Bilan du siècle : de l’impérialisme à la vague révolutionnaire de 17 et à la révolution coloniale, prélude à une révolution mondiale Introduction : une nouvelle période historique Nous sommes clairement aujourd’hui dans une nouvelle phase du capitalisme, une nouvelle période que la bourgeoisie appelle « mondialisation » et qu’elle présente, comme à chaque étape de sa domination, comme un horizon indépassable. Si nous voulons discuter du bilan du siècle passé, c’est précisément pour réfuter cette idée du capitalisme indépassable et pour revenir sur une évolution historique de laquelle on fonde notre conviction qu’une révolution mondiale, bien plus large que toutes celles qui ont précédé, est en gestation dans cette nouvelle période. Toute époque est évidemment façonnée par l’époque qui précède. Il s’agit donc d’avoir une vision globale de l’évolution historique et en l’occurrence de l’évolution du capitalisme, pour se libérer de l’instant qui domine les esprit, et qui permet au pressions idéologiques de la bourgeoisie, à ses mensonges de combattre les aspirations d’émancipation, égarant bon nombre d’opprimés du côté de la démagogie d’extrême droite. Longtemps, la jeunesse a été présentée comme apolitique par cette même idéologie. Mais elle a fait récemment irruption dans la rue, montrant qu’elle a une conscience politique et des aspirations à la liberté et à la démocratie. Seulement, comme beaucoup, elle manque de repères clairs, de références historiques qui arment cette conscience et qui lui donnent une compréhension du présent pour transformer ses aspirations en véritable force révolutionnaire. Ces références sont nécessaires parce que l’histoire nous permet de comprendre quelles sont les tendances économiques, politiques et sociales actuelles. Elle nous a légué, en plus d’un attachement à un camp social, les idées qui nous permettent cette compréhension, les idées de la lutte, celles du socialisme et du communisme, nées du combat, et qui ont évolué au travers des révolutions des opprimés, des réactions de la bourgeoisie et de l’évolution du capitalisme et donc de la lutte des classes. Nous faisons donc ce bilan du siècle aujourd’hui pour nous réapproprier l’histoire et comprendre les conditions nouvelles de cette lutte des classes. Mais parler d’une nouvelle phase, de conditions nouvelles, ce n’est pas forcément évident pour tous. La LCR elle-même n’a pas cette analyse que nous sommes dans une nouvelle période depuis très longtemps, tout simplement parce que les délimitation des périodes historiques sont des choses assez vagues sur lesquelles on ne peut pas mettre de date précise. On a commencé à prendre conscience d’une nouvelle donne avec les grandes luttes de 95, qui marquaient un renouveau, et avec les scores de l’extrême gauche. Evidemment, ce n’était que l’expression d’une évolution en profondeur dans les faits économiques, dans les rapports de force entre les bourgeoisie et entre les classes à l’échelle internationale, qui ne peuvent se comprendre qu’en comprenant le développement historique à plus long terme. Un des grands évènements de la fin du XXème siècle, c’est la fin de l’URSS. Elle a marqué la fin d’une période, ouverte au début du siècle où le capitalisme de libre concurrence du XIX ème laissait la place à l’impérialisme et aux grandes puissances colonisatrices qui ont conduit l’humanité à la première guerre mondiale. L’impérialisme était une nouvelle étape dans la lutte des classes, dont la conséquence a été une vague révolutionnaire sans précédent, initiée par la révolution russe, qui a mis fin à la guerre et qui a changé la face du monde pour 80 ans. C’est cette révolution qui a déterminé toutes les autres, jusqu’au révolutions coloniales. Elle a été un référence pour les opprimés face au capitalisme qui enfantait la guerre, la crise, le fascisme puis à nouveau la guerre. Elle a été un repère pour les peuples colonisés qui bien souvent se sont reconnus dans l’étiquette communiste, quel que soit le contenu qu’y mettaient les directions nationalistes, contre l’impérialisme et auquel ils ont arraché par la lutte leur indépendance. Le XXème siècle, c’est donc le siècle des révolutions face à l’impérialisme. Mais c’est aussi le siècle de la réaction, le siècle qui a vu les Etats Unis triompher de ses concurrents impérialistes d’abord, puis de ce qui restait de la révolution, en se débarrassant de l’URSS. Ce qu’il reste, c’est un nouveau rapport de force mondial entre les classes, en faveur de la bourgeoisie, sous l’égide des Etats Unis. L’impérialisme a cédé la place à un capitalisme, toujours impérialiste, mais de libre concurrence, à une mondialisation de l’économie qui abat les frontières et pille les peuples dans une euphorie boursière. Un capitalisme qui semble sans limite, comme au début du XX ème siècle. Mais les mêmes causes engendrent les mêmes effets et la poursuite du travail commencé par la révolution russe au siècle dernier est une perspective nécessaire et inévitable. Voilà pour une présentation rapide du XXème siècle. C’est donc une large période historique qu’on va survoler en nous arrêtant sur les évènements essentiels qui nous permettent de comprendre la situation actuelle. ********************* I / Le capitalisme à l’heure impérialiste : guerre et vague révolutionnaire On va faire un petit retour en arrière, au XVIIIème siècle, à l’époque où le capitalisme est né, à travers deux révolutions. La première est une révolution idéologique, sanctionnée par la révolution française, qui établit dans les consciences comme dans la loi que « la propriété bourgeoise est la condition du bonheur ». La deuxième révolution qui se déroule essentiellement au XIXème en Angleterre et en France avant de s’étendre à l’Europe et à la planète, est économique : c’est la révolution industrielle, l’apparition de l’industrie moderne, permise par les progrès techniques et sur la base d’une exploitation sans limite des travailleurs, faisant de la propriété, « condition du bonheur », la cause de tous les malheurs des opprimés. C’est à cette époque que le mouvement ouvrier se constitue et combat pour la première fois, en 1848, en 1871, ces combats dont on a discuté la dernière fois, et au travers desquels les idées socialistes et communistes sont apparues comme les idées de la lutte révolutionnaire. Ces premières expériences ouvrières ouvrent la voie à une révolution en gestation, face au capitalisme qui, sous l’égide de l’Angleterre, livre dans une fuite en avant l’Europe, puis le monde, au capitalisme de libre concurrence. A) L’impérialisme : 1870-1914 Depuis la révolution industrielle, la grande industrie se développe en provoquant la ruine de la petite industrie et au prix d’une exploitation féroce des travailleurs, hommes, femmes et enfants. Le capitalisme de libre concurrence développe la mondialisation de l’économie avec la multiplication sans précédent des échanges rattachant chaque partie de l’économie mondiale à la domination des grandes puissances dominées elles-mêmes par l’Angleterre. Cette domination de l’Angleterre provoque une réaction de l’Allemagne, de la France, des USA et du Japon. Partout, le protectionnisme se dresse pour aider à la naissance d’économies nationales. Le développement de l’industrie sans précédent ne trouvait pas un marché à sa mesure. Après une énième crise boursière, cette première phase de développement industriel aboutit à une longue période de dépression économique. Les bourgeoisies européennes ne sortent du marasme qu’en partant à la conquête de nouveaux marchés dans le même temps que la crise provoque une vague de concentrations qui permet l’utilisation à grande échelle des nouveaux progrès technologiques. C’est la deuxième révolution industrielle. L’exploitation du pétrole, l’utilisation de l’électricité dans l’industrie, révolution dans la sidérurgie, l’extension du chemin de fer dans le monde entier, l’automobile, puis l’avion, bouleversent la société. La concentration de la production aboutit à la formation des monopoles qui disposent d’énormes capitaux. Les banques qui gèrent ces capitaux s’allient aux industries et prennent une place déterminante au détriment de la Bourse. De cette union des banques et des industries, naît une oligarchie financière qui concentre entre ses mains des masses de capitaux qui s’investissent partout où il y a un profit à prélever. C’est la naissance du capital financier. L’exportation des capitaux vers les colonies ou d’autres pays devient une activité particulièrement lucrative. Ainsi s’opère un partage du monde entre groupements capitalistes qui agissent sous la protection de leur Etat, grâce à son intervention, notamment par la politique du sabre et du goupillon pour conquérir de nouvelles colonies. Ce partage du monde entre les grandes puissances capitalistes d’Europe se fait principalement au profit de l’Angleterre et de la France et au détriment de l’Allemagne, sanctionné en 1895 par le Traité de Berlin. De 1890 à 1913, c’est ce que la bourgeoisie appelle la « Belle époque », c’est-à-dire une époque d’expansion impérialiste et de prospérité économique des trusts qui réalisent des profits monopolistiques garantis par leurs Etats. La concentration croissante des richesses se fait au prix d’une exacerbation de l’exploitation, des inégalités, d’un pillage des colonies qui paralyse et étouffe le développement social et économique des pays dominés. Mais de la prospérité naissent les causes de la guerre et de la révolution. En effet, Plus les capitalistes investissent dans les moyens de production, dans le capital fixe, plus leur taux de profit tend à diminuer puisque les progrès techniques font qu’ils exploitent moins de travail vivant, pour produire plus. Cette diminution entraîne une exacerbation de la concurrence entre impérialismes. Le militarisme et la censure de la démocratie deviennent les traits dominants des grandes puissances, de l’Allemagne en particulier, qui, devenue une puissance économique plus moderne que l’Angleterre reste privée de débouchés pour ses capitaux et se prépare donc à remettre en cause le partage du monde par la guerre. B) Le mouvement ouvrier : 1875-1914 Mais cette période de prospérité qui conduit à la guerre, c’est aussi une période d’essor du mouvement ouvrier. La sociale-démocratie, c’est-à-dire les partis socialistes réunis dans la Deuxième Internationale, qui regroupent des millions de travailleurs en Allemagne et en France en particulier, constitue le socle sur lequel se forment les hommes et les consciences qui, après la guerre, vont être les acteurs de la vague révolutionnaire. Après l’écrasement de la Commune de Paris en1871, le mouvement ouvrier, en quelques années, s’était réorganisé comme jamais face à l’exploitation féroce et à la morale dominante distillée par les patrons et les écoles de la République. La classe ouvrière héritait de la combativité et de la conscience de classe forgée au travers de la Commune et des les années 1880, elle s’organise massivement en partis de classe et en syndicats révolutionnaires, malgré les lois d’exception qui interdisent les organisations ouvrières. La Deuxième Internationale est créée, le 1 er mai est décrété journée de lutte pour les 8h de travail par jour. La bourgeoisie, impuissante face à cette force devenue incontournable est obligée de reconnaître les organisations ouvrières. La période de prospérité dans laquelle se forment les impérialismes est aussi une période de luttes politiques, économiques et sociales incessantes, liées à des perspectives révolutionnaires. Mais le mouvement ouvrier, qui aspire à prendre son sort en main n’est confronté aucune grande lutte sociale. En effet, la période d’expansion, même si en ligne de mire se dresse le danger de la guerre dont la socialdémocratie est tout à fait consciente, éloigne la pratique militante quotidienne de la perspective révolutionnaire. L’illusion naît même dans les rangs ouvriers que le capitalisme est capable de surmonter les crises et qu’ils peuvent améliorer leur sort, par la lutte, dans le cadre de ce système. Ces idées, le réformisme, sont défendues par certains cadres de la social-démocratie comme Millerand en France ou Bernstein en Allemagne. En effet, la bourgeoisie, tout en la combattant, essaie de domestiquer la classe ouvrière, en s’appuyant sur ces illusions qui voient le jour et en distribuant des miettes au Bernstein ou Millerand (qui entre au gouvernement bourgeois en 1898) pour théoriser et propager ces illusions et s’acheter la paix sociale. Ces illusions sur le capitalisme gagnent du terrain et à la veille de la guerre, l’aile gauche de la social-démocratie, qui voit venir la guerre et qui perçoit des possibilités révolutionnaires, est minoritaire. Evidemment, quand la guerre éclate, le mouvement ouvrier s’effondre montrant l’ampleur de l’adaptation au capitalisme et du décalage entre la théorie révolutionnaire et les pratiques quotidiennes. Les dirigeants de la Deuxième internationale se rallient presque tous à leur bourgeoisie, consacrant la faillite de la social-démocratie. Le PS actuel est issu de cette faillite du mouvement ouvrier (et a poursuivi la faillite jusqu’au bout). Ceci dit, l’essor de la Deuxième Internationale a servi puisqu’elle a permis au mouvement ouvrier, grâce à une minorité consciente (Lénine, Trotski, Rosa Luxembourg,…) qui a été formée par la social-démocratie, de relever la tête pendant la guerre et d’atteindre son apogée. C) La vague révolutionnaire En effet, la guerre a tout balayé : le mouvement ouvrier d’abord… puis les illusions qu’il avait sur la capacité du capitalisme à surmonter les crises et à assurer la prospérité et la paix. Une fois les conclusions tirées par des millions de travailleurs envoyés au massacre dans les tranchées, une seule solution s’imposait contre la guerre : la lutte révolutionnaire. Et de fait c’est une vague révolutionnaire qui éclate en 1917-1918, initiée par la Russie, qui était à la fois le « maillon faible de la chaîne capitaliste » (selon la formule de Lénine) et le seul pays ou un parti, le parti bolchevique, n’avait pas capitulé devant les classes dominantes. Cette révolution, c’est une démonstration de la puissance des masses : alors qu’elles réclamaient du pain et la paix, il leur a fallu quelques jours seulement pour renverser le vieil ordre tsariste et quelques mois pour mettre en place un pouvoir ouvrier et en finir avec la guerre. Elle est la démonstration que le capitalisme, dans ses pires heures, est capable d’engendrer des prises de conscience rapide, en l’espace de quelques mois et entraîner les plus larges masses dans la lutte révolutionnaire. Elle est aussi la démonstration que le capitalisme, aussi puissant qu’il soit, aussi militarisé qu’il soit est impuissant devant les masses révolutionnaires. La classe ouvrière russe, à la tête de l’ensemble de la population s’est emparée de l’appareil militaire, de l’appareil d’Etat pour le réorganiser, pour décréter la paix, pour réorganiser l’économie. Elle a lancé un appel aux travailleurs du monde entier pour entrer en lutte, pour participer à la révolution mondiale qui commençait, en appelant à la constitution des partis communistes et en créant le parti mondial de la révolution : la Troisième Internationale. Alors on ne va pas revenir sur les détails de la révolution russe dont on a déjà discuté la dernière fois, mais simplement dire qu’elle a été un encouragement pour tous les opprimés pendant la plus grande partie du XXème siècle et que ce pouvoir ouvrier qui défie la bourgeoisie impérialiste, qui lui impose d’arrêter la guerre, va changer durablement la face du monde et créer une nouvelle donne pour la lutte des classes dans le monde entier. La vague révolutionnaire qui a suivi immédiatement la révolution russe et qui a duré jusqu’en 1923, sous l’influence de la troisième internationale révolutionnaire a été l’illustration de l’immense espoir suscité par la révolution russe qui exportait ses soviets. Même une fois la vague révolutionnaire vaincue par la bourgeoisie, trahie et écrasée par la social-démocratie devenue contre-révolutionnaire, même quand le stalinisme est sorti de la réaction bourgeoise qui isolait et affaiblissait l’URSS, même quand la troisième internationale s’est débarrassée de ses rangs des derniers révolutionnaires internationalistes, les trotskistes en particulier, la révolution russe est restée une référence, un espoir pour les peuples et les classes ouvrières du monde entier. C’est cette solidarité, la force des idées qu’elle représentait face à la barbarie du capital financier qui lui ont permis de tenir 80 ans avant que la bourgeoisie en vienne à bout. L’URSS a démontré au passage la supériorité de son organisation économique, de la planification qui l’a hissée au 2ème rang mondial en partant de rien, malgré la dictature de la bureaucratie stalinienne et le retour progressif du vieux fatras bourgeois auquel elle aspirait de puis le début. Ce sont les idées qu’elle représente, ce défi à l’impérialisme, qui ont fait de la révolution russe un encouragement à tous les peuples jusqu’aux peuples colonisés qui, après la 2ème guerre vont à leur tour prendre les armes pour leur émancipation. La révolution russe fait figure d’une première et décisive étape de la révolution mondiale, poursuivie par la suite par les peuples colonisés et qu’il reste à terminer. ********************* II / Le capitalisme, c’est la crise et la guerre En attendant, dans l’entre-deux-guerres, la lutte des classes se poursuit et après la vague de réaction, l’écrasement de la vague révolutionnaire et l’isolement de l’URSS, le capitalisme et son fonctionnement anarchique, incontrôlable par les hommes, masque ses contradictions internes derrière une période de croissance et d’euphorie boursière. Mais rapidement la crise éclate puis le fascisme et une nouvelle logique guerrière, la première guerre, interrompue par l’irruption des masses révolutionnaires n’ayant rien réglé sur le plan de la concurrence entre les impérialismes et le repartage du monde. A) De la crise de 29 au fascisme L’Europe sort de la guerre à genoux, détruites par les destructions, affaiblie par la vague révolutionnaire. Au contraire, les Etats Unis sont les grands vainqueurs. Entrés tard en guerre et échappant aux destructions, ils ont bénéficié d’un développement économique qui leur a permis de se doter de l’industrie la plus moderne de toutes les puissances impérialistes, grâce aux profits de guerre. Si elle ne s’est pas encore imposée comme bourgeoisie dominante, la bourgeoisie américaine incarne tout de même la prospérité, garante de la paix. La social-démocratie contre-révolutionnaire européenne se fait le valet du nouvel impérialisme, vantant ses mérites et sa capacité à assurer la paix. Elle crie à qui veut l’entendre que la Grande guerre était la « der des ders ». Mais c’est mal comprendre le fonctionnement du capitalisme à son stade impérialiste. Les capitaux américains affluent partout. Les Etats Unis partent à la conquête du monde, ils sont les créanciers de toutes les grandes puissances et se livrent grâce à leurs capitaux à une lutte d’influence sur les colonies avec sa principale rivale, l’Angleterre à qui elle dispute la domination du monde. Les dollars font tomber les frontières protectionnistes s’investissent partout dans la production, dans le crédit et la spéculation. L’euphorie du libéralisme, qui se traduit par une euphorie boursière et… une crise de surproduction classique, inhérente au capitalisme mais qui prend des proportions jamais atteinte, propres à l’impérialisme et à l’économie mondialisée. C’est du modèle américain que vient la crise qui se manifeste brutalement par le krach boursier de 1929 mais dont les causes sont plus profondes : les salaires n’ont pas suivi les profits et les investissements et ne peuvent donc absorber toute la production. Les ventes baissent, l’inquiétude des investisseurs se développe, les capitaux refluent, les faillites se multiplient et la bourse s’effondre dans un mouvement de panique. La crise, dont on peut dire qu’elle est la crise de l’émergence américaine, entraîne une récession sur toute la planète, plongeant les peuples et les classes ouvrières dans le chômage et la misère. L’Europe est touchée de plein fouet et en particulier l’Allemagne qui, étranglée par sa position de vaincue de la 1 ère guerre, s’effondre dans une crise sans précédent. Mais toute les Etats européens sont touchés, proportionnellement à leur endettement auprès des Etats Unis. Les barrières protectionnistes se redressent pour protéger les marchés intérieurs et les vieilles tensions entre les Etats réapparaissent. C’est la lutte pour les débouchés pour écouler les surplus de production et de capitaux. La France et l’Angleterre, disposant encore de leur empire colonial sont relativement moins touchées par la crise que l’Allemagne. La bourgeoisie allemande, étranglée dans ses frontières, menacée d’une révolte sociale dans laquelle la petite bourgeoisie ruinée pourrait prendre toute sa place, fait appel au fascisme, comme l’a fait plus tôt la bourgeoisie italienne et le fera plus tard la bourgeoisie espagnole. Le fascisme ou le nazisme en Allemagne, c’est un appareil d’Etat et idéologique fort qui utilise la rage de la petite bourgeoisie dépossédée pour briser la classe ouvrière, la démocratie, pour mettre au pas toute la population dans un effort de production immense pour, en augmentant l’exploitation, renouer avec les profits, se militariser et rejouer dans une nouvelle guerre le partage du monde. B) La révolution, seul rempart contre la guerre Dans cette période de tensions entre impérialismes, la guerre est ressentie comme inéluctable. Avec le fascisme, les illusions dans la démocratie et le pacifisme de la bourgeoisie tombent. Le mouvement ouvrier, affaibli par la réaction bourgeoise à la précédente vague révolutionnaire, par la crise et par la montée du fascisme dans toute l’Europe va malgré tout relever la tête, partout où il n’est pas brisé. Aux Etats Unis, en Indochine, en Palestine, au Maroc et partout en Europe excepté en Allemagne et en Italie, on assiste dans les années 30 à une nouvelle montée révolutionnaire qui se pose contre le fascisme, contre la guerre à venir, mais aussi contre les conditions d’existence imposées au monde du travail par la bourgeoisie qui veut lui faire payer sa crise. Et c’est en France et en Espagne que ces luttes ont pris le plus d’ampleur en 1936 et 1937. Dans ces deux pays, la lutte s’est ouverte contre la poussée de l’extrême droite, après une démonstration des forces d’extrême droite dans la rue le 6 février 1934 en France, et après l’entrée au gouvernement de 2 ministres d’extrême droite en Espagne la même année. Les révoltes, comme à Oviedo en Espagne en 34, les luttes et les grèves ouvrières obligent la bourgeoisie des deux pays à lâcher du leste et à faire appel à des gouvernements de front populaire en 1936. Les PS et les PC, alliés aux radicaux, parti réactionnaire de la petite bourgeoisie, constituent des gouvernements pour faire taire les mouvements ouvriers. Les PS, fidèles à la bourgeoisie sont rejoints par les PC staliniens qui amorcent un virage à droite dès 1935 en s’alliant à leur bourgeoisie sous prétexte de la nécessaire unité nationale contre le danger du fascisme. En 1936, à l’élection du front populaire, des grèves d’ampleur éclatent partout en France, mettant en place des comités de grève, des occupations d’usines, posant dans les faits le problème du contrôle de l’économie par le monde du travail. C’est ce qui fait dire à Trotsky, alors, que « la révolution française a commencé ». Mais il n’existe alors aucune force révolutionnaire pour organiser la lutte et contrecarrer la réaction de la bourgeoisie qui, grâce au PS et au PC, réussit à faire rentrer les ouvriers dans le rang, au prix de concessions économiques sur les salaires et les congés payés. Au même moment, en Espagne, un mouvement de grève se déclenche à l’élection du Front populaire espagnol. La bourgeoisie, moins puissante que la bourgeoisie française, panique et Franco, à la tête de l’armée, tente un coup d’Etat pour briser la classe ouvrière. C’est alors un mouvement ouvrier de masse qui se lève, qui s’arme et qui repousse Franco au sud de l’Espagne. Les travailleurs espagnols entame leur révolution en collectivisant les terres, en commençant à réorganiser l’économie dans la province de Barcelone. Cette révolution est alors le dernier rempart contre la guerre, un espoir pour toutes les classes ouvrières matées par la bourgeoisie, brisées par le fascisme mais pour lesquelles la révolution espagnole représente une perspective d’émancipation comme l’avait été la révolution russe. Mais la bourgeoisie républicaine tout comme la 3 ème internationale préfère encore Franco et le fascisme à une révolution. Le PS et le PC s’acharnent à enterrer cette révolution, le PC se faisant même l’agent de la répression armée contre les révolutionnaires. Finalement, en 1938, la classe ouvrière est vaincue, embrigadée dans les armées régulières de la bourgeoisie républicaine qui ne peuvent résister aux armées franquistes. La bourgeoisie a évité le pire en se payant le luxe que la classe ouvrière soit écrasée. En 1938, Franco est au pouvoir en Espagne tandis qu’en France, toutes les conquêtes ouvrières sont reprises une à une. En 1939 le PC est interdit et les pleins pouvoirs sont donnés à Pétain par l’assemblée du Front populaire moins le PC. La classe ouvrière est alors vaincue partout. La bourgeoisie a brisé les derniers remparts à la guerre qui est alors inévitable. C) Guerres mondiales : la barbarie des impérialismes qui se cherchent un leader Il y a donc eu deux guerres mondiales en 25 ans, 2 boucheries pour le partage du monde entre les impérialismes. Que la concurrence et la lutte pour le partage du monde soit la cause fondamentale de la guerre, c’est à peu près admis pour la première. Mais pour la 2ème, la bourgeoisie campe sur son mensonge de « la démocratie contre le fascisme », largement relayé dans le monde du travail, par les réformistes et les staliniens qui vouent un culte à la Résistance française. Il s’agissait bien sûr de masquer la responsabilité de l’impérialisme pour étouffer tout risque de crise révolutionnaire. Reste évidemment que ni la crise de 29, ni le fascisme, ni la 2ème guerre mondiale ne sont des accidents mais qu’ils sont bien le produit de la logique folle du capitalisme et des rapports de forces entre puissances impérialistes. La 1ère guerre n’a rien réglé. Les Etats Unis en sont sortis vainqueurs, 1ère puissance économique, concurrençant largement l’Angleterre, mais sans s’imposer comme leader mondial, sans pouvoir imposer son ordre à toute la planète. Les deux guerres n’en sont en réalité qu’une seule, qui se déroule en deux étapes. La 1 ère étape a consacré la défaite économique de l’Angleterre et de la France comme puissances dominantes, faisant surgir de nouvelles puissances, les Etats Unis et l’Allemagne. La 2ème étape, c’est le règlement de compte entre les Etats Unis et l’Allemagne et dans une moindre mesure le Japon qui émerge. L’Angleterre sert de force d’appoint à ses nouveaux maîtres américains tandis que la bourgeoisie française, dès le début de la guerre, s’est vendu au fascisme de Pétain qui, lui-même a ouvert la porte à Hitler. La France n’a donc pas existé en tant que force impérialiste dans cette guerre montrant au monde entier sa faiblesse et le parasitisme de sa bourgeoisie coloniale réactionnaire. A l’issue de la guerre, les Etats unis sont la superpuissance économique et militaire. Comme pendant la 1ère guerre, ils n’ont subi aucune destruction, l’industrie de guerre a fait repartir la machine stoppée par la crise de 29. Plus que jamais, le dollars envahit la planète. La bourgeoisie américaine se paie le luxe de s’acheter l’Europe par le plan Marshall, pour en relancer l’économie et reconstruire des débouchés aux capitaux américains. Ils ont l’hégémonie totale sur le monde impérialiste et sont, jusqu’à aujourd’hui, les gendarmes du monde. Le 1 er acte dirigé par les Etats Unis à l’issue de la guerre avec ses alliés du moment, l’URSS, est de partager le monde, à Yalta, en zones d’influence économique, politique et militaire. L’URSS est chargé de mater la révolte causée par la guerre à l’est ainsi qu’à l’ouest grâce aux PC. Les Etats Unis se taillent la part du lion avec des marchés énormes à conquérir pour leurs capitaux assurant l’ordre à l’ouest par l’intermédiaire de l’OTAN et en extrême orient par l’intermédiaire des bombes nucléaires. Le deuxième acte des Etats Unis dans l’après guerre, dès que l’ordre est assuré, va être de lancer l’offensive précisément contre l’URSS pour en finir avec cette puissance, dont l’économie planifiée et le monopole du commerce extérieur par l’Etat en font une enclave inacceptable dans le monde capitaliste, et avoir une hégémonie totale sur le monde. C’est le début de la guerre froide. ********************* III / De l’impérialisme au libéralisme impérialiste : vers une révolution mondiale Seulement, si la classe ouvrière des pays riches avait été mise au pas par les puissances impérialistes et l’URSS avant, pendant et après la guerre avec le prétexte de la reconstruction nationale sur lequel s’appuyait les PC, en France en particulier, pour étouffer les mouvements de révolte d’après guerre, comme ceux qui avaient secoué le monde après la 1ère guerre, il n’empêche qu’une révolution d’un type nouveau éclate dès la fin de la guerre : la révolution coloniale. A) La révolution coloniale En effet, la 2ème guerre et son issue représentent une brèche dans laquelle vont s’engouffrer les peuples coloniaux face à des impérialismes certes dominants mais décadents et désorganisés, à l’image de la France. Les peuples de Chine, d’Inde, d’Indochine, d’Algérie vont se révolter contre leurs oppresseurs. Les bombardements massifs contre les populations pendant la guerre, les bombes nucléaires, le massacre de la population insurgée le 8 mai 1945 à Sétif par l’armée française, rien n’impressionne ces peuples réduits en esclavage depuis des années pour nourrir les capitaux des trusts impérialistes. Ces révoltes, à la tête desquelles se mettent des directions nationalistes, se propagent à tout le monde colonisé et utilisent les armes de la guérilla et du maquis, soutenus par les campagnes, accueillis avec sympathie par les travailleurs des villes. C’est une révolution massive qui va venir à bout de l’impérialisme. Les masses, aspirant à la liberté ne trouvent comme direction que des intellectuels et des petits bourgeois nationalistes, révoltés par les exactions des puissances coloniales. Le faible mouvement ouvrier des pays pauvres et paralysé par le stalinisme. La seule perspective présentée par les directions nationalistes, c’est l’indépendance. Mais l’indépendance, c’est la liberté vis-à-vis de leurs oppresseurs. L’indépendance, l’autonomie, la liberté, le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, c’est le mot d’ordre qu’avait lancé la révolution russe à tous les peuples dominés de la planète. Aussi voit-on ressortir les idées socialistes et communistes dont se drapent les dirigeants nationalistes comme le Che, pour prendre l’exemple le plus connu, en les arrangeant à la sauce nationaliste. Mais ce n’est que grâce au radicalisme qui reste de ces idées contre la domination impérialiste et grâce à la détermination de ces peuples pauvres, sans culture, le plus souvent sans tradition de lutte, que les colonies gagnent leur indépendance laissant les grandes puissances impuissantes. En 1958, la France tente de transiger en instaurant la communauté française, qui laisse un semblant d’autonomie aux dirigeants locaux et qui est une tentative pour prévenir la révolution. Mais rien n’y fait, la révolution va jusqu’à son terme, jusqu’à l’indépendance, à travers des guerres sans pitié comme la guerre d’Algérie. Les Etats Unis, eux, qui à la fin de la guerre avait fait mine d’être favorables à une autonomie des peuples, utilisent tous les moyens militaires à leur disposition pour venir à bout de la Révolution à Cuba et au Vietnam dont ils avaient fait leurs chasses gardées, pour préserver leur ordre néo-colonial. Mais même l’impérialisme le plus puissant de la planète, le gendarme du monde est vaincu et doit capituler en donnant leur indépendance aux peuples en lutte. Ces peuples, par leur détermination et leur soif de liberté ont démontré la légitimité de liquider la bourgeoisie comme classe parasitaire qui vit du pillage, de l’exploitation et de l’humiliation des populations. La face de la planète a été transformée par cette révolution coloniale. Elle a permis un bond en avant pour l’humanité dans l’unification des peuples. Ces pays ont gagné leur indépendance, sans aller plus loin dans la contestation du capitalisme, du fait des limites du nationalisme et du manque d’une force révolutionnaire. Du coup, la logique des rapports de forces internationaux a fait qu’ils sont retombés sous la férule de l’impérialisme, par l’intermédiaire du FMI. Mais avec une dignité nouvelle. La dignité de peuples qui ont porté un coup sévère à l’impérialisme et qui ont fait faire un pas en avant à la révolution mondiale qu’a ouvert la révolution russe de 1917. C) Une révolution mondiale en gestation… prolongement des révolutions précédentes. Aujourd’hui, le renouveau des idées révolutionnaires vient de ce que ces combats ont été mené. Ils ont participé à la radicalisation d’une large fraction de la population mondiale et été un encouragement pour les mouvements ouvriers des pays riches, restés pendant des années sous le contrôle du réformisme et du stalinisme. Mais avec la crise du capitalisme qui a succédé, par la force des logiques internes, à la période de croissance des Trente Glorieuse, aboutissant à la victoire de l’impérialisme sur l’URSS, à la mondialisation totale de l’économie, et à l’hégémonie des Etats Unis sur toute la planète, le mouvement ouvrier se débarrasse de ses illusions dans les partis qui l’ont trahi pendant tout le siècle et retrouve une nouvelle jeunesse, riche de ces combat passés et de ces encouragements. En même temps que le capitalisme, une fois qu’il a trouvé son leader incontestable, fait sauter toutes les frontières, qu’il utilise les progrès les plus moderne pour accentuer l’exploitation du monde ouvrier et des peuples et accroître les profits, la classe ouvrière se transforme radicalement. Le capitalisme a fini d’unifier les peuples. La classe des salariés s’est développée dans tous les pays et atteint un niveau culturel et une force économique sans précédent. Les conditions d’un renouveau du monde ouvrier sont réunies. Un renouveau à une échelle immensément plus importante qu’au début du siècle d’un mouvement international puissant. Alors oui une révolution est en gestation, une révolution qui n’est que la poursuite de la révolution russe, avec l’expérience de la révolution coloniale qui a unifié les peuples dans la lutte. Il s’agit de finir le travail commencé par les révolutions précédentes. L’impérialisme a passé un siècle à chercher sa voie, à se trouver un leader à travers les guerres, les crises et le fascisme, pour piller la planète comme il l’entend. Les Etats Unis sont aujourd’hui les chefs de ce monde où se succèdent les crises inhérentes à cette nouvelle période du libéralisme impérialiste dans laquelle on se trouve. Elle est clairement une impasse pour les peuples et les travailleurs. Déjà les contradictions sont flagrantes, toujours les mêmes. Les Etats se regroupent pour mieux mener une concurrence impitoyable entre grands pôles économiques. Alors la tâche est urgente. Participer à ce renouveau du mouvement ouvrier et de ses idées pour poursuivre et finir l’immense tâche historique préparée par les révolutions du 19ème siècle, entamée par la révolution russe et poursuivie par la révolution coloniale. Etre les acteurs d’une révolution mondiale qui placera au premier plan, face à la barbarie du capitalisme, la liberté et la démocratie. *********************