L’état de nature selon
Rousseau
Il y a eu beaucoup de malentendus concernant cette notion chez Rousseau :
1. L’homme à l’état de nature n’est pas pour Rousseau l’homme originaire
historiquement parlant. Rousseau, pas plus que les autres théoriciens du contrat social,
n’est pas assez naïf pour croire que l’état de nature à réellement existé dans le passé.
L’état de nature n’est pas une époque historique. L'homme à l'état de nature n'est pas
l'homme de Cromagnon!
2. L’homme à l’état de nature n’est pas le « bon sauvage » de Bernardin de Saint-Pierre.
Le bon sauvage, si sauvage soit-il est déjà un être social et un être moral.
3. Il n’a jamais été question pour Rousseau de prôner un retour à l’état de nature, et ce
pour deux raisons : la première est que cela n’aurait pas de sens de retourner à un état
qui n’a jamais existé; la deuxième est que l’homme à l’état de nature pour Rousseau
n'est pas l'homme parfait, c'est un homme qui n'est pas encore dégradé, mais qui n'a
pas encore développé son potentiel : un homme dont l’état de développement moral et
intellectuel est nul . L’état de nature n’est donc pas l’état idéal.
L’homme à l’état de nature pour Rousseau est l’homme tel qu’il serait s’il n’était pas un
être social. Rousseau dit d’un tel être qu’il serait « bon » parce qu’il serait dans
l’impossibilité d’être méchant. En effet, pour être méchant, il faut vouloir le mal de son
semblable. Mais pour avoir des semblables, il faut déjà vivre en société. N’ayant pas de
« prochain », l’homme à l’état de nature ne peut lui vouloir ni bien ni mal. Sa « bonté » est
donc purement négative : l’absence de mal, l'absence d'immoralité, due à son amoralité
(absence de morale).
L’état de nature de Rousseau n’est donc ni le produit d’une recherche des origines
historiques de l’humanité (l’état originaire) ni le produit de l’imagination (le mythe du bon
sauvage) mais un modèle théorique.
Ce modèle théorique est obtenu par analyse de l’état présent. Il s’agit de dégager par
analyse ce qui, dans les hommes tels qu’ils sont, revient à leur nature et ce qui revient à leur
vie sociale. Autrement dit, l’état de nature est le naturel en chacun d’entre nous. C'est
pourquoi Lévi-Strauss voit dans Rousseau le précurseur des sciences sociales.
Mais quand on fait abstraction de la dimension sociale, ce qu’on obtient n’est pas un être
réel mais justement une abstraction qui fait figure de norme, c’est-à-dire de point de
référence, un étalon (mais pas nécessairement un idéal).
L’état de nature est simplement cet état neutre dans lequel l’homme sans être encore
perfectionné, n’est pas encore perverti : tout est encore possible pour le meilleur ou pour le
pire. L’homme à l’état de nature est perfectible mais aussi dégradable. L’avantage de cet état
par rapport à l’état social actuel, c’est que l’homme à l’état de nature n’a pas encore été
dégradé; le désavantage par rapport à l’état social idéal (celui du contrat) est que l’homme à