Rentes et efficacité
Jusqu’à date, nous avons toujours considéré que la répartition des bénéfices et des coûts
n’avait pas d’impact sur l’efficacité. Par exemple, on peut très bien construire un contrat
principal-agent par lequel l’agent n’obtient que le minimum requis pour entreprendre une
production, alors que le principal recueille la majeure partie des profits.
L’hypothèse implicite derrière ces résultats était que les problèmes d’effets de richesse étaient
négligeables. Pour ce faire, trois conditions doivent être réunies :
1. Chaque individu doit pouvoir évaluer en équivalent monétaire l’ensemble des
bénéfices qu’il reçoit et l’ensemble des coûts et des risques qu’il doit supporter.
2. Cette évaluation ne doit pas dépendre de la richesse de chacune des parties.
3. Les agents doivent être capables d’effectuer, au moment voulu, le paiement de tout
montant nécessaire à la répartition du bénéfice de la transaction sans que cela affecte
le coût ou la faisabilité de la transaction.
Sans ces trois conditions, il est possible que les accords visant à maximiser la richesse totale
de l’ensemble des parties ne soient pas possibles.
Exemples :
Un chauffeur de camion peut améliorer ou altérer de manière significative la valeur de son
véhicule en fonction du soin qu’il lui apporte. Une solution efficace consiste à ce que le
chauffeur soit propriétaire de son camion. Cette solution n’est cependant envisageable que
si le chauffeur a les moyens de l’acheter. Si ce n’est pas le cas, le principe de la
maximisation de la valeur ne fonctionne pas. Une solution possible à ce problème passe
par une répartition plus importante des revenus vers le chauffeur.
Nous avons déjà vu que, lorsqu’un agent est indifférent au risque, une solution
contractuelle efficace passe par un revenu constant pour le principal et un revenu variant
avec les profits pour l’agent. Si l’agent est un dirigeant d’entreprise, la solution peut
impliquer qu’il devienne propriétaire de l’entreprise. S’il ne peut trouver de fonds
suffisants, la valeur ne sera pas maximisée.
Les pénalités financières sont rarement utilisées. Par exemple, un homicide est puni de
prison, sans compensation financière pour les parents de la victime. Une compensation
financière est un transfert de richesse :ce qui est perdu par l’un est gagné par l’autre. La
prison réduit le bien-être de l’un sans augmenter le bien-être de l’autre. Même dans les
contrats de travail, les pénalités financières sont très rares.
Comment faire face à ce problème ?
Nous examinerons deux solutions : les salaires d’efficience et la réputation
Les salaires d’efficience
Lorsque le marché du travail est concurrentiel, toutes les personnes qui le veulent occupent un
emploi. Leur salaire est alors égal à la valeur de leur produit marginal. On observe cependant
dans beaucoup de pays des niveaux de chômage élevés. Pourquoi les firmes ne réduisent-elles
pas les salaires face à ce surplus de main-d’œuvre ?
Ce phénomène est peut-être la réponse des firmes à une asymétrie d’information dans le
marché du travail, combinée à un problème d’effet de richesse.
Ceci nous amène au modèle de salaires d’efficience de Shapiro-Stiglitz (chapitre 5 du
volume).
Les compagnies possèdent des informations imparfaites sur le comportement leurs employés.
Policiers vs corruption
Société de navigation vs sobriété des capitaines
Société d’investissement vs diligence des employés
En raison des problèmes d’effet de richesse, la seule possibilité de punir un employé fautif est
souvent le congédiement. Lorsque le marché du travail est concurrentiel, toutes les personnes
qui le veulent occupent un emploi. Leur salaire est alors égal à la valeur de leur produit
marginal. Il est donc relativement facile de trouver un nouvel emploi après une mise à pied.
Le congédiement n’est donc pas une menace très crédible.
Quels facteurs rendent-ils la dissuasion efficace ? L’impact de la menace de mise à pied
dépend:
Des gains attendus par l’employé s’il commet une faute sans être découvert
De la probabilité que la faute soit découverte
Du salaire versé à l’employé
Des perspectives de l’employé sur le marché du travail
En n’examinant que les facteurs purement économiques, il est dans l’intérêt de l’employé de
tricher si :
g > p (w w*) N
où : g : le montant que l’employé peut espérer gagner en trichant (pots-de-vin,
accroissement du temps libre, vols, diminution du stress, etc)
p : la probabilité d’être pris en train de tricher
w : le salaire actuel
w* : le salaire que l’employé peut espérer obtenir dans un autre emploi, après avoir été
congédié
N : un multiplicateur exprimant la valeur de long terme de la relation contractuelle
entre l’employé et l’employeur
(w w*) : perte de salaire (temps de recherche, chômage, salaire inférieur, etc.)
La différence entre entre w et w* est le gain apporté par le travail pour l’employé. Ce gain est
une rente économique. La possibilité de bénéficier de cette rente augmente la valeur du poste,
qu’on soit permanent ou contractuel. Elle incite à ne pas se faire licencier.
En isolant w, on découvre que le plus petit salaire qui puisse dissuader la tricherie est :
w = w* + g / (Np)
Ce salaire est appelé salaire d’efficience. Il est supérieur au salaire d’équilibre du marché afin
de motiver l’employé à adopter un comportement productif. L’entreprise établit donc une
récompense financière pour les employés honnêtes et décourage la tricherie, qui devient
coûteuse pour l’employé.
Notons que le salaire d’efficience est préféré au contrat incitatif lorsque :
Le contrat incitatif n’est pas réalisable (l’employé est incapable de payer les amendes
prévues au contrat incitatif)
Le contrat incitatif est beaucoup plus coûteux pour l’entreprise qu’un salaire d’efficience
(il faut rémunérer fortement l’employé afin que l’effet de richesse ne joue pas)
Il y a un problème d’aléa moral (l’estimation de la performance de l’employé est
subjective et l’employeur a, ex-post, avantage à la minimiser afin de réduire la
rémunération versée à l’employé). Le salaire d’efficience est payé si la job est faite.
L’employeur n’a pas intérêt à congédier l’employé qui s’acquitte de sa tâche.
Analyse
Les impacts de variations de w*, N, g et p sur w.
Le système japonais d’emplois à vie et les salaires d’efficience.
La probabilité p d’attraper un tricheur dépend, entre autres, du monitoring. La firme fait
donc face à des coûts par période (et par employé) de :
C = w + pm M
c : coût par période
w : salaire payé à l’employé
pm : coût du monitoring par période
M : temps passé à faire du monitoring
La valeur de θ elle-même dépend de PmM. La firme va donc, pour un niveau désiré
d’efficacité de ses travailleurs, minimiser ses coûts en choisissant M et w.
Exemple numérique :
Supposez qu’un travailleur sera employé encore pour N = 10 ans (s’il le veut bien). Ce
travailleur a un salaire de réserve de w* = 30 000 $ par année et peut faire un gain immédiat
de g = 3 000 $ en vendant un secret à un compétiteur (il ne peut faire ceci qu’une seule fois et
maintenant). S’il se fait prendre, le travailleur perd alors son emploi. L’employeur peut
prévenir ce genre de comportement en surveillant le travailleur mais ceci est coûteux : il en
coûte 7 500 $ pour hausser la probabilité de détention p de 1 %. Formulez tout d’abord le
problème auquel fait face l’entreprise et trouvez ensuite les valeurs optimales de p et du
salaire efficient, w .
w* = 30 000
N = 10
g = 3000
On minimise :
w + 750 000 p s/c w = g / (Np) + w*
donc min (x) = w* + 750 000 p + g / (Np)
(p)
x / p = -g / (Np)2 750 000 Note : g / (Np) = g * (Np)-1
donc : dérivée = -1 * (Np)-2 * g = -g / (Np)-2
g / (Np)2 = 750 000
Alors p = 0,0063 ou 0,63 %
Et w = 34 725 $
La réputation comme mécanisme pour faire respecter les contrats
La réussite d’un système commercial repose sur la confiance mutuelle entre les agents qui
s’engagent à respecter les accords conclu. La réputation est l’un des principaux mécanismes
permettant d’assurer ce respect.
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