Siham Boufnar Catherine Botros 15/12/05 Fiche de lecture L’ECHELLE DU MONDE Globalisation Altermondialisme Mondialité Philippe Zarifian CHAPITRE I : LA MONDIALITE COMME APARTENANCE AU MEME MONDE Des le chapitre 1er Philippe Zarifian définit la mondialité comme « l’appartenance des humains au même monde, si l’on entend par « monde » la planète Terre ». La mondialité comme appartenance à la planète Terre : la question écologique. Philippe Zarifian (P .Z) commence par mettre en évidence le fait que nous avons une connaissance relativement plénière des différents aspects de la Terre (son exploration est complète et nous pouvons en esquisser aisément une représentation) et par conséquent que nous en savons sa « finitude ». Par ailleurs, il souligne le fait que la Terre constitue notre seul lieu de vie dans la mesure ou nous ne sommes pas encore capables d’en trouver un autre (immigrer sur une autre planète ou habiter les fonds marins n’est pas encore possible). Il est par conséquent surprenant de constater que la prise de conscience d’appartenance à la planète Terre est à ce point réduite aujourd’hui. Mais, dans un même temps, avec l’émergence d’une conscience écologique et l’apparition du concept de « risque » la thématique de l’environnement est pour ainsi dire d’actualité. Car le travail de la communauté scientifique a réussi à instauré la véracité de certain faits (aujourd’hui les conséquences du réchauffement climatique ne sont plus remise en question). Le développement de cette conscience écologique n’incite toujours pas les gouvernements à prendre des mesures décisives, d’autan plus que l’on sait que ses phénomènes sont difficilement réversibles. Et en ce qui concerne l’effet de serre, il ne faut surtout pas oublier que « l’air ne possède pas de nationalité : il circule et se mélange sans cesse ». La pression nécessaire sur les gouvernements pour les inciter à prendre des mesures à la hauteur des enjeux écologiques ne parvient à s’établir que dans une moindre mesure car l’opinion publique bien que consciente ne demande pas de telles mesures. Cette conscience écologique qui tend à émerger se banalise sans même avoir produit de véritable changement. Pourtant l’enjeu est considérable il concerne la survie de l’humanité. Notre rapport à la nature est différent en Occident, dans la mesure où nous pensons que la nature nous appartient et donc tout sentiment qui laisserait penser que nous appartenons à la nature est inconcevable. C’est bien évidement une grossière erreur car nous ne pouvons appartenir qu’a nous même, la nature ne constitue qu’un « cadre, ou un environnement, ou un support, ou un instrument pour satisfaire nos besoins ». Par ailleurs, la socialisation s’étant établie sur un processus d’extraction de l’homme à la nature, l’homme c’est placé en dehors même des conséquences dont pourtant résultaient ses actes. D’ailleurs, selon Philippe Zarifian la société des humains n’existe pas, il n’existe qu’une manifestation concrète de divisions. P.Z revient ici sur le raisonnement de l’appartenance des humains à la même planète. Afin de pouvoir, non plus voir les diverses catastrophes écologique de manière locale (c’est-à-dire spécifiquement localiser dans le monde) ce qui caractérise la tendance actuelle des sociétés modernes, poussées selon PZ par leur « appartenance sociale » mais plutôt de considérer ces phénomènes avec une « appartenance humaine ». PZ revient également sur le fait qu’il n’existe pas de société mondiale ainsi le principe d’Humanité chère au siècle des Lumières éprouve des difficultés quant à une application concrète. PZ s’interroge sur l’éventuel bénéficiaire de l’action gouvernementale et reste septique quant à une éventuelle action au profit du devenir de l’humanité. PZ tente de nous éclairé sur un paradoxe selon lequel l’humanité concrète existe et que cela ne dépend pas de nos consciences qu’elle puisse exister seulement c’est plutôt la pensée que l’humanité existe qui tarde à faire surface. Il nous propose aussi de voir les choses sous un autre angle, en partant non plus de la distinction entre groupes sociaux, mais de l’humanité celle-ci doit résulter de rapprochement entre les différents groupes sociaux. Il explique ainsi que les groupes sociaux sont préalablement séparer les uns des autres selon la théorie des rapports sociaux « qui polarisent et oppose donc sépare » (exemple : capital travail…) si bien que les groupes n’existent que dans leur opposition formant en leur sein des modes de pensée et d’action qui leur sont propre. Lui vient alors une interrogation : la trajectoire qui va d’appartenance séparé à une commune humanité est-elle la seule qui puisse être empruntée ? PZ revient tout d’abord sur le rapport entre homme et nature. Il n’y a pas de réel rapport entre l’homme et la nature dans la mesure où l’homme fait partis de la nature, cela reviendrai donc à opposer la nature à elle-même. PZ défini ce rapport comme un rapport de confrontation, d’action réciproque, de tension et d’enjeu. Dans un premier temps, il la nature n’est pas en danger car elle est infiniment plus puissante que l’homme. En réalité la crainte des altérations de la nature ne se pose que pour « l’espèce humaine ».L’affirmation de PZ selon laquelle : « Une Terre sans homme ne serait pas nécessairement une Terre sans vie » est une claque fondamentale pour l’ego de l’homme. (Si je puis m’exprimer ainsi). Par la suite P.Z aborde le concept du « ns » et mentionne qu’il est souhaitable de remplacer le mot homme par humain. Il convient aussi d’aborder le rapport humain qui s’établit au sujet des risques écologiques et des politiques publiques misent en œuvre. Ce double rapport concerne dans un premier temps le rapport humain-nature et dans un deuxième temps le rapport entre humain au sujet du premier rapport. En ce qui concerne le premier rapport, l’existence de l’humanité préfigure que le rapport humain-nature concerne l’ensemble des humains. En ce qui concerne le second rapport, l’humanité n’existe que déjà divisée elle est donc séparée par ses propres rapports sociaux. Il est auparavant préalable de prendre connaissance de l’existence de groupe séparés et opposés, avant que ne s’établir une réelle conscience d’appartenance à la même humanité. La naissance de la conscience écologique doit procéder de la réunion d’humains d’horizon divers. Elle doit résulter d’un engagement dont la base serait l’écologie. Pour cela plusieurs parcours sont envisageables : Un parcours qui partirait de l’appartenance à un groupe séparé pour aboutir non sans conflit à une ébauche d’appartenance à l’humanité. Un autre, qui partirait de l’existence de la communauté humaine et qui agirai justement sur les groupes séparés en véhiculant les préoccupations majeures de la « commune humanité ». Mais en réalité le mot « écologie » tend à englober une question plus ancienne, celle du rapport à la nature. Actuellement, en Occident nous commençons à ne plus considérer la nature comme un simple réservoir que l’on peut utiliser à son profit mais plutôt à considérer que les diverses changements de la nature nous affecte tout autant. La question du temps occupe une place prédominante, dans la mesure où les mutations de la nature se sont déjà opérées et le temps de réaliser la situation commune où se trouvent les humains est d’autant plus court. Le véritable défi est de parvenir à inverser nos comportements. L’écologie est caractérisée par des processus multiformes. Mais ils ont tous une portée mondiale que se soit pour le réchauffement planétaire ou encore la propagation des virus un affrontement est nécessaire. PZ résume la situation en disant que « Le bon décisif à faire est de prendre pleinement conscience du « nous » mondial et de ce qu’il implique ». La mondialité comme recherche d’une societé-monde : Ici Philipe Zarifian, nous propose d’analyser un autre aspect que celui développé dans le paragraphe précédant en l’occurrence l’appartenance des humains à la planète Terre qui définirait le principe de mondialité. Pour cela, il évoque les divers attributs que l‘on confère au monde car en utilisant ce terme on peut faire référence à la planète, mais aussi à l’aspect social et politique qu’il sous entend. Il s’interroge ensuite sur notre sentiment d’appartenance à un seul et même monde. P.Z remarque que les populations ont le sentiment que les concepts de Nation ou encore de classe sociale deviennent de plus en plus insuffisants pour se caractériser en tant qu’individu. Mais il ajoute également que ce n’est pas pour autant que l’on doit remettre en cause l’émergence d’une société monde. Phillipe Zarifian se base sur l’analyse d’Edgar Morin (Au-delà de la globalisation et du développement, société-monde ou empire monde ?). L’analyse de Morin débute par le mot « mondialisation » (et pas mondialité), qui s’inscrit dans un double processus, de domination (caractérisé par les structures technoéconomiques) et d’émancipation (de volonté humaniste et démocratique). On assiste donc à une opposition entre d’un coté « l’empire monde » et de l’autre « la société monde ». Pour Edgar Morin la société monde correspond à l’émergence d’une société mondiale comportant plusieurs aspects : -Elle est pourvue d’un territoire au sens propre disposant d’infrastructure communicationnelle conséquent Edgar dit par ailleurs : « la planète est un territoire doté d’une texture de communication (avions, téléphone, fax, internet, télévision…) comme jamais autre société n’a pu en disposer auparavant. » -Cette société dispose d’une économie mondialisée mais cependant elle n’est pas totalement organisée, est impliqué ici, la nécessité d’instaurer tout un système de contrôle (lois droit institution) qui permettrai une meilleur circulation des flux. -Elle renferme une civilisation, dont le mode de vie et les valeurs sont fortement influencé par les occidentaux, qui participe à la constitution d’une civilisation mondiale sans pour autant exclure toutes interactions entre civilisations. -Cette société tout en comprenant de multiples cultures crée aussi sa propre culture. Les medias ont eu une forte influence dans la formation d’ « une quasi culture planétaire ». Edgar Morin prend l’exemple de la culture musical qui à l’issue de véritable mélange entre cultures à constituée une music mondial. Edgar Morin ne veut pas pour autant dire que cette musique prétend à être unique et harmonieuse, bien au contraire, elle constitue juste un courant majeur autour duquel s’effectue de multiple variante. -La société monde comporte aussi comme dans toute société sa criminalité et ses maux. Mais ces dangers et problèmes constituent paradoxalement un signe de vigueur de cette société-monde. Cependant cette société-monde ne dispose pas d’institutions à la différence des sociétés nationales. Pour cela, Edgar Morin propose de remplacer ce manque institutionnel par l’éthique, qui serait établie comme base préalable pour, par la suite, éventuellement ériger une organisation institutionnelle qui préserverait la société-monde de toutes détériorations. Edgar Morin propose donc de développer une politique de l’humain et de civilisation qui se caractériserai par l’élaboration et le partage d’une nouvelle éthique. Ces politique auraient plusieurs missions, tout d’abord la politique de l’humain devrai solidariser la planète autour des problèmes les plus graves tel que la lutte contre la pauvreté et les grandes maladies ; ensuite la mise en place d’une politique de justice qui viserai à faire respecter les droits humains de chaque personne ;et enfin elle serai une politique qui tendrai à « constituer,sauvegarder,et contrôler les biens planétaires communs » tel que l’eau l’air les forets… Cette politique de l’humain sera complétée par une politique de civilisation. Edgar Morin pense que la civilisation occidental souffre de nombreux défauts « domination du calcule, de la technique » entre autre et que l’apport des civilisations du sud et de l’Orient participerai au renouvellement de la civilisation occidentale. Cependant, bien que Philipe Zarifian ne pense pas que l’éthique puisse être partagée et que d’autre part le contenu de la thèse de Morin reste assez vague empreint d’un humanisme classique, les réalités qu’il met à jour sont bien effective tel que l’infrastructure communicationnelle, les références culturelles mondiale, uniformisation des modes de vie, la carence institutionnel. Philipe Zarifian ne remet pas en cause le raisonnement de Morin car il tente de trouver une autre solution au lieu de calquer le modèle des institutions internationales qui selon P.Z: « sont des lieux de négociations et de mise en œuvre de compromis intergouvernementaux, et nullement des institutions aptes à représenter la nouvelle société–monde. ». La mondialité comme perspective P.Z stipule que l’écologie constitue seulement un exemple de problème que nous devons tous affronter et donc que par conséquent, il n’existe plus « un » problème mais une multiplicité. Ces problèmes produisent une tension qui fonde le « nous » expression de la mondialité et qui génère par la même un sentiment d’appartenance à un seul et unique monde. P.Z envisage de pousser le raisonnement plus loin en se saisissant du concept de « devenir ». Selon lui le concept de « devenir » enrichi l’idée d’appartenance. En effet, celle-ci ne se conjugue qu’au passé ou au présent (on ne dit jamais j’appartiendrai).Hors notre vécu du présent constitue un point de tension entre le passé (mémoire) et l’anticipation du futur (orientation prévue). L’appartenance, désigne aussi ce qu’il y a de commun quant à nos perspectives d’avenir. Cependant un paradoxe se pose, bien que la mondialité défini l’appartenance à un même monde et l’expression d’une même humanité concrète, elle peut ne pas être partagée par tous les humains. Par exemple à propos de la question écologique, il se peut que peu d’humain se sente concerné. Par la suite, P.Z afin d’éviter toute confusion dans les termes utilisés propose une définition de mondialisation qui serait « l’ensemble des processus qui instaurent des dominations directement mondialisées ».Il définit aussi la mondialité comme « l’ensemble des appartenances, perspectives, engagement, qui font le choix de promouvoir une humanité concrète solidaire émancipée, face à l’ensemble des problèmes que nous devons en commun, affronter ». Cette distinction illustre les rapports complexes qui se développent au sein de l’existence humaine. On ne peut par conséquent réduire toute réflexion à un seul rapport comme à pu la faire Marx (capital travail). CHAPITRE II : DEFI ECOLOGIQUE, MONDIALITE ET SENS DE LA RESPONSABILITE P.Z fait cette fois-ci référence à Hans Jonas qui avait déjà posé le principe de responsabilité des 1979.(Dans son ouvrage Le principe de responsabilité.). Il signifie que nous avons à répondre dès maintenant à la survie de l’humanité et à son prolongement futur. L’ampleur du défi La question écologique révèle la majorité des points faibles de la culture Occidentale qui entretient un rapport de domination avec la nature. Elle justifie ce rapport dans la mesure où la nature a été « créée » pour satisfaire les besoins humains. Il défini la nature comme étant « l’univers en expansion et transformation continues » et en profite pour rappeler que l’humanité n’a pas le pouvoir de détruire la nature. Ce qui est en jeu ici, c’est le devenir de l’humanité et rien d’autre, ainsi le souci que l’on porte à la nature traduit en réalité l’intérêt de notre propre existence. A partir de l’ouvrage de Jonas l’auteur dégage plusieurs conclusions : -L’utilisation du temps-devenir est beaucoup plus pertinente que celle du temps spatialisé (temps que l’on mesure par une horloge par exemple) Jonas parle de « survie indéfinie de l’humanité sur Terre » cela ne veux pas pour autant dire indéfinie, il n’utilise pas de temporalité quantitative. En revanche, en termes de temps-devenir cette citation prend une importance significative pour apporter une permanence de la survie de l’humanité mais aussi établir un prolongement indéfini dans le futur. -Il convient aussi d’étudier la relation de deux notions « événement » et « temps long » Car c’est bien face à différents évènements (Tchernobyl …) que nous pouvons solliciter le temps long. Ainsi les évènements attachés au réchauffement climatique illustrent bien la liaison entre actualité et temps long. Car nous commençons tout juste à prendre conscience que les phénomènes engendrés (augmentation du CO2) ont été déclenchés il y a environ deux siècles (début de l’ère industrielle) et qu’a la différence de nos ascendants nous le savons maintenant. L’action politique se trouve ici à la croisée de l’évènement et du temps long en effet, P.Z la voudrai plus active, en bref, qu’elle prenne des mesures concrète et rapide. Car le temps devenir est un temps de mutations l’action y est d’autant plus nécessaire lorsque que les dégradations vont crescendo. -Transformer le temps devenir en un symbole social afin que l’humanité soit amenée à agir sur son « pouvoir de faire advenir » les choses. Mais vient dans un même temps la question de l’existence d’un tel acteur capable de réaliser cette transformation. P.Z pense qu’il existe « Cet acteur, c’est nous. ». Ce nous qui caractérise cet agir commun n’a aucune expérience passé par conséquent tout reste à faire. Les limites des ethniques traditionnelles Jonas pense que le débat sur les enjeux ne doit pas tourner autour de la probabilité que tel ou tel évènements se produise car concernant ce type d’enjeux aucun calcul de probabilité n’a de sens .L’existence même d’un pouvoir qui entraînerai la destruction de l’humanité doit suffire. Ainsi Jonas dit que « notre responsabilité est engagée au présent pour l’existence futur ». Le fantasme selon lequel la ethnoscience permettra de coloniser d’autre planètes lorsque la notre ne sera plus « vivable » et que notre descendance ressemblerai à des espèces de cyborgs disposant d’une capacité d’adaptation à toute épreuve ne sera d’aucune utilité des lors que l’humanité sera éteinte. Reste à savoir dans quelle mesure les humains sont capable de s’attacher à la valeur de la vie dans leur conduite sociale actuelle ? Cette question suppose l’élaboration d’une nouvelle éthique. Pendant longtemps le domaine de l’éthique touchait à ce qui était de l’ordre de la durée temporaire ce qui était « mortel et changeant ». La constitution de société par l’homme est perçue ici par P.Z comme un artefact qui étant censé réguler la société se voit déstabilisée par l’inconstance des relations entre sociétés. L’éthique pouvait donc être caractérisée par une double certitude, celle qui assure la permanence de la nature et l’autre qui énonce la permanence de l’humain. Les dimensions de cet agir ainsi que les problématiques traditionnelles peuvent être illustré par plusieurs points : -Tout commerce était qualifier de neutre au point de vue éthique car l’objet vendu n’affectait la nature que superficiellement dans la mesure où elle se régénérai. Ce domaine était par conséquent vierge de jugement ethnique. Le commerce pour l’homme était alors perçu comme une nécessité. Donc la répercussion de l’agir humain ne forme pas un domaine de signification éthique. -« Toute éthique traditionnelle de la civilisation occidentale est anthropocentrique » -En ce qui concerne l’agir dans la sphère sociale et politique on pensait que l’homme était constant en son essence et que cette constance n’était pas un objet de la technè. -L’ethique se définit aussi sur un axe temporel, on retrouve ainsi plusieurs maximes (« aime ton prochain comme toi-même ») qui traduisent le fait que « l’acteur » de l’action et « l’autre » partage le même présent. Ainsi, la morale en formalisant le droit tient compte des relations avec autrui et valorise ou au contraire condamne les vertus et les crimes qui sont toujours situé dans l’espace et le temps. « Personne n’est tenu pour responsable des effets ultérieurs non voulus de son acte, dès lors que celui-ci est bien intentionné » cette citation fait référence aux politiques en effet un gouvernement ne peut être considéré responsable de l’action du gouvernement précédant. Pour sa part Jonas s’intéresse aux morales religieuses qui auraient dépassé le cadre limité de la relation entre agir humain et éthique. Cela caractérise une vision individuelle et anthropocentrique dans la mesure où chaque individu voit ses actions orientées vers « un salut extramondain » mais toujours dans le présent. P.Z se rend compte d’une situation paradoxale, en effet, c’est au moment où la conception traditionnelle s’effondre que se trouve portée à l’extrême le culte de « l’action située ». Nous radicalisons sous couvert de modernité des comportements et visions du monde traditionnel. En réalité la morale dans l’état actuel de nos sociétés est d’autant plus étroite. Jonas recherche une nouvelles issue compte tenu des caractéristique de l’agir on peut voir qu’il s’oppose à l’éthique traditionnelle : -Le pouvoir de l’homme matérialiser par la domination et conditionner par les ethnosciences déborde de la cité pour affecter le devenir de la nature (nous avons eu tord de penser que la nature serai suffisamment forte et autonome pour assurer elle-même sa permanence).La nature est en danger la permanence par exemple de l’eau ou de l’air ne sont plus assurés à correspondre à la vie humaine. -On peut constater les limites de l’anthropocentrisme, ce n’est pas la seule nature qui est en cause mais notre propre nature aussi. Jonas emploie cette expression : « la vision anthropocentrée se retourne contre l’objet de son souci » -Sur l’axe du temps il est nécessaire de prendre en considération des relations de long terme se pose alors un paradoxe notre savoir devrait être à la hauteur des dégâts causés mais cela n’est pas le cas. Et l’expression « responsable mais pas coupable » traduit la faillite du système juridique édifié jusqu’alors. P.Z insiste aussi sur le fait que cette phrase traduit une vision immédiate de l’événement qui ne fait qu’aggraver l’insuffisance de l’éthique traditionnel. -Et enfin, l’idée selon laquelle l’agir est affecté à un acteur humain isolé manque de réalité il est plus pertinent de parler selon Jonas de « pouvoir de l’agir collectif ». Il faut aussi noter que le culte du modèle libéral agit en sens contraire vis-à-vis du pouvoir de l’agir collectif Ethique et écologie P.Z émet une critique vis-à-vis de l’analyse de Jonas, il confond souvent vie sur Terre et Nature il critique aussi sa vision implicitement religieuse qu’il se fait de l’homme. L’homme bien qu’il détienne des caractéristiques singulières d’existence il ne détient aucun privilège. P.Z rappel à l’occasion que l’homme dispose de pouvoir d’action mais aussi de pensée limitée (met en lumière le fait que nous connaissons que peu de choses sur les capacités de notre corps malgré les progrès de la médecine) P.Z choisi d’explorer encore une fois les pistes de renouvellement de l’approche éthique de Jonas. Dans un premier temps, il est nécessaire pour cela de s’établir dans le temps long (n’ayant pas de durée définie) qui aurait comme objectif de fixer un engagement actuel sur l’orientation du devenir. Notre responsabilité tendrait à faire usage de notre advenir car les futurs générations ne peuvent faire valoir leurs droits dans la mesure où elles ne sont pas présentes (elle n’existe pas encore). P.Z pense que cette référence aux générations futures n’est pas indispensables dans la mesure où ces différents problèmes (mortalité infantile, déficiences immunitaires dans les zone les plus développées) se vivent au présent. Jonas dit à cette occasion: « le présent préfigure l’avenir ». L’occident à coutume de se vanter de voir son espérance de vie s’accroître pour autant on ne peut pas dire que l’évolution de cet indicateur est à la hausse à l’échelle mondiale. Par ailleurs, l’émergence de nouvelles maladies psychiques accentue la fragilisation de nos défenses corporelles et participent à la création de condition de vie pesante et de plus en plus difficile à supporter de part les mélanges, souvent synonymes de pressions, que constituent l’écologie et l’économie capitaliste . Dans un second temps, il convient aussi de rappeler que l’éthique de la responsabilité ne peut s’établir individuellement .La responsabilité est collective cependant il est difficile de la mettre en œuvre, dans une société qui a comme héritage la prise en compte des particularités de chaque individu .L’Etat n’est pas apte à représenter la responsabilité collective dans la mesure où il imposerait des contraintes morales que les individus n’accepteraient pas spontanément. Pour conclure P.Z dit : « ce n’est aucunement de chacun de nous, pris séparément, que dépend le devenir de la planète ». L’engagement individuel n’est pas le seul requis il se double d’un engagement collectif afin de replacer l’homme dans son rapport premier avec la nature. De plus l’engagement écologique associatif est caractérisé par une géographie mondiale locale qui ne répond pas ou très partiellement à l’ampleur du défi. P.Z propose ici de mieux définir l’éthique de la responsabilité car la définition traditionnelle qui tend à « répondre de » souffre de dérive culpabilisante .Il propose donc une nouvelle définition qui consiste à « avoir le souci de » cependant il nécessaire de continuer notre cheminement afin de parvenir à une éthique de la pleine liberté. Pour cela, P.Z s’appuie sur deux fondements philosophiques. Un fondement, provenant de la philosophie chinoise vieille de deux millénaires, très différentes de la philosophie occidentale qui consiste à considérer la nature non pas comme un obstacle à dominer mais plutôt comme un don dont les hommes doivent tirer parti. On remarque ici le retard de l’occident qui ne profite pas des forces élémentaire de la nature souvent source de puissance. C’est à ce moment-là qu’intervient la philosophie de Spinoza, qui dans son ouvrage Ethique introduit le concept de liberté, qui luimême ne remet pas en cause les principes écologiques. En effet la dégradation des conditions écologiques nous rend non plus libre mais prisonniers des effets destructeurs de nos propres actions. Ecologie et mondialité P.Z s’interroge à nouveau sur l’existence d’un acteur apte à porter, politiquement et éthiquement un tel enjeu. Il fait le constat de deux situations anodines : -le défi écologique ne connaît aucune frontière et n’opère aucune distinction particulière. -la nécessité d’affronter ce défi doit se faire dans l’urgence et dans la considération d’une optique de très longue durée. Un gouvernement dispose d’un champ d’action très limité face au défi écologique dans la mesure où il se contente d’action que l’on peut qualifier de local en comparaison de l’échelle mondiale , de même la durée d’un mandat politique ne suffit pas à combler les déficiences de l’action humaines P.Z ajoute que le capitalisme est en parti responsable de la dégradation des conditions de vie sur Terre, il va plus loin dans son raisonnement en affirmant que les grandes firmes qui se placent spontanément à la ponte de la lutte écologique agissent en fait aux marges des véritables problèmes. Le réveil d’une conscience écologique de l’opinion publique contribue à faire pression sur les politiques qui ne pouvant infléchir l’économie capitaliste se contente de reformes simplistes de l’écologie, la moins essentiel à l’amélioration des conditions environnemental. Il convient de dissocier notre réel obstacle qui est le rapport que nous entretenons avec la nature de l’économie capitaliste, à ce sujet, toute querelle n’a pas lieu d’être dans la mesure où elle nous disperse P .Z clôt sa démonstration par une vision qu’il qualifie de lucide : « Ni les partis dits écologiques, ni les mouvements les plus vastes, tels que le mouvement altermondialiste, n’ont été pour l’instant apte à prendre écologiques à sa racine et dans son ampleur réel. » L’écocitoyenneté : la force d’une démarche éthique comme appui de l’action politique. P.Z déduit des précédentes analyses des conséquences éthiques et politiques 1. l’instauration d’une responsabilité d’ecocitoyen qui résulte des transformations opérées sur la nature humaine 2. existence d’une opinion publique d’éco-citoyenneté à développer et à défendre 3. évaluation de la responsabilité collective même lorsque ses effets sont incertains à long terme. remaniement de la temporalité et des attentes de la vie politique Au fond, le problème est de savoir si le fait de poser publiquement l’existence de générations futures peut contribuer à l’acte politique, cependant, bien que le problème soit universel il n’est pas encore considéré ou l’est occasionnellement par l’ensemble de l’humanité. On peut citer comme exemple le cas du cynisme américain face aux questions écologiques. P.Z se centre sur l’analyse du pouvoir par Jonas selon laquelle les humains fondent le devenir à partir de la puissance de pensée et d’action humaine P.Z propose de définir le « pouvoir faire devenir » qui constitue l’agir humain, celui-ci possédant deux faces ; une face de puissance, de pensée et d’action et une autre qui concerne le pouvoir. La question éthique distingue le « bon » et le « mauvais » quand la morale distingue le « bien » et le « mal » Il pose une question essentielle à savoir « Qu’est-ce qui est bon pour notre devenir » ? Il y répond en dissociant le corps de l’esprit puis insiste sur le fait que le corps à la primauté sur celui-ci, car la survie de l’humanité est d’abord physique. Il ajoute que le fait qu’aujourd’hui, certaines populations connaissent une atteinte à leurs intégrités physique accentue la possibilité de connaître le même sort à l’échelle planétaire. A nouveau, il fait référence aux conséquences de la liberté des choix sur les problèmes écologiques (cas du port de masques liés à l’accroissement de la pollution). Il faut selon Jonas donner un sens commun à l’action collective car sans sens elle est veine. Cette orientation définie, c’est alors que l’on peut parler d’écocitoyenneté. La question du sens est fortement corrélée à celle du devenir collectif. Jonas établit le concept de responsabilité avec quelques ajouts : il part d’un objet et non d’un sujet, il a désormais le souci de. Il convient de manifester le souci de l’humanité considérer ici comme un objet. Selon P .Z Jonas réintroduirait une certaine subjectivité par un appel muet que l’humanité adresserait afin que l’on prenne soin d’elle. Le souci que nous manifestons envers l’humanité est empreint de culpabilité envers nous-même. L’humanité en tant qu’objet constitue une fiction nécessaire à une représentation de nous-même. . P.Z apporte une nouvelle définition de l’éthique de la responsabilité qui est « prendre soi de ». P.Z apporte deux hypothèse de résolutions : l’une transformerait l’éthique en moral soutenue par un pouvoir politique fort (dictatorial) ce qui est l’avis de Jonas d’ailleurs en matière d’écologie l’Etat émet toujours des interdictions, l’autre consisterait à maintenir l’éthique en usant d’un sens critique exacerbé quand on sait que ce joue l’avenir de l’humanité . CHAPITRE III : DE L’AGONIE DES IDENTITES AU METISSAGE L’identité collective qui explose L’usage du terme de «crise des identités » devient courant cependant P.Z insiste sur le fait que nous traversons plutôt une période de mutation qui loin de remettre en cause le sentiment d’appartenance, remet en cause l’aspect figé de cette appartenance qui délimite un intérieur (ceux qui partage la même identité) et un extérieur (les autres).Au sein de chaque appartenance se développe un langage qui permet d’établir une distinction avec le reste de la communauté. Car P.Z met en relief que le langage appris à l’école est au plus utile car il n’engage personne c’est une sorte de compromis temporaire. Par conséquent, on ne peut pas s’identifier à ce langage. Il va même jusque dire que la langue nationale ne manifeste en aucun cas une appartenance mondiale dans la mesure où elle se retrouve prisonnière de l’identité nationale. Ce n’est pas les particularismes identitaires qui sont réellement en crise mais plutôt le concept. Les diverses radicalisations identitaires (religieuses …) annonce un profond malaise. L’éclatement de ses identités crée une dispersion des individus ainsi livré à eux même. Ces individus sont susceptibles de perdre une identité collective mais aussi l’idée de toute appartenance sociale. P.Z nous dis que l’on aurait tord de penser que l’on assiste actuellement à une montée de l’individualisme, c’est en réalité une montée en puissance de l’emprise des systèmes organisationnels. Hélas, peu de personnes ne se rendent compte du changement historique du concept d’identité et l’attachement des sciences sociales à ce concept n’y contribue pas. L’ouverture de l’appartenance L’appartenance préfigure l’identité, et il semblerait qu’elle puisse n’être qu’une identité inachevée car elle permet en premier lieu, une identification de notre propre personne au sein d’une relation collective mais à partir du moment où l’individu tente de se distinguer du groupe on bascule dans l’identité. Le sentiment d’appartenance n’a donc rien d’identitaire et il ne devient difficile à vivre seulement à partir du moment où vient s’y mêler un sentiment identitaire. En cela l’appartenance nous permet de considérer un avenir commun. P.Z définie l’appartenance comme « la relation au rapport qui nous situe et nous pousse à la fois », l’objectif maintenant, est de chercher une appartenance sociale qui se singularise afin de remplacer l’identité. Se pose alors un paradoxe (énoncé par P.Z), bien que la crise des identités comporte des risques énormes elle constitue dans un même temps un facteur de notre émancipation. Et ainsi contribue à l’élaboration d’une communauté soudée par un devenir commun. Il illustre ces propos en prenant l’exemple de la famille, qui constitue un groupe en constante redéfinition, et qui dans le meilleur des cas, voit naître en son sein des divergences mais qui tendent à convergées, ou se maintiennent et entre en crise. L’individualisation dédouble l’appartenance, on remarque alors, une appartenance à un fond commun et une autre à des perspectives. P.Z s’interroge sur ce qu’il restera après la fin de la crise identitaire, au fond presque rien, car la plupart des personnes mêlent identité et appartenance ils perdent de ce fait toute perspective de devenir. La perte d’appartenance constitue un véritable risque pour l’individu qui se voit réduit à être dépourvu de poussée et de devenir donc isolé de tous rapports sociaux. Le comble c’est que « les forces les plus modernes du capitalisme » commencent à entretenir cette fiction. La richesse de la multi-appartenance Une société ouverte mondialisée peut être caractérisé selon P.Z par de multiples nationalités. Cependant nous ne devons en aucun cas effectuer une fusion de cette multiple composition de nationalités. Car la constitution d’une identité en son sein viendrai pour le coup effacer cette multi-appartenance au profit d’une identité figée. En ce sens, la multi-appartenance est « précieuse et fragile à la fois ». /Il convient aussi de remarquer que l’appartenance n’est pas pour autant une donnée de naissance en effet elle peut très bien se créer lors de rencontres. / Nous avons donc le devoir de la protéger mais aussi de la développer car elle nous permet de nous établir en tant que communauté-monde. L’ensemble des particularités de chaque individu s’estompe face au devenir, cependant la résurgence de la mémoire adulte empreinte d’identitaire le met en péril. L’humanité alors caractérisée par une multitude de nationalité peut commencer à élaborer une éthique, des règles de vie, une solidarité, qui lui est propre. P.Z dit que bien que: « nous sommes presque tous des métis » compte tenue de nos divers origines mais que ce sujet est encore tabou, en effet, aucun homme politique ou encore chercheur n’en parle. On se plait à utiliser un vocabulaire (étrangers, immigrés…) pour le moins absurde selon P.Z alors que le mot métis conviendrai, mais surtout rendrai compte de la réalité actuelle. Il est aussi difficile pour un individu de manifester une appartenance à plusieurs groupes à la fois bien qu’une représentation strictement délimitée d’un groupe n’a plus réellement de pertinence aujourd’hui. Par ailleurs, l’appartenance se joue au futur et non au passé. Il existe un risque, celui que le sentiment d’appartenance social soit détruit et que cela amène les individus à être livré à eux-mêmes. Un autre risque existe, d’une ampleur plus grande que le premier celui de rester prisonnier du passé. La multi- appartenance sociale est aussi traduite par « la réunion et mobilisation fluides d’une diversité de compétence. » en effet aujourd’hui plus personne ne peut se considérer expert dans quelque matières compte tenu de l’intensification de la complexité des phénomènes (l’écologie pouvant servir d’exemple).Actuellement, c’est la combinaison des compétences qui prime. La multi-appartenance est aussi un changement d’échelle permanent accentué par divers moyens de communication. Enfin, P.Z pense que la multi-appartenance est une ouverture au monde nous permettant d’affronter les futurs destructions que l’humanité est sur la point de rencontrer. La mondialité métisse Ici P.Z nous fait savoir que la multi-appartenance n’est qu’une réponse imparfaite car elle nous indique juste la voie à suivre pour répondre au véritable enjeu en l’occurrence celui d’une appartenance solidaire au monde. Pour que le monde-planète se transforme en monde-communauté il faut que se constitue un langage monde afin que chaque individu puisse se confronter à une signification commune. Le paradoxe est que les éléments formant le commun sont déjà en notre possession (la planète, mondialisation des échanges, existence de problèmes communs…) mais ils ne disposent pas encore de signification en termes de reconnaissance politique. La multi-appartenance est une voie qui nous conduit à l’appartenance au monde-communauté qui tendra à se former, à la fois, de commun et de singularité effaçant ainsi toute identité singulière pour former une nouvelle identité de l’humanité en l’occurrence plurielle. P.Z clôt se chapitre en posant l’hypothèse du futur devenir de la planète selon laquelle soit la société-monde : «sera une communauté ouverte et composite, un espace de navigation mondialisé entre des multi-appartenance. » ou dans le cas contraire n’existera pas et le monde basculera dans des guerres sans fin. En découle une opposition entre la mondialité et le globalisation. Chapitre IV Derrière l’individu affaibli, l’individualité grandissante Expérience et comportement de la jeunesse Le caractère rebelle attribué à la jeunesse n’est pas une nouveauté ; il représente une revendication d’autonomie bien illustrée par mai 1968 et les années suivantes, touchant l’ensemble des domaines de la vie sociale et particulièrement le domaine professionnel (réduction du temps de travail, considération de l’autonomie et de la responsabilité comme les critères du niveau de qualification…). Mais ces transformations au sein de l’entreprise ont été lentes voire étouffées, si bien que la génération du baby-boom s’est pliée à un certain conformisme. En réalité, c’est plutôt le contexte qui s’est transformé et a ainsi créé des différences importantes entre baby-boomers et générations suivantes. Les premiers ont bénéficié d’une socialisation « stable » du fait de l’absence de chômage et d’une croissance régulière, avec une revendication d’autonomie née de « l’ennui, du manque d’idéal, de la société disciplinaire ». Les seconds ont connu la situation inverse avec une précarité grandissante et des systèmes de protection sociale affaiblis. L’auteur ajoute que les baby-boomers ont en outre « bouché » le marché du travail de sorte que les générations suivantes ont davantage souffert du chômage, d’emplois précaires, de salaires réduits et d’absence de débouchés. Parallèlement est né un « mouvement exceptionnel de prolongation de la durée des études », restreignant encore l’accès au marché du travail, notamment pour les moins diplômés. L’auteur précise que de nos jours, les départs à la retraite des baby-boomers favorisent l’insertion des jeunes, surtout dans les entreprises publiques. Il ajoute que le regard de la jeunesse, pour qui l’autonomie consiste à « parvenir à penser un devenir », a évolué en parallèle de ces transformations ; et de ce fait, les babyboomers, n’ayant pas le même regard, ne doivent plus se faire les portes parole des jeunes. L’expérience comme mode privilégié de socialisation Zarifian s’appuie ici sur l’analyse du sociologue François Dubet, qui parle du concept de « sociologie de l’expérience ». Il est courant de considérer l’expérience en entreprise comme l’acquisition dans la durée d’un certain savoir-faire professionnel transmis oralement ou par apprentissage. Cependant cette conception suppose notamment une stabilité des situations professionnelles tandis que la jeunesse d’aujourd’hui grandit dans un monde instable ; cette conception n’est par conséquent plus valable. Pour Dubet, la notion d’expérience possède deux facettes : o « l’expérience évènementielle », liée au domaine affectif (celui où selon G. Simondon, les premières relations interhumaines se nouent). Elle saisit plus ou moins intensément l’individu qui la valorise et la garde en mémoire. C’est une forme d’apprentissage cognito-émotionnel. o « l’expérience voulue, orientée vers l’expérimentation du nouveau », basée sur l’initiative, l’engagement dans une sorte de projet ; l’expérience vécue qui s’en dégage est primordiale. Elle suppose l’acquisition de connaissances puisqu’elle est anticipée. Selon le sociologue, la combinaison de ces deux facettes forme l’expérience réelle qui s’adapte au monde actuel dans lequel l’imprévu prime sur les projets, ce qui a pour conséquence que « les jeunes valorisent l’initiative, davantage encore que l’autonomie », sans pour autant être imprudents et excessifs. L’auteur souligne le fait que les différentes expériences peuvent se rejoindre et constituent une preuve d’engagement. Finalement, les jeunes construisent « une expérience des expériences », lesquelles peuvent être heureuses ou non, mais qui donnent un sens à leur vie et les intègrent dans un monde « désenchanté ». La logique de subjectivation au sein de trois logiques d’action Philippe Zarifian s’attache ici aux analyses de François Dubet menées en milieu scolaire, et qui lui permettent de distinguer trois logiques d’action traversant chaque jeune : la logique classique d’intégration : l’individu cherche à s’intégrer dans la société en y jouant un rôle, familial mais surtout professionnel, qui permet d’être reconnu, mais qui consolide le conformisme, et de plus, marque davantage les clivages entre les différents groupes professionnels, les intégrés et les non intégrés. Mais la jeunesse actuelle n’adopte plus autant cette logique à cause des difficultés d’intégration, de l’absence de cadres d’intégration biens définis, du refus de voir l’existence de l’individu comme une simple fonction qui lui est attribuée et enfin de la distanciation vis-à-vis de certaines valeurs universelles. De nos jours, les entreprises veillent à intégrer les jeunes, qui apprécient cet effort mais veulent tout de même garder une certaine distance : « on est d’autant mieux intégré qu’on parvient à ne pas l’être intégralement » la logique concurrentielle : concurrence, compétition, et stratégie dominent cette logique, adoptée dès l’école et au long de la carrière professionnelle. Les jeunes la rejettent en masse en refusant de s’engager plus qu’il ne faut. Ce rejet vient d’abord du fait qu’à leurs yeux, le monde de l’entreprise est impitoyablement concurrentiel, mais aussi du fait qu’ils ont développé une « solidarité générationnelle », et que la concurrence s’oppose au domaine affectif qui tient chez les jeunes une place importante. Les groupes ne sont plus concurrents mais cohabitent ; cependant, chez les jeunes marginalisés, la lutte concurrentielle peut être une réponse à l’échec d’une intégration scolaire et sociale. la logique de subjectivation : c’est « l’affirmation de l’individu comme sujet, comme auteur de sa propre vie ». Selon cette logique, l’individu engagé refuse d’être considéré uniquement comme un personnage social, et affirme ses choix personnels. Il cherche à être sincère, tolérant, et ouvert aux autres. Dès l’école, l’élève doit réfléchir à son orientation, à ses expériences futures. Le jeune qui suit une initiative personnelle est d’autant plus engagé et s’investit davantage lorsqu’il peut exprimer ses passions. En outre, le respect qu’on lui porte le touche particulièrement tout comme l’irrespect le révolte. La crise de l’idée de société Il est courant de penser que l’individu cherche à s’intégrer dans la société dans laquelle il naît et développe son identité au cours de sa socialisation. Cependant, cette idée est remise en cause si on considère la société et l’individu lui-même comme des fictions. Selon la logique de l’intégration sociale, l’individu doit se socialiser pour exister. Mais on peut aussi considérer que l’individu se sent interpellé par la Société ce qui lui confère une identité ; il s’agit alors d’une construction institutionnelle et idéologique. Dans cette forme de socialisation, l’individu est abstrait et assujetti à la société ; la logique de subjectivation n’existe plus. L’individu est soumis à la société qui est constituée d’institutions intermédiaires et fonctionne par un système de représentation : les hauts fonctionnaires sont ainsi autorisés à décider « au nom » des autres. La relation entre l’individu et la société s’affaiblit et se décompose comme le montre la dégradation de la fonction socialisatrice des institutions et la baisse de la participation électorale. Tönnies, sociologue, distinguait la communauté traditionnelle, qui écrasait l’individu par le poids des traditions, et la société moderne dans laquelle l’individu est libre. Le passage de l’une à l’autre a été un énorme progrès, mais désormais, c’est la société elle-même qui est en crise. L’auteur émet l’hypothèse que la société moderne devient traditionnelle et donc oppressive ; la distinction entre communauté traditionnelle et société moderne n’est plus valable. Il s’interroge alors sur ce qui prend la place de la société. Selon lui, l’individualité sociale, qui émerge de rapports sociaux définissant la pensée de l’individu, remplace l’individu. Mais parler d’individualité « sociale » alors que la société semble être une fiction est délicat. C’est pourquoi Zarifian évoque plutôt l’individualité humaine, appartenant à une communauté concrète mondialisée. L’être humain né social cherche à développer son individualité. L’auteur considère alors les mots « individu » et « société » comme des antiquités traditionnelles qu’il est préférable de ne plus employer. Selon Zarifian, l’individualité humaine ne construit, au départ, rien. Quant à la communauté concrète mondialisée, elle naît des processus de singularisation et de subjectivation des individualités. Celles-ci sont confrontées à des enjeux mondialisés que les institutions mettent en perspective ; ainsi réunies, elles forment l’humanité concrète. Cette rupture avec l’idée d’individu et de société a une ampleur considérable puisque la notion d’individu, qui aurait entraîné la montée de l’individualisme, est née de la modernité. Pour autant, la transmission de valeurs ne serait pas altérée. Mais Zarifian n’est pas convaincu de ce « vaste non-changement ». L’idée d’individu a deux caractéristiques : o la conscience de soi, qui est la faculté à se reconnaître et à se penser comme unique. o la relation réflexive à notre propre puissance de pensée et d’action. Ces deux caractéristiques sont fragiles : la conscience de soi est toujours mise à l’épreuve sous le poids du conformisme aux idées et comportements dominants. De plus, conscience de soi n’est pas synonyme de connaissance de soi. Se voir dans la glace ne signifie pas savoir qui on est. En outre, l’idée du « désir de persévérer dans son être » dont parlent Hobbes et Spinoza est devenue avec la modernité la simple faculté de suivre un « projet de vie ». L’individu est enfermé dans son ambition démesurée et en même temps trop faible car elle ne permet pas de renforcer sa puissance. L’individu adulte est figé s’il se sépare de sa puissance du devenir et se présente comme achevé. Pour Zarifian, lorsqu’on se regarde dans la glace, on peut voir la relation de notre visage avec notre fonds, qui est constitué d’une mutli-appartenance. Les individualités sont complexes et leur relation à cette mutli-appartenance est soit simple, soit difficile si ces appartenances entrent en conflit : la mutli-appartenance nationale ou bien sociale est une richesse dans notre composition interne mais peut aussi être source de tensions. Cependant, nous savons que nous sommes « le fruit d’une évolution et d’une mutation très longues de l’espèce humaine » qui se poursuivent. Nous dépendons de la nature. Cette histoire de l’espèce humaine est toujours actuelle et nous fait exister ; nous nous en apercevons en nous regardant dans la glace. Si nous regardons autour de nous, on constate que les rapports aux autres nous affectent dans le domaine affectif et dans le domaine intellectuel ; ainsi ces affections sont cognitivoémotionnelles. En effet notre intelligence se développe par les mises an communication avec les intelligences des autres ; nous sommes immergés dans un réseau d’affections. Toute connaissance est assimilée si elle nous touche sur le plan émotionnel et toute émotion agit sur notre pensée. En fait, l’individu qui se présente comme achevé n’a pas conscience de ces affections et donc sa pensée consciente ne rend pas compte de son potentiel réel. Enfin, l’idée de « projet » est futile. Nous formons des anticipations et non des prévisions. Lorsqu’on pense au futur, nous orientons nos dispositions et les choix que nous faisons concernent la relation avec la communauté humaine. Nous sommes des êtres libres par nos déterminations, notre singularité et nos affections. Un univers de singularités La singularité prise dans ses déterminations latérales Zarifian écarte d’abord l’idée selon laquelle la singularité est un accident, car cet accident est facilement explicable. Il explique ensuite que lorsque l’on considère que chaque élément qui nous entoure est singulier, mais appartient à une catégorie, on ne fait que le différencier des autres catégories, en formulant des généralités. Cette réflexion conduit en fait à perdre la singularité pour en faire une particularité : on particularise le général tandis que la singularité n’est qu’accessoire. C’est pourquoi il faut cesser de catégoriser et préférer associer la singularité et la communalité. Au lieu de prendre en considération l’ « homme », l’auteur considère l’ « individualité humaine singulière », composée d’une multitude d’entités et qui peut aussi se composer avec d’autres individualités humaines avec lesquelles elle a des dispositions communes et avec qui elle forme ainsi l’espèce humaine. L’auteur parle alors de double singularité : celle de l’espèce en question et celle de l’individu-même. Si la singularité de l’espèce donne des caractères communs aux entités qui la composent, elle ne suffit à définir clairement ces dernières qui ont chacune une singularité. Ainsi, Zarifian abandonne la notion d’ « individu » et s’attache à celle d’ « individualité » qui désigne le processus par lequel l’entité humaine développe la conscience de soi. Il souligne que « toute individualité est singulière ». Au cours du processus de singularisation, l’entité subit de nombreuses mutations ; il faut donc s’interroger sur leur devenir. La singularité prise dans ses déterminations internes Puisqu’on considère ce processus de singularisation, l’auteur indique qu’il faut se tourner vers le pré-singulier. La puissance de vie de l’individualité humaine n’est pas originelle mais provient d’un mode d’actualisation singulier : « personne n’est apte à créer sa propre puissance de vie ». Tout au long de notre vie, nous sommes capables de nous transformer en puissance. Par exemple, il nous suffit de penser à une chose pour que cela en fasse surgir une autre qui passe ainsi du virtuel à l’actuel ; c’est une prise de consistance. Ainsi la puissance s’actualise et a une motivation principale : devenir libre. Le pouvoir de conduire notre devenir appartient à notre existence en tant que singularité individuée. Dans notre univers fait de singularités, il convient de parler de communauté. Ces singularités actualisent les virtualités qui s’expriment dans notre corps et notre pensée. Nous naissons avec des dispositions et nous développons des anticipations qui sont en fait des virtualisations pas encore actualisées. L’univers de virtualités constitue une forme d’émancipation et est la base de la subjectivation. Selon Spinoza, c’est la puissance de la Nature qui s’exprime en chaque singularité. Mais l’auteur souligne que singularité de signifie pas particularisation. La Nature se rapporte à nous et nous pouvons penser ce rapport. Zarifian explique ensuite qu’entre le virtuel et l’actuel, il n’existe pas de relation de cause à effet, ce qui complexifie la notion de causalité, qui est valable lorsqu’il s’agit de parler d’une singularité actuelle qui change mais qui n’explique pas le processus de singularisation : « une nouveauté se crée, elle ne se cause pas ». La puissance de virtualisation nous est commune c’est le même fonds de virtualités qui s’exprime, avec plus ou moins d’intensité. Ainsi le concept de communauté humaine est renforcé, plus consistant. Nous appartenons donc en ce sens à la même humanité de telle sorte que « c’est en chaque individualité que l’avenir de l’humanité se joue ». Finalement, chaque individualité humaine se rapporte à la communauté humaine de manière unique, et ce par « une actualisation de puissance ». Chapitre V Multitude, peuple et luttes Crise de civilisation ? L’auteur expose ici l’idée selon laquelle une partie de la civilisation occidentale meurt, entraînant avec elle les autres civilisations. C’est d’abord le système économique qui meurt, système qui fonctionnalise l’existence de l’individu. Parce que ce système capitaliste meurt, un système rétréci, corrompu et oppressant se développe et la monnaie se dévalorise. Il convient donc de « défonctionnaliser » la civilisation occidentale, mais la question est de savoir comment. Pour Zarifian, il faut « édifier de nouvelles formes de production de notre existence ». La démocratie libérale meurt aussi peu à peu. L’individu « libre » est une fiction, une croyance. Le développement d’un volontarisme politique fort basé sur un pouvoir arbitraire, le coût trop élevé de cette démocratie à laquelle les citoyens adhèrent passivement, écartent les croyances démocratiques. « Le peuple n’existe plus », Zarifian parle de « supposés citoyens ». C’est le fait d’agir dans l’urgence (crise économique, guerre) qui confère au gouvernant sa légitimité. Finalement, la vie politique n’existe plus ; le pouvoir de l’Etat se réaffirme, et les dénonciations de cette évolution sont peu efficaces. Zarifian s’interroge ici sur la réaction à avoir face à cet affaiblissement de la politique et montre que de nos jours, il n’est plus question de s’intéresser à celui qui gouverne mais à la façon dont la « plénitude de vivre » est assurée. Enfin, c’est l’idéologie qui meurt. L’idée selon laquelle la « civilisation occidentale est civilisée », modernisatrice, organisée entre l’individu et la société qui sont reliés par des institutions intermédiaires réparant les déséquilibres, et que les autres civilisations sont barbares, est dépassée. De nouvelles idées, qui démentent l’existence d’idéologies collectives fortes et affirment que la civilisation occidentale n’a jamais été et n’est pas dépourvue de barbarie, émergent. Elles revendiquent plus de générosité et une nouvelle vision cosmologique du monde, considérant la civilisation humaine comme une simple partie de ce monde et se rapprochant ainsi des traditions des « vieilles » civilisations. La mort artificiellement provoquée des civilisations L’auteur nous dit d’abord que la biodiversité s’est réduite précipitamment et a été provoquée artificiellement : la responsabilité humaine est donc engagée et le monde vivant qui nous entoure est affaibli. La disparition d’espèces vivantes a des conséquences négatives pour l’homme (désertification…). De plus, le corps humain est privé d’espèces qui le rendaient plus résistant et il doit en combattre d’autres (comme les bactéries) devenues ellesmêmes plus résistantes. Il utilise ces exemples pour imager la mort des civilisations « étrangères » à l’Occident et plus précisément aux Etats-Unis. Nombreuses sont les civilisations qui ont déjà été massacrées (indiens d’Amérique, Afrique précoloniale) et dont il ne reste plus rien. Mais l’Orient résiste à l’hégémonie occidentale ce qui développe une sorte de haine et de paranoïa envers lui. On parle de « croisade occidentale » dirigée par les Etats-Unis qui négligent le droit international. Finalement, c’est la « disparition rapide et sciemment provoquée de toutes les civilisations non-blanches, non occidentales, non judéo-chrétiennes. La civilisation occidentale a certes rapporté mais elle a beaucoup détruit. Toutes les civilisations apportent quelque chose d’inédit, d’éthique et de positif à l’humanité mais la question est de savoir ce qu’il reste de cet apport. Les peuples qui actuellement font face aux croisades choisissent alors d’y résister en revendiquant davantage leur civilisation qui n’est pas inférieure à la civilisation occidentale. D’ailleurs, cette dernière s’est noircie, comme le montrent les émissions exposant la vie intime des gens ou les images choc que diffusent les médias. L’appel à l’intelligence est oublié et la jeunesse se durcit elle-même pour résister à cette dureté de la société. Multitude « Multitude », au singulier, renvoie à des images bibliques et à une idée de pouvoir plus que de puissance. Au contraire, « multitudes », au pluriel, renvoie à des images de puissance et non à un pouvoir quelconque. Cependant, ces « multitudes » ne sont pas un concept, tandis que « multitude » au singulier en est un. Pour Hobbes, la société n’est plus ordonnée par l’idée de Dieu. Elle est composée d’humains égaux et semblables qui parallèlement agissent individuellement et différemment, et ont des désirs différents. La multitude en tant que concept permet alors de penser la disparition de cette idée d’ordre religieux de la société et le nouvel ensemble que forment ces individualités. Pour Hobbes, il n’y a plus de retour en arrière possible. Le concept de multitude mène au principe d’autorisation et à la création artificielle du souverain. C’est le pré-peuple. Lorsque le souverain est en place, la multitude devient légitimement son peuple. Mais les hommes conservent leurs désirs différents et le risque de chaos existe. Pour Spinoza, la multitude est un concept de composition du pouvoir politique et parallèlement, elle autorise la résistance à ce pouvoir. Le politique est le pouvoir sur les individus, la politique est la puissance des individus ; et le choix du politique doit convenir à la politique pour éviter que la multitude ne soit oppressée par le pouvoir de l’Etat. La politique est une transition et le « bon gouvernement » est celui qui permet à la multitude de déployer ses facultés de toutes sortes et donc de récupérer sa force. Zarifian propose alors un troisième concept : « le peuple-monde », pour na pas se restreindre à Hobbes ou Spinoza, chez qui la référence à des puissances n’est pas vraiment claires (la Nature ? Dieu ? les rapports sociaux ?). Le peuple-monde est composé de singularités humaines et non de puissances ; ces singularités forment un ensemble à partir duquel les puissances et les luttes naissent. Ces luttes cherchent d’abord à identifier leurs propres foyers. Zarifian prend l’exemple du mouvement des enseignants au printemps 2003, dont les motifs étaient confus. Cette crise de l’institution scolaire a amené à débattre de la manière d’enseigner. Mais dans un conflit, il ne faut se limiter à un seul débat car la richesse première du conflit s’épuise. Il faut, dans toute lutte, chercher à comprendre le réel qui mène à cette lutte pour ensuite donner du sens à ce réel. La lutte n’est pas principalement contre quelque chose mais pour l’expression d’un évènement. Elle permet de passer du virtuel au possible, mais il ne faut pas oublier le mouvement du réel. C’est en comprenant l’évènement du conflit et ce qui l’actualise que la collectivité se renforce et que se constitue un peuple-monde. Chapitre VI Mondialité, régime de guerre et désir de paix L’entrée dans un nouveau régime de guerre Cette entrée officielle, opérée après les attentats du 11 septembre 2001, annonce « la guerre contre le terrorisme global » (G. W. Bush). Ce régime de guerre de longue durée, où la guerre est omniprésente, s’opère extérieurement (guerre à l’extérieur des Etats) et intérieurement, avec le développement d’une société sécuritaire et de contrôle. Zarifian souligne que bien qu’il y ait ce double front, il s’agit de la même guerre. Quelles caractéristiques ? Les prémices de ce régime sont les précédents affrontements (guerre du Golfe, Kosovo), l’évolution radicale de la politique israélienne…Mais ce n’étaient que des prémices : acteurs du régime et ennemi n’étaient pas clairement nommés. Les attentats du 11 septembre 2001 ont précipité l’entrée dans ce régime et l’ont défini comme « la croisade de l’Occident menée contre le terrorisme global ». Les énoncés idéologiques dominent ce régime. L’ennemi caractérisé en tant que terrorisme global n’est ni un régime politique ni un Etat et de ce fait, la guerre contre l’Irak est une variante de celle contre le terrorisme. Cet ennemi, sans visage, est partout et les hauts dirigeants se chargent alors de définir qui est terroriste. Ce régime de guerre est mené contre le Mal (le terrorisme) qu’il faut haïr parce qu’il nous hait, si bien que nous régressons dans le registre passionnel de la haine et de la suspicion et prend une forme raciste. La démocratie est alors un obstacle. De simples propos à l’encontre des valeurs occidentales suffisent à qualifier quelqu’un de terroriste. Le « contre-terrorisme préventif » se développe avec la coordination de l’armée avec la police et la justice. Les Etats-Unis mènent ce régime mais d’autres gouvernements, qui sont membres de l’OTAN, sont engagés. Des tensions et divergences apparaissent alors en ce qui concerne le bien-fondé de cette guerre et ses conséquences. De plus, ce régime de guerre se concilie difficilement avec une économie capitaliste et décentralisée puisque la guerre tend à centraliser l’économie. L’engagement des gouvernements est donc variable ; cependant l’orientation générale du régime reste intacte. Mais le droit international est mis à mal : la légalité est précédée dans ce régime de l’usage de la violence. L’auteur souligne enfin que ce régime est source d’innovation comme par exemple la surveillance généralisée mise au point par les Etats-Unis. Le pétrole et la géostratégie : des explications réelles, mais largement insuffisantes Zarifian veut relativiser deux causes avancées pour expliquer l’entrée dans ce régime de guerre. La première cause est celle selon laquelle l’enjeu serait le contrôle du pétrole. Elle renvoie à l’impérialisme et remet en cause les principes modernistes. Cependant l’auteur explique que le pétrole n’est qu’un motif secondaire puisque les gouvernants capitalistes savent que le contrôle indirect est plus efficace et de plus, le régime de guerre a déstabilisé le Moyen-Orient si bien que le contrôle occidental sur le pétrole s’est affaibli. La seconde cause est une explication géostratégique. En effet, les Etats-Unis ont développé leurs bases militaires et leur influence dans la zone depuis la Guerre du Golfe, ont aussi corrompu les gouvernements, infiltré leurs services… Dans ce régime, le déploiement géostratégique ne nécessite pas l’occupation d’un territoire si une solution gouvernementale locale est trouvée ; cependant cette solution peut être délicate à mettre en place (exemple de l’Afghanistan, du Kosovo…) et peut développer les nationalismes. Mais cette géostratégie peut être bénéfique pour l’économie mondialisée car elle modèle les habitudes locales. Bush, en encerclant l’Orient, redynamise des secteurs économiques qui peuvent se déployer dans la région. Mais pour Zarifian, la géostratégie n’est pas une explication satisfaisante à ce régime de guerre. Elle est centrée sur les Etats-Unis alors que d’autres gouvernements sont engagés et ne suivent pas cette orientation géostratégique. Le gouvernement américain n’est pas seul responsable de ce régime de guerre. De plus, l’explication géostratégique ne permet pas de comprendre « le front interne » c’est-à-dire la mise en place d’une société sécuritaire de contrôle, contrôle qui se présente sous la forme de « comptes à rendre » couplée à une sécurisation de l’Etat. Enfin, cette explication n’explique pas pourquoi des formes idéologiques, réactionnaires, d’extrême droite, qui se manifestent par un excès de suspicion, sont développées et activées par ce régime. Une cause centrale : la peur de la mondialité Zarifian reprend l’idée de Foucault selon laquelle « la résistance précède l’oppression » et cherche à comprendre quelle est cette résistance, cette affirmation que les gouvernements occidentaux craignent et veulent opprimer. Sa réponse est la mondialité. Cette dernière est « un formidable mixage des civilisations ». La notion de civilisation, considérée comme de droite, est actuellement reprise pour rendre compte du fait que les civilisations sont obligées, face à certains problèmes, de se confronter afin de les résoudre solidairement. Les singularités créent un dialogue permanent qui étend la mondialité. Les problèmes ont une dimension mondiale et le Peuple Monde est « pris dans sa solidarité d’existence et de devenir » : il doit faire face à des évènements négatifs (dégradation de l’écosystème, misère…) mais aussi positifs (partage du savoir, échanges, générosité…). Ceci pousse la jeunesse à s’ouvrir à la politique, à s’engager dans des actions humanitaires. L’émergence d la mondialité effraie les gouvernements occidentaux qui craignent : - la perte d’identité de « l’Occident » - la remise en cause de l’économie capitaliste mondialisée - la perte de légitimité croissante dans la domination politique qu’ils opèrent - de nouvelles expérimentations démocratiques - les migrations, les métissages et la montée d’un intégrisme occidental réactionnaire. Ces peurs fusionnent et font donc de la mondialité une peur centrale et un ennemi. Finalement, les gouvernements occidentaux ont plus peur de sa diffusion que du terrorisme qui en réalité ne fait que justifier l’usage de la violence. L’émergence de la mondialité est aussi source d’intégrismes locaux (comme l’intégrisme islamique). Ces intégrismes hostiles à l’Occident sont presque incontrôlables et se manifestent par des actes terroristes. L’auteur remarque qu’entre Bush et Ben Laden s’opère une certaine symétrie des discours, par leur radicalité et leur religiosité. Pour Zarifian, faire du terrorisme un ennemi de guerre est un « considérable recul de la pensée et de l’intelligence » puisque derrière le terrorisme se cache une cause réelle ; or personne ne cherche à la trouver. L’intelligence est bloquée et réduite aux passions haineuses (« haine contre haine, destruction contre destruction »). Ainsi, les gouvernements occidentaux se servent de ces intégrismes locaux comme prétexte pour combattre la mondialité. En prônant un islam modéré, ils prônent en fait un islam colonisé et qui n’est pas touché par le mixage des civilisations. Pour l’auteur, nous devons combattre ce régime de guerre. La confrontation antre civilisations doit être critique et pacifique. Il prend l’exemple du défi écologique : selon lui, l’Occident doit beaucoup apprendre de la civilisation chinoise. Cependant, il faut veiller à ce que la confrontation entre civilisations n’aboutisse pas à un « pourrissement interne » des civilisations au profit « d’une occidentalisation bas de gamme », comme c’est le cas en Asie ou en Amérique latine. Mais Zarifian constate que récemment, les individualités s’affirment. La peur de la mondialité est donc la cause la plus profonde de ce régime de guerre. Le désir de paix Zarifian s’interroge ici sur la possibilité d’un désir de paix dans ce régime de guerre. Il indique que les mouvements d’émancipation du XXe s. étaient pour la plupart portés par ce désir et pour ceux qui ne l’étaient pas les conséquences furent dramatiques. Le désir de paix est une lutte, un combat. L’auteur prend l’exemple de la Palestine : bien que la lutte des palestiniens soit juste, les actions et paroles du Hamas vont à l’encontre d’un désir de paix. Zarifian se demande alors s’il existe un lien entre désir de paix et émancipation. Pour Spinoza, le désir se rapporte au « désir de persévérer dans son être » ; il faut développer la puissance dont nous sommes capables. Le désir de paix est cette tendance affective nous pousse, dans le but d’accroître notre puissance et notre créativité, à être en accord avec les autres, avec nous-mêmes et avec la Nature, comme l’ont démontré des philosophes tels que Lao Tseu. Nous éliminons de nos pensées toute violence que nous considérons comme un danger. Lorsque nous développons en nous ce désir de paix, nous le rationalisons et il devient l’agent moteur de notre émancipation. Cette vision peut être critiquée : elle présente le désir de paix comme un discours de soumission et donc favorable à l’oppression. Mais le désir n’est pas un discours, il nous pousse vers la paix qui ne réside ni dans les moyens ni dans la finalité mais qui accroît notre puissance de sorte que la concorde domine la haine. Mais l’auteur souligne que la concorde est impossible s’il y a une forme d’oppression donc le désir de paix est aussi un désir de révolte, non pas dans le sens de se révolter contre mais de se battre pour. Le désir de paix est donc plutôt un vecteur d’insoumission. Mais on comprend que la lutte armée peut être nécessaire ; cependant, si une philosophie de la guerre se développe, elle peut devenir un ennemi du désir de paix. Spinoza ne parle pas de la violence interne des rapports de domination. Pour Foucault, « là où il y a oppression, c’est qu’il y a de la liberté » ce qui a pour conséquence de dire que c’et l’oppression qui lutte contre la liberté et non l’inverse ; il existe donc une forme de pré-liberté qui donne force à la lutte pour l’émancipation. Zarifian reprend de nouveau l’exemple de la Palestine : en réalité c’est le gouvernement israélien qui est sur la défensive car il est impossible de soumettre l’esprit de liberté des Palestiniens qui veulent former un peuple et assumer leur devenir. Les ennemis de ce peuple sont surtout les organisations intégristes qui détruisent le désir de paix. La résistance doit être active et non réactive. Zarifian montre ici que le « désir de paix est un fantastique levier de puissance » et de lutte contre les forces de domination. Retour sur la mondialité Nous avons vu que les lignes de tensions et d’enjeux constituent le dynamisme de la mondialité. Nous sommes de la même humanité et nous avons les mêmes problèmes et espoirs, ainsi qu’une solidarité de devenir Il existe une multiplicité d’affrontements c’est-àdire qu’on ne peut rien réduire à un seul problème et que toute synthèse est impossible. L’auteur revient alors sur des termes employés précédemment : la générosité, en tant que manière de parler de solidarité et de prendre conscience que nous sommes interdépendants ; la responsabilité, qui est applicable dans tous les domaines et qui consiste à prendre en charge la mondialité, à avoir souci d’elle ; et enfin le métissage entre origines, nationalités et civilisations, qui constitue un enrichissement. La mondialité est une tendance dont l’intensité varie mais surtout, elle est ambivalente. L’auteur prend l’exemple d’une pièce de monnaie : elle a deux faces qui sont indissociables et ont des sens non opposés et divergents. De même, la mondialité est composée de dimensions divergentes ce qui génère des tensions et un déséquilibre. Zarifian illustre cette idée d’ambivalence en prenant l’exemple du métissage, qui est un enrichissement mais peut aussi susciter la montée des nationalismes, des intégrismes et du racisme. Par exemple, Bush et Ben Laden haïssent tous deux ce métissage. « Les deux faces sont inséparables », mais non symétriques : l’intégrisme n’est pas contraire au métissage de même que le métissage n’est pas contraire à l’intégrisme. Ensuite, Zarifian prend un autre exemple : la guerre et la paix. Cette dernière n’est pas le contraire de la guerre puisqu’elle suppose une lutte et donc une forme de guerre. C’est une guerre à la guerre. L’auteur s’interroge alors sur la persistance de la lutte des classes et montre qu’elle existe toujours. Son origine vient des puissances d’invention. Si on les opprime, des luttes apparaissent alors. Les raisons qui animent le désir de paix rencontrent des blocages ce qui crée la lutte ; mais l’adversaire n’a donc pas la même figure : il n’est pas un ennemi mais un obstacle. Ainsi la lutte de classes ne consiste pas à éliminer la classe capitaliste mais à l’écarter. Zarifian nous fait comprendre alors que toute lutte renferme un discours silencieux qui parfois s’exprime avec force. La notion d’ambivalence est donc essentielle : la paix est une forme de guerre, mais sans ennemi et sans haine. En pensant la mondialité en tant que « cap du désir de paix », on voit qu’elle est exigeante. Elle est le fruit des mouvements objectifs profonds, et se définit dans la transformation des subjectivités et des manières de penser le devenir du monde, tout en affrontant le passé, sans perdre son cap. En ce sens, la mondialité est un véritable défi.