L’idée d’Eurafrique des années 20 aux années 50 4
L’ENTRE-DEUX GUERRES : IDEALISME ET REALISME
L’après première guerre mondiale : économie et pacifisme
Les principes
C’est surtout à la suite de la Première Guerre mondiale que va ressurgir l’idée d’Eurafrique.
On reprend alors en partie l’idée internationaliste pacifiste des années 1880 et de certains
intellectuels des années 1900-1910, comme Charles Andler par exemple.
A la même époque,
« La Dépêche coloniale », organe du parti colonial d’Eugène Etienne, milite ainsi pour une
« politique d’apaisement et de conciliation avec l’Allemagne ». De ce fait, l’Eurafrique des
années 20 prend notamment la forme d’accords commerciaux entre Européens sur le territoire
africain comme au Kameroun ou en Afrique Equatoriale Française avec la création de sociétés
germano-françaises.
Le conflit mondial pousse les Européens à voir en l’Afrique une possibilité de développement
économique mais surtout une opportunité d’en finir avec les rivalités en plaçant ce
développement sous la coupe d’une entité supranationale. Le député de Charleroi, Jules
Destrée, en 1917, avance par exemple l’idée d’une fédération des Etats européens intéressés à
l’Afrique dirigée par un Comité fédéral européen. Ce projet comporte deux volets, « la mise
en valeur par de grands travaux des richesses agricoles et minérales des immensités
africaines » et « la protection et l’éducation des Noirs », pour un objectif plus global : « en
finir avec la guerre ».
Alors que, la même année, le Labour britannique choisit également l’angle de la
supranationalité en proposant le transfert des colonies de l’Afrique tropicale à la League of
Nations, l’Afrique entre de plein pied dans les réflexions ayant trait à la recherche de la « paix
juste »
en Europe. En effet, selon certains intellectuels et politiques, les dispositions du Traité
de Versailles, et notamment son article 119
, représentent un risque majeur. Car pour le
député français Pierre Renaudel, déposséder l’Allemagne de ses colonies revient à la priver de
débouchés pour sa production et d’un exutoire pour sa population : « on la mettait dans
l’obligation de s’assurer une autre colonie, la Russie. »
En résumé, comme l’écrit Charles
Gide
, seule une « union douanière africaine » supranationale serait à même de garantir une
paix plus sure à l’Europe.
L’influence des prises de positions évoquées est notable chez le plus célèbre des animateurs
de l’idée d’unité européenne, le comte Richard de Coudenhove-Kalergi. Ainsi, en 1923, il
Celui-ci prône, en pleine première guerre mondiale « une large autonomie accordée à toutes les colonies
européennes de l’Afrique Centrale » afin « de ménager l’amour propre de toutes les métropoles. » Il rejoint ainsi
les thèses du pacifiste anglais, l’écrivain et journaliste Edmund Dene Morel.
On notera le cas des concessions de la Ngoko-Sangha, la Compagnie forestière de la Sangha-Oubangui et la
Compagnie de l’Ouhamé-Nana qui passèrent en partie sous contrôle allemand après la cession de certains
territoires coloniaux par la France. (Sur le passé de l’Afrique Noire, Georges Mazenot, L’Harmattan, 2005)
Pour en finir avec la guerre, Les Cahiers de l'Eglantine n°8, p. 53, 1917
Selon l’expression de la Confédération Générale des Travailleurs (CGT) française en 1919.
Selon l’article 119, « L'Allemagne renonce, en faveur des principales puissances alliées et associées, à tous ses
droits et titres sur ses possessions d'outre-mer. »
Discours à la Chambre, 26 septembre 1919.
Dans la Revue d’économie politique, dont il est l’un des fondateurs.