Réflexions sur l`économie verte : remettre l`Homme au cœur du débat

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Economie verte : remettre l’Homme au cœur du débat
L’économie verte dans le contexte du développement durable et de l'éradication de la
pauvreté est, avec le nouveau cadre institutionnel pour le développement durable, l’un des
thèmes centraux de la prochaine conférence de Nations Unies sur le développement
durable, qui aura lieu du 20 au 22 juin prochain à Rio de Janeiro.
Après sa présentation lors de la première version du rapport du Programme des Nations
Unies pour l’environnement (PNUE), intitulé « Vers une économie verte », en 20101,
l’approche de l’économie verte a suscité des nombreuses attentes, incertitudes, critiques et
refus.
Ce rapport définit l’économie verte comme « une économie qui entraîne une amélioration
du bien-être humain et de l’équité sociale tout en réduisant de manière significative les
risques environnementaux et la pénurie de ressources » (PNUE, 2011 : 16)
Elle se caractérise par un faible taux d’émission de carbone, l’utilisation rationnelle des
ressources et l’inclusion sociale. Selon le PNUE, une transition vers l'économie verte
permettrait de relancer l'économie mondiale à des taux de croissance bien supérieurs à ceux
du modèle actuel. Elle permettrait aussi de générer des emplois de meilleure qualité et plus
nombreux, de réduire la pauvreté, d’achever les objectifs du Millénaire pour le
développement, le tout de manière durable en reconnaissant la valeur de la nature et en
réduisant les émissions de gaz à effet de serre. La pression sur l'environnement naturel
serait réduite, permettant ainsi une récupération de celui-ci et dans le même temps la
création de nouveaux domaines rentables d'investissement qui aideraient les capitaux
mondiaux à sortir de la crise et à accroître leurs bénéfices.
Pour le PNUE, le concept d’économie verte ne remplace pas le développement durable, qui
demeure un but vital à long terme.
Ainsi présentée, l’économie verte apparaît comme une initiative alléchante pour atteindre le
développement durable. Serait-elle le sésame tant attendu pour sortir des multiples crises
écologiques, financières, énergétiques, économiques et sociale auxquelles nous sommes
confrontés aujourd’hui ?
Trop beau pour être vrai ? Une lecture plus poussée du rapport ainsi que du Draft Zero2
publié par les Nations Unies en janvier 2012 pour préparer la conférence, soulève de
nombreuses incohérences et critiques. Les pays en développement craignent que les pays
1
UNEP, Green Economy Report. Towards a Green Economy: Pathways to Sustainable Development and Poverty
Eradication”, la version final du document a été publié en décembre 2011
http://www.unep.org/greeneconomy/Portals/88/documents/ger/ger_final_dec_2011/Green%20Econ
omyReport_Final_Dec2011.pdf
2
United Nations (2012) The Future We Want - Zero draft of the outcome document
http://www.uncsd2012.org/rio20/futurewewant.html
1
développés leur imposent un modèle de croissance « raisonnable » qui ne tiendrait pas
compte de leurs spécificités nationales (niveau et attentes de développement économique,
structure de gouvernance, etc.) Les sociétés civiles voient un nouveau stade du capitalisme,
« le capitalisme vert », qui cherche de nouvelles formes d'accumulation en s'appropriant des
biens communs (eau, forets, terres, biodiversité, …), sans remettre véritablement en cause
les systèmes de production et de surconsommation actuels.
En effet, certaines organisations de la société civile craignent que ce nouveau paradigme
n'ouvre de nouveaux territoires à l’économie qui exploite les personnes et l’environnement,
alimentant ainsi le mythe que la croissance économique infinie. Elles estiment que
l’économie verte cherche à soumettre tous les cycles vitaux de la nature aux règles du
marché et à la domination de la technologie, de la privatisation et de la marchandisation de
la nature et de ses fonctions, ainsi que les savoirs traditionnels, en renforçant les marchés
financiers spéculatifs grâce aux marchés du carbone, aux services environnementaux, aux
compensations pour la biodiversité et au mécanisme REDD+ (Réduction des émissions de
CO2 provenant de la déforestation et de la dégradation forestière). De plus, elle promet
l’expansion du système alimentaire agro-industriel, l’une des causes les plus importantes des
crises climatiques, environnementales, économiques et sociales, approfondissant la
spéculation sur les aliments et favorisant les intérêts des multinationales de l’agro-industrie,
au détriment de la production locale, paysanne, familiale, des peuples indigènes et des
populations autochtones, affectant ainsi la santé de tous.3
Le Secours Catholique, qui a contribué aux réflexions menées au sein du collectif français Rio
+204, partage les différentes craintes soulevées par l’ensemble de la société civile mais reste
ouvert à la possibilité d’évolution du modèle d’économie verte et aux amendements que
ressortiront de la prochaine Conférence des Nations Unies. En effet, malgré la définition
proposée par le PNUE, il n’existe pas aujourd’hui une définition consensuelle de l’économie
verte au sein des différents Etats. A moins d’un mois de la Conférence tout reste à négocier.
Le Secours Catholique attend que des amendements au modèle incluant des garanties pour
les populations les plus fragiles et prenant en compte le pilier social du développement
durable, peu développée dans sa version actuelle, soient réalisés.
L'équité sociale repose sur les principes fondamentaux des droits de l'homme et des libertés
individuelles. Elle a pour principe la justice et la solidarité entre les pays développés et les
pays en voie de développement et entre toutes les générations. Elle vise à lutter contre la
pauvreté, l'exclusion, les discriminations et pour le respect des diversités culturelles.
Les termes équité et inclusion sociale sont mentionnés tout au long du rapport de l’UNEP, or
leur évocation lors du document Draft Zero est plus que minimaliste.
3
http://cupuladospovos.org.br/fr/2012/05/ce-qui-est-en-jeu-a-rio-20/
Le Collectif français RIO+20 réunit une cinquantaine d’organisations de la société civile française : des
syndicats, des ONG de solidarité internationale et des ONG d’environnement. Le Collectif fait
régulièrement des appels à participation auprès d’autres organisations souhaitant participer à la
réflexion et à la mobilisation en vue de Rio+20.
http://collectif-france.rio20.net/
2
La personne humaine doit demeurer au centre des programmes, même au centre de ceux
qui préconisent une économie verte. La croissance économique dirigée par le marché ou par
les Etats - ne promeut pas nécessairement un développement qui est valable pour tous les
humains. Le principal but du développement doit être le développement humain intégral5,
qui « suppose la liberté responsable de la personne et des peuples: aucune structure ne peut
garantir ce développement en dehors et au-dessus de la responsabilité humaine. Les
‘messianismes prometteurs, mais bâtisseurs d’illusions’ fondent toujours leurs propositions
sur la négation de la dimension transcendante du développement » […] (CiV 17)
Juin 2012
5
Lettre encyclique « Caritas in veritate » (L’amour dans la vérité) du Pape Benoît XVI, 2009
3
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