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Hépatite B
par Gilles Brücker
Directeur de l'Institut Santé et Développement, 15-21, rue de l'Ecole de Médecine, 75006 Paris,
France.
L'hépatite B demeure une véritable priorité de santé publique à l'échelon planétaire.
La situation épidémiologique dans le monde en témoigne : 2 milliards de personnes
ont contracté le virus de l'hépatite B, et plus de 350 millions sont des porteurs
chroniques de ce virus. Ce portage chronique constitue l'essentiel de la gravité de la
maladie en raison des complications qu'il engendre : cirrhose hépatique puis cancer
du foie.
Les études épidémiologiques montrent que la répartition de ce portage chronique est
inégale dans le monde ; on peut distinguer des zones de faible prévalence (inférieure
à 2%) Europe de l'Ouest, Amérique du Nord et Australie, de moyenne prévalence (2
à 8%) pourtour méditerranéen, Moyen-Orient, Asie du Sud, Amérique du Sud,
Europe de l'Est, et des régions de forte prévalence (plus de 8 %) en Afrique
subsaharienne et en Asie du Sud-Est. Si aucune région du monde n'est épargnée,
l'importance du problème doit cependant tenir compte du niveau d'endémicité, et le
risque demeure plus élevé dans les pays en développement. Les coûts élevés des
stratégies thérapeutiques, et les incertitudes de leurs résultats, soulignent
l'importance essentielle des stratégies de prévention. L'efficacité de ces stratégies
repose sur la définition des populations exposées qui doivent disposer en priorité des
mesures de protection et de prévention. Les modes de transmission du virus
permettent de cerner ces populations exposées : transmission mère-enfant lors de la
grossesse et de l'accouchement si la mère est porteuse chronique du virus,
transmission lors des relations sexuelles, transmission par la seringue ou tout objet
souillé de sang, ce qui concerne non seulement les toxicomanes injecteurs, mais
également tous les professionnels de santé largement exposés à ce risque lors des
soins, lors des blessures ou de toute autre exposition au sang des patients. La
transfusion sanguine fut aussi un mode important de transmission du virus.
La prévention des expositions constitue donc le premier élément d'une politique de
santé à l'égard de l'hépatite B. Ces mesures concernent, pour les expositions
sexuelles, l'information des populations, la lutte contre le multipartenariat sexuel,
mais aussi l'usage du préservatif ; l'impact attendu est majeur puisqu'il s'étend à
l'ensemble des MST (maladies sexuellement transmissibles), dont l'infection à VIH.
Pour la transfusion sanguine, le dépistage des donneurs doit être aujourd'hui assuré
dans tous les centres de transfusion.
Pour les professionnels de santé, la mise en place de programme de prévention
contre les accidents exposant au sang constitue une priorité essentielle capable là
encore de prévenir les risques de transmission de tous les agents infectieux présents
dans le sang des malades, virus des hépatites, VIH, etc.
Cependant, nous savons que l'observance de ces mesures ne peut être parfaite et
que l'évitabilité des expositions restera toujours limitée par les comportements
individuels.
La possibilité de recourir à une vaccination, disponible depuis 1982 pour l'hépatite B,
représente bien entendu un atout considérable. Une politique vaccinale est d'autant
plus importante que la maladie est grave et largement répandue dans la population.
De ce fait cette vaccination s'impose à l'échelon planétaire, mais avec une nécessité
majeure dans les pays de forte endémicité. C'est le sens de l'engagement de
l'Organisation mondiale de la santé qui a inscrit cette vaccination dans son
programme, au travers du groupe Alliance globale pour la vaccination. L'objectif
principal est la vaccination de tous les enfants, avec un soutien financier pour la mise
en oeuvre de ce programme pour les pays les plus démunis. La stratégie vaccinale
doit savoir prendre en compte les besoins d'immunisation des différents groupes
exposés. A la vaccination systématique des enfants il faut ajouter la protection
spécifique des groupes les plus exposés, notamment les professionnels de santé qui
sont en France tenus à une obligation vaccinale depuis 1991. Les autres groupes
vulnérables ont été définis par le Conseil supérieur d'hygiène publique de France :
enfants nés de mères porteuses chroniques du VHB, injecteurs de drogues,
multipartenariat sexuel.
La maîtrise du risque de transmission en milieu de soins concerne également les
malades ; la transfusion sanguine a longtemps représenté un mode majeur de
transmission aujourd'hui prévenu par le dépistage systématique des donneurs de
sang porteurs chroniques de ce virus. Mais bien d'autres modes de transmission
demeurent possibles en milieu de soins, notamment par l'instrumentation souillée et,
plus généralement, par l'usage des dispositifs médicaux, notamment leur
réutilisation. Le respect très scrupuleux des règles d'hygiène, et notamment le
nettoyage et la désinfection des matériels médicaux, constitue un impératif qui
s'impose à tous les soignants. Faut-il souligner qu'il faut s'abstenir de toute
réutilisation du matériel à usage unique ?
Ainsi l'hépatite B apparaît-elle comme une maladie maîtrisable, que l'on doit pouvoir
contrôler, et dont l'endémicité doit reculer. Cependant cette maîtrise ne peut se faire
que si une véritable stratégie de santé publique est mise en place, prenant en
compte les différents niveaux possibles d'intervention pour prévenir la transmission
du virus. La vaccination occupe une place centrale dans cette politique. Une
polémique s'est instaurée en France ces dernières années sur l'innocuité du vaccin.
Des études avaient été menées pour mesurer les corrélations possibles avec la
survenue de maladies neurologiques de type sclérose en plaques, ou
démyélinisation du système nerveux. Aucune étude n'a jamais pu démontrer
l'existence d'un lien entre le vaccin et des manifestations ou complications
neurologiques. Mieux encore, deux importantes études publiées ces dernières
semaines dans le New England Journal of Medicine écartent toute imputabilité du
vaccin dans la survenue de complications neurologiques. Ainsi l'hépatite B demeure
l'une des priorités en matière de lutte contre les maladies infectieuses. La grande
transmissibilité de ce virus, la fréquence de son portage chronique et la gravité de
ses complications justifient la nécessité d'une stratégie de santé publique définie à
l'échelon mondial. Les traitements aujourd'hui disponibles contre ce virus sont
coûteux, de maniements difficiles et de résultats encore peu satisfaisants.
La prévention constitue donc l'essentiel des mesures de lutte. Il s'agit de favoriser
d'une part le contrôle des risques liés aux relations sexuelles, d'autre part d'améliorer
la sécurité des actes en milieu de soin. La vaccination assurée pour l'ensemble de la
population dans les pays de haute endémicité constitue sans doute le seul moyen de
faire reculer durablement et efficacement cette maladie.
Développement et Santé, n°151, février 2001
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