Introduction
500 millions de personnes sont exposées aux risques volcaniques : retombées de
cendres, nuées ardentes, écroulement de pentes, tsunamis, coulées de lave, gaz
volcaniques… Des villes importantes se sont développées aux pieds de volcans
connus pourtant pour être dangereux. Qu’une éruption du Vésuve comme celle de
1631 survienne, et 700000 napolitains sont directement menacés.
Depuis une centaine d’années, dans chaque pays, après chaque catastrophe
volcanique, la recherche en volcanologie a été développée grâce aux moyens mis
en œuvre par les pouvoirs publics. Les Nations Unies ont décrété 1990-2000,
décennie internationale pour la prévention des catastrophes naturelles, et ont
demandé à chaque pays de développer les recherches.
Comme il n’est pas convenable de déplacer les populations vivant dans les zones à
risques ou de les empêcher d’y revenir après une catastrophe, il faut que les
scientifiques parviennent à prévoir le réveil d’un volcan et le déroulement de son
éruption pour que les autorités civiles soient en mesure de prendre les décisions
qui s’imposent. La recherche fondamentale sur les mécanismes éruptifs,
fondement de toute surveillance et de toute prévision d’éruption volcanique, est
donc indispensable.
1. De Vulcain à la volcanologie
De nos jours, le spectacle d’une éruption volcanique, explosion ou coulée de lave, fascine,
enchante, bouleverse, inquiète le témoin du phénomène, quelles qu’en soient ses
connaissances.
Rien d’étonnant alors à ce que les volcans aient toujours frappé l’imaginaire populaire.
Un phénomène aussi inhumain, mystérieux et grandiose qu’une éruption volcanique
ne pouvait être dû qu’à l’intervention de divinités ou de démons. Les volcans ont
donc souvent été considérés comme leurs demeures et devenaient alors des lieux
sacrés. Et actuellement encore, ces croyances persistent dans de nombreuses
contrées.
Volcan : manifestation des humeurs divines
Dans l’Antiquité, pour les Grecs de Sicile, le mot etna était synonyme de volcan ;
Héphaïstos, dieu du Feu pour les Grecs, avait établi sa forge dans les entrailles
de l’Etna et les cyclopes, ses adjoints, y forgeaient le sceptre de Zeus, les armes
d’Apollon, d’Hercule ou d’Achille. Les explosions de l’Etna n’étaient que les
étincelles jaillissant de la forge. L’Etna servait aussi de prison au géant Encelade
qu’Athéna y avait enfermé pour le punir de s’être révolté contre les dieux.
Tremblements de terre et éruptions volcaniques étaient les manifestations de
son désespoir. La demeure de Vulcain, dieu du Feu chez les Romains, dans les îles
Eoliennes, et on trouve ici l’origine du mot « volcan ».
Au Japon, le Fujiyama, volcan est le royaume du dieu Soleil ; au Pérou, ce sont les
démons qui vivent dans le Misti ; en Orégon, sur la côte Ouest des Etats-Unis, le
dieu du Feu des Indiens règne sous le mont Mazama. Il va de soi que la
méchanceté ou la colère de certaines divinités ou démons provoquent des
éruptions meurtrières. L’attitude irrespectueuse des humains peut irriter des
divinités du Bien ; ainsi, à Bali, le manque de faste d’une cérémonie aurait
déclenché la colère des dieux, qui, en représailles, auraient réveillé en 1963 le
volcan Agung endormi depuis six cent ans, les coulées de pyroclastites et les
coulées de boues tuant plus de mille personnes. Au Mexique, la profanation des
temples aztèques par l’envahisseur blanc déclencha la colère des dieux, colère
qui se manifesta par les éruptions dévastatrices des volcans Colima,
Popocatépetl, Orizaba au XVIème siècle. Les exemples sont multiples.
Pour les peuples vivant au pied des volcans, apaiser les colères divines, quelles
qu’en soient les origines, est une nécessité. C’est par des offrandes et des
cérémonies de prières qu’ils espèrent calmer les dieux. Les offrandes se
faisaient et se font encore, généralement à l’occasion de grands fêtes annuelles.
Au Bromo, dans l’île de Java, la foule se réunit au bord du cratère pour prier et
offrir fruits, volailles, fleurs, riz, voire de l’argent. Au Japon, sur de nombreux
volcans, Fujiyama, Aso… des cérémonies shintoïstes ont régulièrement lieu.
A Hawaii, au bord du Kilauea, se déroulent chaque année des manifestations en
l’honneur de la déesse Pelé, la plus célèbre déesse du Pacifique.
Au Nicaragua, le Masaya est tristement célèbre : les Indiens sacrifiaient aux
dieux leurs plus belles vierges en les jetant dans le lac de lave occupant le
cratère de ce volcan (méthode employée récemment, pour d’autres motivations,
par la police d’un dictateur de ce pays).
En Italie, c’est par la prière que les habitants menacés espèrent calmer les
volcans. Combien de processions, l’Etna ou le Vésuve ont-ils vus se dérouler pour
détourner ou arrêter en vain une coulée de lave ?
Volcans et légendes
De nombreuses légendes sont attachées à des volcans ou des régions volcaniques.
La plus connue est certainement celle de l’Atlantide. Le philosophe grec Platon
rapporte dans Critias et Timée la disparition, il y a dix mille ans, de tout un
continent à la civilisation très avancée et de ses habitants, continent que l’on
situait à l’époque au centre de l’océan Atlantique. Les travaux géologiques et
archéologiques ont montré qu’en 1620 avant Jésus-Christ une formidable
éruption avait anéanti la civilisation minoenne et formé la caldeira de Santorin,
en mer Egée.
Une autre légende se passe au mont Mazama, dans la chaîne des Cascades aux
Etats-Unis.
Les Indiens Klamaths croyaient que le dieu des Enfers demeurait au mont Lao
Yaina. Une jeune fille de la tribu ayant refusé d’épouser ce dieu, il jura
d’exterminer la tribu entière par la malédiction du feu.
Du sommet de la montagne qu’il faisait gronder et trembler, il crachait du feu
tout alentour. Seule l’intervention du dieu du Ciel arrêta cette divinité
malfaisante en la faisant disparaitre dans l’effondrement de la montagne.
Ici encore, les études géologiques montrent qu’il y a sept mille ans le volcan
Mazama eut une forte éruption de pyroclastites (30 km3 émis recouvrirent dix
millions de km²) suivie de l’effondrement du volcan et de la formation d’une
caldeira, le Crater Lake où, au Xème siècle, à la suite d’une nouvelle éruption, se
mit en place l’île du sorcier, un petit cône basaltique. Par la découverte de
poteries incluses à la base des pyroclastites, les archéologues montrèrent qu’une
peuplade habitait bel et bien au pied de ce volcan au moment de son éruption.
Le volcanisme des philosophes grecs et romains
Très tôt, les philosophes grecs s’interrogent sur l’origine et le fonctionnement
des volcans. Thalès, Eschyle, Pindare, Empédocle, Platon, Aristote, Strabon
décrivent les éruptions volcaniques comme un phénomène naturel mais où
interviennent des éléments essentiels, différents selon chacun, comme le feu
souterrain, les gaz volcaniques, l’eau, l’air et la terre, la vapeur d’eau s’échappant
avec force. L’air et l’eau sont les éléments qui d’après eux jouent le rôle principal.
PLATON ET ARISTOTE
Platon devient le premier, dans Le Phédon, introduit la notion de lave : « Parfois,
lorsque la Terre a fondu sous l’action du feu, puis s’est refroidie, il se forme une
pierre dotée d’une couleur noire. » Les éruptions seraient dues à un énorme
fleuve de feu central coulant à l’intérieur de la Terre.
Aristote, dans la Physique, s’il introduit la notion de cratère, établit une théorie
qui malheureusement, en dépit des idées de Platon et de Strabon, persistera
jusqu’au XVIIème siècle ! : « Un souffle violent s’y élève qui soufflerait
naturellement [de l’intérieur] de la terre, mais la ruée massive de la mer le
repousse dans la terre… La cause du feu qui se forme dans la terre… La cause du
feu qui se forme dans la terre ne peut être que celle-ci : l’air est d’abord broyé
en petites particules et alors le vent prend feu par le choc. »
Strabon, le premier, décrit des reliefs dans lesquels il reconnait d’anciens
volcans éteints, comme le Vésuve dont le sommet était recouvert de vignes avant
l’éruption de 79.
Il émet aussi l’idée toujours valable que plus un volcan a une activité continue et
de faible intensité moins il a de chance d’avoir de très fortes éruptions.
Pour les poètes romains, c’est aussi un vent violent qui circule à l’intérieur de la
terre où il s’enflamme au contact du soufre, de l’alun ou du bitume ; Lucrèce,
Virgile, Ovide décrivent ainsi les éruptions de l’Etna. Lucrèce remarque que ce
feu sort par des « fissures rectilignes » et fait ainsi la première description de
ce que l’on appelle une éruption fissurale.
Sénèque, même si l’on peut regretter qu’il ait suivi Aristote plutôt que Platon ou
son contemporain, le philosophe Philon le Juif qui, dans ses descriptions des
éruptions, parlait de roches en fusion et non de feu, a le mérite de proposer
deux nouveaux concepts, toujours d’actualité :
Le rôle important des gaz dans les mécanismes éruptifs ;
L’existence d’un foyer local alimenté individuellement pour chaque volcan ;
c’est la notion de chambre magmatique.
Pline l’Ancien lui aussi s’intéresse aux volcans et, dans son Historia Naturalis, fait
un premier inventaire des volcans actifs connus dans le monde : il en dénombre
dix.
EN L’AN 79 DE NOTRE ERE
« Le neuvième jour avant les calendes de septembre (24 août), vers la septième
heure, une nuée apparut qui, par son aspect et sa forme, rappelait un arbre et
plus précisément un pin […] La cendre tombait […], il pleuvait de la pierre ponce
et des cailloux noircis, brûlés et pulvérisés par le feu […]. En cet instant, au
sommet du Vésuve brillaient en un bon nombre de points, de larges langues et de
hautes colonnes de feu que l’obscurité de la nuit rendait plus rougeoyantes et
plus vives encore […]. Les maisons étaient secouées par des tremblements de
terre répétés et amples […]. Une nuit plus épaisse qu’aucune autre régnait […].
On voyait la mer retirée et comme tenue à l’écart du rivage par les secousses de
la terre […]. Derrière nous, une nuée sombre et effrayante, zébrée par les
sinuosités des vapeurs incandescentes qui serpentaient, s’ouvrait comme pour
libérer d’énormes trainées de flammes […]. »
Lettre, Pline le Jeune
Lorsque survient l’éruption du Vésuve en 79, sa passion lui est fatale et il trouve
la mort en observant de trop près le phénomène. L’éruption et la mort de Pline
sont décrites en détail dans deux lettres célèbres de son neveu, Pline le Jeune, à
Tacite. Ces écrits constituent le premier document phénoménologique moderne
en volcanologie.
Nouvel essor en volcanologie à partir de la Renaissance : existe-t-il des
feux souterrains ?
Pendant près de quatorze siècles, mis à part quelques moines érudits, personne
ne s’intéresse aux volcans. Il faut attendre la renaissance et le début des
grandes explorations autour du globe pour assister à un regain d’intérêt vis-à-vis
des phénomènes volcaniques.
Les explorateurs découvrent des volcans en Amérique centrale, aux Antilles, en
Indonésie. De plus, l’éruption du mont Nuovo en 1538, dans les champs
phlégréens (près de Naples), celles du Vésuve en 1631, dont les coulées de
pyroclastites tueront plus de 4000 personnes, et de l’Etna en 1669, dont les
coulées détruiront la ville de Catane, réveillent les esprits curieux. Lorsque le
géographe allemand B. Varenius publie son catalogue des volcans du monde au
XVIIème siècle, il en dénombre vingt-sept.
Au XVIème et au XVIIème siècle, de nouvelles théories vont voir le jour. De
nombreux scientifiques dont le pharmacien français N. Lémery, tous faisant
intervenir des procédés différents, vont mettre en jeu des interactions entre
soufre, pyrite, air, sel de l’eau de mer, eau… Lémery crée même un volcan
expérimental avec de la limaille de fer et de la fleur de soufre imbibée d’eau
dont le mélange amène un fort échauffement naturel accompagné de projections
et de dégagement de vapeur. Il pense, à tort, avoir trouvé l’explication du
mécanisme éruptif.
Dans ses Principes de philosophie, en 1644, R. Descartes décrit la Terre comme
un astre refroidi où subsisterait en son centre une partie en fusion semblable à
ce que l’on connait alors du Soleil. Il décrit trois couches concentriques dont
l’enveloppe externe aurait été cassée par la chaleur interne, des morceaux se
chevauchant pour former des continents.
Un précurseur de la tectonique des plaques démontrée au XXème siècle par
Wegener en quelque sorte !
G. Leibniz, à la fin du XVIIème siècle, reprend ces idées mais introduit la notion
de contraction due au refroidissement pour expliquer les reliefs à la surface de
la Terre ; cette explication ne sera abandonnée qu’au XXème, après qu’il a été
démontré que le volume de la Terre est constant.
L’ouvrage du jésuite A. Kircher, Mundus Subterrameus (1678), a
malheureusement marqué son époque. Contemporain de Descartes, il reprend les
idées d’Aristote et pense qu’il y a un grand nombre de foyers souterrains dont
les bouches d’aération sont les volcans. Cette idée de feu souterrain sera
combattue par le père italien G. M. Della Torre dans son traité de 1755 sur le
Vésuve : de feu, il ne peut être question, l’intérieur de la Terre ne contenant pas
l’air indispensable à l’entretien de la combustion.
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