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C. Deloro (Deloro, 2009, 25) rappelle cette notion de l’autre, « l’Alter Ego », comme « mi-
roir » de soi posée par Husserl (1859-1938). L’autre est perçu à travers les projections per-
sonnelles du soi, mais aussi l’autre en tant qu’il appartient aussi au monde auquel il participe,
devient vecteur de connaissances sur soi. Merleau Ponty (Merleau Ponty, 1945, 5) écrit : « Le
monde n’est pas un objet dont je possède la loi de la constitution, il est le lieu naturel et le
champ de toutes mes pensées et de toutes mes perceptions explicites (…) l’homme est au
monde, c’est dans le monde qu’il se connait ». L’autre devient un « rapport » note C. Deloro,
dont la perception produit une « résonnance en moi ».
Pour C. Audibert (Audibert, 2008, 98) c’est dans la densité du lien amical qu’apparaît : « cet
espace de réflexivité sur soi qui nous permet d’exister aux yeux de l’autre » et nous offre
l’opportunité de vivre pleinement « notre part intime ». La relation affective et élective avec
une personne choisie permet une « solitude sereine » c’est-à-dire la liberté de « cultiver son
propre jardin solitaire». Dans cette perspective, la solitude n’est plus subie mais au contraire
nécessaire puisqu’elle permet à l’homme de renforcer sa part d’intimité. Ainsi la relation non
seulement renforce sa conscience de soi mais, par ce biais même, réconforte.
A cette notion de conscience de soi à travers la relation à l’autre, s’ajoute l’effet protecteur de
la socialisation. La socialisation permet à l’homme, en collaborant, d’assurer sa survie. Elle
s’élabore sur l’échange de pratiques mais aussi de paroles comme l’indique S. Tisseron (Tis-
seron, 2010) en référence aux travaux de l’anthropologue et biologiste, Robin Dunbar. Il rap-
pelle qu’à l’époque des chasseurs-cueilleurs, les hommes et femmes consacrent au cours de
leurs activités 25% de leur journée au « papotage». Selon lui, le langage participe au dévelop-
pement des liens au-delà de sa fonction de transmission d’informations.
Nous considérons que les réseaux sociaux et les technologies relationnelles ont un rôle à jouer
dans notre réflexion car ils contribuent à cette mise en relief du rapport à l’autre. Même s’ils
sont peu utilisés actuellement par les personnes âgées, ils sont symptomatiques d’un manque,
voire d’une stratégie de compensation, de la part d’une population plus jeune. Ils sont en ce
sens porteurs d’informations.
Bernard Stiegler (Stiegler, 2012, 14-17) en référence au philosophe Gilbert Simondon (Si-
mondon, 1997) considère que chaque individu connecté participe à une « individuation col-
lective », pour laquelle : « L’unité de vie serait le groupe complet et non l’individu isolé ».
Les réseaux seraient, selon lui, un artefact nécessaire à une resocialisation. S’inspirant des ap-
proches de Leroi-Gourhan, il considère que la technologie est une anticipation des besoins
inédits mais sous-jacents de la société. Il rejoint en cela les propos de M. Mac Luhan (Mac
Luhan, 1977, 71) qui écrivait : « Toute extension d’une faculté humaine est la réaction à une
irritation causée par l’environnement et qui vient sous forme d’exigences (…) Le nouveau
medium est un antidote destiné à sauvegarder l’équilibre dans l’organisme social ».
Or ce besoin sous-jacent est identifié par J. Rifkin (Rifkin, 2011, 33) comme « … la cons-
cience existentielle de la vulnérabilité que nous partageons tous ». Ainsi la solitude des per-
sonnes âgées et l’usage des réseaux sociaux relèvent d’une même recherche qui trouve ses
origines dans les fluctuations, voire les dérives, de la société contemporaine et met en évi-
dence ce besoin inhérent à chaque individu d’être pris en compte, d’être reconnu.
La reconnaissance passe pour C. Delory-Momberger (Delory-Momberger, 2009, 45) : « par
trois sphères : l’amour de ses proches pour la confiance en soi, l’appartenance à une commu-
nauté pour le respect de soi, et la contribution à la vie commune pour l’estime de soi ».
Objet et méthode
L’hypothèse de la recherche est d’envisager les moyens de réinstaurer la place de l’individu
dans le processus relationnel en instaurant une situation visant à l’émergence d’une « dyna-
mique relationnelle » singulière. Il s’agit ensuite de définir un modèle d’intervention à partir