l’emporte-pièce et au-delà du pragmatisme qui ne pose que la question du « comment? » car il
présuppose que les questions fondamentales sont déjà réglées, ce colloque posait la question
de la finalité de l’Église, du pourquoi de celle-ci.
Le dialogue œcuménique est une pratique qui peut nous aider à nous ramener aux questions
fondamentales en ecclésiologie dans la rencontre de l’autre qui adopte une ecclésiologie
différente, mais qui se veut tout autant chrétienne. La reconnaissance de l’importance du
dialogue et des enjeux liés aux questions ecclésiologiques motive la mise sur pied d’un colloque
sur le thème de l’Église qui s’intitule « Qu’est-ce que l’Église? Perspectives évangéliques et
catholiques ».
L’ecclésiologie est un secteur de la théologie et de la vie d’Église particulièrement vivant
aujourd’hui. Du côté protestant évangélique, il y a entre autres les débats autour des « Églises
émergentes », qui désirent « repenser l’Église » (B. McLaren) en contexte de postmodernité. Il
y a aussi le mouvement néo-anabaptiste qui conçoit l’Église comme une nouvelle humanité,
une société alternative (J. H. Yoder) – c’est-à-dire marquée par la suivance du Christ qui
s’exprime visiblement en Église par des pratiques sociales considérées comme bibliques
(pacifisme, partage des biens, discipline, etc.). Ces deux mouvements sont mus par une
réflexion ecclésiologique profonde; l’ecclésiologie n’est pas une annexe à leurs théologies,
mais en constitue le cœur, comme l’a bien montré le théologien évangélique Scot McKnight.
Finalement, il y a dans le protestantisme évangélique une ouverture œcuménique croissante
(après des décennies où l’œcuménisme était rejeté), surtout aux États-Unis, comme en
témoignent le document œcuménique Evangelicals and Catholics Together, les activités du
Center for Catholic and Evangelical Theology et sa revue Pro Ecclesia, de même que la revue
conservatrice First Things. Ce «nouvel œcuménisme» mène même l’historien évangélique Mark
Noll à se demander dans un ouvrage récent : « Is the Reformation over? ».
Du côté catholique, il y a bien entendu les soubresauts ecclésiologiques suite au concile
Vatican II, avec les remises en question du concile à droite par les sédévacantistes ou la
Fraternité Saint-Pie-X ou l’appel à gauche à un Vatican III qui radicaliserait Vatican II en
adoptant « enfin » une Église dite des pauvres, démocratique et ouverte.
Plus important pour notre thème est la mise de l’avant chez les théologiens catholiques du XXe
siècle d’une ecclésiologie de communion et d’une théologie du Corps mystique qui ont ouvert
une voie hors de l’approche considérée comme trop unilatéralement juridique de l’Église
comme « société parfaite » héritée de Bellarmin (à ce sujet, voir les travaux de Benoît-
Dominique de La Soujeole). L’affirmation de la sacramentalité de l’Église est centrale à ce
concile, mais demeure une pierre d’achoppement œcuménique étant donné qu’elle est refusée
par les protestants pour qui le Christ seul est sacrement
. Néanmoins, le concile constitue une
avancée pour l’œcuménisme car il présente les protestants comme des « frères séparés » et
Peter Neuner, Théologie œcuménique, Paris, Cerf, 2005, p. 437.