INTRODUCTION
A propos de la poésie, l’on pourrait formuler le syllogisme suivant : le texte est un
poème ; or, le poème est un chant ; donc, le texte est un chant. D’emblée, les deux
prémisses paraissent évidentes ; toutefois, la conclusion l’est moins, car, de nos jours, il
semblerait qu’en poésie l’oralité se soit peu à peu effacée au profit de la textualité. Un
déséquilibre entre les prémisses et la conclusion s’est progressivement installé. La poésie
actuelle serait alors en quête de cette stabilité perdue : le poème se veut l’espace où le texte
devient un chant.
Dans son œuvre, Herberto Helder ne cesse d’exploiter ce déséquilibre, en y
inscrivant comme une troisième postulat : le poème est un corps. Le corps devient ainsi le
maillon manquant du raisonnement logique énoncé ci-dessus ; il s’exhibe en tant que texte
à travers le geste de l’écriture – rythme et souffle – et il se dévoile en tant que chant à
travers l’émanation de la voix – rime et souffle. Le corps est donc souffle : rythme et rime.
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Notre recherche s’intéresse ainsi à ces trois entités – texte, voix et corps – dans le
poème « Do Mundo », le dernier du recueil Ou o Poema Contínuo, de 2004. Nous
souhaitons démontrer comment, dans l’univers heldérien, ces trois termes se confondent
pour donner forme à l’œuvre, et comment le poème peut être envisagé comme un être doté
de chair : il est l’incarnation de la poésie.
Tout au long de notre étude, nous établirons une relation entre « Do Mundo » et
l’ensemble de l’œuvre heldérienne. Nous nous permettrons parfois d’utiliser un même
extrait du corpus pour parvenir à différentes conclusions, et, parfois, d’utiliser différents
extraits pour aboutir à une même conclusion. Par ailleurs, nous appellerons chaque partie
d’un poème un « fragment », car la structure des textes heldériens n’est pas homogène :
elle se présente tantôt sous forme de paragraphe, tantôt sous forme de strophe. De même,