Cahier didactique du Professeur : La découverte de fossiles dans leur contexte historique. 1. Intention didactique Cette vitrine doit amener à placer la découverte des fossiles d’homininés dans un cadre historique. En fonction de l’histoire, les fossiles n’ont pas été perçus par les scientifiques de la même manière. Ceci peut « réconforter » l’élève devant sa propre préconception et voir vitrine après vitrine, l’appartenance de l’homme parmi les primates. 2. Bref aperçu de la vitrine n°3 La vitrine n°3 nous montre des fossiles pour la plupart faisant parti des homininés en fonction de leur date de découverte. Cette vitrine comprend un représentant pour chaque genre d’homininés actuellement connu: pour le genre d’ Homo il y a habilis, ergaster (erectus africain) erectus (européen et asiatique), neandertalis (uniquement européen) ; pour le genre Australopithecus : il y a africanus et afarensis ; pour le genre Paranthropus : il y a boisei (il existe une controverse parmi les scientifiques pour classer le Paranthropus boisei parmi les Australopithèque), Kenyanthropus platyops, Orrorin tugenensis et Sahelanthropus tchandensis. Seules les espèces sous la dénomination Homo ont donné la lignée de l’Homo sapiens. Les autres espèces d’homininés ont évolués indépendamment jusqu’à leur extinction. Visite guidée : Temps consacré : 10 min. Montré le schéma 1 en essayant de faire remarquer par les élèves le fait que ce sont les fossiles les plus récents qui ont été trouvés les premiers. La découverte des fossiles n’a pas induit directement l’idée de l’existence d’autres hommes dans l’histoire. Dans ce fascicule, nous allons voir l’importance des fossiles dans la compréhension évolutive de l’homme, domaine de la paléoanthropologie. Pour ce faire, nous allons tout d’abord nous penché d’une manière succincte sur la question de savoir qu’est-ce un fossile et sur quel principe on effectue la datation des fossiles avant d’aborder plus particulièrement les fossiles illustrés dans la vitrine n°3. Finalement, nous placerons les découvertes des fossiles dans une perspective historique 3. La fossilisation : un phénomène rare Dans l’origine des espèces datant de 1859, Darwin pointait déjà « l'extrême imperfection du registre géologique ». En effet, la majorité des constituants d’un organisme vivant a tendance à se décomposer relativement rapidement après la mort. Pour qu'un organisme soit préservé par un processus de fossilisation, il faut que les restes doivent nécessairement être recouverts par des sédiments dans un cours lapse de temps. Cependant, il existe des conditions de milieux particuliers, qui conservent l’organisme soit congelé, desséché, ou immobilisé dans un environnement anoxique. Il existe plusieurs types de fossiles et de fossilisation. Le processus même de la fossilisation La fossilisation des êtres vivants est en général un processus lent de minéralisation (remplacement des tissus vivants par des substances minérales) dans les roches sédimentaires qui sont l’environnement pour la conservation de fossiles. Ces roches sédimentaires sont en effet, les sources de fossiles les plus riches. Des particules de sable (silicate) et de limon (particules de quartz, de mica et de feldspath) détachées des sols par l’érosion sont emportées par le cours Schéma: Chronologie de quelques espèces d'Homininés reprises dans la vitrine n°3 en fonction de la date de leur découverte 0 Homo neandertalensis 0,5 Homo erectus : représentant ? asiatique, homme de Java, de Solo Paranthropus boisei 1,0 Homo habilis 1,5 Millions d'années écoulées Homo erectus : représentant européen: ? Homo geogicus Homo ergaster: Homo erectus africain Australopithecus africanus 2,0 2,5 Australopithecus afarensis : Lucy 3,0 Kenyanthropus platyops 3,5 4,0 4,5 5,0 5,5 Orrorin tugenensis 6,0 Sahelanthropus tchadensis 6,5 7,0 1829 1856 1865 1886 1889 1892 1924 Lieu de découverte Europe des fossiles 1959 1960 Asie 1974 1975 1991 Afrique 1999 2000 2001 Europe Afrique Date de la découverte des fossiles d'homininés 1812 1859 George Cuvier : loi de corrélation des formes 1908-1911 ? Publication L'origine des espèces de C. Darwin L'affaire de Piltdown, un canular reflétant les préconceptions de l'époque Acceptation, par la communauté scientifique, de la préhistoire et d'un passé lointain pour l'homme La fondation de la société d'anthropologie de Paris 2001 La découverte de Toumaï : confirme l'origine africaine de l'homme Date historique importante au niveau épistémologique d’eau jusque dans les marais et dans les mers, où elles se déposent au fond en même temps que les organismes morts. Durant des millions d’années, les dépôts s’accumulent et compriment les sédiments sous-jacents, les transformant en couches appelées strates. Les archives géologiques correspondent à l’ordre d’apparition des fossiles dans ces strates de roches sédimentaires. Les fossiles ont une utilité dans la mesure où on peut les dater. Nous verrons un peu plus loin des méthodes de datation. Les archives fossiles ne représentent pas très fidèlement la diversité des formes du passés pour des raisons évoquées ci-haut mais également pour des raisons qu’elles favorisent les espèces ayant eu une population nombreuse et ayant vécu sur une longue période géologique. Dans des cas rare, on peut avoir une conservation de la matière organique (mammouth dans le pergélisol, momification dans du bitume, la diatomite (roche de silice), inclusion dans de l'ambre). Dans d'autres cas, ce ne sont que des traces d'activité biologique qui sont conservées. Dans le schéma 2, nous remarquons que la plupart des homininés, dont les spécimens fossiles sont représentés dans la vitrine n°3, ont été retrouvés sur le rift africain, c’est à-dire du Triangle des Afars en Ethiopie jusqu’au sud du lac de Malawi. Le Rift africain, est une zone très favorable pour le processus de fossilisation. En effet, le Rift africain présente d’intense activité géologique et sismique (à travailler encore). Dans cette zone, les paléontologues ont découverts des centaines de milliers de fossiles de mammifères. A la lumière de ceci, certains scientifiques émettent le doute que l’Afrique soit le berceau de l’humanité. D’après eux, les conditions favorables de fossilisation du rift africain donnent une fausse représentation de l’importance de l’Afrique au niveau paléanthropologique. Cependant, il faut ne perdre de vue que les fossiles ne présentent qu’une partie des éléments pour supporter l’importance de l’Afrique dans l’origine de l’humanité. Nous avons vu que les fossiles ont un intérêt dans le cas il y a une possibilité de les dater. Le point suivant est une brève introduction consacrée à la datation des fossiles. Schéma 2 La plupart des fossiles d’homininés africains ont été retrouvés sur le Rift africain indiqué sur le schéma par des pointillés. L’abréviation A. utilisé dans ce schéma correspond à l’espèce Australopithecus. 4. Méthodes de datation des fossiles. Nous avons vu précédemment qu’on retrouve la plupart des fossiles dans les roches sédimentaires. Les organismes morts fixés dans les sédiments sont figés dans le temps. Ainsi, les fossiles présents dans chaque strate de roche sédimentaire constituent un échantillon local des organismes qui existaient à l’époque où est formé le dépôt de sédiments. Comme des sédiments plus récents se superposent aux anciens, la roche sédimentaire constitue en quelque sorte un livre dont les pages révèlent les âges relatifs des fossiles. La succession relative des fossiles dans les strates rocheuses révèle l’ordre dans lequel ils se sont fixés, mais pas leur âge. Lorsqu’on examine leur position relative dans les strates, c’est comme si on décollait des couches de papier peint dans une très vieille maison où se sont succédé de nombreux occupants. On peut déterminer l’ordre dans lequel les couches ont été superposées, mais non la date à laquelle chacune a été appliquée. Cependant, cette méthode dite de stratigraphie peut être utilisée comme datation relative. Il existe également une autre méthode relative celle de la biochronologie. Cependant ce sont les méthodes dites d’absolues qui permettent d’évaluer d’une manière fiable les fossiles. Cette méthode est basée sur la désintégration radioactive de certains éléments chimiques comme le carbone 14 ou le K40. 5. Découverte des fossiles dans une perspective historique Au début du XIXe siècle, Cuvier, paléontologue et créationniste convaincu concilie l’existence des fossiles avec la doctrine créationniste en « postulant des cataclysmes provoquant la disparition d’une grande partie des espèces existantes à un moment donné », le déluge biblique est considéré comme la dernière de ces catastrophes (Gagliari, 1987, p.251 ; Laurent, 1996). Cuvier mène des recherches paléontologiques dans le sous-sol parisien et conclut à l’inexistence de l’homme fossile. Cette utilisation erronée de l’absence de preuve comme preuve de l’inexistence de l’homme montre bien les présupposés de Cuvier et plus généralement de la communauté scientifique dans le domaine. Cependant, même les découvertes d’ossements humains fossiles en Belgique (Schmerling, 1829-1830) et en Allemagne (vallée de Néandertal, calotte crânienne, 1856), n’avaient pas convaincu la communauté scientifique d’une vision d’un homme préhistorique. La publication de l’origine des espèces en 1859 par Darwin avait convaincu la communauté scientifique de l’idée de l’évolution des êtres vivants. Mais dans son ouvrage, Darwin ne mentionna pas d’une manière explicite l’évolution de l’homme. A cette même époque, l’idée d’un passé lointain pour l’homme émergeait dans la communauté scientifique et à Paris, fut créée la Société d’anthropologie. Malgré cette acceptation d’un passé lointain pour l’homme, ce n’est qu’au cours des dernières décennies du XIXe siècle que progressivement la référence au Déluge (temps biblique, fixisme) sera abandonnée et avec elle, l’idée d’une rupture dans l’histoire humaine avec un homme antédiluvien et un homme de type Adam. Ils seront remplacés par l’homme dit préhistorique. Les découvertes effectuées en Belgique, de la première mandibule de Néandertalien à Naulette en 1865 et ensuite en 1886, de trois squelettes de Néandertalien dans la grotte de Spy permettaient aux scientifiques de dresser une description précise de Homo neandertalis et ainsi apporta « une preuve » de l’existence passée d’ un « autre homme » possédant de nombreux caractères humains. Le fait de trouver historiquement l’Homo nedandertalis en premier lieu confortaient les scientifiques de l’époque dans leur idée de l’importance du cerveau dans l’évolution de l’homme. Darwin lui-même dans son ouvrage intitulé : L’ascendance de l’Homme (The descent of Man) publié en 1871 attribua à l’évolution de l’homme des caractéristiques particulières qui diffèrent des autres espèces : les principaux caractères humains, la bipédie, la maîtrise de la technique, la possession d’un cerveau de grande taille seraient apparus en même temps. Ces principaux caractères humains étaient repris sur la conception d’indissociabilité des caractères. Cette conception fut fortement ancrée dans la communauté paléoanthropologue durant plusieurs décennies. La découverte vers 1889 de l’homme de Java (Indonésie) suivi de la découverte de l’homme de Pékin (vers les années 1920 en Chine) et de l’homme de Solo (vers 1931-1932 en Indonésie, spécimen de crâne exposé dans la vitrine), tous identifiés plus tard comme appartenant à l’espèce de Homo erectus, confortaient la communauté scientifique dans l’idée de la primauté du cerveau dans l’évolution de la lignée humaine. En effet, l’Homo erectus possède un volume de boîte crânienne d’environ 900 cm3 relativement proche de celui de l’Homo sapiens (1400 cm3) et de celui de l’Homo neandertalis. (1500 cm3) en tenant compte du rapport du volume crânien avec la taille. Par ailleur l’Homo erectus montre par rapport à l’Homo nedeandertalis au niveau du crâne un prognathisme plus prononcé et possède un front fuyant avec un borrelet sus-orbitaire. Ce qui place l’Homo erectus comme une espèce antérieure à l’Homo neandertalis. La supercherie de Piltdown (1908-1911) illustre bien la conception cérébraliste qui était fortement ancré au début du XXème siècle. Le fait de trouver un crâne dont le volume était proche de celui d’un crâne de Homo sapiens avec une mandibule simienne dont les dents avaient des caractères humains confortaient certains scientifiques de l’époque dans leur préconception que le développement du cerveau s’est effectué très tôt dans l’évolution de l’homme. Cette supercherie a été mise définitivement à jour par des analyses chimiques et datation au carbone 14 seulement en 1953. En 1924, l’étude effectuée par Dart sur un fossile d’un enfant (partie de crâne où l’on voit la face, la boîte crânienne et une mandibule inférieure) trouvé à Taung dans une carrière de limon situé en Afrique du Sud décrivit un nouveau genre d’homininé, nommé Australopithecus ou le singe du Sud. Bien qu’ilfut pas possible de dater avec précision les limons de la carrière de Taung, l’estimation scientifique suggérait que l’enfant vivait il y a 2 millions d’années. Son volume cérébral est comparable à celui d’un chimpanzé (400 à 450 cm3) et le mandibule était moins protubérante que chez le chimpanzé. La position du trou occipitale indique que cet enfant Australopithèque était bipède. Malgré cette étude détaillée (parue dans la revue Nature), il a fallu 25 ans pour que la communauté scientifique admette que ce fossile était un ancêtre de l’homme et non juste un singe ancien. Les raisons de ce refus était liée d’une part à la révulsion générale à l’idée qu’un être aussi simiesque pouvait être associée à la ligné des homininés, d’autre part le refus d’accepter l’Afrique comme origine de l’évolution humaine. Plutôt qu’admettre l’Afrique comme berceau de l’humanité, les scientifiques préféraient l’Asie comme terre de l’origine de l’homme. Ce choix n’était pas basé uniquement sur des préjugés mais également sur des argumentations scientifiques (voir en haut, découverte de l’homme de Java, de Péking et de Solo). Mais cela reposait surtout sur l’indissociabilité des caractères. En 1952, Teilhard de Chardin, un anthropologue renommé français admettait qu’il était antiscientifique de ne pas accepter l’hypothèse selon laquelle le continent noir était la terre de l’origine de l’homme. Malgré ceci, l’origine asiatique est préférée à celle de l’Afrique jusqu’en 1980. Les découvertes effectuées en Afrique par la famille Leakey respectivement en 1959 et 1960 de deux nouveaux genre d’Homininés, Paranthropus boisei et Homo habilis et la découverte en 1974, d’une Austraplopitecus afarensis appelée Lucy dont le squelette était assez complet (environ 50 fragments ont été découverts) persuadaient un nombre grandissent de scientifiques de l’origine africaine de l’homme. Ce n’est après le conflit qui opposait d’un côté Simons et Pilbeam (université d’Oxford), un anthropologue de l’université de Yale et l’autre côté deux biochimistes de l’université de Berkeley (USA), Wilson et Sarich au sujet de l’estimation de la période qui séparait l’homme du singe que l’origine africaine de l’homme a été définitivement accepté par la communauté scientifique. Simons et Pilbeam se basant uniquement sur les fragments fossilisés de la mâchoire supérieure de Ramapithecus concluèrent d’après l’indissociabilité des caractères que Ramapithecus était bipède, chassé et vivait dans un environnement social complexe. Ils évaluèrent à partir de ce fossile la bifurcation entre les singes et l’homme à 15 millions d’années. Tandis que Wilson et Sarich par la méthode de l’horloge moléculaire datèrent cette bifurcation à 5 millions d’années. Cette controverse qui avait duré plus de vingt ans pris fin en 1980 avec la découverte par Pilbeam d’un fossile complet de Ramipithecus. Il a été démontré que Ramipithecus était un ancêtre des orang-outans actuels. Rétrospectivement nous savons que la bifurcation entre le chimpanzé et l’homme s’est effectué il y avait 7 millions d’années d’après l’horloge moléculaire. Une fois que la communauté scientifique avait accepté l’origine africaine de l’homme et que l’indissociabilité des caractères fut remise en question, l’acceptation de l’évolution d’hominidés bipèdes à faible capacité cérébrale vers les hominines fut admise d’une façon générale par la communauté scientifique. Les découvertes successives en 1999 de Kenyanthropus playops (3,5 106 années), en 2000 de Orrorin tugenensis et en 2001 (6 106 années) de Sahelanthropus tchadensis (7 106 années) renforcent l’idée de l’origine africaine de l’homme. 6 . Références 1) Gould, S.J. (1991), Quand les poules auront des dents, réflexions sur l’histoire naturelle, éd. Du Seuil, Paris. Gould, S.J. 2) Gould, S. J. (1982) Le pouce du Panda, plus de réflexions sur l’histoire naturelle, Ed. Grasset & Faquelle, Paris. 3) Picq, P. (2005). Les origines de l’homme. Tallendier éd., Paris. 4) Leakey, R (1995) The origin of humankind, HarperCollins ed., New York. 5) Quessada-Chabal, M.(2009) L’ enseignement des origines de l’Homo sapiens, hier et aujourd’hui en France et ailleurs, Thése de doctorat de L’université de Montpellier II. 6) Campbell, N., Reece, J. (2007) Biologie, Pearson Education France, Paris.