1 Dissertation, sujet n°5 TES janvier 2009 Sujet n°5 : Dissertation

Dissertation, sujet n°5 TES janvier 2009
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Sujet n°5 : Dissertation : La croissance économique contribue-t-elle à réduire les
inégalités dans les pays développés?
DOSSIER DOCUMENTAIRE
Document 1
Tout au long des années 1960, la progression du SMIC semble avoir exercé un effet favorable à la modernisation
des structures productives (...). L'objectif de faire participer les plus modestes aux fruits de la croissance
apparaissait alors conforme à la recherche d'une efficacité (...). La négociation de grilles de qualification et la
généralisation de conventions collectives entraînent une remarquable stabilisation de l'éventail de salaires (...).
Jusqu'en 1973, les effets favorables l'emportent puisque la croissance se trouve stimulée par l'accès à la
consommation de masse de salariés ou de groupes sociaux qui en étaient jusqu'alors exclus. Ainsi la réduction
des inégalités s'avère relancer la dynamique fordienne, de sorte que l'essor de la productivité rend relativement
aisée la résolution des conflits portant sur le partage des revenus (...).
C'est à partir du milieu des années 1980 que les inégalités de revenu, qui n'avaient cessé de se réduire depuis
1968, se creusent à nouveau, bien que de façon relativement modérée. De même, l'éventail des salaires
s'élargit, le rôle du SMIC s'atténue, sans oublier que les inégalités de patrimoine sont beaucoup plus marquées
encore que celles de revenu. Ce sont les écarts entre les groupes extrêmes qui se sont accrus, le groupe central
occupant une position à peu près stable (...).
Robert Boyer, dans Joëlle Affichard, Justice sociale et Inégalités, Esprit, 1992.
Document 2 : Taux de variation global du revenu fiscal (1) des ménages de salariés, en francs
constants avec redistribution (en %)
Source : INSEE repris dans Alternatives économiques, n°175, novembre 1999.
(1) Revenu déclaré à l’administration fiscale (revenus d’activités, pensions et rentes, revenus de la propriété)
Document 3
Les politiques de santé, mises en oeuvre en particulier depuis cinquante ans, ont eu des effets positifs (...). Au
cours du xxè siècle, l'espérance de vie a pratiquement doublé en France: les hommes ont ainsi « gagné » un peu
plus de trente ans et les femmes trente-cinq (...).
Cette considérable amélioration globale n'a pas profité à tous de la même manière. Il y a, en France, des laissés-
pour-compte de la santé, comme il existe des laissés-pour-compte de la croissance. Exemples: l'espérance de
vie d'un ouvrier de trente-cinq ans est inférieure de six ans et demi à celle des cadres et professions libérales du
même âge ; un manoeuvre court un risque trois fois plus élevé qu’un ingénieur de mourir entre 35 et 65 ans
(...).
Tout se passe comme si l'ascenseur social français avait globalement transporté la population à un niveau
sanitaire nettement supérieur, mais sans parvenir à résorber les inégalités existantes (...). L'instauration de la
couverture maladie universelle (CMU) a certes permis d'améliorer concrètement l'accès aux soins des plus
démunis. Mais (...) la France continue d'abriter (...) une regrettable continuité sociale: les inégalités existent dès
la naissance, persistent tout au long de la hiérarchie professionnelle et se prolongent pendant les années de
retraite.
Le Monde, 13 septembre 2000.
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Document 4
Les inégalités salariales se sont mises à décroître dans tous les pays développés depuis la fin du XIXè siècle
jusqu'aux années soixante-dix. Cette phase de baisse des inégalités s'expliquait par le resserrement considérable
des écarts de qualifications, notamment du fait d'un développement rapide de la formation et de l'éducation de
masse, et par les besoins élevés de l'industrie en main-d'oeuvre de qualification moyenne. Depuis que ces
besoins ont arrêté de croître et le début de la désindustrialisation, c'est-à-dire dès la fin des années soixante aux
États-Unis, nous serions entrés dans une nouvelle phase, où les nouveaux secteurs (services aux entreprises,
informatique, communication...) valorisent de plus en plus des qualifications élevées, alors qu'une partie
importante de la population, à qui ni le système éducatif ni l'expérience personnelle n'ont pu apporter ces
qualifications, se retrouve massivement rejetée vers des secteurs à faible productivité (services aux particuliers,
restauration, commerce...) ou dans le chômage et le sous-emploi.
Thomas Piketty, L'Économie des inégalités, La Découverte, 1997.
Document 5
Le poids des inégalités est aujourd'hui appréhendé dans des termes nouveaux (...). Des situations différentes au
regard du chômage, au sein d'une même catégorie, peuvent engendrer des inégalités considérables en termes
de revenu et de patrimoine (...). Les individus ne sont pas en effet, serait-ce à l'intérieur d'une même catégorie
sociale, confrontés aux mêmes situations ; certains salariés sont au chômage, d'autres en emplois précaires,
d'autres encore en emplois sous-qualifiés, des entreprises sont déclarées en faillite (...). Des activités sont en
expansion, d'autres en déclin. Ce mouvement exige, pour être accepté, que chacun y trouve sa place, y compris
en se déplaçant (...). Ces inégalités produisent en un sens de l'exclusion - une rupture de l'appartenance -, car la
référence, pour ceux qui sont victimes, reste celle de la catégorie à laquelle ils appartenaient (...). Les inégalités
intracatégories peuvent ainsi devenir plus importantes et aussi persistantes que les inégalités intercatégorielles.
Jean-Paul Fitoussi et Pierre Rosanvallon, Le Nouvel Âge des inégalités, Éd. du Seuil, 1996.
Document 6 : Taux d'équipement des ménages en biens durables et fréquentation des lieux culturels selon la
catégorie socioprofessionnelle (en %)
Télévision
Automobile
Réfrigérateur
Micro-
ordinateur
Fréquentation
de musées (1)
1962
1985
1962
1985
1962
1985
1989
1999
1973
1997
8,8
92,4
43,1
93,2
19,6
98,2
2,4
8
17
23
38,6
91,2
80,8
93,3
83,6
99,6
28,7
50
56
65
35,7
91,4
66,8
93,6
67,1
99,2
17,8
31
48
46
24,5
92,5
40,7
73,3
47,9
97,9
7,4
19
34
34
27,3
94,1
30,1
84,4
35,4
97,7
8,4
13
25
24
23,1
92,6
35,4
73,3
36,1
96,9
8,2
23
n.c.
n.c.
* Professions intermédiaires depuis 1982.
Source: INSEE: Annuaire statistique de la France 1970-71, et 1986, ME 1991-1992et 2000-2001.
(1) Sont allés au cours des 12 derniers mois au moins une fois.
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Correction Sujet n°5: Dissertation : La croissance économique contribue-t-elle à
réduire les inégalités dans les pays développés?
La culture de nos sociétés industrielles place l’égalité au cœur de ses valeurs (égalités des droits et des chances). Par
opposition, l’inégalité se définit comme une différence discriminante entre les individus, interprétée en termes de
hiérarchie (de revenus, d’emploi, de durée de vie, de diplômes…). Ainsi, les inégalités sont non seulement économiques mais
aussi sociales, culturelles et politiques.
On constate dans les PDEM une diminution séculaire des inégalités. Ainsi, plus un pays se développe, plus les inégalités se
réduisent. Or la croissance, hausse durable de la production d’une économie, étant la caractéristique principale des
sociétés développées, il semble légitime de se questionner sur son rôle dans cette réduction des inégalités.
Mais, depuis les années 80, les inégalités économiques se creusent à nouveau. Ainsi, jusqu’à quel point la croissance
économique permet-elle de réduire les inégalités ?
Si la croissance apparaît comme une condition nécessaire à la réduction de inégalités (en témoigne la période des Trente
Glorieuses), elle ne semble pas une condition suffisante.
I/ La croissance, une condition nécessaire au recul des inégalités.
A. Le partage des fruits de la croissance permet un resserrement des inégalités
Resserrement des inégalités de revenus et de consommations : hausse de la richesse créée permet amélioration du niveau
de vie et donc de la consommation. Exemple de la croissance des trente glorieuses :
- partage des forts gains de productivité dégagés dans l’industrie en faveur des salariés : hausse du niveau des
rémunérations des salariés notamment les plus modestes et hausse des revenus distribués grâce aux créations d’emplois
principalement moyennement qualifiés (doc 4) : plein emploi
Illustration période 1970, 1975 (doc 2), qui marque la fin des Trente Glorieuses, le revenu fiscal des 10 % des ménages de
salariés ayant les revenus les plus faibles a augmenté plus vite que celui des 10 % des ménages salariés ayant les revenus
les plus élevés (+ 28.2% contre 23.4%), ce qui a entraîné mécaniquement une réduction des inégalités du revenu fiscal
entre catégories extrêmes.
- accès à une consommation de masse (tant individuelle que collective : santé, éducation qui sont des biens supérieurs cad
dont la consommation augmente quand les revenus augmentent) s’est traduit par un rapprochement indéniable des normes
de consommation et donc des conditions matérielles entre les catégories sociales (doc 6) : La hausse du pouvoir d'achat
des salaires s'accompagne d'une hausse de la consommation des biens d'équipement favorisée par la baisse des prix,
résultant des gains de productivité. Ainsi, pour ce qui concerne la télévision, la part des ménages appartenant à la PCS
cadre possédant un téléviseur était de 38,6 % en 1962 et de 91,2 % en 1985, alors que pour les ouvriers ces pourcentages
étaient respectivement de 27,3 % et de 94,1 %. Si la différence entre la part des cadres supérieurs et celle des ouvriers
possédant une automobile était de 50,7 points en 1962, elle n'est plus que de 8,9 points en 1985. Les agriculteurs ne
semblent plus être un groupe très différent des autres car leur consommation de biens durables est quasiment équivalente
à celles des autres catégories socioprofessionnelles (doc 6).
B. La croissance facilite l’intervention des pouvoirs publics en faveur d’une réduction des inégalités
Croissance économique permet hausse des recettes fiscales et ainsi financement par l’Etat :
- d’une politique de redistribution en faveur des plus démunis,
- d’un système de protection sociale mettant l’ensemble de la population à l’abri des risques de pauvreté, permettant un
accès aux soins plus massif, le versement de retraites et donc le maintien du niveau de vie pour les retraités…
- d’un système éducatif et de formation qui se démocratise et se massifie pour permettre l’égalité des chances.
C. Le ralentissement de la croissance, à contrario, conduit à une aggravation des inégalités.
La période de croissance faible voire de récession 1993 intervenue entre 1990 et 1996 est marquée par la hausse du
chômage et le recul de 1,2% du revenu fiscal des ménages salariés. Mais alors que les 10% de ménages salariés les plus
modestes voient leur revenu chuter fortement (-24,6 %) les 10% de ménages salariés les mieux payés connaissent une
progression modérée de leur revenu fiscal (+1,8%) (doc. 2).
Il est beaucoup plus difficile, en période de mauvaise conjoncture, d'éviter accroissement des inégalités. En effet, les
salariés les plus modestes, les moins qualifiés sont parmi les premiers à amortir les chocs macroéconomiques et à voir leur
situation se dégrader (chômage, sous-emploi).
(Alors que la reprise de la croissance à partir de 1997 a permis une hausse des emplois non qualifiés)
Transition : Il parait donc très difficile de parvenir à une réduction des inégalités sans trouver les moyens de stimuler la
croissance économique. Pour autant, cette dernière ne constitue en rien une garantie de réduction des inégalités.
En effet, la croissance ne s'est pas arrêtée avec la fin des trente Glorieuses. Ainsi entre 1974 et la fin des années1980,
le PIB de la France a continué de croître sur un rythme annuel moyen supérieur à 2%. Cette augmentation des ressources
n'a pas empêché le développement du chômage et le creusement des inégalités.
Dissertation, sujet n°5 TES janvier 2009
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II/ La croissance, condition insuffisante au recul des inégalités.
A. La réduction ou l’accroissement des inégalités dépend des choix politiques et sociaux.
- Luttes sociales, législation du travail, choix du système de protection sociale ont fortement contribué à un partage plus
juste des fruits de la croissance fordiste (SMIG puis SMIC, conventions collectives…) (doc 1)
- Inversement, la politique de rigueur, de lutte contre l’inflation depuis le milieu des années 80 a conduit à un partage de la
richesse créée défavorable aux salariés : frein aux salaires les moins élevés, politique de libéralisation du système
financier favorable aux revenus du patrimoine donc aux ménages les plus riches.
Illustration doc 2 : Entre 1984 et 1990, la rigueur fait pleinement sentir ses effets : la progression des salaires est
globalement limitée, quand on la rapporte à une croissance économique honorable jusqu'en 1987 puis forte de 1988 à 1990 ;
et le revenu fiscal des ménages modestes de salariés recule de 5,9 % quand le revenu fiscal global des salariés augmente
de 1,2 % et celui des 10 % de ménages salariés les plus riches de 0,6 %.
partage des fruits de la croissance favorable aux entreprises et défavorable aux salariés, qui montre qu'une
croissance, même vive, peut se traduire par une montée des inégalités de revenus primaires, entre propriétaires
du capital et salariés, mais aussi entre salariés eux-mêmes.
- ex criant des EU : développement d’une société inégalitaire dépendant des choix de société quant à la répartition des
richesses.
B. Certaines inégalités dépendent de facteurs socio culturels et non uniquement monétaires.
=> ainsi le niveau de croissance n’a que peu d’impact et de capacité à les réduire :
- L'inégalité devant la mort persiste suivant les PCS: les ouvriers continuent à mourir plus jeunes que les cadres et
professions libérales.
Peut s'expliquer par des conditions de travail plus usantes et dangereuses, mais aussi par une conception du corps
différente suivant les groupes socioprofessionnels. Dès lors, les inégalités se cumulent malgré une croissance économique
qui permet d'améliorer le sort de toute la population.
- La consommation des services culturels reste très inégale suivant les PCS: en 1973, 56 % des ménages cadres supérieurs
étaient allés au moins une fois au musée cette année-là et 65 % en 1997; pour les ouvriers les proportions sont de 25 % et
de 24 %, ce qui constitue un recul. Ce type d'inégalité s'explique par la différence de capital culturel entre ces groupes
sociaux. (doc 6)
- Les inégalités entre hommes et femmes, au niveau professionnel, comme de la répartition des tâches domestiques ou de
la représentation politique résultent très largement de rigidités culturelles, indépendantes, en grande partie de la
croissance.
C. La croissance peut être à l’origine d’autres inégalités.
La mondialisation des échanges et le Progrès technique ont modifié le mode de croissance des PDEM pour qui la
concurrence s’est accrue : un certain nombre d’industries traditionnelles (sidérurgie, textile, jouets…) ont connu de fortes
réductions d’emplois ou disparu, délocalisées dans des zones où le travail peu ou pas qualifié est meilleur marché, valorisant
les secteurs de pointe nécessitant un travail très qualifié.
a renforcé les inégalités non seulement entre les travailleurs peu qualifiés (touchés par chômage et précarité) et
ceux les plus qualifiés (hausse des inégalités inter catégorielles) (doc 4) mais aussi entre salariés de secteurs les
dynamiques et ceux de secteurs en déclin ou à faible productivité comme certaines activités du tertiaire
(inégalités intra catégorielles) (doc 5).
Si la forte croissance économique des Trente Glorieuses a indéniablement permis un rapprochement des conditions
matérielles entre catégories sociales extrêmes, on ne peut faire preuve d'une confiance béate dans les vertus sociales de
l'accumulation des richesses. En effet, justice sociale et efficacité économique n'ont aucune tendance spontanée à
s'accorder. Sans une politique des revenus ou de redistribution définissant un partage équitable des fruits de la
croissance, cette dernière peut au contraire se traduire par la dégradation du sort relatif des plus démunis en ressources
financières, culturelles (formation) et sociales (réseaux relationnels).
Une société démocratique visant l’égalité des chances ne peut reposer sur la seule loi du marché qui légitime les inégalités
comme facteur de croissance…
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