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Mgr Soubrier
Catéchèse du vendredi 19 août. Thème : "Vivre dans le monde en véritables adorateurs de
DIEU"
Mgr Soubrier, Evêque de Nantes [19/08/2005]
« Il regagnèrent leur pays par un autre chemin ».
I - Adorer : un mot, une réalité à découvrir et à approfondir.
- Reconnaissons-le d’emblée, les mots adorer, adoration, adorable, sont souvent des mots
dévalués. On dira : « Ce goût, ce parfum ! adorables ». Ou encore d’une personne : « Elle est
tout simplement adorable ».
- Mais ce mot est aussi parfois relativisé. Il peut y avoir une mauvaise compréhension de la
rencontre de Jésus avec la Samaritaine, quand il s’agit de la véritable adoration :
« La femme lui dit : ‘Seigneur je vois que tu es un prophète. Nos pères ont adoré sur cette
montagne et vous, vous dites : c’est à Jérusalem qu’on doit adorer’.
Jésus lui dit : ‘Crois-moi, femme, l’heure vient où ce n’est ni sur cette montagne ni à
Jérusalem que vous adorerez le Père.
Vous, vous adorez ce que vous ne connaissez pas ; nous, nous adorons ce que nous
connaissons,
car le salut vient des Juifs.
Mais l’heure vient – et nous y sommes – où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et
en vérité ; car ce sont-là les adorateurs tels que les veut le Père.
Dieu est esprit
et ceux qui adorent, c’est en esprit et en vérité qu’ils doivent adorer’ » (Jn 4, 20, sv).
Oui, il y a une interprétation relativisante, celle qui consiste à dire : après tout ne vous souciez
pas tellement de l’adoration, ce qui compte c’est l’authenticité de vos intentions, ce qui vous
inspire. N’accordez pas une telle importance à la prière, à la référence à Dieu, à l’offrande.
L’essentiel c’est d’être vrai.
- Le mot adoration peut être mal compris aussi quand sa dimension est restreinte au domaine
de la prière. Adorer, c’est vivre un culte qui soit animé, habité par l’Esprit. Le spirituel n’est
pas un étage supplémentaire dans notre vie, c’est toute notre vie animée par l’Esprit.
Rappelons-nous ce que disait Saint Paul aux Romains : « Je vous exhorte donc, frères, par la
miséricorde de Dieu, à offrir vos personnes en hostie vivante, sainte, agréable à Dieu. C’est là
le culte spirituel que vous avez à rendre. Et ne vous modelez pas sur le monde présent, mais
que le renouvellement de votre jugement vous transforme et vous fasse discerner quelle est la
volonté de Dieu, ce qui est bon, ce qui lui plaît, ce qui est parfait » (Rm 12, 1). Le culte
spirituel c’est bien le culte selon l’Esprit qui renouvelle toute notre existence.
Rappelons-nous ces mots de la prière eucharistique : « Que l’Esprit Saint fasse de nous une
éternelle offrande à ta gloire » (prière eucharistique n° 3) ou encore ce qui est dit d’une
manière très profonde dans la prière eucharistique n° 4, qui reprend des expressions de Saint
Paul : « Afin que notre vie ne soit plus à nous-mêmes mais à lui qui est mort et ressuscité pour
nous, il a envoyé l’Esprit qui poursuit son œuvre dans le monde et achève toute sanctification
».
II - Regardons les mages : « Et se prosternant, ils l’adorèrent » (Mt 2, 11)
Qui adorèrent-ils ? Celui que les nations attendaient, celui que les prophètes avaient annoncé.
Ils adorèrent le Messie sous les traits de cet enfant pauvre. « Ils ouvrirent leurs coffrets et lui
offrirent de l’or, de l’encens et de la myrrhe » (Mt 2, 11). Dans son message pour les J.M.J., le
Pape Jean-Paul II écrivait : « Les présents qu’offrent les mages au Messie symbolisent la
véritable adoration.
Par l’or, ils soulignent sa divinité royale.
Par l’encens, ils confessent qu’il est prêtre de la Nouvelle Alliance.
En lui offrant la myrrhe, ils célèbrent le prophète qui versera son sang pour réconcilier
l’humanité avec son Père.
Chers jeunes, vous aussi, offrez au Seigneur
l’or de votre existence
c’est-à-dire votre liberté pour le suivre par amour, en répondant fidèlement à son appel ;
faites monter ver Lui l’encens de votre prière ardente, à la louange de sa gloire,
offrez -lui la myrrhe, c’est-à-dire votre affection pleine de gratitude envers lui, vrai homme,
qui nous a aimés jusqu’à mourir comme un malfaiteur sur le Golgotha » (n° 4).
Oui, comme cela est dit le jour de notre baptême, nous devenons dans le Christ, prêtres,
prophètes, rois. C’est toute notre vie qui devient offrande à Dieu. C’est une vie nouvelle
comme Jésus le disait à Nicodème : la vie de Dieu en notre vie. Adorer en esprit et en vérité,
c’est dire avec l’Eglise (cf l’Oraison de l’office du samedi II au matin) :
« Que nos lèvres, notre âme et toute notre vie
proclame ta louange, Seigneur,
et puisque tout notre être est un don de ta grâce,
fais que notre existence te soit consacrée ».
III - Adorer, c’est quoi ?
- Adorer, c’est vouloir que Dieu soit à la première place et que rien ni personne ne prenne la
place de Dieu. Sinon c’est l’idolâtrie. L’idole referme sur elle-même : elle est reflet de notre
volonté de puissance.
L’icône ouvre au mystère de Dieu : « Dieu est plus grand que notre cœur ».
L’idole instrumentalise tout : Dieu, les autres, nous-mêmes. C’est la recherche du succès, du
pouvoir. Ainsi on arrive à la déformation, à la profanation et même à la perversion de l’image
de Dieu. Celui-ci n’est plus qu’une force cosmique à capter.
Donner à Dieu la première place, c’est tout référer à Dieu dans l’audace de notre liberté, de
notre obéissance :
« Tout est à vous,
vous êtes au Christ
le Christ est à Dieu » (1 Co 3, 23).
L’adoration, c’est une attitude qui doit habiter toute prière, qu’elle soit louange ou
supplication. Tout peut devenir chemin vers Dieu, comme tout peut nous empêcher de le
reconnaître en faisant écran. Rappelez-vous ces paroles de Jésus dans l’Evangile de Jean : «
Comment pouvez-vous croire, vous qui tirez votre gloire les uns des autres et ne vous souciez
pas de la gloire qui vient de Dieu ? » (Jn 5, 44).
- Face au défi de la volonté de puissance ou à l’endormissement de l’indifférence, adorer,
c’est prendre le risque de croire, d’entrer dans cette relation unique avec le Seigneur par
laquelle nous nous confions à lui et lui nous confie à nous-mêmes.
La première urgence sera toujours de nous aider les uns les autres, en Eglise, à répondre à la
question de Jésus, question dont nous sommes nous-mêmes porteurs pour tous : « Pour vous
qui suis-je ? » Ou encore « Voulez-vous partir vous aussi ? – Simon-Pierre lui répondit :
Seigneur à qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle. Nous croyons, nous et nous
savons que tu es le Saint de Dieu » (Jn 6, 67 et sv).
La dérive de l’idolâtrie résulte de la perte de confiance en Dieu. Il suffit de se reporter à
l’histoire de tout le peuple de Dieu et en particulier aux chants du Serviteur en Isaïe (chapitres
42, 49, 50, 52).
Dans la période la plus noire de son histoire, le peuple de Dieu risque de se détourner de son
Seigneur. Il voit la réussite de Babylone et ses fastes, ses richesses et ses temples. Tout
semble lui réussir. Il se pose alors la question : « Mais, Dieu, que fait-il, que ‘fabrique-t-il’ ?
Voilà la réponse du prophète : alors que Babylone façonne Dieu à l’image des hommes et de
leur volonté de puissance et de réussite, Dieu fabrique son serviteur, un peuple, un homme
capable de compatir.
Par la bouche du prophète, le Seigneur se révèle :
‘Je suis le Seigneur, il n’en est pas d’autre.
Ils sont dans l’ignorance ceux qui portent leurs idoles de bois
et qui adressent des prières à leurs dieux qui ne sauvent pas.
N’est-ce pas moi, le Seigneur ?
Hors moi, pas de Dieu,
de Dieu juste et sauveur, pas d’autres que moi !’ » (Is 45, 18 sv).
C’est déjà l’annonce de la sagesse et de la folie de la Croix (1 Co 1, 20).
IV - Adorer, c’est désirer que Dieu se dise par toute notre vie. L’adoration et la mission
ne se séparent pas.
Ecoutons cette prière de l’Eglise (mardi 7ème semaine) :
« Accorde-nous, Seigneur, de pouvoir t’adorer sans partage et d’avoir pour tout homme une
vraie charité ».
Adorer Dieu, c’est accomplir ce qui lui tient à cœur, car le Christ nous a dit lui-même : « Ce
ne sont pas ceux qui disent ‘Seigneur’, ‘Seigneur’, qui entreront dans le Royaume des cieux,
mais ceux qui accomplissent sa volonté ». Adorer Dieu en esprit et en vérité, c’est regarder
nos frères avec le regard de Dieu et pouvoir leur dire « Tu as du prix à mes yeux ». La passion
de François d’Assise, de Mère Teresa pour leurs frères, s’enracinait dans l’adoration. Le Pape
Jean-Paul II, dans sa Lettre concluant le Jubilé de l’an 2000 (« Au début du nouveau
millénaire »), a écrit : « Si nous sommes vraiment repartis de la contemplation du Christ, nous
devrons savoir le découvrir surtout dans le visage de ceux auxquels il a voulu lui-même
s’identifier : ‘j’avais faim et vous m’avez donné à manger ; j’avais soif et vous m’avez donné
à boire ; j’étais un étranger et vous m’avez accueilli ; j’étais nu et vous m’avez habillé ; j’étais
malade et vous m’avez visité ; j’étais en prison et vous êtes venus jusqu’à moi’ (Mt 25, 3536). Cette page n’est pas une simple invitation à la charité ; c’est une page de christologie qui
projette un rayon de lumière sur le mystère du Christ. C’est sur cette page, tout autant que sur
la question de son orthodoxie, que l’Eglise mesure sa fidélité d’Epouse du Christ » (n° 49).
Je trouve très éclairante cette phrase du Père VARILLON, dans son très beau livre «
L’humilité de Dieu » : « Il faut appeler divin l’amour qui n’exige pas la réciprocité comme
condition de sa constance ».
V - Chemin d’adoration : chemin de conversion, chemin de mission
« L’Evangile précise qu’après avoir rencontré le Christ, les Mages rentrèrent dans leurs pays
‘en prenant un autre chemin’. Ce changement de route peut symboliser la conversion à
laquelle sont appelés ceux qui rencontrent Jésus pour devenir les vrais adorateurs qu’il désire
(Jn 4, 23-24) » (Message du Pape Jean-Paul II).
Quel chemin allons-nous emprunter si nous sommes devenus de vrais adorateurs ? A chacun
de le dire :
- C’est peut-être dans le temps que nous donnons à Dieu dans la prière, dans le service des
autres, tout simplement parce que Dieu est Dieu ; c’est-à-dire dans la gratuité.
- C’est aussi dans le changement de notre manière de vivre. Comment vivons-nous ce lien
entre la contemplation, le service des autres, la communion, l’offrande ? Je me souviens fort
bien de ce récit du vieux Cardinal MARTY quand il a quitté pour prendre sa retraite sa
mission d’archevêque de Paris. Il disait avoir rencontré des jeunes qui accomplissaient deux
heures d’adoration dans la journée et ajoutait-il : « J’ai été très intéressé par ce qu’ils m’ont
partagé de ce temps donné à Dieu. Mais ils ont été ensuite un peu étonnés lorsque je leur ai
posé la question : mais parlez-moi aussi des autres heures de la journée pour me dire comment
elles sont transformées par ces deux heures d’adoration ».
- Dis-moi ce qu’est pour toi la vocation et je te dirai comment tu conçois l’adoration. Le Père
Charles de FOUCAULD, qui va être bientôt béatifié, disait qu’il avait découvert en même
temps qui était Dieu et quelle était sa vocation. Ces deux découvertes étaient pour lui
inséparables.
Comme vous, j’ai été frappé par ces paroles du Pape Benoît XVI dans sa première homélie : «
Lorsqu’on rencontre le Christ et que l’on accueille son Evangile, la vie change et l’on est
conduit à communiquer aux autres sa propre expérience… Il est donc urgent d’être des
témoins de l’amour contemplé dans le Christ ».
Vous n’avez pas oublié aussi ce passage du Message du Pape Jean-Paul II pour ces J.M.J. de
Cologne : « Ecouter le Christ et l’adorer conduit à faire des choix courageux, à prendre des
décisions parfois héroïques. Jésus est exigeant car il veut notre bonheur authentique. Il appelle
certains à tout quitter pour le suivre dans la vie sacerdotale ou consacrée. Que ceux qui
entendent cette invitation n’aient pas peur de répondre ‘Oui’ et qu’ils se mettent
courageusement à sa suite. Puis, en dehors des vocations particulières de consécration, il y a
la vocation propre de tout baptisé (vocation à la sainteté) ».
- Chemin d’adoration, de conversion, de mission, à l’école de la Vierge Marie.
Ne séparons pas ce qui est étroitement relié dans la Magnificat : la proclamation de la sainteté
de Dieu (« Saint est son Nom »), de sa compassion (« Il élève les humbles, il comble de biens
les affamés »), de sa fidélité (« Il se souvient de son amour »).
- Pour que nous soyons lumière pour le monde, il faut que Jésus soit lumière pour notre vie.
Chacun a un nom unique pour Dieu, chacun a aussi une mission pour le monde.
***
Qu’il nous soit donné, en donnant à Dieu sa vraie place, de trouver notre juste place : le Dieu
que nous adorons ne nous écrase pas, il nous fait exister. Tout vient de lui. Il nous donne
d’être pleinement associés à la vie, au témoignage et à la mission du Christ :
« Père, ceux que tu m’as donnés,
je veux que là où je suis, ils soient aussi avec moi
pour qu’ils contemplent la gloire que tu m’as donnée,
parce que tu m’as aimé
avant la création du monde » (Jn 17, 24).
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