Mathieu OLIVIER
« L’IDEE D’EURAFRIQUE
DANS LE DEBAT EUROPEEN
DES ANNEES 1920 AUX
ANNEES 1950 »
Table des matières
INTRODUCTION 3
L’ENTRE-DEUX GUERRES : ENTRE IDEALISME ET REALISME 4
L’APRES PREMIERE GUERRE MONDIALE : ECONOMIE ET PACIFISME 4
LES PRINCIPES 4
LE COUPLE CAILLAUX-SARRAULT 5
L’EURAFRIQUE AU CENTRE DES RELATIONS FRANCO-ALLEMANDES (1933-1938) 7
REVENDICATIONS ALLEMANDES 7
LES DIVISIONS ET LA FIN DE L’EURAFRIQUE DE LENTRE-DEUX GUERRES 8
L’IDEE D’EURAFRIQUE APRES LA SECONDE GUERRE MONDIALE 10
UN DOUBLE OBJECTIF DE CONSERVATISME ET DANTI-COMMUNISME 10
LE CONSTRUCTION EUROPEENNE ET LA COOPERATION AFRICAINE 11
LE MARCHE COMMUN ET L’AFRIQUE 12
CONCLUSION 14
BIBLIOGRAPHIE 15
L’idée d’Eurafrique des années 20 aux années 50 3
INTRODUCTION
« Le moment est venu de faire remarquer à l’Europe qu’elle a à côté d’elle l’Afrique. (…) Au
19ème siècle, le Blanc a fait du Noir un Homme ; au 20ème siècle l’Europe fera de l’Afrique
un monde. »
1
Les pensées des années 20 ont souvent des liens étroits avec les intellectuelles
de la fin du siècle précédent. La notion d’Eurafrique ne fait pas exception. Ainsi, Victor
Hugo, en 1879, prend fait et cause pour une action européenne en Afrique, alors que, plus de
soixante ans plus tôt, en 1814, Saint-Simon livrait une pensée relativement semblable.
« Peupler le globe de la race européenne qui est supérieure à toutes les autres races
d’Hommes, le rendre voyageable et habitable comme l’Europe, voilà l’entreprise par laquelle
le parlement européen devra continuellement exercer l’activité de l’Europe. »
2
Dès le 19ème siècle donc, le développement de l’Afrique, structurel et civilisationnel, est
intimement lié à l’action commune des nations européennes. Et malgré la résurgence des
rivalités impérialistes de la fin du 19ème et du début du 20ème, qui vont avoir raison des visées
internationalistes européennes, pour un temps tout du moins, l’idée survit jusqu’aux années
20. De Coudenhove-Kalergi aux multiples théoriciens de l’idée, l’Eurafrique n’a cessé
d’agiter les milieux intellectuels, économiques, politiques, dans les années 20 empreintes
d’idéalisme et de pacifisme, puis les années 30 opolitiques et réalistes, épousant la montée
en puissance des régimes autoritaires, qui ne signent pas, au contraire, son acte de décès. En
effet, après une brève parenthèse durant la Seconde guerre mondiale, l’Eurafrique finit par
s’adapter au nouveau monde bipolaire, aux nouveaux enjeux pour les puissances coloniales
déclinantes ainsi qu’à la construction d’une nouvelle entité : l’Europe politique et
économique, via les négociations du Traité de Rome où s’arrêtera cette étude à la fois
chronologique et thématique.
Ainsi, si l’Eurafrique a existé en ces trois grandes époques, c’est qu’elle a su s’adapter, en tant
que concept, à leurs particularités en devenant tour à tour enjeu de paix et de puissance.
1
Discours de Victor Hugo lors du banquet commémoratif de l’abolition de l’esclavage le 18 mai 1879.
2
De la réorganisation de la société européenne, Henri Saint-Simon (Comte de), 1814
L’idée d’Eurafrique des années 20 aux années 50 4
L’ENTRE-DEUX GUERRES : IDEALISME ET REALISME
L’après première guerre mondiale : économie et pacifisme
Les principes
C’est surtout à la suite de la Première Guerre mondiale que va ressurgir l’idée d’Eurafrique.
On reprend alors en partie l’idée internationaliste pacifiste des années 1880 et de certains
intellectuels des années 1900-1910, comme Charles Andler par exemple.
3
A la même époque,
« La Dépêche coloniale », organe du parti colonial d’Eugène Etienne, milite ainsi pour une
« politique d’apaisement et de conciliation avec l’Allemagne ». De ce fait, l’Eurafrique des
années 20 prend notamment la forme d’accords commerciaux entre Européens sur le territoire
africain comme au Kameroun ou en Afrique Equatoriale Française avec la création de sociétés
germano-françaises.
4
Le conflit mondial pousse les Européens à voir en l’Afrique une possibilité de développement
économique mais surtout une opportunité d’en finir avec les rivalités en plaçant ce
développement sous la coupe d’une entité supranationale. Le député de Charleroi, Jules
Destrée, en 1917, avance par exemple l’idée d’une fédération des Etats européens intéressés à
l’Afrique dirigée par un Comité fédéral européen. Ce projet comporte deux volets, « la mise
en valeur par de grands travaux des richesses agricoles et minérales des immensités
africaines » et « la protection et l’éducation des Noirs », pour un objectif plus global : « en
finir avec la guerre ».
5
Alors que, la même année, le Labour britannique choisit également l’angle de la
supranationalité en proposant le transfert des colonies de l’Afrique tropicale à la League of
Nations, l’Afrique entre de plein pied dans les réflexions ayant trait à la recherche de la « paix
juste »
6
en Europe. En effet, selon certains intellectuels et politiques, les dispositions du Traité
de Versailles, et notamment son article 119
7
, représentent un risque majeur. Car pour le
député français Pierre Renaudel, déposséder l’Allemagne de ses colonies revient à la priver de
débouchés pour sa production et d’un exutoire pour sa population : « on la mettait dans
l’obligation de s’assurer une autre colonie, la Russie. »
8
En sumé, comme l’écrit Charles
Gide
9
, seule une « union douanière africaine » supranationale serait à me de garantir une
paix plus sure à l’Europe.
L’influence des prises de positions évoquées est notable chez le plus célèbre des animateurs
de l’idée d’unité européenne, le comte Richard de Coudenhove-Kalergi. Ainsi, en 1923, il
3
Celui-ci prône, en pleine première guerre mondiale « une large autonomie accordée à toutes les colonies
européennes de l’Afrique Centrale » afin « de ménager l’amour propre de toutes les métropoles. » Il rejoint ainsi
les thèses du pacifiste anglais, l’écrivain et journaliste Edmund Dene Morel.
4
On notera le cas des concessions de la Ngoko-Sangha, la Compagnie forestière de la Sangha-Oubangui et la
Compagnie de l’Ouha-Nana qui passèrent en partie sous contrôle allemand après la cession de certains
territoires coloniaux par la France. (Sur le passé de l’Afrique Noire, Georges Mazenot, L’Harmattan, 2005)
5
Pour en finir avec la guerre, Les Cahiers de l'Eglantine n°8, p. 53, 1917
6
Selon l’expression de la Confédération Générale des Travailleurs (CGT) française en 1919.
7
Selon l’article 119, « L'Allemagne renonce, en faveur des principales puissances alliées et associées, à tous ses
droits et titres sur ses possessions d'outre-mer. »
8
Discours à la Chambre, 26 septembre 1919.
9
Dans la Revue d’économie politique, dont il est l’un des fondateurs.
L’idée d’Eurafrique des années 20 aux années 50 5
décrit sa vision de la Paneuropa comme une fédération européenne qui comprendrait toutes
les colonies européennes en son sein, « entre la ligne droite de Petsano à Katanga à l’Est et de
l’Atlantique à l’Ouest ».
10
Il n’exclut de ce concept que la Grande-Bretagne, jugé atlantiste
davantage que continentale. Coudenhove-Kalergi ne fait ici que reprendre des objectifs déjà
évoqués : la mise en valeur économique et culturelle de l’Afrique par l’union des capitaux et
des forces techniques européennes et l’apaisement européen par la redistribution des colonies
aux Etats qui n’en disposent pas.
11
Coudenhove-Kalergi utilise vraisemblablement le premier le terme d’ « Eurafrique »
12
et la
définit comme libérale et non nationaliste tournée vers la mise en valeur du territoire et
l’égalité absolue des droits individuels. L’Afrique devient sous sa plume un « fonds de
commerce pour les Européens l’on renoncerait à toute souveraineté nationale. » Une tâche
difficile de développement qui ne peut être accomplie que par une entité supranationale :
l’union des forces européennes. Ainsi, Coudenhove-Kalergi écrit en 1930 : « Cet empire de
l’avenir ne peut être exploité que par le travail commun européen. Les Européens (…)
devraient commencer en Afrique à prendre conscience d’eux-mêmes en tant que membre
d’une communauté. »
13
Ainsi l’Afrique est toujours considérée comme une réserve de matière première, ce qui rejoint
l’idée de Eugène Guernier, théoricien français du « fuseau continental », pour qui le continent
eurafricain constitue « une aire d’harmonie économique non pas issue de quelque plan
velléitaire des hommes, mais puisant sa réalité et sa force dans l’irréfragable réalité des
choses, œuvre du soleil souverain ».
14
L’Afrique pourrait donc construire l’union européenne, la « conscience » européenne comme
l’écrira en 1955 l’un des précurseurs italiens de l’entre-deux guerres, d’Agostino Orsini, qui
affirme qu« il n’y aura pas d’Europe sans Afrique ».
15
Dans l’entre-deux guerres
l’Eurafrique est donc partie prenante d’un développement économique et d’un idéal européen
basé sur l’apaisement des rivalités nationales.
Le couple Caillaux-Sarrault
Un couple de politiques français, Albert Sarrault et Joseph Caillaux, va porter cette double
idée économique et pacifiste par la construction d’un bloc eurafricain. Ainsi, Joseph Caillaux,
qui s’attache à l’intérêt économique, parle dès 1925 d’une union douanière franco-allemande
et propose en 1927 à l’Allemagne une « collaboration aux colonies et dans les affaires
d’Asie »
16
.
10
Paneuropa, Coudenhove-Kalergi, 1923.
11
A savoir l’Allemagne, la Pologne, la Tchécoslovaquie et les Etats balkaniques et scandinaves.
12
Les avis des auteurs divergent sur ce point entre les auteurs italiens et français notamment.
13
Paneurope ABC, Coudenhove-Kalergi, 1930.
14
L’Afrique, champ d’expansion de l’Europe, Eugène Guernier, Ed. Armand Collin, 1933.
15
D’Agostino Orsino est le précurseur italien de la notion d’Eurafrique, souvent cité aux côtés de Eugène
Guernier comme l’un des fondateurs du concept. Il prône en effet en 1934 une union eurafricaine centré sur la
Méditerranée et dont le centre serait Rome. (Eurafrica. L’Europa per l’Africa. L’Africa per l’Europa,
Geopolitica, P. D’Agostino Orsini, n° 2, p. 90-96, 1934)
16
Le secrétaire général du parti radical et proche de Caillaux, Jean Montigny, plaidait également pour une
collaboration coloniale entre les deux pays, tout comme Paul Claudel en 1925.
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