L’éveil de la pensée réflexive à l’école primaire (extraits)
Coordonné par Michel TOZZI. CNDP
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Introduction
Un chercheur et des praticiens témoignent ici de cette innovation majeure, située au carrefour de trois préoccupations :
- la maîtrise de la langue orale, à travers les interactions sociales développées par des discussions
philosophiques ;
- l’éducation à la civilité et à la citoyenneté, par l’éthique discussionnelle instituée par une classe fonctionnant
en communauté de recherche ;
- l’éveil de la pensée réflexive chez l’enfant, appelé à penser par lui-même à travers des exigences de
problématisation, de conceptualisation et d’argumentation.
Instaurer par des discussions philosophiques en classe un rapport non dogmatique au savoir et un rapport plus
coopératif à la loi, c’est ainsi contribuer à (re-)donner du sens à une école à la fois républicaine et démocratique.
Enfin, la France
La discussion philosophique avec les enfants, qui existe depuis trente ans , arrive en France, pays pourtant reconnu pour
sa tradition philosophique. « La philosophie a des discours pour la naissance des hommes comme pour la
décrépitude. » Montaigne. La pratique de la philosophie avec les enfants peut entraîner des changements significatifs
dans le monde de l’éducation.
L’enquête de l’Unesco de 1998
« En vue de la promotion d’une culture de la paix, de la lutte contre la violence, d’une éducation visant l’éradication de
la pauvreté et le développement durable, le fait que les enfants acquièrent très jeunes l’esprit critique, l’autonomie à la
réflexion et le jugement par eux-mêmes, les assure contre la manipulation de tous ordres et les prépare à prendre en
main leur propre destin. »
Une pratique diversifiée
Ce livre met en évidence la pratique de la philosophie avec les enfants et non l’enseignement de philosophies
construites par des philosophes d’un glorieux passé.
Si vous prenez le temps d’écouter des enfants en train d’examiner minutieusement les critères qui régissent leur dire,
leur faire et leur agir, vous serez alors vraisemblablement conduits à conclure que cette activité peut être extrêmement
utile à quiconque désire penser par et pour lui-même. Dès le moment où l’enfant parle, il peut commencer cette activité.
Par-delà les différences se faufile un trait d’union entre toutes : le dialogue. Ou plus précisément, l’apprentissage d’un
savoir-dialoguer avec l’incertitude. Nous pouvons alors respecter la diversité des êtres humains dans leur manière de
penser par et pour eux-mêmes.
« La métaphysique consiste à répondre aux questions des enfants » Groethuysen.
Pourquoi aujourd’hui cette émergence, et un accueil plutôt favorable de certains professeurs d’école ? A cause de la
convergence d’au moins trois éléments :
la maîtrise de la langue orale apparaît comme l’un des objectifs essentiels. Le débat est l’un des genres
fondamentaux de l’oral. Il développe des capacités argumentatives. L’argumentation doit être enseignée au cycle 3.
Le langage, par son interactivité, a une orientation argumentative, et les conduites argumentatives, liées aux situations
de communication, apparaissent plus tôt que ne le laissaient supposer les stades « piagétiens ».
l’éducation civique, dans sa double dimension de civilité sociale et de citoyenneté politique, insiste sur
l’apprentissage du débat argumenté, mettant en évidence le lien entre démocratie et pratique du débat.
le sens du rapport au savoir et du rapport à la loi. La discussion philosophique, par son rapport non dogmatique
au savoir base d’interrogation), par les enjeux existentiels motivants des questions abordées (ex. : qu’est-ce que
grandir ?), par le respect des règles qu’elle préconise et développe (éthique communicationnelle de l’écoute, du
chercher ensemble à se comprendre et à comprendre), est une pratique de terrain qui (re) donne sens à l’activité
scolaire. Elle étaye une image de soi positive par l’expérimentation de sa dignité d’être pensant, et favorise la
coopération socio-cognitive. On constate un rapport plus questionnant aux autres disciplines…
La nécessité de construire du sens à l’école par une pensée réflexive à une dimension anthropologique favorise
l’accueil de cette innovation.
Chapitre I
la problématique de la discussion philosophique à l’école primaire en France
La discussion philosophique à l’école primaire émerge de manière significative comme innovation en France : mémoire
professionnel, DEA, thèses, éditeurs (Nathan, Milan ), la presse : Le Monde de l’éducation se saisit de ces pratiques
( avril 2001)
Les questions de la pratique
Extrait de quelques interventions d’un CM2 : « le plus important, c’est d’apprendre, c’est pas de savoir des réponses. »
« Une question sans réponse est une meilleure question, parce que ça incite le monde à chercher encore plus la
réponse. »
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L’école n’est plus ce lieu des questions biaisées, souvent fermées, pour vérifier si l’élève sait, celui-ci est sous
pression de l’ignorance ou de l’erreur, et par sa réponse, perdant ou gagnant. Mais un lieu l’enfant pose lui-même
les questions qui lui importent, et trouve du sens à chercher ses propres réponses ; il découvre, sur la base de sa
curiosité, la complexité du monde, la nécessité vitale de la réflexion pour comprendre, et le besoin des autres pour y
voir plus clair dans sa vie ; où le savoir prend signification par l’interrogation, l’énigme, la recherche, dans une
relation non dogmatique aux réponses.
Pourquoi les instituteurs trouvent-ils cette expérience passionnante ? Peut-être parce qu’ils voient les enfants passionnés
par cette activité. Ils sont des accompagnateurs de recherche.
Il est intéressant d’analyser les effets produits par la réflexion philosophique à l’école primaire.
La parole ne doit pas servir seulement à parler, mais à penser, favoriser l’oral réflexif.
Des réticences
Les enfants ont-ils les capacités intellectuelles, les connaissances requises, l’expérience suffisante, la maturité
psychique pour aborder les problèmes ? (la vie, l’amour, la mort) Ceux-ci ne sont-ils pas délicats à aborder en classe,
avec trop d’implication personnelle (pourquoi mémé elle est morte ?), de résonance affective ? n’empiète-t-on pas ainsi
sur le rôle éducatif de la famille ? N’y a t-il pas atteinte à la laïcité en abordant avec les enfants ces problèmes
métaphysiques ? ne risque-t-on pas de les endoctriner ? N’est-il pas dangereux de cultiver le doute chez des êtres
vulnérables qui ont besoin de sécurité plus que d’incertitude ? Ne faut-il pas répondre à leurs questions plutôt que de les
laisser chercher dans la perplexité ? En développant si précocement la rationalité, ne leur vole-t-on pas la part de rêve
nécessaire à l’enfance ? Etc.
Nombre de philosophes sont franchement hostiles : n’abuse-t-on pas du qualitatif de « philosophique » lorsqu’on parle
de discussions avec les enfants ? La discussion n’est-elle pas le règne du préjugé et de l’opinion (doxologie), des
hostilités socio-affectives et des passions obstacles à l’activité rationnelle, des logiques d’affrontement l’on
recherche à berner ou tuer l’autre par la parole (sophistique) ? Car il ne suffit pas de parler et d’interagir pour penser. La
réflexion ne commence-t-elle pas par le retrait, le silence, le dialogue distancié avec soi ? Et l’étude des grands textes ?
Et la précision conceptuelle de l’écriture ? La difficulté, c’est bien que « nous avons été enfant avant que d’être
homme » (Descartes).
Peut-on postuler « l’éducabilité philosophique » des enfants ? Y a-t-il un âge pour philosopher ? Sont-ils spontanément
philosophes, par cette capacité d’étonnement dont parle Aristote et Jaspers ? Peut-on, doit-on oser avec eux les grandes
questions métaphysiques ? Et que faire de leurs questions quand ils les posent (et ils les posent, quand on veut bien les
entendre) ? Louvoyer, se taire, différer, renvoyer à leur parents, au curé, plus tard quand ils seront grands ? Qu’en est-il
d’un éducateur qui refuse d’entendre la question anthropologique de l’enfant qui lui est confié (exemple : « Où elle est,
maintenant, ma mémé ? ») ? Faut-il répondre ou non ? Si oui, en donnant son point de vue personnel ? En disant qu’il y
a plusieurs points de vue sur la question ? En répondant de façon fermée, définitive, scientifique (clore la question) ? Ou
laisser la question ouverte, avec sa dévolution à la classe ?
La philosophie n’est pas au programme de l’école primaire : elle n’a ni à être enseignée, ni à être évaluée.
Ceux qui se lancent dans l’expérience n’ont pas l’impression qu’ils sont en rupture avec les objectifs de l’institution.
Une approche langagière du débat.
Dans une société et une école historiquement normées par l’écrit, beaucoup d’instituteurs prennent aujourd’hui au
sérieux l’apprentissage de l’oral, comme modalité fondamentale de maîtrise de la langue. La pratique « langagière »
apparaît à la fois comme indispensable à la construction identitaire du sujet, à l’apprentissage de la réflexivité.
Ils sont soucieux de faire travailler en classe l’interaction sociale verbale entre pairs.
L’intérêt de ce travail est de favoriser l’expression orale confrontée, d’avoir des retombées citoyennes en matière de
compétences à débattre démocratiquement.
Instaurer une discussion qualitativement exigeante dans son rapport à la vérité.
L’éducateur doit veiller aux dérives d’une certaine didactisation techniciste coupée de finalités humanistes.
Une approche citoyenne de la discussion.
Le deuxième courant est porté par des instituteurs convaincus de l’importance de la parole et du débat à l’école, à la fois
pour l’épanouissement personnel de l’enfant et pour l’édification d’une société mocratique, plus coopérative.
Argumenter pour savoir si ce que l’on dit est vrai et chercher avec d’autres. Cette approche peut avoir des retombées
importantes sur le climat d’une classe, voire d’une école.
Le souci démocratique peut se faire au détriment de la tenue cognitive du débat : car on peut échanger
démocratiquement des préjugés, ce qui ne fait guère avancer la pensée. La démocratie de l’expression des opinions,
sans l’exigence d’un rapport à la vérité des propos tenus, ce peut être la dérive démagogique, tout se vaut puisqu’il
suffit que cela soit dit…
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Une approche spécifiquement philosophique
1er courant : le « modèle Lalanne ».
Le « modèle Lalanne », attentif à cette dérive, inverse les priorités. Anne Lalanne, dans son CP (exemple de sujet :
« qu’est-ce que penser ? »), procède plutôt à un « entretien philosophique de groupe » ou « dialogue maïeutique avec la
classe ». Elle cumule les fonctions d’animation : gestion de la parole, interrogation à la cantonade ou nominative,
reformulations, synthèses partielles et finales, recentrages, relances etc. Sans apporter sur le fond son point de vue, elle
construit pour le groupe, en s’appuyant essentiellement sur les apports des élèves, du sens par rapport au sujet et
une progression collective de la pensée.
On voit l’avantage d’un guidage cognitif fort : la garantie d’une tenue « réflexive » des échanges ?. Sans tomber dans le
cours dialogué où l’on a un contenu à transmettre : le jeu est de ne s’appuyer que sur les apports des élèves
(Objectifs du ‘’goûter’’ dans le Coup de Pouce) par un questionnement ouvert du maître, de façon à ce qu’ils
cherchent par eux-mêmes leurs propres réponses (autonomisation de la pensée), au lieu d’être captifs du désir du
maître, en cherchant la « bonne » réponse.
2ème courant : la méthode Lipman.
Dans les années 70, il a mis au point une démarche méthodique : romans qui mettent en scène des enfants du même âge
(facilitant leur identification aux héros), qui agissent, réfléchissent, et discutent ensemble. Il s’agit de lire ou de faire lire
un passage, de faire formuler les questions de fond que les enfants (se) posent à son sujet, d’en choisir
démocratiquement une, puis de constituer la classe en « communauté de recherche » pour l’examiner en commun, le
maître ayant pour tâche de garantir la valeur formative de la démarche.
Certains instituteurs s’en inspirent. Ils pensent que l’on peut partir d’autres supports à portée philosophique (les mythes,
le conte), les albums de jeunesse v. Coup de Pouce , voire des questions directes des enfants.
Un modèle didactique.
Il a été mené en France depuis une douzaine d’années par Michel Tozzi des travaux sur la didactique de la philosophie.
« Articuler sur des notions et des questions fondamentales pour tout homme, des processus interdépendants de
problématisation d’affirmations et de questions, de conceptualisation de notions, d’argumentation rationnelle de
thèses et d’objections. »
(Se) pose-t-on des questions, doute-t-on de ses affirmations, examine-t-on les présupposés et conséquences de ses
propos ? (Problématisation).
Tente-t-on de définir ce dont on parle, les mots, les notions employées, opère-t-on des distinctions conceptuelles
pour y voir plus clair (exemple : bonheur, joie et plaisir) ? (Conceptualisation).
Prends-t-on position, soutient-on une réponse par rapport à une question, justifie-t-on rationnellement cette thèse
par des arguments, répond-on avec pertinence à des objections ? (Argumentation).
Voilà trois repères essentiels, les trois processus de pensée à garantir pour qui souhaite qu’une discussion animée
soit philosophique.
La méthode Lévine.
Courant français de philosophie avec les enfants développé par Jacques Lévine, d’orientation psychanalytique. Il pose
l’importance, pour le jeune enfant, dexpérimenter une parole qui s’autorise à parler et à penser devant d’autres, à
expérimenter quelque chose d’important sur des problèmes fondamentaux (pas d’intervention de l’adulte).
On est sur le versant psychoexistentiel de la philosophie, sur l’émergence du questionnement anthrolopologique
d’un sujet.
La philosophie est une façon non psychologique d’aborder les problèmes existentiels : par la médiation de la raison.
Quelles pistes pour les pratiques ?
Accompagner réflexivement les pratiques. Pour ceux qui travaillent prioritairement les interactions langagières, l’oral
argumentatif et le débat en français, dans une perspective de maîtrise de la langue orale, il semble important de
« muscler » les moments de problématisation, afin de na pas couper l’argumentation de la question à laquelle elle
répond, et de la thèse qu’elle permet de soutenir ; de développer des moments de conceptualisation, afin d’étayer
cognitivement ce que l’échange présuppose, à savoir clarifier ce dont on parle, en définissant les notions ; de
donner enfin à cette argumentation une visée universalisante (parler « à la place de tout autre », dit Kant), afin de
favoriser la décentration maximale de son point de vue spontané, subjectif, la recherche de la validation rationnelle
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de son propos dans une perspective de vérité, j’ai besoin de l’autre pour aller plus loin dans mon
questionnement.
Il s’agit de « muscler » réflexivement les échanges pour éviter l’enfermement dans les opinions et préjugés. De façon
à ce que l’enjeu ne soit plus la régulation socio-affective des conflits dans un collectif ou l’assentiment du nombre en
vue d’emporter la décision, ou le pouvoir que donne la parole dans un groupe, mais la recherche commune d’une
vérité comme horizon, le pouvoir que donne la pensée pour comprendre la monde, autrui et soi-même, au sein d’une
communauté de recherche.
Autoriser l’exercice de responsabilités discussionnelles autonomisantes, et ce sans que l’approche rationnelle
stérilise l’assise existentielle, l’écho émotif des questions des enfants.
On le voit : entre maîtrise de l’oral interactif, éducation à la citoyenneté et développement de la pensée réflexive
sur fond affectif d’existentialité, une didactisation praticienne se cherche. La difficulté d’une « discussion
philosophique », c’est d’articuler dans des interactions verbales la présence des trois processus de pensée, avec un
fonctionnement mocratique, pour qu’il s’agisse de l’apprentissage d’un vrai débat entre pairs. Et c’est à chacun de
porter dans sa pratique cette dialectique entre les trois courants évoqués (Lalanne, Lipman, Lévine), et les trois
processus de pensée.
Sensibiliser les instituteurs à la didactique du philosophe suppose de montrer l’intérêt de faire discuter les élèves, et de
les faire fléchir collectivement sur des problèmes existentiels. D’articuler les échanges avec des objectifs
fondamentaux de l’école primaire (maîtrise de la langue, éducation à la citoyenneté).
Ce qui est nouveau, et difficile, c’est doser l’abstraction avec de jeunes enfants, de faire confiance en leur possibilité
réflexive ; d’être rigoureux dans la marche intellectuelle à promouvoir ; de comprendre, et faire comprendre aux
enfants que l’exemple, tout en étant nécessaire pour ancrer la pensée sur du vécu, ne fait jamais définition (il est trop
particulier).
Ce qui est significatif, c’est la redéfinition du contrat didactique, par un maître garant du dispositif, mais plus en retrait
sur le contenu apporté et les solutions fournies, pour que les enfants posent eux-mêmes les questions et cherchent
leur propre réponse.
Analogies avec la démarche du « débat scientifique » : émergence des représentations et confrontation des hypothèses
explicatives entre pairs. La différence, c’est que « le réel » arbitre, dans la démarche expérimentale, et que le maître
reste garant de la « vérité ». En philosophie, la pensée du maître reste elle-même en droit une « hypothèse »
discutable.
Il y a deux contributions significatives de la discussion philosophique par rapport à la crise actuelle du sens de
l’école, dans sa double face de crise du rapport au savoir et du rapport à la loi :
- un rapport non-dogmatique au savoir.
- un rapport plus coopératif à la loi des échanges.
Les formations de Michel Tozzi ont tenté de combiner :
- des informations sur la « méthode Matthew Lipman ».
- des auditions de bandes et des projections vidéos de séances de classe très différentes, pour donner des
exemples (et non un modèle).
- des discussions sur des sujets philosophiques.
- des débats sur des sujets choisis qui servaient de préparation conceptuelle, problématisante et
argumentative à une séquence en classe.
Peut-on limiter l’apprentissage du philosopher sur la seule discussion ? l’apparition de l’écriture par son objectivation à
permis l’émergence de la raison dans l’humanité. Comment combiner, dans l’apprentissage d’une pensée réflexive à
l’école, l’oral et l’écrit ? On peut faire précéder et suivre la discussion d’un écrit. Pourquoi se cantonner au
descriptif et au narratif ? Comment articuler la métaphore et le concept, tenter des reprises flexives de mythes, de
contes ?
« Introduire la philosophie à l’école primaire interroge nos pratiques de classe ».
Chapitre II
Le courant « philosophique »
Pourquoi un atelier de discussion philosophique ?
Au delà des grands auteurs la philosophie apparaît comme un état d’esprit, un art de vivre en exerçant sa curiosité par
rapport au monde des choses et des idéesDés lors, pourquoi les enfants ne pourraient-ils pas exercer une réflexion
de type philosophique ?
Les balbutiements des découvertes scientifiques trouvaient leur écho dans la genèse de l’esprit scientifique du jeune
enfant.
« Apprendre, ce n’est pas recevoir, c’est transformer ses idées Pour transformer, il faut s’appuyer sur ce que
l’enfant a déjà dans la tête, mais en le perturbant ».
Une autre manière dexercer la réflexion et l’imagination des enfants.
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Dans bien des domaines de la vie scolaire, il y a une seule réponse : la bonne, toutes les autres sont fausses.
L’élève découvre ici qu’il peut exprimer une opinion, à condition de l’étayer, de la justifier…
La réflexion peut amener les enfants à remettre en cause leurs propres idées pour adapter un point de vue meilleur. Les
débats en classe ont au moins appris à nos élèves à s’écouter, à respecter le point de vue d’autrui et même
quelquefois à changer d’idée après confrontation avec d’autres et réflexion.
Il semble important de ne pas limiter une approche philosophique au seul langage oral. Notre langage a deux codes :
l’oral et l’écrit. En utilisant les deux, on permet à la réflexion de l’enfant de s’exprimer avec plus de richesse, plus de
variété. Le descriptif narratif des histoires permet de donner vie à la réflexion des enfants.
Lorsque des enfants demandent à la sauvette au milieu d’une leçon : « dis maîtresse, pourquoi est-ce qu’on existe ? »,
« à quoi ça sert l’école ? », « qui a inventé le langage ? », « est-ce qu’on peut tout savoir ? », l’enseignant peut être
généralement surpris voire décontenancé.
Une pratique
Il ne s’agit donc pas d’une conversation qui privilégie néralement l’affirmation des préjugés les plus courants. Ni
d’un moment d’expression du sujet affectif et psychologique. Ni d’un apprentissage à la citoyenneté ou encore à une
discussion sur le vécu de la classe car la nature des questions soulevées par les enfants dépasse largement ces domaines.
La première étape passe pour l’enfant par l’identification de la source de ses représentations (d’où je sais ce que je
sais).
Rechercher les raisons pour lesquelles l’enfant peut tenir ses représentations pour véritables et les exposer. Quel sera
le critère de ces raisons ? une certaine cohérence du discours (généralisation des exemples, non-contradiction,
convergences des raisons, leurs conséquences…).
La difficulté essentielle consiste à éviter l’écueil du relativisme comme celui du dogmatisme. Apprendre à formaliser sa
pensée c’est accepter que la raison ne puisse trancher d’une façon définitive certaines questions sans pour autant
accepter n’importe quoi.
Une pratique philosophique.
C’est dans les mots que la pensée se cherche. Ce travail de la langue et de la pensée offre aux enfants la possibilité de
repérer, d’ordonner, de classer les différents éléments de leur expérience, de leur représentation pour clarifier un réel
riche et complexe, lui donner du sens.
C’est parce que les enfants établissent plus facilement des distinctions, qu’ils peuvent fonder de façon plus
pertinente leur argumentation. (p 45)
Rôle de l’enseignant.
Pour que les enfants qui participent à l’atelier puissent être dans une attitude réflexive, l’enseignant a un rôle à jouer. En
effet, il ne suffit pas que la question de départ soit de type philosophique pour qu’elle soit traitée de façon
philosophique. A l’inverse, une question apparemment anodine peut déboucher sur un thème philosophique. Or, une des
difficultés principales consiste à dépasser leur expérience, leur opinion pour prendre en considération celle des
autres et les discuter. C’est arriver à penser ensemble mais surtout à généraliser ce qui est pensé.
L’enseignant ne participe pas au débat (ne donne pas son avis, ne propose pas d’argument), il est pour guider les
enfants dans leur réflexion.
Guider suppose privilégier une démarche d’abstraction, à partir des matériaux qu’ils apportent, de l’organiser, de le
structurer afin de pouvoir le généraliser, c’est à dire en dégager une « notion ».
Personne ne sait d’avance sur quoi va déboucher le thème débattu et c’est ce qui fait à la fois la difficulté d’une telle
entreprise mais aussi sa valeur. Le guidage est important. Il s’articule autour de deux axes : la reformulation et la
synthèse. L’enseignant reprend ce qui à été dit, met en évidence les éléments exploitables qui permettront de
progresser par rapport au thème initial. Cette reformulation est suivie d’une question qui soit relance la réflexion,
soit introduit un élément nouveau, soit montre une contradiction.
La synthèse finale permet à chaque enfant d’avoir une vue d’ensemble structurée de la séance. L’enfant ne pense pas de
façon linéaire, il se trouve «d’abord devant des lambeaux discontinus d’expérience ». il s’agit d’un stade antérieur à
la pensée logique et analytique. C’est une pensée encore irréfléchie mais déjà en quête de liaison à établir ».
Ces liaisons à établir relèvent du rôle de l’enseignant. L’enfant va parvenir à penser par lui même, c’est à dire
opérer seul ces liaisons dont « la synthèse constitue la continuité du discours et du raisonnement ». (p51)
Regard sur quelques années de pratiques.
Durant les premières séances, des élèves se comportent comme en situation d’apprentissage, cherchant la validation de
l’enseignant.
L’atelier est devenu un lieu l’important était moins la réponse apportée que la réflexion commune permettant
de comprendre ce dont on discutait. Ils n’étaient plus des élèves mais des enfants, des sujets, qui s’exerçaient à réfléchir
ensemble sans avoir peur de se tromper. L’écoute mutuelle s’est renforcée : « tu dis que…mais qu’est que ça veut
dire pour toi ? ». Cette activité réflexive a été une formidable médiation entre toutes les formes de savoir ; une
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