans ce milieu.
La théorie synthétique concilie la sélection naturelle et la génétique mendélienne.
6) l'effet amplificateur du temps.
Si une ( ou des ) mutation(s) favorable(s) se produi(sen)t en grand nombre dans une population et si
elles se répète(nt) sur plusieurs générations, alors les mutants favorisés envahissent la population qui
évolue naturellement vers une autre espèce. Les processus évolutifs sont ramenés à des changements de
fréquence allélique au sein des populations.
Avec le temps, au fil des générations, et par addition / répétition de changements minimes (
micro-évolution ) se produisent des transformations majeures ( macro-évolution ) .
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