Inflation et déflation
L’inflation et la déflation désignent une variation du niveau général des prix, respectivement à la hausse et à la
baisse. La déflation est un point commun entre la crise des années 1930 et la Grande Récession déclenchée par la
crise des subprimes. Cependant en 2010 l’inflation est redevenue positive. La menace déflationniste subsiste
néanmoins actuellement : le taux d’inflation est nul au Japon, de l’ordre de 1% et en diminution en Europe
continentale.
L’inflation et la déflation se mesurent donc par l’indice des prix à la consommation. Il s’agit de la moyenne du
prix des biens, où chaque bien est affecté d’un coefficient de pondération correspondant à son poids dans le
panier d’un ménage représentatif.
Il s’agit donc de phénomènes macroéconomiques, dépassant la variation des prix localisée sur certains
marchés. L’analyse de leurs causes et leurs enjeux doit se faire d’emblée à l’échelle macroéconomique.
La terminologie les pose a priori comme deux phénomènes symétriques.
Pourtant, leur occurrence ne l’est pas : les épisodes déflationnistes sont rares dans l’histoire récente, en
revanche la lutte contre l’inflation est un axe structurant des politiques macroéconomiques depuis un siècle.
D’ailleurs, le terme de désinflation, désignant le ralentissement de l’inflation, n’a pas d’équivalent du côté de la
baisse des prix, le terme « réinflation » n’est pas couramment utilisé.
La symétrie des mots est-elle ajustée à la symétrie des maux, ou occulte-t-elle une différence de nature des
phénomènes ?
I) L'inflation et la déflation apparaissent comme des pathologies symétriques.
I-A) La volatilité des prix perturbe l’activité économique
- Lorsqu’elle est non anticipée, l’inflation a des effets redistributifs. Elle lèse les prêteurs et favorise les
emprunteurs, puisque la valeur réelle des sommes remboursées est moindre. Selon M. Friedman, elle est
« antisociale », car les loyers, les prix augmentent plus vite que les salaires. L’indexation des salaires et des
retraites préserve alors le pouvoir d’achat des ménages. Les administrations publiques, qui sont structurellement
endettées, en bénéficient. Ainsi, au sortir des guerres mondiales, les dettes publiques ont été largement
dégonflées par l’inflation. L’inflation accroît l’incertitude, complique les calculs économiques, freine
l’investissement.
- Lorsqu’elle est anticipée, l’inflation est également coûteuse. Elle accroît les « shoeleather costs », c’est-à-dire
les coûts de conversion des actifs en monnaie, qui sont nécessairement plus fréquents. Elle contraint les
producteurs à modifier plus fréquemment leur grille tarifaire et accroît donc les « coûts de menu » (G. Mankiw,
"Small Menu Costs and Large Business Cycles : A Macroeconomic Model of Monopoly", Quarterly Journal of
Economics, 1985). De plus, l’inflation ne se diffuse pas simultanément sur l’ensemble des marchés : ces
décalages engendrent des variations des prix relatifs, qui compliquent les calculs économiques. L’hyperinflation
allemande entre 1921 et 1923 a ainsi ruiné les détenteurs de revenus fixes, notamment les rentiers, et bloqué un
moment les échanges monétaires.
- L’inflation érode la confiance qu’inspire la monnaie. L’accélération brutale de l’inflation peut conduire à un
effondrement de la monétaire et à une défiance envers les pouvoirs censés en garantir la valeur. Ainsi,
l’hyperinflation allemande a conduit en 1923 à une nouvelle monnaie, le Rentenmark, et durablement affaibli le
soutien à la République de Weimar. Plusieurs pays latino-américains, ou encore la Russie ont connu des épisodes
hyperinflationnistes similaires dans les années 1980 et 1990.
- La déflation accroît également l’incertitude, elle conduit les ménages à repousser leurs dépenses
d’investissement et de consommation de sorte à profiter de prix plus faibles. La déflation conduit les entreprises
à différer leurs investissements par crainte de prix de vente trop faible ou de débouchés insuffisants. Elle a des
effets redistributifs symétriques à l’inflation et alourdit la charge de la dette.
I-B) Les causes de la volatilité des prix : réelles ou monétaires
- Les penseurs de l’économie s’interrogent à la Renaissance sur la « cherté des biens », c’est-à-dire l’inflation
qui est alors un phénomène inédit. Pour Malestroit, c’est le seigneuriage pratiqué par les monarques qui en est la
cause. Les monarques financent en partie leurs dépenses en frappant de la monnaie dont le contenu en métal
précieux est plus faible que la valeur faciale. Ces manipulations monétaires rogneraient la valeur de la monnaie,
et seraient responsables de l’inflation. J. Bodin (« La réponse aux paradoxes de Malestroit », 1568) considère
que c’est l’afflux de métaux précieux du Nouveau Monde qui dérègle les échanges monétaires. Les deux auteurs
débattent donc de la responsabilité des monarques, mais ont en commun de dégager les causes monétaires de la
« cherté des biens ».
- Dans les économies précapitalistes marquées par la pénurie, la variation des prix se fait surtout à la hausse. Les
observateurs contemporains sont également sensibles aux causes réelles de l’inflation. Le prix du blé focalise