Témoignage d’Elisabeth Martineau, journaliste passionnée par le sujet de
la naissance et la petite enfance. Elle a trois enfants.
Sa première grossesse en 97 s’est bien déroulée : le dépistage pendant la grossesse
n’a rien révélé. Elle n’a pas voulu d’échographie. Alors que tout s’est bien passé, le
bébé est décédé à la naissance.
Ce fut le début de son questionnement sur la naissance et sur la technicité de la
naissance.
Il est rare actuellement de laisser le bébé naître à son heure.
Elle écrit dans la revue : « l’enfant et la vie » et participe au groupe « la cause des
parents »
10 ans après le décès de son enfant un éditeur lui a demandé d’écrire sur le sujet.
Elle a rencontré des parents, des professionnels.
Les progrès de la science nous amène à être confronté à de nouvelles questions. La
science nous permet de savoir beaucoup de choses. On peut se poser la question si
elle ne nous met pas dans des situations trop difficiles à assumer (découverte d’un
enfant handicapé lors d’examen au cours de la grossesse)
L’Interruption Médicale de Grossesse (I.M.E.) peut être indiquée quand la grossesse
met en danger la vie de la mère. Quand le bébé n’est pas viable, la mère a le choix
de mener ou non la grossesse jusqu’à terme.
On culpabilise les familles de mettre au monde un enfant handicapé. On peut se
poser la question de l’autonomie des parents pour faire le choix ou non d’une
interruption thérapeutique de grossesse ? Il y a le regard négatif de la société sur les
enfants différents. Ce regard de la société est soutenu par certains professionnels.
Comment changer le regard du handicap pour pouvoir accueillir ces enfants ?
Comment présente-t-on ces difficultés graves ? Comment en tant que communauté
chrétienne on peut aider des parents à accueillir ?
Les examens, la technicité, à quoi ça sert pour l’accueil de l’enfant ? Il y aurait aussi
à aborder toute la question des parents qui ne peuvent pas avoir d’enfant et jusqu’où
on peut aller. On parle d’utérus artificiel. De nouvelles questions vont se poser.
Sur le plan écologique, on a besoin de tous pour un équilibre, une complémentarité.
Référence de son livre : « Surmonter la mort de l’enfant attendu » (dialogue autour
du deuil périnatal) d’Elisabeth Martineau… Edition : Chronique Sociale
Le progrès scientifique, au service de la Vie ?
Les grands enjeux de la bioéthique
Le samedi 7 mai 2011
Nous avons commencé par écouter
deux témoignages
Témoignage de Bruno-Marie Duffé
Aumônier au centre Léon Bérard depuis 6 ans, pour les personnes en fin de vie à cause d’un
cancer y compris pour enfants et jeunes adultes (leucémie, tumeurs…).
La question est de savoir ce qu’il convient de faire lors d’une avancée de la maladie pour
bien faire. Les soins palliatifs se sont développés aussi en pédiatrie.
Comment faire pour bien faire : une question que l’on se pose tous les jours.
La connaissance sur les pathologies progresse mais aussi les thérapeutiques. Si on intervient
à temps, on peut enrayer la maladie (acte chirurgicale, radiothérapie, chimiothérapie…). Mais
parfois à cause de la résistance de notre organisme à certains traitement, le cancer peut se
développer très rapidement. A ce moment se pose la question de savoir : jusqu’où aller
dans le traitement ? avec le danger d’épuisement de la personne. Quel type de choix ?
Comment on prend la décision ?
- est-ce que tout faire, c’est bien faire ?
- que chacun puisse exprimer il en est et voir avec la famille. A un moment on dit :
« Voilà les moyens que nous disposons, qu’est-ce que vous en pensez ? » Mais il y a
des dilemmes : un malade peut dire « on va arrêter » et la famille « qu’est-ce que
vous allez faire ? il faut continuer. »
- Respecter la personne tout en respectant ses proches, et rester dans une attitude
combative jusqu’au bout pour que la personne soignée n’ait pas l’impression qu’on
l’abandonne, c’est un chemin de crêtes ; C’est un cheminement.
- On a besoin de parler avec la personne, ses liens, ses convictions, qu’est-ce qui est
préférable pour cette personne, pour la famille ? Comment aider l’aidant ?
La question éthique c’est la question du respect de la personne à la différence de
l’acharnement thérapeutique.
La question est de savoir comment échapper à l’acharnement thérapeutique.
Dans la proposition de soins palliatifs, on prend en compte la personne dans toutes ses
dimensions : corporelle, relationnelle, spirituelle, affective…Pour permettre à la personne de
vivre cette fin de vie en étant respecter et en la vivant jusqu’au bout avec la personne qu’elle
aime.
Question : « Qu’est-ce que tu voudrais qu’on fasse ensemble pendant ce temps ? »
Entendre que les gens ont envie de mourir. Il n’y a pas de honte à dire « j’ai envie de
mourir » et même entendre parfois « donnez-moi la mort ».
L’idée de mourir est passé dans l’opinion :
- pour ne plus être à charge de la société,
- pour ne pas montrer un corps dégradé à ceux que j’aime,
- pour ne pas faire l’expérience terrible de la souffrance.
Il faut entendre la demande du malade car derrière cette demande, c’est la demande d’un
vivant, de quelqu’un qui a une certaine représentation de la vie. Cette demande est légitime,
respectable. Prendre le temps qu’il faut pour entendre leurs demandes.
Refuser l’acharnement thérapeutique, soigner la douleur, abandonner les traitements
déraisonnables, prendre en compte l’affect, la religion…, parler de sa mort avec celui qui le
souhaite au moment il veut… des bouts de chemin à faire avec quelqu’un qui nous a
demandé.
La question éthique est une question d’humanité et de solidarité. C’est une
expérience de communion. C’est parce qu’on vit cette communion en humanité,
qu’on fait un bout de chemin que cela donne beaucoup de sens. C’est un
engagement très fort.
« J’ai le sentiment qu’il me manque du temps
alors que j’ai donné tout le temps que j’avais. »
Qu’est-ce que l’éthique ? C’est un débat autour du sens. L’éthique a différents champs :
politique, social, sciences, agriculture, soin, communication, information, éducation…
La bio-éthique : c’est la réflexion sur ce qu’il faut faire pour prendre soin de la vie, pour
respecter la vie jusqu’au bout.
Depuis quelques années, le terme d’éthique a été réhabilité car le besoin de clarifier un certain
nombre de choses sur des grands débats de société se fait sentir.
Trois questions d’éthique :
- Que faire ?
- Comment faire ? Avec quels moyens ? Avec quels outils ?
- Comment faire pour bien faire ?
Nous faisons tous de l’éthique sans le savoir. Il y a un lien entre éthique et conviction.
Aujourd’hui la réflexion d’éthique se développe de manière très forte. Cela se développe
souvent autour du terme de projet.
Quel est le projet que nous avons ? Le projet parental. Comment un couple porte le projet
d’avoir un enfant ?
Ce sont des questions de sens : Qu’est-ce qui a du sens et qu’est-ce qui n’en a pas ?
Gestation pour Autrui (G.P.A.) : des personnes disent que c’est un non-sens, d’autres disent
que cela a du sens. Par derrière, il y a toute notre représentation de la vie.
Il y a le possible et l’impossible.
Les biologistes sont des chercheurs et non des apprentis sorciers. Ils sont beaucoup plus
inquiets et porteurs de questions que nous pouvons le croire. Il arrive qu’ils arrêtent leur
recherche en se disant : je préfère ne pas aller plus loin. Certains changent de métier.
Qu’est-ce que nous voulons faire ? Où voulons-nous aller ?
Il y a la question de responsabilité. Qui est responsable ? Qui prend les décisions ?
Qui répond de quoi ? Et à qui ?
Différence entre éthique et morale : éthique : qu’est-ce qu’on va faire de cela ? morale :
différentes positions morales selon la diversité des sensibilités. Nous avons une éducation
morale : nous avons appris des valeurs de nos parents, dans lesquelles nous faisons le tri. La
morale est du côté des valeurs, des principes et des règles auxquels on tient. On a la morale de
son histoire personnelle.
Déontologie : dans chaque profession, il y a une sorte de règlement intérieur.
Dans le monde de la santé, on ne soigne jamais une personne sans son consentement. (on
respecte la personne dans sa conscience).
La déontologie se traduit par des protocoles, des procédures.
Le manque de temps est un vrai problème d’éthique et de morale dans notre société. Pour
faire des économies, on risque de faire des dérapages.
Puis c’est le temps de
l’intervention de
Bruno-Marie Duffé
En éthique et bioéthique, trois attitudes :
- Attitude paternaliste : qui consiste à dire « Je sais ce qui est bon pour vous. » Le père
qui porte l’autre. Pendant des années, les études de médecine formaient à cette
attitude.
- Attitude autonomiste : « Vous savez ce qui est bon pour vous. Qu’est-ce que vous en
pensez ? Qu’est-ce qui serait meilleur pour vous ? » On essaye de solliciter de la
personne quelque chose de l’expression de sa liberté.
- Il faut un peu des deux : attitude dialoguée (d’Edgar Morin) : cherchons ensemble ce
qui est préférable.
Trois questions permanentes en éthique : trois mots clefs.
- La place de la parole dans notre vie. Est-ce qu’on peut se parler ? Parler ce n’est pas
toujours parler. Il y a aussi des silences qui parlent. Accompagner : c’est être prêt de la
personne, lui tenir la main…parler c’est être là, présent. C’est parce qu’on se parle
qu’il peut y avoir un projet. Dans la parole, on peut ressentir l’inquiétude, on peut dire
l’espérance.
- Le consentement : sentir ensemble. Comment on peut être sûr qu’on est en phase
avec la personne qu’on soigne ? L’autre doit pouvoir dire je ne sens plus…je ne
comprends pas ce que vous faîtes…
- La décision : comment on décide ? On peut décider tout seul : je cide. Souvent
renvoyé à un Je plus un Tu. Et parfois : Je-Tu-Nous : Est-ce que nous pouvons voir
ensemble comment bien faire ?
La bio-éthique : ce mot a été utilisé après la 2nde guerre mondiale.
En 1947, le Procès de Nuremberg dénonce les expérimentations pratiquées par des médecins
nazistes et insiste sur le fait qu’on ne doit jamais faire cela. Des choses ne sont pas possibles
lorsqu’il s’agit du corps et de la vie. Le procès édicte 10 principes majeurs du respect du corps
de l’autre.
1949 : code international d’éthique médical (s’efforce de relier déontologie médicale et droits
de l’homme).
1970 : la bio-éthique se développe en particulier aux Etats Unis.
Ce qui est techniquement possible est-il éthiquement acceptable ? Est-ce que cela a du sens ?
La question majeure de la bio-éthique, c’est qu’est-ce que la vie humaine ?
A cette question, selon les personnes, vous aurez différentes réponses :
- C’est un don de Dieu ;
- C’est un processus biologique de développement d’un certain nombre de cellules ;
- C’est un ensemble de potentialité ;
- c‘est un projet (un enfant : on l’a attendu) ;
- c’est une présence (expérience d’une relation, d’une rencontre avec l’autre) ;
- ce qui constitue le sujet, une personne.
Un des champs la loi bio-éthique intervient c’est le lieu et l’étude des cellules. Au tout
début de la vie, l’élément premier de la vie : c’est la cellule. Au début de la vie, les cellules
sont totipotentes (ou omnipotentes), c’est à dire capable de tout produire. Au départ, nous
sommes tous porteurs d’une huitaine de cellules ayant une multiplicité de capacité.
Dans le temps de la gestation, les cellules se spécialisent, elles vont devenir pluripotentes et
fabriquer des tissus. Puis, progressivement, elles deviennent unipotentes et vont donner un
seul organe. Ces cellules font chacune leur métier. Elles se spécialisent.
Cette découverte est extraordinaire : c’est une révolution de la biologie de faire la distinction
des cellules.
Depuis deux ans, nous avons découvert qu’en prélevant des cellules du cordon on peut
refabriquer des cellules pluripotentes. Mais depuis peu, une nouvelle découverte a permis de
voir que nous pouvions fabriquer des cellules pluripotentes à partir des cellules de la peau.
Les incidences de ces nouvelles découvertes sont immenses.
Est-ce qu’on peut « fabriquer » un enfant en laboratoire pour soigner son frère atteint de
maladie ? Techniquement c’est possible mais moralement et éthiquement cela pose quelques
questions. C’est le débat du « bébé médicament ».
En France, dans le code civil français, nous avons une loi selon laquelle il y a indisponibilité
du corps humain : on ne peut pas utiliser le corps d’un autre. Le corps n’appartient à personne
même pas à celui qui l’a. Vous ne pouvez vendre un morceau de votre corps : c’est illégal. La
seul exception est l’indemnisation du lait maternel (pour dédommager des précautions à
prendre).
Le statut de l’embryon
Qu’est-ce que c’est une personne humaine ?
Débat de droit et d’éthique.
Pour les juristes, pour avoir des droits, il faut être né.
Qu’est-ce qu’on va transmettre ?
Droits des générations futures ou devoirs pour les générations suivantes.
Est-ce que ceux qui ne sont pas encore nés ont des droits ?
La position de l’Eglise Catholique avec Benoît XVI qui défend la dignité de la personne avec
des droits de l’embryon.
Deux approches différentes :
- Axel Kahn : avant que la personne soit née nous avons à faire à un espoir, des
potentialités de personne humaine. La personne humaine, elle sort du ventre de sa
mère, elle est nommée.
- Xavier Lacroix : quand la vie humaine est commencée, il y a une personne.
La loi reconnaît la réalité juridique de l’enfant mort avant d’être né. Il est inscrit sur le livret
de famille et est nommé.
La position théologique de Bruno : « Est quelqu’un, celui qui est attendu. » (cf dans la Bible,
dans Isaïe : est quelqu’un celui qui est attendu, nommé et aimé.)
Et pour ceux qui ne sont pas attendus, qui ne sont pas inscrits dans un projet parental, qui
n’ont pas de communauté porteuse ? Sur ce point, Bruno défend la thèse d’Axel Kahn :
« ceux qui sont dans nos tubes, ils appartiennent à la communauté que nous sommes. Quand
je vois nos éprouvettes, je pense qu’il y a là des éléments de nos communautés humaines et je
ne fais pas n’importe quoi. »
Mais nous, comment regardons nous la vie, nos vies ? notre terre ? ce que nous avons planté ?
et en particulier quand il s’agit de l’humain ?
La stérilité :
Depuis une trentaine d’années, le nombre de personnes, de couple qui vivent l’expérience de
la stérilité sont de plus en plus nombreux. Cela peut être lié au rythme de vie, tabac, alcool,
fatigue, modes de vie…
Des protocoles bio-médicaux appelés fécondation in vitro (en laboratoire) ont été mis en
place. On distingue :
- FIV homologue : passage en laboratoire avec sperme du conjoint.
- FIV hétérologue : quand le sperme provient d’un donneur anonyme.
Les parlementaires se sont prononcés pour ou contre la levée de l’anonymat du donneur. Ceux
qui disent non souligne le conflit psychique de l’enfant entre deux pères (affectif et
génétique).
1 / 10 100%