L’analyse de Becker est fondée sur deux postulats. D’une part, les inégalités salariales
résultent des inégalités en capital humain. Des développements théoriques ultérieurs
remettront en question cette détermination du salaire par le seul capital humain. Les théories
du signal, par exemple, insistent sur les difficultés pour le salarié à faire reconnaître la vraie
valeur de son capital humain. D’autre part, les inégalités en capital humain résultent elles-
mêmes des comportements individuels. Mais cette justification des inégalités repose sur une
hypothèse forte : les individus ont une information parfaite et anticipent donc parfaitement les
rendements futurs de leurs investissements. Par ailleurs, les tentatives d’application empirique
de la théorie butent sur des difficultés à évaluer le capital humain, en raison notamment de
l’inexistence d’un marché où ce capital s’échangerait directement.
L’une des applications de la théorie du capital humain fut la distinction entre l’éducation
générale, qui élève le niveau de compétence des individus dans de nombreux secteurs
d’activités, et la formation professionnelle, qui augmente la productivité de l’individu surtout
au bénéfice de son employeur. Becker considère alors l’éducation générale comme un bien
collectif fourni par l’État ou directement payé par l’individu, alors que la formation
professionnelle peut être procurée par l’entreprise puisque celle-ci pourra récupérer le fruit de
l’investissement que constitue la formation. Cette théorie, bien que critiquée, a permis de
mettre au point des outils de gestion des ressources humaines au niveau de l’entreprise et de la
nation.
Le capital humain et le capital technique
Le capital humain constitue un facteur de production cumulable. Son stock est
essentiellement immatériel, composé d’acquis mentaux, indissociable de son détenteur. Il doit
donc être distingué du progrès technique, même si ces deux facteurs de la croissance
entretiennent des liens étroits.
Le progrès technique fournit d’une certaine façon la matière première à l’accumulation de
capital humain. Mais l’apparition et la diffusion du progrès technique semblent de plus en
plus dépendantes d’un haut niveau de capital humain. Au départ, les innovations relevaient de
modifications mineures opérées par des artisans sans formation spécifique ; elles ne
requéraient aucune qualification de la part des travailleurs qui étaient, le plus souvent,
illettrés. La sophistication croissante des biens d’équipement exige dorénavant une
qualification de plus en plus importante de la part des travailleurs, à la fois pour produire de
nouvelles connaissances dans le secteur de la recherche et pour utiliser ces nouveaux biens
d’équipements dans le secteur productif traditionnel.
Le capital humain et la croissance
Accumulation du capital physique et accumulation du capital humain produisent des effets
entraînants l’un sur l’autre, chacun augmentant les ressources nécessaires aux investissements
de l’autre. Robert Lucas montre ainsi théoriquement (en 1988) que la croissance peut être
soutenue uniquement par l’accumulation de ces deux types de capital. Il suffit que les
rendements d’échelle soient constants en ce qui concerne ces deux stocks : leur accumulation
en parallèle permet d’augmenter de façon proportionnelle la production. Dans ce cas, il ne
serait pas nécessaire de prendre en compte l’existence du progrès technique pour expliquer la
croissance de la production par tête. Mais les faits invalident cette vision de la croissance. En
effet, l’augmentation de la part des ressources consacrées à l’accumulation du stock de capital