B) Le mouvement ouvrier : 1875-1914
Mais cette période de prospérité qui conduit à la guerre, c’est aussi une période d’essor du mouvement
ouvrier. La sociale-démocratie, c’est-à-dire les partis socialistes réunis dans la Deuxième Internationale, qui
regroupent des millions de travailleurs en Allemagne et en France en particulier, constitue le socle sur lequel se
forment les hommes et les consciences qui, après la guerre, vont être les acteurs de la vague révolutionnaire.
Après l’écrasement de la Commune de Paris en1871, le mouvement ouvrier, en quelques années, s’était
réorganisé comme jamais face à l’exploitation féroce et à la morale dominante distillée par les patrons et les écoles
de la République. La classe ouvrière héritait de la combativité et de la conscience de classe forgée au travers de la
Commune et des les années 1880, elle s’organise massivement en partis de classe et en syndicats révolutionnaires,
malgré les lois d’exception qui interdisent les organisations ouvrières. La Deuxième Internationale est créée, le 1er
mai est décrété journée de lutte pour les 8h de travail par jour. La bourgeoisie, impuissante face à cette force
devenue incontournable est obligée de reconnaître les organisations ouvrières. La période de prospérité dans
laquelle se forment les impérialismes est aussi une période de luttes politiques, économiques et sociales
incessantes, liées à des perspectives révolutionnaires.
Mais le mouvement ouvrier, qui aspire à prendre son sort en main n’est confronté aucune grande lutte
sociale. En effet, la période d’expansion, même si en ligne de mire se dresse le danger de la guerre dont la social-
démocratie est tout à fait consciente, éloigne la pratique militante quotidienne de la perspective révolutionnaire.
L’illusion naît même dans les rangs ouvriers que le capitalisme est capable de surmonter les crises et qu’ils peuvent
améliorer leur sort, par la lutte, dans le cadre de ce système. Ces idées, le réformisme, sont défendues par certains
cadres de la social-démocratie comme Millerand en France ou Bernstein en Allemagne. En effet, la bourgeoisie,
tout en la combattant, essaie de domestiquer la classe ouvrière, en s’appuyant sur ces illusions qui voient le jour et
en distribuant des miettes au Bernstein ou Millerand (qui entre au gouvernement bourgeois en 1898) pour théoriser
et propager ces illusions et s’acheter la paix sociale. Ces illusions sur le capitalisme gagnent du terrain et à la veille
de la guerre, l’aile gauche de la social-démocratie, qui voit venir la guerre et qui perçoit des possibilités
révolutionnaires, est minoritaire.
Evidemment, quand la guerre éclate, le mouvement ouvrier s’effondre montrant l’ampleur de l’adaptation au
capitalisme et du décalage entre la théorie révolutionnaire et les pratiques quotidiennes. Les dirigeants de la
Deuxième internationale se rallient presque tous à leur bourgeoisie, consacrant la faillite de la social-démocratie.
Le PS actuel est issu de cette faillite du mouvement ouvrier (et a poursuivi la faillite jusqu’au bout).
Ceci dit, l’essor de la Deuxième Internationale a servi puisqu’elle a permis au mouvement ouvrier, grâce à
une minorité consciente (Lénine, Trotski, Rosa Luxembourg,…) qui a été formée par la social-démocratie, de
relever la tête pendant la guerre et d’atteindre son apogée.
C) La vague révolutionnaire
En effet, la guerre a tout balayé : le mouvement ouvrier d’abord… puis les illusions qu’il avait sur la capacité
du capitalisme à surmonter les crises et à assurer la prospérité et la paix. Une fois les conclusions tirées par des
millions de travailleurs envoyés au massacre dans les tranchées, une seule solution s’imposait contre la guerre : la
lutte révolutionnaire. Et de fait c’est une vague révolutionnaire qui éclate en 1917-1918, initiée par la Russie, qui
était à la fois le « maillon faible de la chaîne capitaliste » (selon la formule de Lénine) et le seul pays ou un parti, le
parti bolchevique, n’avait pas capitulé devant les classes dominantes.
Cette révolution, c’est une démonstration de la puissance des masses : alors qu’elles réclamaient du pain et la
paix, il leur a fallu quelques jours seulement pour renverser le vieil ordre tsariste et quelques mois pour mettre en
place un pouvoir ouvrier et en finir avec la guerre. Elle est la démonstration que le capitalisme, dans ses pires
heures, est capable d’engendrer des prises de conscience rapide, en l’espace de quelques mois et entraîner les plus
larges masses dans la lutte révolutionnaire. Elle est aussi la démonstration que le capitalisme, aussi puissant qu’il
soit, aussi militarisé qu’il soit est impuissant devant les masses révolutionnaires. La classe ouvrière russe, à la tête
de l’ensemble de la population s’est emparée de l’appareil militaire, de l’appareil d’Etat pour le réorganiser, pour
décréter la paix, pour réorganiser l’économie. Elle a lancé un appel aux travailleurs du monde entier pour entrer en
lutte, pour participer à la révolution mondiale qui commençait, en appelant à la constitution des partis communistes
et en créant le parti mondial de la révolution : la Troisième Internationale. Alors on ne va pas revenir sur les détails
de la révolution russe dont on a déjà discuté la dernière fois, mais simplement dire qu’elle a été un encouragement
pour tous les opprimés pendant la plus grande partie du XXème siècle et que ce pouvoir ouvrier qui défie la
bourgeoisie impérialiste, qui lui impose d’arrêter la guerre, va changer durablement la face du monde et créer une
nouvelle donne pour la lutte des classes dans le monde entier.
La vague révolutionnaire qui a suivi immédiatement la révolution russe et qui a duré jusqu’en 1923, sous
l’influence de la troisième internationale révolutionnaire a été l’illustration de l’immense espoir suscité par la