ont des effets analogues. Elles permettent des gains de productivité et l'extension des marchés propices aux profits, selon la
logique des avantages comparatifs (D. Ricardo, Principes de l'économie politique et de l'impôt, 1819).
Aussi les revenus du capital sont sensibles aux fluctuations des marchés et de la demande. Cette sensibilité fait débat au sein de
l'économie politique classique. Pour J. B. Say, l'économie des marchés suit la loi des débouchés, l'ajustement des prix et la
reconversion du capital dans des activités à forte demande devraient stabiliser les revenus du capital. Mais l'insuffisance de la
demande peut aussi déprimer l'activité et les revenus du capital, qu'elle provienne d'une consommation insuffisante des capitalistes
et des rentiers (T. Malthus, Principes d’économie politique, 1820) ou de la faiblesse des revenus des ouvriers (C. Sismondi,
Nouveaux principes d’économie politique, 1819)
Les variations contemporaines du taux de marge des sociétés non financières françaises accréditent ces analyses classiques
(doc.4). D'une part, l'année 2008 où se déclenche la crise des supbrimes est marquée par une baisse d'un point du taux de marge,
ce qui est considérable par comparaison aux périodes précédentes, où sur une durée de quatre à seize ans, ces variations se
mesuraient en centièmes de point ! On peut supposer que la baisse de la consommation et de la demande a lourdement pesé sur les
profits. D'autre part, les gains de productivité du travail ont positivement et significativement contribué aux profits depuis 1991.
Enfin, les effets positifs attendus par la division internationale du travail sont à tempérer par les aléas inhérents aux variations des
termes de l'échange.
I-C) La solidarite organique entretient les profits.
Les revenus du capital sont déterminés à l'intérieur du système d'échange par les agents économiques, comme le figurent les
flux de revenus à l'intérieur du Tableau économique et le théorise A. Smith par la division sociale du travail. Cependant pour A.
Smith la division technique et la division sociale du travail sont équivalentes et ont une fonction essentiellement économique.
Or, les revenus du capital remplissent également une fonction sociale examinée par la sociologie. Cette discipline naît au
XIXème siècle pour répondre à la question sociale suscitée par l'urbanisation, l'industrialisation, la démocratisation. L'expansion
des revenus du capital liée à l'extrême précarité de la condition ouvrière est un aspect essentiel de cette question sociale. Aussi
lorsqu'E. Durkheim pose l'acte fondateur de la sociologie avec la Division du travail social (1893), il aborde forcément les revenus
du capital (Doc.2). Les profits sont mis en perspective avec la solidarité organique, qui apparaît dans ce texte par la métaphore
filée des organes du corps humain. Comment E. Durkheim peut-il considérer que la détermination des profits relève de la
solidarité sociale ? Dans les sociétés à solidarité mécanique, les positions des individus sont indifférenciées, la solidarité est
fondée sur la similarité et les valeurs communes, il y a alors peu d'échanges économiques. Les sociétés à solidarité mécanique sont
des sociétés précapitalistes. En revanche, dans les sociétés à solidarité organique, la complémentarité, la différenciation font la
solidarité, et les profits émanent des échanges qui font la solidarité organique. Les profits sont donc en eux-mêmes un produit et
un marqueur de la solidarité sociale, et ce sont leurs variations anormales qui peuvent révéler des dysfonctionnements, et
engendrer l'anomie. Dans ce texte, E. Durkheim évoque les grèves ou les crises, dont il montrera plus tard qu'elles provoquent
aussi une augmentation du suicide anomique.
La sociologie met par ailleurs en lumière les cadres sociaux de la détermination des profits. Pour réguler cette détermination et
pacifier les relations entre le capital et le travail, E. Durkheim prône la constitution de corporations professionnelles, havres de
solidarité mécanique dans les sociétés à solidarité organique. Dans les années qui suivent, le solidarisme autour de Léon
Bourgeois (Solidarité, 1896) instaure des dispositifs de régulation influencés par l'analyse durkheimienne : loi sur les accidents du
travail (1898), retraites ouvrières et paysannes (1910), prémisses de la protection sociale qui s'institutionnalise après la deuxième
guerre mondiale. Ces dispositifs régulent la détermination des profits.
II) Le capital est un rapport social, les revenus du capital résultent du partage conflictuel des richesses
II-A) L'exploitation capitaliste extrait une plus-value du travail ouvrier.
Les déterminants des profits pour A. Smith (doc.5) sont ce dont les profits sont la contrepartie, ce qui justifie qu'ils soient
rémunérés, mais aussi le mécanisme qui en fixe le niveau : il s'agit d'un « partage » (deuxième paragraphe), et le profit, comme le
salaire et la rente, sont des « parties » de la valeur des marchandises. Selon A. Smith, ce partage se fait dans un rapport social
défavorable aux travailleurs, dans la mesure où les maîtres forment une coalition moins visible que les coalitions ouvrières, mais
bien plus puissante, qui comprime les salaires au niveau de subsistance.
Lorsqu'avec D. Ricardo l'économie politique classique adopte une théorie de la valeur-travail incorporé, les fondements
économiques des profits sont fragilisés. En effet, cette théorie assimile la fraction de la valeur des marchandises qui rémunère le
capital à la rémunération d'un travail indirect, multiplié par le taux de profit. Le capital ne fait que restituer à la marchandise la
valeur du travail qui l'a produit.
K. Marx en déduit que le profit ne saurait rémunérer une contribution fictive du capital à la production, mais qu'il est extorqué
par un rapport social d'exploitation. C'est à l'intérieur du « laboratoire secret de la production » que se trouvent les déterminants
des profits. La source du profit est le surtravail, différence entre la valeur d'usage du travail et sa valeur d'échange, entre la valeur
produite par la force de travail et la valeur nécessaire à sa reproduction (Salaire, prix et profit, 1865). Les déterminants
économiques du niveau des profits tiennent aux mécanismes d'extorcation de la plus-value (Le capital, 1867) : pour accroître la
plus-value les capitalistes peuvent allonger la durée du travail -on parle alors de plus-value absolue- ou réduire le temps de travail
nécessaire : on parle alors de plus-value relative. Les gains de productivité sont réinterprétés comme un enjeu de l'exploitation
capitaliste. La perennité des profits a des déterminants sociaux : elle est soutenue par l'aliénation des travailleurs et le fétichisme
de la marchandise.
Conçue à un stade révolu de l'histoire économique et sociale, cette approche marxienne a-t-elle encore une portée explicative ?
La décomposition statistique de l'évolution du taux de marge (doc. 4) fait apparaître le coût réel du travail comme le facteur dont