Communication interculturelle 13
Les Européens aux yeux des Chinois
跨文化交际第十三讲
中国人眼中的欧洲人
Après avoir évoqué les représentations qu’ont les Chinois des
produits européens dans le domaine de la consommation, il s’agit ici de
nous interroger sur les représentations chinoises concernant l’Europe,
en tant qu’entité politique, économique et militaire. Nous verrons
notamment de quelle manière les enquêtés chinois perçoivent les atouts
et les difficultés de l’Union européenne, et jugent les relations entre la
Chine et l’Europe.
1. La double image de l’Europe : admiration et arrogance
Commençons par l’Europe qui, dans son ensemble, aux yeux des
Chinois, renvoie à l’image d’un vieux continent associé à des
monuments historiques et de paysages : « Dans l’ensemble, l’Europe
me donne une impression de beauté classique. Par exemple, quand
vous parlez de la Grèce, je pense à ses ruines ; quand vous parlez de
l’Italie, je pense à son arène ; quand vous parlez de la France, je pense
à ses monuments historiques et ses paysages » (H, 24 ans, employé).
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C’est pour cette raison que l’Europe donne à certains une image
moins économique que culturelle : « L’Europe nous impressionne non
pas par son aspect économique mais par son histoire, ses cultures, ses
paysages » (H, 24 ans, employé).
Ensuite, par rapport à la Chine qui a pourtant elle aussi une longue
histoire, l’Europe a l’avantage d’être entrée tôt dans la civilisation
moderne : « Ces trois pays ont un point commun, c’est qu’ils ont tous
une longue histoire et qu’ils sont entrés tôt dans la civilisation moderne.
La Chine a aussi une longue histoire, mais elle est entrée tard dans la
civilisation moderne » (H, 40 ans, employé de banque).
Surtout, l’Europe est considérée comme ayant été à l’origine de la
civilisation moderne et comme ayant beaucoup contribué à son
développement : « Ces trois pays ont beaucoup contribué à la
civilisation du monde. Par exemple, la physique moderne en Angleterre,
avec Newton, a donné lieu à la naissance de la civilisation moderne. La
France a eu beaucoup de succès dans les domaines littéraires et
artistiques. L’Allemagne a eu également beaucoup de génies, que ce
soit les bons génies ou les mauvais génies, qui avaient les capacités de
créer et de dominer le monde » (H, 40 ans, employé de banque).
Plus généralement, certains Chinois interviewés pensent que non
seulement la modernité doit beaucoup à l’Europe, mais qu’à l’échelle
des cultures mondiales, toujours en termes de représentations, il existe
une hiérarchie des cultures, aussi compliqué que cela soit à accepter
dans une perspective interculturelle, comme dans la citation ci-dessous :
« On dit qu’il ne faut pas classer les nations en bonnes et en mauvaises.
Personnellement, je pense qu’il y a des différences entre les nations,
que ce soit sur le plan de l’intelligence ou sur le plan de la force
physique. Par exemple, les Africains ne peuvent pas être comparés aux
Japonais et aux Coréens et ces derniers ne peuvent pas se mesurer avec
les peuples de ces trois pays européens » (H, 40 ans, employé de
banque).
Cette idée de distinguer les meilleures nations des moins bonnes
nous semble peu juste voire dangereuse, mais elle nous renseigne au
moins sur les idées qu’une partie des Chinois se font des différents
peuples. Cet interviewé ajoute même : « Du point de vue mondial, ces
trois nations sont des nations nobles et distinguées. C’est pour cette
raison qu’on y a vu naître des idées nouvelles, des théories nouvelles,
des technologies nouvelles, des produits nouveaux et des actions
extraordinaires, qu’on a vu apparaître non seulement des personnages
comme Napoléon et Hitler qui avaient envie de dominer le monde, mais
aussi Marx, Engels, Newton et qu’ils ont eu beaucoup de colonies » (H,
40 ans, employé de banque).
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Nous pouvons ne pas partager son point de vue, mais nous lisons
clairement dans son discours une sorte d’admiration pour ces trois
nations. Toujours d’après cet interviewé, il existerait un lien entre les
traits caractéristiques d’une nation et ses succès : « Je pense qu’il existe
un lien logique entre le caractère romantique des Français et le grand
nombre de ses écrivains et d’artistes célèbres, et le sérieux des
Allemands et leurs théories strictes » (H, 40 ans, employé de banque).
Cette admiration pour les Européens s’accompagne souvent d’une
sorte de rancœur, car les Chinois trouvent que les Européens ont une
sorte de complexe de supériorité et qu’ils méprisent les autres peuples :
« Les Allemands nous semblent peu accessibles. Les Anglais, ça va,
nous nous sentons bien avec eux. Mais il faut dire que les étrangers,
qu’ils soient sympathiques ou non, ont toujours au fond une sorte de
sentiment de supériorité. Ce n’est pas un effet psychologique de ma
part mais une réalité. C’est normal, ils viennent d’un pays développé.
Donc, ce qui compte, c’est la puissance économique du pays » (H, 30
ans, chef technique).
Ces impressions d’arrogance et d’inaccessibilité peuvent être
atténuées suite à des contacts plus profonds : « Après de longs contacts
avec les Européens, je trouve qu’ils sont moins arrogants que nous ne
l’imaginons. Ils sont tout de même accessibles, surtout les ouvriers
européens. Ils sont aussi travailleurs » (H, 55 ans, professeur de
sciences politiques à l’université). Cela révèle qu’en général, les
Chinois pensent que les Européens sont arrogants.
On peut apercevoir, à travers la description ci-dessus, à la fois un
sentiment d’admiration et un sentiment d’infériorité des Chinois par
rapport aux peuples de ces trois pays. C’est probablement le mélange de
ces deux sentiments qui pousse les Chinois à se montrer polis et parfois
même serviles à l’égard des Européens. On dit en Chine : « Xi fang de
yue liang bi zhong guo de yuan » (西方的月亮比中国的圆 : La lune en
Occident est plus ronde que celle qui est en Chine), pour décrire cet état
d’esprit xénophile. Ce respect pour les étrangers est fondé sur la
puissance économique du pays, car les Chinois n’adoptent pas la même
attitude face aux autres étrangers comme les Vietnamiens, les Africains
qui, à leurs yeux, leur semblent inférieurs. On constate par ailleurs un
léger changement dans l’attitude des Chinois à l’égard des Russes dont
le pays est moins puissant qu’autrefois. Nous pouvons donc prévoir que
l’attitude des Chinois envers les Européens évoluera quand la Chine
deviendra aussi développée que les pays européens. En fait, les Chinois
n’oublient pas de contrebalancer la supériorité des Européens ou des
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Etats-Unis en démontrant leurs propres points forts comme la plus
longue histoire ou la grande superficie de la Chine.
2. Le rôle de l’Europe dans le monde : faire contrepoids aux
Etats-Unis
Nous étudierons dans un premier temps l’Union européenne en
tant qu’institution économique et politique. Puis, nous centrerons notre
attention sur l’euro, les représentations qu’en ont les enquêtés et les
répercussions que cette monnaie peut avoir en Chine. La troisième
partie sera consacrée à l’étude des relations entre la Chine et l’Union
européenne dans les domaines économique et politique.
2.1. Un pôle d’équilibre par rapport aux Etats-Unis
Selon les enquêtés, le rôle primordial de l’Union européenne est
de constituer un pôle de rééquilibrage face aux Etats-Unis. L’union
entre les différents pays européens permet de construire une « structure
multiple », de créer un équilibre dans l’ordre économique et politique
mondial : « Je pense que l’Union européenne joue un rôle important
dans le maintien de l’équilibre du monde sur le plan économique. Après
la dissolution de l’Union Soviétique, les Etats-Unis sont devenus la
seule super puissance du monde. Il faut mettre en brèche cette situation
avec une structure multiple. Maintenant, il y a quatre pôles : les
Etats-Unis, la Chine, l’Union européenne et la Russie » (H, 32 ans,
interprète).
Les Chinois accordent beaucoup d’importance à la notion
d’équilibre. Depuis toujours, la politique diplomatique chinoise est
fondée sur un jeu d’équilibre entre trois pôles, comme il est clairement
démontré dans le roman historique des Trois Royaumes, un classique
chinois du 14e siècle. L’Union européenne devient alors un pôle,
comme le sont les Etats-Unis ou la Chine. Le rôle de l’Union
européenne est donc avant tout de nature géopolitique, même si la prise
en compte des échanges économiques retient également l’attention des
enquêtés : « L’Union européenne permettra aux pays européens de
contrebalancer les Etats-Unis. La plupart de ses membres sont des pays
développés mais petits et qui seuls ne pourront pas tenir tête aux
Etats-Unis » (H, 30 ans, chef technique).
L’Union européenne remplace aussi pour certains enquêtés, la
position qu’occupait l’Union Soviétique avant 1989 : « Une Union
européenne puissante contrebalancera les Etats-Unis. Autrefois, on
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avait deux superpuissances, les Etats-Unis et l’Union Soviétique.
Maintenant, on a les Etats-Unis et l’Union européenne » (F, 28 ans,
employée d’entreprise). Certains enquêtés confèrent même à l’Union
européenne un rôle essentiel par rapport à la responsabili de
l’équilibre mondial : « Je pense que l’Union européenne a la
responsabilité du monde et le monde reporte sur elle un grand espoir »
(F, 29 ans, professeur à l’université).
Le rôle militaire de l’Union européenne est également évoqué,
encore dans la mesure cette puissance militaire permet de
contrebalancer le leadership américain : « L’Union européenne veut
créer une armée de réaction capable de se déplacer en 60 heures à
n’importe quel endroit de l’Union européenne. C’est une mesure contre
les Etats-Unis. C’est un geste important » (H, 30 ans, chef technique).
Si pour les enquêtés, l’Europe constitue une menace réelle pour
les Etats-Unis, elle apparaît comme une menace potentielle pour le
reste du monde : « Je pense que l’Union européenne aura un bon
avenir mais qu’elle entraînera des conséquences graves si elle s’unit
pour développer ses forces militaires » (F, 28 ans, employée
d’entreprise).
2.2. Une idée généreuse d’union entre les hommes
D’un point de vue idéologique, l’Union européenne apparaît
avant tout comme associée à une idée humaniste d’union entre les
peuples. Des enquêtés établissent un rapprochement entre la conception
de l’Union européenne et les idées marxistes : « Je suis pour l’Union
européenne et l’euro. Il n’y a plus de frontières. C’est le signe du
progrès du monde. Cela ressemble à la conception établie par Marx, un
monde unique communiste » (F, 45 ans, écrivain).
L’Union européenne devient synonyme de progrès humain,
d’ouverture sur les autres, d’intérêt général, de coopération, que celle-ci
soit politique, économique ou militaire : « Je vois dans l’Union
européenne le signe du progrès de la société humaine. Une grande
famille sans frontières et sans visas, une monnaie unique, tout cela
apporte du bien pour les peuples. Puis, cela entraîne une coopération
plus serrée entre les membres sur les plans politique, économique et
militaire. L’Union européenne aura un bon avenir car elle représente
les intérêts de la plupart des pays membres et une tendance positive
dans le monde » (H, 47 ans, professeur de russe à l’université).
3. Les atouts et les difficultés de l’Union européenne
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