chaste, ne résistant pas au mal et souffrant tout, paisible, pardonnant et
bénissant. L’islam prend pour exemple Mahomet, s’enrichissant, ne
dédaignant pas les plaisirs des sens, faisant la guerre : de ces deux sources si
opposées, quels courants opposés doivent naître ! »
On retrouve des idées
semblables dans ce qu’il a noté sur son diaire à la date du 4 juillet 1905,
quelques jours après sa première rencontre avec le chef touareg Moussa agg
Amastane : « [Moussa] est très bien, très intelligent, très ouvert, très pieux
musulman, voulant le bien en musulman, libéral, mais, en même temps,
ambitieux et aimant argent, plaisir, honneur, (comme Mahomet, la plus
parfaite des créatures ; comme Mahomet, exemplaire de la perfection pour
lui, comme N. Seigneur JÉSUS l’est pour nous) […]. En résumé, Moussa est
un bon et pieux musulman, ayant les idées et la vie, les qualités et les vices
d’un musulman logique, et en même temps l’esprit aussi ouvert que
possible. »
Remarquons que ces lignes n’opposent pas tant deux religions que
deux modèles de vie. Dans les années où il se cherchait, où il frappait à
toutes les portes, l’islam en lui-même l’avait d’abord plutôt séduit et même,
devait-il dire à Henry de Castries, « à l’excès »
. Plus encore, la grandeur et
la simplicité de la religion du Prophète a peut-être contribué à le ramener à
la foi : « […] l’Islam a produit en moi un profond bouleversement, écrit-il
toujours à Henry de Castries… la vue de cette foi, de ces âmes vivant dans
la continuelle présence de Dieu, m’a fait entrevoir quelque chose de plus
vrai que les occupations mondaines : “ad majora nati sumus” […] »
; au
point que, même après son retour à la foi chrétienne en 1886, le nouveau
converti entremêlait parfois des passages du Coran à ses prières
. Et l’on
trouve déjà un nocturne et discret souvenir du Coran dans la relation du
voyage d’exploration qu’il fit au Maroc à l’âge de vingt-cinq ans. Le 13
novembre 1883, aux abords de l’oasis de Tanzida, sa première nuit dans le
désert lui avait inspiré ces lignes : « La lune, qui brille au milieu d’un ciel sans
nuages, jette une clarté douce ; l’air est tiède, pas un souffle ne l’agite. En ce
calme profond, au milieu de cette nature féerique, j’atteins mon premier gîte
du Sahara. On comprend, dans le recueillement de nuits semblables, cette
croyance des Arabes à une nuit mystérieuse, leïla el qedr, dans laquelle le ciel
s’entr’ouvre, les anges descendent sur la terre, les eaux de la mer deviennent
douces, et tout ce qu’il y a d’inanimé dans la nature s’incline pour adorer son
Ch. de Foucauld, Lettres à Henry de Castries, Paris, Grasset, 1938, p. 90-91.
Ch. De Foucauld, Carnets de Béni-Abbès, Paris, Nouvelle Cité, 1993, p. 178
(soulignements de Foucauld).
Ch. de Foucauld, Lettre à Henry de Castries du 15 juillet 1901, op. cit., p. 86.
Ch. de Foucauld, Lettre à Henry de Castries du 8 juillet, op. cit., p. 86.
Ch. de Foucauld, Lettre à Henry de Castries du 14 août, op. cit., p. 97.