En Russie, l’abolition du servage en 1861 marque le point de départ du décollage industriel.
L’oukase de Stolypine (1906), qui démantèle la commune rurale et accroît le nombre de paysans
propriétaires, permet l’apparition de surplus agricoles.
Par ailleurs, l’Etat s’est largement investi dans la construction d’infrastructures. En France,
le point de départ de la grande période de construction ferroviaire est la loi de 1842, qui prévoit un
réseau en étoile rayonnant à partir de Paris, l’Etat prenant en charge les dépenses d’infrastructures.
Vers 1860, l’essentiel du réseau de grandes lignes est achevé. Cette révolution ferroviaire, permise
par l’Etat, assure une impulsion décisive pour le reste de l’économie.
2. Un Etat qui a accompagné les différentes étapes de la croissance au
XIX°
Nous nous intéresserons particulièrement au cas français.
L’Etat ne s’est pas contenté de ses fonctions régaliennes. Pour favoriser la croissance, il a
adapté son action en fonction de la situation économique.
Avant que ne démarre réellement la Révolution Industrielle, les révolutionnaires, en France, ont
mis en place un cadre favorable au développement du capitalisme. La législation de la période
révolutionnaire, comporte, dans divers domaines, des mesures d’inspiration libérale destinées à
favoriser l’essor de l’industrie et du commerce. La réglementation d’Ancien Régime est abolie. Les
douanes intérieures sont supprimées. Le système fiscal est réorganisé et simplifié. Dès 1792,
certaines dispositions du traité commercial signé en 1786 avec l’Angleterre sont annulées, et l’on
revient à un certain protectionnisme.
Le XIXe n’a pas connu que des périodes de forte croissance. Au cours des périodes de crise,
il existe un élément compensateur, que l’on peut interpréter comme une lointaine préfiguration des
politiques macroéconomiques de soutien de la demande appliquées au XXe s. : l’accroissement des
dépenses publiques. Après avoir représenté une proportion remarquablement stable du produit
national pendant toute la première partie du XIXe s., les dépenses publiques s’accroissent
rapidement au cours des années 1870, pour atteindre un maximum (en termes relatifs) au début des
années 1880, avec ensuite une stabilisation durant une trentaine d’années. Plus significatif encore
apparaît l’accroissement de la part des dépenses économiques et sociales dans le total des dépenses
de l’Etat ; un maximum est atteint précisément au cours des années 1880-1884, avec plus de 20%
du total des dépenses publiques, dont les deux tiers pour les transports. Cette « flèche » correspond
pour l’essentiel au programme de grands travaux publics lancé en 1879 par le ministre Freycinet :
plus de 5 milliards de francs étaient affectés à l’aménagement des ports et des voies navigables, et
surtout à la construction de 17000 km de lignes nouvelles de chemins de fer. Toute cette politique a
eu pour résultat de rendre la dépression moins brutale, et a sans doute contribué à éviter un
effondrement durable de la métallurgie.
Par ailleurs, des mesures protectionnistes sont souvent prises en période de crise. Ainsi,
pendant la Grande Dépression, la France, après avoir signé un accord de libre-échange avec
l’Angleterre en 1860, prend de nouveau de telles mesures (tarifs Méline, par exemple). Dans de
nombreux pays, d’ailleurs, l’action de l’Etat est décisive pour protéger les entreprises nationales de
la concurrence.
L’interventionnisme au XIXe a donc bien été réel. Les témoignages des préoccupations
économiques des gouvernements jalonnent l’histoire du Second Empire et de la IIIe République,
depuis l’organisation des expositions universelles (1855, 1867, 1889, 1900) jusqu’à la création d’un
Office national du commerce extérieur (1898) ou aux pressions exercées sur les grandes banques
à la veille de la guerre de 1914 pour les obliger à « lier » leurs prêts extérieurs à des commandes de
matériels français. Loin de se limiter à la phase de mise en place, l’intervention de l’Etat tend à se
pérenniser à travers des subventions permanentes aux réseaux déficitaires, assorties d’une tutelle et
d’un droit de regard sur la fixation des tarifs. Le programme de construction ferroviaire a été
délibérément relancé à des fins de soutien de l’activité économique en phase de dépression : bien