aimaient à la nommer ses nombreux admirateurs, hautement « distinguée » comme aurait sans
doute dit Germaine, lui confie le dossier de correspondance qu’elle détient, en « héritière » de
la famille Goblot : elle est petite-nièce d’Edmond et petite-fille de Germaine. Et nos deux
auteurs, chercheurs chevronnés et très complémentaires – le sociologue d’une part et le
professeur de lettres, excellent connaisseur de son île, de l’autre -, plutôt que de se limiter au
traitement quelque peu technique de cette stricte correspondance, ont senti la nécessité
d’élargir leur propre sujet sans le dénaturer, en y intégrant l’expérience plus récente de Roger
(la vie du lycée et des Corses ou d’un jeune agrégé des années soixante), et en allant enquêter,
sur place, autour de Bastia et du « doigt » ou des villages corses connus d’Edmond ou de
Germaine, pour retrouver trace des relations qui se sont poursuivies et maintenues, plus d’un
siècle durant, entre la famille Goblot et les familles corses, bien au-delà du séjour des deux
jeunes.
Le corps de cet ouvrage s’organise en 7 parties (environ 180 pages, pp. 31-215), de la
description de ce « petit monde », dans le lycée et hors du lycée (le proviseur ou le censeur et
leurs compagnes, les professeurs ou les parents et les élèves), à l’étude fine et attentive de la
sociabilité corse vue à travers plusieurs familles différentes ayant accueilli Edmond et
Germaine, et les personnes qui les ont particulièrement marqués (Mme Garrigues ou Mme
Bonavita pour Germaine, l’intrigante Mme Delongraye et l’ambitieux M. Delpech pour
Edmond, l’hospitalité de M. Mancini ou de la famille Luigi pour l’un et l’autre, …). Mais on
passe aussi, notamment, par les « comptes » de Germaine, qui mettent en évidence les
conditions de vie d’un jeune agrégé et les comparent à celles d’un agrégé actuel ou des années
soixante ; ou par « l’habitus Goblot », mettant en avant les valeurs de l’école républicaine, le
poids du culturel et du capital qu’il constitue ou la recherche constante de la distinction,
donné lieu à publication d’un ouvrage unanimement reconnu, Crises de la société, crises de l’enseignement,
Paris, PUF, 1970, mais n’ayant, hélas ! jamais été réédité. Nommée peu après Professeur à Paris-Descartes, elle
a, ensuite et durant près de 20 ans, occupé une place prépondérante dans le champ de la sociologie de l’éducation
française, publié de nombreux ouvrages et articles que nous ne rappellerons pas ici, à propos des réformes et des
innovations, de la diffusion des savoirs et de la culture technique, des débats pédagogiques ou des typologies
d’enseignants… Mais elle s’est aussi consacrée, de façon exceptionnelle, à la formation des chercheurs en
sociologie : environ 125 thèses, dont la pensée, qu’elle a richement nourrie, a essaimé l’hexagone et le monde ;
j’ai fait mes deux thèses avec elle, et elle sait ma profonde estime et mon indéfectible amitié, que je tiens
cependant à lui redire. Enfin, elle a publié un ouvrage à propos de la correspondance conservée par sa famille :
Solidarité fraternelle et réussite sociale. La correspondance familiale chez les Dubois-Goblot, 1841-1882, Paris,
L’Harmattan, 1995 ; il me paraîtrait intéressant de le lire ou de le relire en même temps que celui-ci.