LE CULTE DE DIEU ET LA RELIGION
1
CONTRE CEUX QUI COMBATTENT LE CULTE DE DIEU DANS
LA VIE RELIGIEUSE, LEQUEL EST POUR TOUS LES
RELIGIEUX, MAIS SURTOUT POUR LES MENDIANTS, COMME
UN REMPART ET UNE FORTERESSE INEXPUGNABLE
PAR SAINT THOMAS d’AQUIN
Docteur de l'Église
Opuscule 19
(1256)
Editions Louis Vivès, 1857
Édition numérique, http://docteurangelique.free.fr,
Les œuvres complètes de saint Thomas d'Aquin
Occasion de ce deuxième opuscule sur ce point: l'opposition de plus en plus virulente des
professeurs séculiers de la Sorbonne face à la nouvelle concurrence des professeurs issus des
ordres mendiants. Après la mort de saint Thomas, l'université de Paris obtiendra d'ailleurs pendant
un temps la condamnation des écrits du saint Docteur
INTRODUCTION. But de l'ouvrage .............................................................................................................................. 2
PREMIÈRE PARTIE: Ce qu'est la vie religieuse .......................................................................................................... 4
CHAPITRE I Qu’est-ce que la vie religieuse, en quoi consiste la perfection religieuse? ....................................... 4
SECONDE PARTIE: Les droits et devoirs des religieux. ............................................................................................. 6
CHAPITRE II Est-il permis à un religieux d’enseigner? ......................................................................................... 6
CHAPITRE III Est-il permis à un religieux de faire partie d’une société de moines séculiers?......................... 15
CHAPITRE IV. Le religieux qui n’a pas charge d’aine peut-il prêcher et entendre les confessions. ................ 22
CHAPITRE V. Le religieux est-il tenu au travail des mains? ................................................................................ 41
CHAPITRE VI Est-il permis aux religieux de renoncer à tout ce qu’ils possèdent, de ne rien conserver en
propre ni en commun? ............................................................................................................................................... 51
CHAPITRE VII Le religieux peut-il vivre d’aumônes? ......................................................................................... 65
TROISIÈME PARTIE: Réfutation de ceux qui s'opposent à la vie religieuse .......................................................... 88
CHAPITRE VIII Les oyens utilisés pour attaquer les ordres mendiants et particulièrement leur costume ..... 88
CHAPITRE IX. Moyens qu’ils emploient pour combattre les religieux dans leurs oeuvres de charité. ............ 94
CHAPITRE X. Moyens qu’ils emploient pour combattre les voyages que font les religieux pour sauver les
âmes. ............................................................................................................................................................................ 95
CHAPITRE XI Raisons sur lesquelles ils s’appuient pour empêcher les religieux .............................................. 97
CHAPITRE XII Comment ils combattent la prédication préparée des religieux. ............................................. 100
CHAPITRE XIV: La seconde, c’est parce qu’ils résistent à leurs détracteurs. ................................................. 107
CHAPITRE XV. ....................................................................................................................................................... 109
CHAPITRE XVI La quatrième, c’est parce que les religieux font punir ceux qui les persécutent. ................. 114
CHAPITRE XVII La cinquième c’est parce qu’ils veulent plaire aux hommes. ............................................... 117
CHAPITRE XXIV. Comment ils imputent aux religieux les maux qui sont à craindre pour les derniers temps
de l'Eglise, voulant prouver que les temps de l’Antéchrist sont sur le pas d’arriver. ........................................ 129
CHAPITRE XXV. Comment ils s’efforcent de prouver que les religieux sont les précurseurs de l’Antéchrist.
................................................................................................................................................................................... 133
CHAPITRE XXVI Comment ils s’efforcent de pervertir et de rendre suspectes même les bonnes oeuvres des
religieux, tels que les que les prières, etc. ............................................................................................................... 136
CONCLUSION ............................................................................................................................................................. 137
Remarque: Dans tout cet ouvrage, le mot "religion" est employé dans le sens de "vie religieuse consacrée".
LE CULTE DE DIEU ET LA RELIGION
2
INTRODUCTION. But de l'ouvrage
"Voici que vos ennemis ont excité un grand bruit, et que ceux qui vous haïssent ont élevé
orgueilleusement la tête. Ils ont formé un dessein plein de malice contre votre peuple, et ils ont
conspiré contre vos saints. Ils ont dit: "Venez et exterminons-les du milieu des peuples, et qu’on ne
se souvienne plus à l’avenir du nom d’Israël" Psaume LXXXII Le Dieu tout-puissant qui aime les
hommes se sert de son amour pour nous, comme le dit saint Augustin dans son premier livre de la
Doctrine chrétienne, et pour manifester sa bonté, et pour notre bien. Et d’abord, il s’en sert pour
faire briller sa bonté, afin que les hommes lui donnent la gloire, ainsi que le dit Isaïe, XLIII: "Tout
homme qui invoque mon nom, je l’ai créé pour ma gloire." Il s’en sert pour notre avantage, afin de
donner lui-même à tous le salut, comme il est écrit, I Timothée II: "Qui veut que tous les hommes
soient sauvés." L’Ange à la naissance du Seigneur annonce cette concorde entre Dieu et les
hommes; il est écrit dans saint Luc II: "Gloire à Dieu au plus haut des cieux et paix sur la terre aux
hommes de bonne volonté." Mais bien que Dieu puisse, comme tout tout-puissant, tirer lui-même sa
gloire des hommes et opérer leur salut, pour garder l’ordre en toute chose, sa volonté a été que des
ministres fussent choisis et que par leur ministère l’une et l’autre chose s’accomplit d’une manière
parfaite; ce qui fait que c’est avec exactitude qu’on les appelle les aides de Dieu, comme le dit
l’Apôtre, I Corinthiens III Mais le démon jaloux de la gloire de Dieu et du salut des hommes,
s’efforce par ses ministres, qu’il excite à persécuter les ministres de Dieu dont il vient, d’être parlé,
d’empêcher l’un et l’autre. Ils sont évidemment les ennemis de Dieu ceux qui sont ainsi les
ministres du diable, ceux qui mettent un obstacle à sa gloire et à celle du genre humain tout entier,
au salut duquel ils s’opposent, et spécialement des ministres de Dieu qu’ils persécutent. Il est écrit, I
Thessaloniciens II: "Ils nous ont persécuté, et ils ne sont pas agréables à Dieu, et ils sont les
ennemis de tous les hommes". C’est pour cela que le Psalmiste, dans les paroles que nous avons
rapportées, fait trois choses
Il montre leur haine pour Dieu dans es paroles: "Voici que vos ennemis ont excité un grand bruit,
etc." c’est-à-dire que ceux qui d’abord parlaient en secret contre vous ne craignent pas maintenant
de le faire en public. Il désigne ici, comme le dit le Commentaire, les derniers temps de
l’Antéchrist, le moment ceux qui sont maintenant arrêtés par la crainte donneront à leur voix
toute sa liberté, cette voix, parce qu’elle est pas conforme a la raison, mente plutôt le nom de bruit
que de voix; ce ne sera pas seulement par la voix qu’ils ex leur vengeance, ils joindront encore les
actions; de là il suit: "Ceux qui vous haïssent ont élevé orgueilleuse ment la tète," à savoir
l’Antéchrist, d’après le Commentaire, ce sont ses membres qui sous ce chef sont les têtes, afin que
gouvernés par un seul chef ils poursuivent plus efficacement les saints de Dieu.
Il montre ensuite comment ils sont les ennemis du genre humain tout entier, lorsqu’il ajoute: "Ils
ont formé un dessein de malice contre votre peuple," ou leurs pensées ont été pleines dastuce, selon
une autre leçon, pour le tromper, d’après ce qui est écrit dans le commentaire du passage suivant
d’Isaïe, III: "O mon peuple, ceux qui te disent bienheureux, ce sont ceux-là même qui te trompent,"
le commentaire ajoute,"par des paroles flatteuses."
Il fait connaître en troisième lieu comment ils persécutent les ministres de Dieu, lorsqu’il ajoute:
"Ils ont conspiré contre vos saints." Le commentaire ajouter: "ce n’est pas seulement contre les plus
infimes, mais encore contre les hommes célestes." Saint Grégoire dit à cette occasion dans son
treizième livre De Mor, expliquant les paroles suivantes de Job, XVI: "Ils ouvrirent sur moi leurs
bouches, et me couvrant d’opprobre, etc." "Les réprouvés poursuivent surtout parmi les saints de
l’Eglise ceux qu’ils voient devoir être utiles à un grand nombre." Et un peu plus bas: "les réprouvés
estiment avoir fait une grande chose lorsqu’ils tuent la vie des prédicateurs." Leurs pensées contre
les saints sont de deux espèces. Ils désirent en premier lieu les anéantir. Il est écrit dans Esther,
XIII: "Nos ennemis veulent nous perdre et anéantir leur héritage." S’il ne leur est pas donné
d’atteindre ce but, ils tentent en second lieu de ruiner leur réputation auprès des hommes, pour
qu’ils ne puissent faire aucun fruit parmi eux. Il est écrit dans saint Jacques, II: " Ne sont-ce point
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les riches qui vous oppriment par leur puissance? Ne sont-ce point eux qui blasphèment le nom
auguste d’où vous tirez la force?" C’est pourquoi le Psalmiste ajoute, relativement à la première de
ces choses: "Ils dirent, venez, etc.", et le commentaire dit,"se cherchant des compagnons:
"Exterminons-les du milieu de la nation ou des nations," le commentaire dit: "A savoir, pour qu’ils
ne soient plus au milieu des nations, c’est-à-dire faisons-les disparaître de dessus la terre;" voici la
persécution de l’Antéchrist.
Il ajoute quant au second objet de leurs désirs: "Et qu’on ne se souvienne plus à l’avenir du nom
d’Israël," c’est-à-dire pour que leur nom ne soit plus en honneur, à savoir le nom de ceux qui se
disent le vrai Israël ainsi que le dit la Glose. Les anciens tyrans ont fait tous leurs efforts pour les
expulser, c’est-à-dire pour expulser les saints du milieu du monde. L’Apôtre dit à cette occasion, I
Romains VIII, que ce passage du Psalmiste s’est accompli de son temps: "On nous égorge tous les
jours pour l’amour de vous, Seigneur, on ne nous considère que comme des brebis destinées à la
boucherie." Mais maintenant c’est ce que certains hommes pervers tentent de faire par des conseils
pleins de fourberie, spécialement à l’égard des religieux qui, par leurs paroles et leur exemple,
peuvent faire fructifier la perfection dont ils font profession, refusant d’accroître certaines choses
qui ruineraient complètement leur état, le rendraient trop onéreux, blâmable même, leur enlevant les
consolations spirituelles et leur imposant les charges corporelles.
Et d’abord, ils font tous leurs efforts pour leur enlever et l’étude et la science, afin que réduits à
cet état, il leur soit impossible de résister aux adversaires de la vérité, ni de trouver la consolation de
l’esprit dans l’Ecriture, et c’est là la fourberie des Philistins, 1er livre des Rois, XIII: "Les Philistins
avaient pris soin que les Hébreux ne fabriquassent ni lances ni épées;" ce que le commentaire
entend de la prohibition de l’étude des lettres, et c’est ce que fit dans les premiers temps Julien
l’apostat, comme l’atteste l’histoire de l’Eglise.
2° Ils font secondement tout ce qui dépend d’eux pour les exclure de la société de ceux qui étudient,
pour faire tomber la vie des saints dans le mépris. Il est écrit, Apoc, XIII: "De peur que personne ne
puisse acheter ou vendre, s’il n’a le caractère ou le nom de leur bête," c’est-à-dire s’il ne consent à
leur malice.
Ils s’efforcent troisièmement de les empêcher de prêcher ou d’en tendre les confessions, au
moyen desquelles ils produisent des fruits parmi le peuple. Il est écrit, I Thessaloniciens II: "Nous
empêchant d’adresser la parole aux nations pour les sauver."
40 Ils veulent eu quatrième lieu q se livrent aux travaux manuels, pour qu’accablés par ces travaux,
ils prennent en dégoût leur état, et qu’ils ne puissent facilement s’occuper des choses dont il a été
parlé, ce qui est conforme à l’avis de Pharaon qui dit, Exod, I: "Voici que le peuple d’Israël est et
plus nombreux et plus fort que nous, venez, opprimons-les adroitement" et plus bas: et il leur
proposa des chefs de travaux. D’après le commentaire, Pharaon signifie Zabulon, qui impose le
joug le plus lourd du mortier et de la brique, c’est-à-dire la servitude d’un travail de boue et de
fange.
Ils blâment et blasphèment leur perfection, à savoir, la pauvreté des mendiants. Saint Pierre dit,
Il° Ep, II: "Un grand nombre imitera leur luxe, et ce seront ceux-là qui blasphémeront la voie de la
vérité," c’est-à-dire les bonnes œuvres, comme le dit la Glose.
Ils leur retranchent la nourriture et les aumônes qui les faisaient vivre, et ils le font de tout leur
pouvoir. Il est écrit, dans l'Epître de saint Jacques,"et comme si ces choses ne lui suffisaient pas," le
commentaire ajoute, de dissuader de pratiquer l’hospitalité: "Ils ne soutiennent pas leurs frères,"
c’est-à-dire d’après la Glose, les indigents, et ils empêchent ceux qui les soutiennent, ajoute le
Commentaire, de secourir l’humanité.
Ils s’appliquent de tout leur pouvoir, ces ministres du diable, à ruiner la réputation des saints,
entant qu’ils ne se contentent pas de diffamer seulement par eux-mêmes et auprès des personnes
présentes les saints de Dieu, mais ils le font me par des écrits qu’ils répandent dans le monde
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entier. Il est écrit dans Jérémie, XXIII: "Les prophètes de Jérusalem ont répandu sur toute la terre la
corruption."
Le commentateur du prophète dit: "Nous nous servons de ce témoignage contre ceux qui, par les
écrits pleins de supercherie, de mensonge et de parjure qu’ils répandent dans l’univers, souillent les
oreilles de ceux qui les écoutent." Il ne leur suffit pas, en effet, de dévorer leur propre iniquité, ou
de porter préjudice au prochain; mais ce qu’une fois ils haïssent, ils s’efforcent de le diffamer dans
l’univers entier, et de répandre partout leurs blasphèmes. Notre intention donc étant de réprimer la
perfidie des méchants dont il vient d’être parlé, nous procéderons dans l’ordre suivant.
Nous dirons d’abord ce que c’est que la religion et en quoi consiste la perfection religieuse, parce
qu’ils semblent porter leur intention tout entière contre les religieux.
Nous prouverons que les raisons dont ils se servent pour opprimer les religieux sont futiles, et
n’ont aucune valeur.
Nous établirons la perversité qui les guide dans l’emploi des raisons qu’ils mettent en avant pour
diffamer les religieux.
PREMIÈRE PARTIE: Ce qu'est la vie religieuse
CHAPITRE I Qu’est-ce que la vie religieuse, en quoi consiste la perfection
religieuse?
Afin de pouvoir connaître la nature de la religion, cherchons l’étymologie du mot lui-même. Le
nom de religion, comme semble le témoigner saint Augustin dans son livre de la Vraie religion, le
relier. On dit proprement d’une chose qu’elle est liée, si elle est unie à une autre chose, de telle
façon qu’il ne lui soit pas possible de en séparer pour s’attacher à une autre. Mais ce mot lier, de
nouveau emportant une union réitérée, indique que quelqu’un est relié à celui à qui il était déjà uni,
et duquel il commence à se séparer. Et parce que toute créature a d’abord existé en Dieu avant
d’exister en elle-même, et qu’elle vient de Dieu, elle commence en quelque sorte à s’éloigner de lui,
suivant (secundum) l’essence, par la création; c’est pourquoi la créature raisonnable doit être reliée
à Dieu, auquel elle était unie même avant qu’elle existât, afin qu’elle revienne à son principe
comme les fleuves reviennent à leurs sources, ainsi qu’il est dit dans l’Ecclésiastique, I C’est pour
cela que saint Augustin dit dans le livre de la Vraie religion: "La religion nous reliera à un seul Dieu
tout-puissant;" et on lit dans la Glose de l’Epître aux Romains, XI, sur ces mots,"de lui-même et par
lui-même, etc." "le premier lien qui attache l’homme à Dieu, c’est la foi,"comme le prouvent les
paroles suivantes, Hébr, XI: "Il faut que celui qui s’approche de Dieu croie," parce qu’elle est
l’expression de la vie présente, qu’elle est la latrie qui rend à Dieu un culte, reconnaissant en
quelque manière que Dieu est son principe; c’est pour cela que la religion d’abord et surtout signifie
la latrie qui rend à Dieu un culte, pour protester de sa vraie foi. C’est ce qui fait dire à saint
Augustin, liv. de la Cité de Dieu, que "la religion semble signifier non toute espèce de culte,
mais celui de Dieu;" et c’est ainsi que Tullius définit la religion dans sa Rhétorique: "La religion,
dit-il, est ce qui rend à une certaine nature supérieure, que l’on appelle Dieu, un culte intérieur et
extérieur." On connaît ainsi, comme appartenant premièrement et surtout à la vraie religion, tout ce
qui constitue l’intégrité de la foi et du service de latrie qui est à Dieu. On connaît en second lieu,
comme appartenant à la vraie religion, toutes les choses au moyen desquelles nous pouvons
manifester à Dieu notre dépendance, parce que, comme le dit saint Augustin dans son Catéchisme:
"Dieu n’est pas seulement honoré par la foi, mais il l’est encore par l’espérance et la charité, de
sorte que toutes les oeuvres de charité s’appellent aussi des oeuvres de religion." C’est ce qui fait
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dire à saint Jacques, I " La religion et la piété pure et sans tache aux yeux de Dieu consiste à visiter
les orphelins et les veuves dans leurs afflictions, etc." Ceci démontre donc que le mot religion a une
double acception:
Une, d’après la signification première de son nom, en tant que quelqu’un se lie à Dieu par la foi
au culte qui lui est dû; et c’est ainsi que chaque chrétien devient, dans le baptême, participant de la
religion chrétienne, renonçant à Satan et à toutes ses pompes. La seconde, en tant que quelqu’un
s’oblige à certaines oeuvres de charité, au moyen desquelles il sert Dieu spécialement, renonçant
aux affaires séculières; et c’est dans ce sens que nous employons le mot religion. Mais la charité
rend à Dieu le service qui lui est dû, ou par les actes de la vie active, ou par ceux de la vie
contemplative. Elle le sert par les actes de la vie active de diverses manières, suivant les divers
devoirs de charité que l’on rend au prochain. C’est ce qui fait qu'il y a certaines religions qui ont
pour but de servir Dieu par la contemplation, telles que la religion monastique et la religion
érémitique; d’autres, au contraire, ont pour objet de servir Dieu activement dans ses membres; telles
sont les religions de ceux qui se consacrent à Dieu pour soigner les malades, racheter les captifs, et
pour accomplir les autres oeuvres de miséricorde. Il n’y a pas d’oeuvre de miséricorde pour laquelle
on ne puisse établir une religion, si jusque-là il n’y en a pas d’établie.
Mais comme l’homme, dans le baptême, est lié à Dieu par la religion de la foi et qu’il meurt au
péché, de même, par le voeu de religion, il meurt non seulement au péché, mais même au siècle,
afin de vivre pour Dieu seul, en accomplissant l’oeuvre de foi par laquelle il a fait voeu de servir
Dieu, parce que comme le péché prive de la vie de l’âme, de même les occupations du siècle sont
un obstacle au service de Jésus-Christ, comme le dit l’Apôtre, II Timothée II: "Celui qui est enrôlé
dans le service de Dieu, ne s’embarrasse pas dans les affaires du siècle;" ce qui fait que par le voeu
de religion on renonce aux choses qui ont coutume d’occuper surtout l’esprit et d’empêcher le
service de Dieu. La principale est la première de ces choses, c’est le mariage. L’Apôtre dit, I aux
Corinthiens VII: "Je veux que vous soyez sans sollicitude. Celui qui n’est pas marié ne s’inquiète
que des choses de Dieu, et comment il lui plaira. Mais celui qui est marié, s’occupe des choses du
monde, comment il plaira à son épouse, et il est divisé." La seconde, c’est la possession des
richesses de la terre. Saint Matthieu dit, X: "La sollicitude de ce siècle, et tout ce que les richesses
ont de trompeur, étouffent la parole et la rendent infructueuse." C’est pourquoi le commentaire des
paroles suivantes de saint Luc VIII,"mais ce qui est tombé dans les épines, etc." dit: "Les richesses,
tout en paraissant réjouir, sont cependant des épines pour ceux qui les possèdent, elles transpercent
le coeur de ceux qui les recherchent avec empressement et qui les conservent avec sollicitude, par
les aiguillons des soucis."
La troisième, c’est sa propre volonté, parce que celui-est l’arbitre de sa propre volonté qui a la
sollicitude du gouvernement de sa propre vie, et c’est pour cela qu’il nous est conseillé de nous en
remettre à la divine providence, relativement à notre état. Il est écrit, I Pierre, V: "Jetant dans son
sein toutes vos inquiétudes, parce qu’il prend soin de vous;" et dans le livre des Proverbes, III:
"Mettez de tout votre coeur votre confiance en Dieu, et ne vous appuyez pas sur votre providence."
Il résulte de là que la religion parfaite est consacrée par trois voeux, qui sont le voeu de chasteté, qui
fait que l’on renonce au mariage, celui de pauvreté par lequel on renonce aux richesses, et celui
d’obéissance par lequel on renonce à sa propre volonté. L’homme, par ces trois voeux, fait à Dieu le
sacrifice de tous ses biens: par le voeu de chasteté, il offre à Dieu en sacrifice son propre corps,
c’est le sacrifice dont parle l’Apôtre, Romains XII, lorsqu’il dit: "Offrez à Dieu votre corps comme
une hostie vivante." Par le voeu de pauvreté, il fait à Dieu l’oblation des biens extérieurs. L’Apôtre
parle de ce sacrifice, Romains XV, lorsqu’il dit: "Et que les saints de Jérusalem reçoivent
favorablement le service que je vais leur rendre." Par le voeu d’obéissance, il fait à Dieu le sacrifice
de son esprit qu’il lui offre. C’est de ce sacrifice dont il est parlé, Psaume L: "Un esprit brisé de
douleur est un sacrifice digne de Dieu."
Ce n’est pas seulement un sacrifice que l’on offre à Dieu par ces trois voeux, c’est un holocauste; ce
qui sous l’ancienne loi était ce qu’il y avait de plus agréable à Dieu. Saint Grégoire dit à cette
occasion, dans la huitième homélie sur l’Exode, part. II: "Lorsque quelqu’un voue à Dieu quelque
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