La culture
Les différents du mot.
- Les usages courants du mot culture.
> La culture au sens d’agriculture. La culture de céréales ou du fourrage.
Le travail de la terre en vue de lui faire produire des végétaux destinés à la consommation
animale ou humaine.
> La culture physique.
Développement et entretien de capacités physiques (force, souplesse, vitesse, habileté,
coordination…) par des exercices physiques, par la pratique d’un sport notamment.
> Avoir de la culture.
Avoir des connaissances précises dans un ou plusieurs domaines. On peut parler de culture
artistique, historique, scientifique, philosophique… Elle s’acquiert en grande partie par la lecture,
c’est-à-dire par le contact avec des œuvres et des moyens d’accès aux œuvres (ouvrages de
vulgarisation scientifique, manuels, analyses et commentaires d’œuvres…)
> Le Ministère de la Culture.
Ministère chargé de la promotion des activités artistiques (de la création artistique) et de la mise
en valeur en direction de la population du patrimoine artistique et historique (musées,
expositions, publications…)
> La culture d’entreprise.
Ensemble des règles implicites ou explicites, propre à une entreprise, qui organise son
fonctionnement interne, notamment les rapports entre ses membres.
> La culture d’un peuple, la civilisation. La culture grecque, occidentale, orientale…
La culture désigne la façon de vivre et de penser propre à un peuple ou un ensemble de
peuples à une époque donnée. Le mot culture est plus ou moins synonyme de mode de vie
d’un peuple, de mœurs, d’usages, de coutume ou de tradition.
Cela concerne tous les domaines de la vie d’un peuple ou d’une société : la langue, les
techniques, les arts, les connaissances, les croyances religieuse ou pas, l’organisation sociale,
économique et politique. Tout ce qui détermine la façon de penser et d’agir des individus.
Ces différents sens semblent ne pas avoir beaucoup de rapport entre eux. Toutefois,
ainsi que le montre l’histoire des sens du mot, ils sont liés les uns aux autres.
- L’histoire du sens du mot culture.
- Le mot culture est d’origine latine, il vient du verbe latin « colere » qui signifie cultiver ou
honorer (prendre soin mais aussi rendre un culte aux dieux) et désigne d’abord l’agriculture.
- Il va désigner ensuite par analogie le développement des facultés intellectuelles de
l’homme par des exercices appropriés. On cultive l’esprit comme un sol. En ce sens, cultiver,
c’est éduquer. On retrouve ce sens avec le fait d’être cultivé ou avec la culture physique.
- Par la suite encore, le mot culture va désigner l’ensemble des comportements acquis et
transmis d’une génération à l’autre, c’est-à-dire, les mœurs, les usages, le mode de vie d’une
population. Avec ce sens, on change d’échelle : on passe des individus aux sociétés dans leur
ensemble. Ce sens est cependant lié au précédent : cultiver au sens d’éduquer, c’est inculquer
une façon de penser et de vivre précise, c’est donner une forme socialement admise, exigée ou
valorisée à la pensée et la façon d’agir des individus. Eduquer, c’est donc former les individus
en fonction de l’environnement humain, de la culture donc, dans lequel ils vivent.
- Pour finir, le mot culture va désigner un des aspects de la culture, un de ceux qui
permettent de l’identifier et qui circule le mieux d’une culture à une autre, à savoir les arts. D’où
le Ministère de la Culture.
Bilan : la culture concerne donc à la fois au niveau des individus la façon dont ont
été développées leurs dispositions naturelles par l’éducation et au niveau d’une société,
d’une groupe ou d’un peuple sa façon de vivre et d’agir.
I) Pourquoi la culture ?
Pourquoi les hommes ont-ils inventé la culture, c’est-à-dire des langues, des
techniques, des arts, des connaissances, des croyances, une organisation économique,
sociale et politique ?
A cette question, on peut répondre en disant que les hommes ont inventé la culture
parce qu’ils en avaient besoin pour assurer leur survie, mais on peut aussipondre en disant
qu’ils l’ont fait parce qu’ils en étaient capables, parce qu’ils ne sont pas des animaux, parce que
les hommes sont justement capables d’invention.
La culture existe-t-elle pour répondre à des contraintes ou est-elle une libre
invention ?
On peut tout d’abord soutenir que la culture est la solution inventée par les hommes pour
résoudre les problèmes posés par leur survie. C’est par exemple la thèse de Freud.
« Le mot « culture » désigne la somme totale des réalisations et dispositifs par
lesquels notre vie s’éloigne de celle de nos ancêtres animaux et qui servent à deux fins :
la protection de l’homme contre la nature et la réglementation des relations des hommes
entre eux. »
Freud, Le malaise dans la culture (1929)
Commentaire :
Cette définition de la culture repose entièrement sur les fonctions qu’elle doit
remplir. Dans la nature, les hommes sont dans un milieu hostile d’où ils doivent tirer des moyens
de subsistances. Par ailleurs, la coexistence des hommes entre eux est délicate : la vie sociale
n’est pas immédiatement pacifique. L’homme, pour survivre, doit donc à la fois organiser la vie
sociale et trouver des moyens de se protéger contre la nature et obtenir d’elle de quoi subvenir à
ses besoins. Or, ce sont bien les fonctions de biens des aspects de la culture. Sous la forme des
techniques dans le cadre du travail et de l’organisation économique qui détermine les moyens
de production, d’échange et de répartition des biens, la culture assure la satisfaction des
besoins des hommes. A travers l’organisation sociale et politique qui règle les rapports entre les
individus et les groupes, la culture assure la coexistence pacifique des individus et des groupes.
Seulement, cette définition de la culture par la fonction d’assurer à l’homme sa
subsistance ne rend pas compte de tous les aspects de la culture : les arts, les croyances
religieuses et même les connaissances semblent n’avoir aucune fonction dans la subsistance
des hommes. C’est pourquoi, on ne peut s’en tenir à cette réponse à propos de l’origine de la
culture.
Il existe une autre façon de définir la culture qui repose sur une autre façon de concevoir
son origine. On peut définir la culture non pas comme un moyen d’assurer la survie des
hommes, mais comme une invention qui ne répond à aucune nécessité biologique ou sociale.
C’est la thèse de Benveniste.
« J'appelle culture le milieu humain, tout ce qui, par-delà l'accomplissement des fonctions
biologiques, donne à la vie et à l'activité humaines forme, sens et contenu. (…) Or ce
phénomène humain, la culture, est un phénomène entièrement symbolique. La culture se
définit comme un ensemble très complexe de représentations, organisées par un code
de relations et de valeurs : traditions, religions, lois, politique, éthique, arts, tout cela dont
l'homme, qu'il naisse, sera imprégné dans sa conscience la plus profonde et qui
dirigera son comportement dans toutes les formes de son activité, qu'est-ce donc sinon
un univers de symboles intégrés en une structure spécifique et que le langage manifeste
et transmet ? »
E. Benveniste, Problèmes de linguistique générale (1966),
Commentaire :
Cette définition de la culture pose d’emblée qu’elle va au-delà de l’accomplissement des
fonctions biologiques de l’homme, c’est-à-dire de tout ce qui est nécessaire à sa subsistance.
Ce qui veut dire que si la culture s’en charge, elle ne s’y réduit pas. La culture, c’est ce qui
donne une forme, un sens et une valeur à la vie et aux activités humaines grâce à des
symboles, c’est-à-dire à des représentations abstraites exprimées essentiellement par les
langues. La culture, c’est d’abord des idées et des valeurs qui donnent un sens et qui orientent
la conduite des individus. Or, ces idées et ces valeurs ne sont pas dictées par la nécessité
d’assurer la subsistance des hommes, elles sont inventées par eux pour donner du sens et de la
valeur à leur vie. Pour preuve : il existe non pas une seule culture, mais des cultures qui
chacune à leur façon donnent des formes, des sens et des valeurs différents à ce que les
hommes pensent et vivent. Cette diversité des cultures, portée par la diversité des langues,
signale l’inventivité et la liberté de l’homme en ce qui concerne la culture.
Cette définition de la culture n’en fait pas une réponse apportée aux questions de survie, mais
l’expression de la capacité qu’a l’homme d’inventer des symboles, capacité qu’il a grâce à
l’usage de la parole.
Que faut-il penser de tout cela ?
Nous sommes en présence de deux définitions distinctes de la culture qui supposent
l’une et l’autre deux origines différentes de la culture : la nécessité naturelle d’un côté, l’invention
libre de symboles de l’autre.
Il faut cependant remarquer que ces deux définitions ne sont pas totalement
incompatibles. Que le sens et la valeur des activités humaines soient librement inventés par les
hommes ne signifient pas que les hommes peuvent décider par eux-mêmes de ces activités : il
leur est nécessaire de s’organiser pour vivre en société et produire de quoi satisfaire leurs
besoins. Par ailleurs, l’univers symbolique peut avoir un rôle dans la régulation sociale (c’est le
cas de la religion pour Freud en tant qu’elle rend sacrées des règles morales utiles à la
pacification de la vie sociale).
Conclusion :
La culture est donc bien une nécessité dans la mesure où sans elle, les hommes ne
pourraient pas survivre, mais ces activités nécessaires à leur survie, les hommes ont la liber
de leur donner différentes formes, différents sens et différentes valeurs. Il est nécessaire de
s’organiser pour survivre, mais la forme, le sens et les valeurs propres à cette organisation de la
survie sont du ressort de l’invention et de la liberté de l’homme.
II) L’humanisation de l’homme par la culture.
La culture est universelle : tous les hommes vivent au sein d’une culture. En effet, il n’est
possible qu’un homme vive durablement parfaitement seul ou sans le secours d’autres hommes.
Dans ces conditions, les hommes sont membres d’une société et donc d’une culture puisque
l’organisation de toute société quelle qu’elle soit relève de la culture.
Or, même chez les animaux qui vivent en société, on ne parle pas de culture. (Ou plutôt,
si on commence à parler de cultures chez les animaux parce que des techniques qui peuvent
varier d’un groupe à une autre de la même espèce sont transmises et parce qu’il existe chez
certaines espèces des conduites qui visent à réguler et pacifier la vie sociale elles n’ont pas
l’importance qu’elles ont chez les hommes, à la fois par leur nécessité et par l’étendue de leur
imprégnation)
On peut alors se demander quel rôle joue la culture chez l’homme. Les hommes pourraient-ils
être des hommes à part entière indépendamment de la culture, comme les animaux, ou doivent-
ils être membres d’une culture pour être des hommes ?
Les hommes sont-ils humains par nature ou le deviennent-ils par la culture ? La
nature de l’homme peut-elle être définie indépendamment de la culture ou est-elle liée à la
culture ?
Qu'est-ce qui distingue un homme d'un animal ? Si l'homme est aussi un animal, en quoi
se distingue-t-il néanmoins des autres animaux ? C'est à cette question que peut répondre un
extrait de La politique, d'Aristote. Livre I, Chap. 2.
" Il est manifeste, (…), que l'homme est par nature un animal politique, et que
celui qui est hors cité, naturellement bien sûr et non par le hasard des circonstances, est
soit un être dégradé soit un être surhumain, et il est comme celui qui est injurié en ces
termes par Homère : "sans lignage, sans loi, sans foyer".
Car un tel homme est du même coup naturellement passionné de guerre, étant
comme un pion isolé au jeu de trictrac. C'est pourquoi il est évident que l'homme est un
animal politique plus que n'importe quelle abeille et que n'importe quel animal grégaire.
Car, comme nous le disons, la nature ne fait rien en vain ; or seul parmi les
animaux l'homme a un langage. Certes la voix est le signe du douloureux et de
l'agréable, aussi la rencontre-t-on chez les animaux ; leur nature, en effet, est parvenue
jusqu'au point d'éprouver la sensation du douloureux et de l'agréable et de se les
signifier mutuellement. Mais le langage existe en vue de manifester l'avantageux et le
nuisible, et par suite aussi le juste et l'injuste. Il n'y a en effet qu'une chose qui soit propre
aux hommes par rapport aux autres animaux : le fait que seuls ils aient la perception du
bien, du mal, du juste, de l'injuste et des autres notions de ce genre." ARISTOTE
Commentaire :
Aristote distingue l'homme des animaux de trois manières : par la vie sociale, par le
langage et par la conception du juste et de l'injuste.
1 ) L'homme est un animal politique. C'est sa nature et sa différence avec les autres
animaux. Il l'est par nature, c'est-à-dire que cette différence, l'homme la doit à la nature en tant
qu'elle a produit cette nature de l'homme.
Que signifie cette formule ? Que l'homme vit en société, qu'il est sociable, que par nature
il est disposé à vivre avec ses semblables ? Sans doute, mais cette lecture est insuffisante pour
plusieurs raisons :
- On pourrait en dire autant de certains animaux, comme les abeilles ou les fourmis, qui
elles aussi vivent en société et selon une organisation sociale complexe et efficace. Or, la
socialité est présentée par Aristote comme une différence spécifique. Ce qui indique que la
sociabilin'est pas du même ordre chez l'homme que chez les animaux, qu'entre celle des
hommes et celle des animaux il y a une différence de nature et non de degré.
- On pourrait aussi dire exactement le contraire et cela passerait aussi pour exact, à
savoir que l'homme est un animal agressif, qui ne supporte pas tous ses semblables et qui
n'hésite pas quelquefois à s'en prendre eux. Ce qui indique que la sociabilité ne désigne pas ici
une disposition bienveillante à l'égard de tout le monde.
- Du reste, Aristote ne parle pas de sociabilité, mais de politique : cela veut dire que
l'homme par nature est l'être qui vit en Cité, c'est-à-dire non seulement avec les autres, mais
surtout en fonction de règles sociales et politiques qui définissent l'ordre social et politique, le
statut, les fonctions et la valeur de tous les individus par des lois qui se doivent d'être justes.
Alors, comment faut-il comprendre cette formule ?
Ce qu'il y ajoute permet de le comprendre : l'homme n'est pas tant un être doué de
sociabili qu'un être qui ne devient un homme que s'il vit avec les autres dans une Cité.
L'homme ne devient un homme que par cette appartenance à une cité : on ne naît pas homme
en tant que tel, on le devient en vivant dans un foyer, sous l'autorité des lois et avec la
conscience d'appartenir à une lignée précise. L'homme n'est pas seulement sociable, il ne
devient homme qu'en société. Qu'est-ce qui autorise cette lecture ? Qu'Aristote parle d'hommes
qui ne vivent pas en cicomme d'êtres qui ne sont pas des hommes, mais ou des êtres
violents, dont la nature est la violence ou des êtres surhumains, des dieux. Ces êtres, qui sont
des membres de l'espèce humaine, ne sont pas devenus des hommes, ne sont pas des
hommes accomplis parce qu'ils ne vivent pas en cité. Dit autrement : ils sont des hommes, mais
faute de vivre en société, ils ne sont pas des hommes accomplis, achevés parce qu'ils n'ont pas
réalisé le programme de leur nature humaine. Il distingue toutefois ceux qui ne vivent pas en cité
malgré eux, comme les naufragés ou les exilés de ceux qui ne vivent pas en cité par nature,
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