Croissance, capital et progrès technique

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Thème 1 : Croissance, capital et progrès technique

Objectifs :
La première partie de ce chapitre vise à expliquer l’origine en analysant les principaux facteurs en cause : le
capital, le travail et la productivité du travail. La productivité du travail dépend elle-même de trois déterminants majeurs : l’organisation du travail, le progrès technique et l’investissement. Ces trois facteurs seront étudiés par rapport
à leur contribution à la hausse de la productivité du travail et non entant que tels, car chacun des facteurs fera l’objet
d’une analyse particulière.
Nous verrons également comment les théoriciens de la croissance ont intégré ces facteurs dans l’explication
de la croissance.
L’analyse de la croissance sera complétée par la prise en compte des différents acteurs qui interviennent
dans le processus de croissance et d’innovation. Nous montrerons plus particulièrement le rôle de l’initiative individuelle dans le processus de production, mais aussi de l’action de l’Etat ainsi que de l’influence du contexte socioculturel.
Cette première partie s’achèvera sur la finalité de la croissance.
La deuxième partie a pour objectif de souligner le rôle majeur de l’investissement dans les mécanismes qui
engendrent la croissance. Nous rappellerons les différents types et formes d’investissement ainsi que les moyens de le
financer.
Il s’agira ensuite de comprendre la décision individuelle d’investissement, en insistant sur sa dimension temporelle et en introduisant les notions de rendement anticipé et d’actualisation. Nous analyserons les rôles de la demande anticipée, de la réduction des coûts de production, du taux d’intérêt et du coût des différentes formes de financement.
Nous analyserons le processus de destruction créatrice, dans sa dimension économique de disparition apparition de biens ou services et de secteurs d’activité ainsi que les liens entre investissement, progrès technique et obsolescence économique.
Nous terminerons cette deuxième partie sous l’angle du changement social en insistant sur les rapports entre
les phénomènes économiques, politiques et sociaux dont l’interaction détermine la dynamique du développement.

I.
Plan :
Les sources et les limites de croissance économique.
A. Les sources de la croissance.
1. Une main d’œuvre plus abondante et / ou plus productive. Doc2 p34 au doc5 p36
2. La division du travail. Doc10 p38
3. L’accumulation du capital et le progrès technique. Doc6 p36 et doc8 p37
4. Les sources de la croissance dans les pays développés depuis 1950.
Document : « La croissance de l’économie française depuis 1950 » (Les Cahiers Français n° 323)
B. Les modèles de la croissance.
1. La croissance potentielle dans les théories :
Des Classiques aux nouvelles théories de la croissance.
Doc9 (Nathan TES) ; doc26 p74
2. Les déterminants de la croissance effective.
C. Le rôle des acteurs économiques et de l’environnement socioculturel dans le processus de croissance.
1. Le rôle des entrepreneurs. Doc11 p39
2. Le rôle de l’Etat. Doc14 p40 ; doc15 p41
3. Le rôle de l’environnement socioculturel. Doc24 et doc26 (Bréal TES)
D. Les limites de la croissance économique.
1. La poursuite de la croissance actuelle est-elle possible ? Doc16 p42 au doc18 p43
2. Que signifie accroître toujours plus le PIB ? Doc23 p46 au doc25 p47 ; doc28 p49
1
II.
Accumulation du capital, progrès technique et croissance.
A. Les liens entre investissement et croissance.
1. Rappels sur l’investissement et son financement. Doc2 p60 ; doc3 p61 ; doc5 p62 ; doc7 p63 au
doc9 p64
2. L’investissement favorise la croissance à court terme par l’augmentation de la demande de biens et
de services.
3. L’investissement favorise la croissance à long terme par l’augmentation des capacités de production.
4. Le rôle des investissements publics. Doc6 p63
B. La décision d’investir. doc10 p64 ; doc11 p65 ; doc13 p66 au doc16 p68
1. La nécessité de la rentabilité.
2. Le rôle de la demande anticipée.
3. Le rôle des coûts de production.
4. Le rôle des taux d’intérêt.
5. Le risque.
C. Progrès technique et croissance : la destruction créatrice.
Doc17 p69 ; doc20 p70 au doc24 p73 ; doc27 p74 au doc29 p75
1. Progrès technique, inventions et innovations.
2. L’origine du progrès technique.
3. Le progrès technique est facteur de croissance.
4. Le progrès technique et la transformation des structures économiques : la destruction créatrice.
D. Les liens entre les transformations des structures économiques, politiques et sociales : l’exemple de
l’urbanisation.
Doc31 et doc32 (Hachette TES) ; Doc38 et doc39 (Hatier TES)
1. La croissance favorise l’urbanisation.
2. L’urbanisation engendre des transformations.
.
3. L’urbanisation transforme les solidarités anciennes.
4. L’urbanisation transforme les structures du pouvoir.

Les notions à maîtriser :
-
autofinancement.
Capital.
Demande anticipée.
Destruction créatrice.
Développement durable.
Epargne.
Excédent brut d’exploitation.
Externalisation.
Formation brute de capital fixe.
Financement externe.
Indice de développement humain.
Innovation / innovation de procédé, de produit et organisationnelle.
Investissement / investissement immatériel / investissement public.
Population active.
Productivité du travail.
Produit intérieur brut.
Progrès technique.
Recherche-développement.
Revenu par tête.
Structures économiques.
Taux d’intérêt.
Taux de rentabilité.
Valeur ajoutée.
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I.
Les sources et les limites de la croissance économique.
A. Les sources de la croissance.
L’explication de la croissance passe l’étude des facteurs de production (K, L) et de l’efficacité de
leur combinaison productive appréciée par la productivité. La combinaison productive dépend de la nature
de la production (biens ou services) et de l’état de la technique. La proportion de chacun des facteurs de
production est donc variable selon la production. Lorsqu’une production peut être obtenue en utilisant différentes combinaisons productives, le choix s’effectuera selon deux critères principaux :
- Le coût relatif du capital et du travail.
- L’efficacité productive de la combinaison retenue appréciée par la productivité du travail qui en
résulte.
Une entreprise recherche des gains de productivité afin d’accroître son profit. Elle contribue à la
croissance de la production, soit en produisant davantage elle-même, soit en économisant des facteurs de
production – souvent le travail – qui seront alors disponibles pour augmenter la production d’autres entreprises.
La croissance de la production résulte donc soit d’une augmentation des facteurs de production soit
d’une amélioration de leur efficacité, sous l’effet du progrès technique par exemple.
Lorsque le PIB croît proportionnellement à la hausse de la quantité de facteurs de production utilisée, la croissance est dite extensive. Les rendements d’échelle sont alors constants puisque l’échelle de la
production n’a pas d’effet sur son efficacité.
Lorsque le PIB augmente plus rapidement que la quantité de facteurs de production, la croissance
est dite intensive. Les rendements d’échelle sont alors croissants, la croissance économique repose principalement sur les gains de productivité c'est-à-dire une plus grande efficacité des facteurs de production.
! Ne pas confondre croissance externe et croissance intensive avec croissance externe et croissance
interne.
1. Une main d’œuvre plus abondante et / ou plus productive.
La quantité de travail effectivement utilisée est mesurée par la population active occupée. Si celle-ci
augmente, il est logique que la production augmente, toutes choses égales par ailleurs. Cependant,
l’augmentation de la population active n’est pas suffisante pour entraîner une hausse du volume du travail
disponible dans l’économie car il dépend aussi de la durée du travail effective pour chaque actif.
Volume annuel de travail = niveau de l’emploi x durée annuelle du travail
La diminution de la durée annuelle du travail est très nette depuis la fin du 19ème siècle : en France,
elle est passée en un siècle de 3000 à 1600 heures par an (de 1896 à 1996). Le passage aux 35 heures a
accentué cette tendance.
Il serait aussi intéressant de tenir compte de la durée de la vie active d’un individu et prendre en
compte le taux d’activité.
Il est aussi possible d’augmenter la production sans changer la quantité de travail utilisée, à condition d’améliorer l’efficacité du travail c'est-à-dire la productivité du travail.
Rappels : La productivité est un indicateur du progrès technique mis en œuvre dans une entreprise
ou un pays.
Pour une entreprise, la quantité produite sera mesurée soit par la VAB – la productivité sera alors
exprimée en « valeur » – soit en quantités physiques – la productivité sera alors « physique » –
La quantité de travail utilisée sera exprimée soit par le nombre de travailleurs – productivité par
tête – soit par le nombre d’heures de travail nécessaire pour fabriquer un produit – productivité horaire –
La croissance économique à long terme ne s’explique donc pas par une hausse de la quantité de
travail, mais par sa plus grande efficacité : ainsi la productivité horaire du travail a été multipliée par 16
en un siècle (de 1896 à 1996).
3
2. La division du travail.
Tout d’abord, il faut bien distinguer la division sociale du travail de la division technique du travail.
Ce paragraphe portera sur la division technique du travail, mais sans étudier les différentes formes
d’organisation du travail dans la mesure où celles-ci feront l’objet d’un chapitre.
La division sociale du travail est un concept sociologique développé par Emile Durkheim (1858 –
1917) et elle correspond à la répartition des tâches en grandes fonctions au sein d’une société qui se développe (politique, économique, culturel, social, religieux, militaire).
La division technique du travail est un concept développé par Adam Smith (1723 – 1790) dans son
ouvrage « Recherche sur la nature et les causes de la richesse des Nations » écrit en 1776. Elle correspond
à la répartition entre plusieurs travailleurs des différentes phases de fabrication d’un produit. Cette division vise à accroître le rendement par actif, l’efficacité du facteur du travail. Sa démonstration repose sur
un exemple devenu très célèbre : la manufacture d’épingles.
Un travailleur peut faire une épingle tout seul mais il ne fabriquera que bien peu d’épingles dans la
journée (maximum 20). En revanche, en divisant la production en 18 opérations distinctes, on arrivera à
fabriquer des milliers d’épingles par jour. La division technique du travail a donc permis d’augmenter la
productivité du travail. Ces effets positifs s’expliquent ainsi :
- Chaque travailleur étant spécialisé dans une tâche la maîtrisera mieux et la réalisera plus rapidement. On pourra utiliser chaque travailleur dans la tâche pour laquelle il est plus « compétent », « doué ».
- Chaque travailleur ne faisant plus qu’une seule tâche ne perdra plus le temps qui était auparavant
nécessaire pour changer de tâche.
- Les tâches les plus simples pourront même être effectuées par des machines.
La division du travail va donc inciter les scientifiques à inventer des machines capables d’effectuer
les tâches les plus simples. La division technique du travail est donc en relation avec l’accumulation du
capital et le progrès technique. Elle permet donc des gains de productivité, de produire en plus grande
quantité dans le même temps et de contribuer à la croissance économique.
3. L’accumulation du capital et le progrès technique.
a. L’accumulation du capital.
L’investissement – l’augmentation du stock de capital – est indispensable à la croissance dans la
mesure où il permet d’augmenter le volume du facteur capital utilisé pour la production mais aussi
d’accroître la productivité.
La définition du capital peut être plus ou moins large selon que l’on considère le capital fixe c'est-àdire le stock de biens durables nécessaires à la production, que l’on intègre ou non les consommations intermédiaires, ou que l’on considère les ressources naturelles comme facteur de production distinct ou non
du capital.
A long terme, l’augmentation du capital fixe est indispensable pour produire davantage :
 Les investissements sont nécessaires à la mécanisation de la production.
 Les investissements rendent l’organisation plus productive. (cf. fordisme)
 Les investissements permettent d’utiliser des machines plus récentes, qui incorporent plus d’innovation (investissements de productivité)
Depuis le 19ème siècle, le volume de capital par travailleur ou intensité capitalistique a fortement
augmenté : la croissance économique nécessite toujours davantage de capital, donc d’investissement.
b. Le rôle du progrès technique.
Le progrès technique est une notion très large car il s’applique à l’ensemble des innovations entraînant une amélioration des moyens de production mais aussi des méthodes de production, de l’organisation
du travail ou des marchés.
Dans tous les cas, le progrès technique améliore la productivité globale des facteurs c'est-à-dire le
rapport entre la production et le volume total des facteurs de production utilisé.
Il est souvent en amont des investissements, qui viennent le mettre en œuvre.
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Au 20ème siècle, le progrès technique joue un rôle essentiel dans la croissance économique. Durant
les trente Glorieuses, le progrès technique explique une large partie de la croissance. En 1972, une étude
est menée par Jean-Jacques Carré, Paul Dubois et Edmond Malinvaud (« La croissance française ») pour
expliquer la croissance française. Ils montrent que si la croissance s’expliquait par la seule hausse des facteurs de production, alors elle aurait été de 1% et non de 5% en moyenne.
L’étude du progrès technique sera approfondie dans le deuxième paragraphe.
4. Les sources de la croissance depuis 1950 dans les pays développés.
Les pays développés ont connu une croissance très rapide notamment de 1960 à 1973 puis un ralentissement après 1973. Cette croissance a été permise par :
 Le rôle du facteur travail. Il a contribué à cette croissance pour deux raisons essentielles : la quantité de travail a augmenté et la qualification du travail s’est améliorée.
 Le rôle de l’accumulation du capital. L’accumulation c'est-à-dire l’investissement mesuré par la
FBCF joue un grand rôle dans la croissance économique.
 Le rôle du progrès technique. Une partie de la croissance ne s’explique pas par les apports directs
des facteurs de production (K, L), c’est ce que l’on appelle traditionnellement le « résidu », ce qui reste
inexpliqué. Ce résidu correspond à une partie importante de la croissance économique. Les économistes
attribuent ce résidu au progrès technique qui permet à la combinaison du travail et du capital d’être de plus
en plus efficace. En améliorant les machines ou les procédés de fabrication, en élevant la qualification des
travailleurs, le progrès technique contribue à la hausse de la productivité du travail et ainsi d’éviter la loi
des rendements décroissants.
Etude du document extrait des « Cahiers français » n° 323 « Croissance et innovation » : La croissance de l’économie française depuis 1950.
B. Les modèles de la croissance économique.
Le PIB est le résultat de l’utilisation des facteurs de production (K, L). Si on utilise dans des conditions normales ces facteurs de production, on obtient le PIB potentiel. La croissance potentielle est donc le
niveau maximum de croissance économique sans que l’inflation ne s’accélère. Elle dépend de l’évolution de
la quantité de facteurs de production disponibles dans l’économie. En principe, lorsque les quantités de
travail et de capital augmentent, la croissance potentielle croit elle aussi. Cependant, il ne faut pas oublier
que le progrès technique intervient dans cette croissance mais comment l’intégrer.
Mais la croissance effective peut être différente de la croissance potentielle car elle dépend de plusieurs facteurs.
Par ailleurs, il ne faut pas confondre croissance équilibrée et croissance stable.
La croissance est équilibrée si l’augmentation de la production est compatible à long terme avec
l’équilibre macroéconomique (épargne = investissement), et avec le plein-emploi.
La croissance est stable s’il existe des mécanismes de retour à l’équilibre lorsque l’économie s’en
éloigne.
1. La croissance potentielle dans les théories économiques.
a. L’approche des Classiques.
David Ricardo (1772 – 1823) cherche à montrer que l’économie tend naturellement vers un état stationnaire, c'est-à-dire vers un niveau maximal de la production, au-delà duquel le taux de croissance est
nul.
L’analyse repose sur la loi des rendements décroissants : l’augmentation de la production, pour
faire face à l’accroissement de la population, oblige à mettre en culture des terres moins fertiles, ce qui
diminue les rendements. Cela entraîne une augmentation de la rente prélevée par les propriétaires fonciers,
ainsi qu’une hausse des salaires (Pour Ricardo, le salaire et la rente sont déterminés par les mécanismes du
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marché ; la mise en culture de terres de moins en moins fertiles augmentent le prix du blé et donc de ces
revenus). La hausse de ces revenus entraîne une baisse des profits qui conduit à une diminution de
l’investissement, financé par les entrepreneurs.
A terme, la croissance économique doit tendre vers zéro, car les opportunités d’investissement deviennent de plus en plus rares avec la diminution du taux de profit. Pour Ricardo, le déclin de la croissance
est donc inéluctable ; une politique libre-échangiste peut le retarder en diminuant le prix naturel du travail
(cf. commerce international)
Adam Smith (1723 – 1790) se démarque des autres Classiques dans la mesure où il envisage la possibilité d’une croissance indéfinie. En effet, la division du travail génère des gains de productivité et est
donc source de croissance durable. Mais Smith évoque aussi l’augmentation de la taille des marchés rendue possible par la baisse des coûts de production : un cercle vertueux peut s’engager, dans la mesure où
l’extension de la taille des marchés incite les entreprises à investir et augmenter encore la division du travail pour y répondre. Smith perçoit donc les gains apportés par le progrès technique.
b. L’approche keynésienne de la croissance.
Roy Forbes Harrod (1900 – 1978) va construire un des premiers modèles keynésiens de la croissance
en mettant en évidence trois taux de croissance :
 Le taux de croissance garanti qui assure l’équilibre entre l’épargne et l’investissement, condition
de l’équilibre économique ;
 Le taux de croissance naturel qui permet le plein-emploi et résulte de l’accroissement de la population et du progrès technique ;
 Le taux de croissance effectif qui se réalise réellement.
Or la croissance de la population est une donnée exogène, c'est-à-dire extérieur à l’activité économique, comme le progrès technique (ce qui ne sera pas la cas par la suite).
De plus, l’égalité entre l’épargne et l’investissement est rarement réalisée car l’épargne dépend du
revenu, et l’investissement des anticipations des entrepreneurs. Il souligne que les décisions des agents économiques ne sont pas coordonnées.
Il y a donc peu de chances que la croissance soit équilibrée et corresponde au plein emploi.
Evsey David Domar (1914 - 1997) fonde son analyse sur la théorie keynésienne de l’investissement
et montre la difficulté de réaliser une croissance équilibrée.
L’investissement induit deux effets : un effet de demande et un effet de capacité.
L’effet de demande de l’investissement prend en compte le fait que lorsqu’une entreprise investit,
une autre entreprise doit produire le bien d’équipement. L’effet de demande repose donc sur le principe du
multiplicateur d’investissement : l’investissement induit une augmentation de la demande totale et donc de
la production, dont l’amplitude dépend de la propension marginale à consommer.
L’investissement induit par ailleurs un effet de capacité. Il permet d’augmenter la quantité de capital, c'est-à-dire la capacité productive. L’effet de capacité de l’investissement dépend du coefficient technique (Y/K) qui indique la capacité productive d’une unité de capital.
La croissance est équilibrée lorsque l’effet de demande et l’effet de capacité sont équivalents, c'està-dire lorsque la demande évolue de la même manière que les capacités de production.
Les deux modèles sont réunis communément sous l’appellation « modèle Harrod-Domar ». Leur
modèle repose sur l’hypothèse d’une rigidité du coefficient de capital, ce qui signifie qu’il faut augmenter
dans les mêmes proportions la quantité de travail et de capital pour produire davantage, car les facteurs de
production sont complémentaires. Les deux modèles ont en commun de montrer que les chances d’obtenir
une croissance équilibrée, qui assure le plein-emploi, sont très faibles. Le chemin de la croissance équilibrée est donc très étroit, il repose sur le « fil du rasoir ». En effet, rien ne garantit que l’augmentation de la
demande et l’augmentation de l’offre se compensent, car le taux d’épargne et le coefficient de capital sont
des variables indépendantes. Il faut aussi rappeler que le plein-emploi est aussi improbable car il dépend
d’une variable indépendante, l’augmentation de la population active. L’intervention de l’Etat est ainsi, se6
lon la tradition keynésienne, justifiée comme un élément correctif de la situation et permet de se rapprocher
de la croissance de plein-emploi.
c. L’approche néoclassique de Robert Solow.
Robert Merton Solow (1924 - ) publie en 1956, en pleine période de croissance, un article qui prend
pour point de départ le modèle de Harrod-Domar et cherche à en renverser les conclusions. Selon lui, la
fixité des facteurs de production est une hypothèse contestable. Il suffit de permettre une certaine flexibilité
de la combinaison productive pour que le phénomène du « fil du rasoir » s’écroule et donc que la question
de l’instabilité de la croissance soit remise en cause.
Il élabore un modèle de croissance qui fait figure de référence car il permet l’intégration du progrès
technique dans un cadre néoclassique. Il reprend l’idée propre aux Classiques d’une convergence vers
l’état stationnaire en l’absence de progrès technique. Les principales hypothèses du modèle sont les suivants :
 Le produit national (PIB) est déterminé par une fonction de production reposant sur la substituabilité des facteurs de production ;
 Les prix des biens et des facteurs de production sont flexibles ;
 Les rendements d’échelle sont constants ;
 La totalité de l’épargne est investie ;
 La productivité marginale du capital est décroissante ce qui signifie que la production croit moins
vite.
 Le progrès technique est exogène, c’est un résidu. C’est la part inexpliquée de la croissance, une
fois que l’on a prise en compte l’augmentation quantitative des facteurs de production. Dans
l’environnement concurrentiel proposé par ce modèle, les entreprises ne dégagent pas de profit à long
terme. En conséquence, aucune ressource ne peut être affectée à l’amélioration de la technologie ou à une
meilleure formation des travailleurs.
Solow montre alors que la croissance présente deux caractéristiques :
 La croissance est stable et équilibré, en raison des hypothèses de flexibilité des prix et de
substituabilité des facteurs de production : les prix (les salaires par exemple) s’ajustent ainsi aux quantités
de facteurs disponibles.
 Si le progrès technique est nul, la population stable et le taux d’épargne constant, alors la
croissance économique tend vers zéro. En effet, la production augmente moins vite que le stock de capital,
or celui se déprécie (amortissement) ; il faut donc consacrer une part toujours plus grande de
l’investissement brut à amortir le capital, jusqu’à un seuil où la croissance est nulle car la totalité de
l’investissement sert à l’amortissement.
Une économie peut reculer provisoirement le passage à l’état stationnaire en augmentant sa population, ou son taux d’épargne, mais cela ne modifie pas le mécanisme. Seule une hausse continue du facteur
résiduel, le progrès technique, peut expliquer que la croissance économique se maintienne durablement.
Paradoxalement, une croissance durable s’explique donc par un facteur dont on ne connaît pas la cause : le
progrès technique exogène apparaît don comme un « manne tombée du ciel ».
Cependant, toutes ces approches restent insuffisantes pour expliquer la croissance contemporaine.
Elles comportent plusieurs limites :
 Elle suppose une convergence entre les différentes économies. Les faits infirment cette hypothèse.
En effet, si les années 1970 sont marquées par une accélération des pays en développement à un moment où
les économies occidentales connaissent un profond ralentissement économique, les années 1980 amènent
des divergences toujours plus accentuées entre les pays riches et les pays les pays les plus pauvres et un
déphasage des conjonctures économiques entre les pays développés.
 Sur le plan théorique, l’hypothèse d’un progrès technique exogène est contestable car elle rend difficilement explicable une croissance soutenue.
 Dans les approches Classiques et Néoclassiques, le marché est jugée efficace.
 Dans ces modèles, il est souvent impossible d’infléchir durablement le taux de croissance d’un pays.
Certains économistes ont cherché à remettre en cause l’hypothèse de rendements d’échelle décrois7
sants pour le facteur de production qui s’accumule (K). Les nouvelles théories de la croissance qui se développent dans les années 1980 vont insister sur le comportement des agents économiques.
d. Les nouvelles théories de la croissance : le progrès technique est endogène.
Ces nouvelles théories considèrent la croissance comme un phénomène cumulatif et cela pour trois
raisons :
- Le progrès technique est désormais considéré comme un facteur endogène au mécanisme de la
croissance.
- Le progrès technique produit des externalités positives. Les externalités positives apparaissent dans
la croissance quand les investissements d’un agent bénéficient à d’autres agents sans que cet effet donne
lieu à une relation marchande.
- Les rendements sont constants et non décroissants.
Ces théories prennent plusieurs directions et chaque modèle rend compte d’une forme particulière
de progrès technique :
 Modèle de Paul Romer (1955 - ) : accumulation des connaissances et de capital technologique. (investissement en recherche-développement)
 Modèle de Robert Lucas (1937- ) : accumulation de capital humain.
 Modèle de Robert Barro (1944- ) : infrastructures publiques.
 L’accumulation des connaissances et de capital technologique.
Romer considère que l’accumulation des connaissances est un facteur endogène de croissance. Il reprend en partie la théorie du « learning by doing » déjà formulée par Kenneth Arrow (1921 - ) en 1962.
Romer affirme que c’est en produisant qu’une économie accumule spontanément les expériences et donc les
connaissances. Plus la croissance est forte et plus l’accumulation d’expérience et de savoir-faire est forte,
ce qui favorise la croissance.
L’accumulation de connaissances provoque de nombreuses externalités. En produisant, une entreprise accumule des connaissances qui lui permettront d’être plus performante, mais qui serviront aussi aux
autres entreprises, par effet d’imitation de la part des concurrentes ou grâce au turn-over (rotation) de la
main d’œuvre ayant gagné en savoir-faire. L’accumulation de connaissances a donc une productivité privée
(celle dont profite l’entreprise), mais aussi une productivité sociale (celle dont profite l’ensemble de
l’économie et de la société).
Romer, qui s’est inspiré des travaux de Joseph Schumpeter, montre que c’est l’innovation et la recherche-développement (R-D) qui constituent le facteur résiduel. Plus les efforts de R-D sont importants et
plus la croissance est forte ; plus la croissance est forte et plus les efforts de R-D peuvent être importants.
La R-D est une activité spécifique qui produit des biens sans exclusion (biens collectifs) et qui entraîne des rentes de monopole. En effet, les biens produits par la R-D ont les caractéristiques des biens collectifs car leur coût est indépendant du nombre d’utilisateurs. Dans ce cas, la théorie économique montre
que l’intervention de l’Etat est nécessaire, par exemple en garantissant un système de brevets qui donne à
l’invention la caractéristique d’un bien privé.
Le système de brevet met aussi l’entreprise innovante dans une situation de monopole qui lui assure
une rente de monopole, c'est-à-dire une rémunération supérieure à ce qu’elle serait en situation de concurrence. Ce système est source d’une dynamique car la rente de monopole est provisoire ; au bout d’un certain temps, l’innovation tombe dans le domaine public et de nouvelles et de nouvelles innovations rendent
les premières obsolètes.
Les rentes de monopole sont donc utiles car elles assurent une bonne rentabilité à l’activité de R-D
et leur caractère provisoire encourage une dynamique d’innovation.
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 L’accumulation de capital humain.
Lucas considère que le stock de connaissances (le capital humain) est un facteur de croissance endogène. La croissance économique dépend en grande partie des efforts en formation individuels et sociaux,
qui eux-mêmes dépendent de la capacité à épargner et donc de renoncer à une consommation présente pour
investir dans l’éducation. Selon ce modèle, la croissance est endogène et cumulative car la capacité en
épargne de formation d’une économie dépend en grande partie du niveau de la production et donc de la
croissance économique.
L’accumulation du capital humain résulte de stratégies individuelles mais aussi de la stratégie de la
collectivité. Effectivement, l’accumulation de capital entraîne des externalités positives car le niveau
d’éducation d’un individu joue non seulement sur sa productivité, mais aussi sur celle de ses partenaires.
Un niveau d’éducation est d’autant plus efficace qu’il permet d’interagir avec d’autres personnes présentant ce même niveau (effet réseau).
 Les dépenses d’infrastructures publiques.
En 1990, Barro démontre que la dépense publique est directement productive et doit donc être
considérée comme un des facteurs de la fonction de production. La contribution du secteur public à la
croissance comprend les dépenses d’éducation (afin d’accroître le capital humain) et de R-D, mais aussi
celles d’infrastructures en matière de transport et de communication.
Comme les autres accumulations, ces dépenses ont un effet cumulatif ; elles permettent d’augmenter
la croissance qui entraîne un accroissement des recettes publiques et donc des dépenses publiques, facteur
de croissance.
Cette théorie conduit à démontrer la nécessité du maintien des investissements publics dans une conjoncture difficile. La tentation des gouvernements est souvent grande, en période de crise, de réduire les
dépenses d’investissement pour pouvoir maintenir les dépenses courantes. Les théories endogènes rejoignent ici les théories keynésiennes : l’investissement public est nécessaire à la croissance.
Les théories de la croissance sont donc inséparables du contexte dans lequel elles naissent. Après
différentes analyses, les théories de la croissance endogène ont l’avantage de chercher à expliquer le progrès technique, donc la croissance, en le faisant reposer sur les comportements des individus. Adam Smith
l’avait déjà pressenti dès 1776.
Par ailleurs, les évolutions économiques récentes, caractérisées par la reprise économique aux
Etats-Unis puis, plus récemment, en Europe, confirment que la croissance, due aux nouvelles technologies
de l’information et de la communication, est liée à la recherche, à la formation et à l’apprentissage, à
l’investissement. Internet permet d’étendre encore les marchés et auto-entretient la demande. On est sur la
bonne voie pour voir résolu le « paradoxe de Solow » qui, en 1987, voyait des ordinateurs partout, sauf
dans les statistiques de la productivité.
2. Les déterminants de la croissance effective.
La croissance effective ne correspond pas toujours à la croissance potentielle. Celle-ci peut être plus
forte lorsque l’économie connaît une conjoncture favorable ou au contraire moins forte lorsqu’elle traverse
une récession. La croissance effective résulte de la conjonction de nombreux facteurs dont les principaux
sont la demande, le profit et les institutions.
Pour les économistes d’inspiration keynésienne, les entreprises ne produisent que si elles peuvent
vendre et donc si elles anticipent une demande (demande intérieure : consommation des ménages, investissements des entreprises, dépenses publiques ; demande extérieure : exportations). Chaque composante de la
demande a un effet multiplicateur sur la production. En effet, une augmentation de la demande induit une
hausse de la production, d’où une distribution supplémentaire de revenus qui entraîne un nouvel accroissement de demande… L’ampleur de l’effet multiplicateur dépend de la part du revenu supplémentaire destinée à la consommation (cf. propension marginale à consommer).
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Par le biais de la demande, c’est un grand nombre de facteurs qui jouent finalement sur la croissance :
- Importance du crédit.
- Données démographiques (natalité, mortalité, vieillissement de la population, structure par âges…)
- Budget de l’Etat.
Le profit est aussi un déterminant important de la croissance. Il agit par deux mécanismes :
 C’est la principale motivation de la décision de produire.
 C’est un moyen essentiel pour financer les investissements qui permettent d’accroître les capacités
de production (investissements nets)
Enfin, l’esprit d’entreprise, le degré de résistance au changement, l’intensité du travail, mais aussi la
politique économique mise en œuvre, le système financier ou la gouvernance des entreprises, sont autant de
facteurs qui influencent la croissance effective, mais aussi, pour certains, la croissance potentielle.
C. Le rôle des acteurs économiques et de l’environnement socioculturel dans le processus
de croissance.
1. Le rôle des entrepreneurs.
Il joue un rôle essentiel dans la croissance économique car c’est l’entrepreneur qui choisit la combinaison productive, qui prend les décisions d’investissement ou celles concernant la recherche sur des produits nouveaux.
Pour choisir une combinaison productive, l’entrepreneur prend en compte différents éléments notamment le coût relatif des facteurs et l’efficacité productive de la combinaison retenue mais aussi les traditions de l’entreprise, l’environnement local ou international,…
L’entreprise cherche à améliorer sa productivité afin d’accroître son profit ce qui favorise la croissance de la production. On retrouve ici le mobile du chef d’entreprise dans la théorie classique et néoclassique. Selon le principe de la main invisible d’Adam Smith, la croissance provient de la volonté de certains
de s’enrichir et donc de réaliser des profits. Les néoclassiques sont aussi des utilitaristes : ils considèrent
que chaque agent économique motive ses actions par la recherche de son intérêt personnel. L’intérêt du
propriétaire de l’entreprise est selon eux la maximisation du profit
Par ailleurs, l’entrepreneur parie sur l’avenir. En effet, il investit aujourd’hui, mais la production
n’augmente que demain. L’entrepreneur prend donc des risques et il espère que le marché lui donnera raison. S’il refuse d’assumer ces risques, en n’investissant pas, il contribue à ralentir l’accumulation de capital et donc la croissance économique. Joseph Schumpeter a mis en évidence le rôle essentiel de
l’entrepreneur.
2. Le rôle de l’Etat.
L’Etat intervient de différentes manières dans une économie :

Il est un régulateur des marchés :
Dans une économie de marché, l’intervention de l’Etat joue un rôle essentiel pour la croissance. En
effet, le fonctionnement d’une économie de marché impose des règles et celles-ci doivent être d’abord construites et ensuite, il faut les faire respecter. Ces deux rôles doivent être assumés par l’Etat.

Il intervient pour favoriser le progrès technique :
Certaines recherches, trop fondamentales pour être rentables immédiatement, ne seraient jamais en10
treprises si l’Etat ne contribuait à leur financement. En effet, aucune entreprise ne prendra en charge une
dépense si le coût est trop élevé par rapport au bénéfice qu’elle en retire personnellement. Les entreprises
prennent leurs décisions d’investissement en fonction du rendement privé, lequel est inférieur au rendement
social (pour la collectivité). C’est dans la recherche fondamentale que le rendement privé apparaît le plus
faible (les applications économiques directes des résultats de la recherche fondamentale sont peu nombreuses, par exemple la découverte d’une nouvelle planète) alors que le rendement social peut être élevé,
lequel peut se produire avec un décalage temporel. Ainsi, il y a un décalage de quarante ans entre la théorie de la relativité restreinte d’Einstein et les premières centrales nucléaires.
De manière générale, l’Etat doit intervenir dans tous les cas où son action provoque des externalités
positives. Il en est ainsi dans la technologie avec les « externalités informationnelles ». Le savoir produit
par l’innovateur bénéficie à d’autres agents sans compensation monétaire de leur part : les autres agents
peuvent simplement imiter l’innovateur ou reprendre son idée pour l’améliorer, en n’ayant pas dans les cas
à repayer le coût intégral de la recherche fondamentale.
Par ailleurs l’Etat peut favoriser l’innovation par des décisions politiques : régime fiscal avantageux, législation sur les brevets, subventions
Ainsi les rendements sociaux des différentes formes d’accumulation du capital sont supérieurs à
leurs rendements privés. Puisque l’expérience sert à tous, que la connaissance des individus ne profitent
pas seulement à ceux qui se forment mais aussi à leur entourage professionnel, et qu’une partie importante
des connaissances technologiques constitue une connaissance commune non brevetable, l’intervention de
l’Etat apparaît indispensable.

Il prend en charge les infrastructures collectives :
Si le marché est un instrument efficace de la régulation du court et du moyen terme, en revanche
l’Etat doit favoriser la croissance sur longue période en menant une politique industrielle adaptée, sans
pour autant que l’Etat se substitue au secteur privé. L’Etat doit développer les infrastructures. En effet, le
secteur privé peut-il financer la construction des infrastructures ? En d’autres termes, est-ce l’Etat ou ceux
qui vont directement en bénéficier ; mais, dans ce dernier cas, chaque utilisateur de l’infrastructure (pont,
route…) ne retirera pas suffisamment de bénéfice de l’usage du pont pour le financer. C’est donc l’Etat, au
nom de l’intérêt général, qui va assumer ces dépenses et les répercuter sur les individus par l’impôt. (cf.
biens collectifs)

Il favorise la croissance par sa politique économique :
L’Etat peut encourager la production de biens et de services en stimulant la demande par sa politique budgétaire ou sa politique monétaire. De même, il peut encourager l’offre par sa politique fiscale, en
baissant les impôts sur les entreprises pour rendre la production plus profitable.
Ainsi, l’Etat, par les investissements publics, joue un rôle très important dans la croissance, en finançant la formation de la main d’œuvre et la recherche scientifique, en développant des infrastructures, en
construisant un cadre juridique permettant au marché de fonctionner.
3. Le rôle de l’environnement socioculturel.
On observe que la croissance et le développement ne sont pas partout présents. Pourquoi, à un moment donné de leur histoire, des peuples se sont mis à accumuler du capital et pas d’autres, alors qu’ils
disposaient de la même quantité de facteurs de production. La culture serait un élément explicatif de la
croissance. Les normes et les valeurs en vigueur dans une société influenceraient l’ensemble des comportements et donc les comportements économiques.
Ainsi Max Weber (1864 – 1920) a soutenu l’idée que les valeurs véhiculées par le protestantisme
avaient favorisé le développement du capitalisme dans les pays anglo-saxons, pour deux raisons essentielles :
11
- L’enrichissement est valorisé, alors que les catholiques réprouvent la richesse. Les principes de leur
religion poussaient les protestants à épargner et à investir, et accordaient une grande valeur au travail, à
l’activité professionnelle.
- Une grande confiance et une grande solidarité les unissaient d’où la création de réseaux unissant
des entreprises industrielles et des banques, ce qui était très favorable à la croissance.
Mais il faut souligner que les valeurs ne sont qu’un élément explicatif de la croissance. Les valeurs
s’accordent avec l’ensemble des structures de la société. La croissance a besoin à la fois de stabilité (organisation politique, institutions) afin que l’on puisse prévoir les effets des décisions prises aujourd’hui et de
possibilité de transformations afin de s’adapter aux changements entraînés par la croissance.
On pourrait enfin s’interroger sur le rôle de deux institutions internationales (FMI et Banque Mondiale) qui, en menant certaines politiques économiques, ont accru la pauvreté dans certains pays en développement.
D. Les limites de la croissance économique.
Un des grands défis du 21ème siècle sera de concilier la progression du niveau de vie et le respect
des équilibres écologiques. Cette préoccupation de développe à la fin des Trente Glorieuses mais celle-ci
n’est pas totalement nouvelle car la question des limites imposées par les contraintes naturelles à l’activité
économique a déjà été par des auteurs tels que Thomas Malthus, Stuart Mill ou Karl Marx. Toutefois, cette
préoccupation était totalement absente des politiques économiques ainsi que des stratégies de croissance ou
de développement.
1. La poursuite de la croissance actuelle est-elle possible ?
A la fin des années 1960 et les années 1970, les premiers mouvements écologistes et antinucléaires
dans les pays industrialisés ont permis de prendre conscience des limites de la croissance. Les travaux du
« Club de Rome » à la fin des années 1960 et la publication du rapport Meadows en 1972 marquent un
tournant. Ce rapport (The Limits to Growth, les limites de la croissance en français) rédigé par une équipe
de chercheurs du Massachussets Institut of Techonoly (MIT) analyse les relations entre croissance et environnement en modélisant les interactions entre cinq variables : la population mondiale, la production
agroalimantaire, la dynamique industrielle, les niveaux de pollutionet l’utilisation des ressources naturelles
non renouvelables. La vision pessimiste de ce rapport conduit le Club de Rome a préconisé une « croissance zéro ».
L’ONU organise en 1972 la conférence de Stockholm sur « l’environnement humain » mais cette
conférence va surtout révéler des oppositions, notamment entre le Nord et le Sud. En effet, les pays du tiersmonde mettent en avant la croissance comme objectif principal et s’opposent à une extension des règlementations de protection de l’environnement mises en place par certains pays du Nord. De leur côté, les industriels des pays riches craignent que l’adoption de normes antipollution ne les défavorise dans la compétition internationale. Cette conférence va populariser le terme « écodéveloppement » et débouchera sur la
création du Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE).
A la fin des années 1970 et dans les années 1980, les tensions sur les prix des matières premières et
de nouvelles catastrophes écologiques (Seveso, Bhopal, Tchernobyl, marées noires…) provoquent une large
prise de conscience des limites des modes de production et de consommation établis. L’industrie n’est plus
synonyme de progrès. Par ailleurs, l’environnement va acquérir une dimension planétaire à travers plusieurs problèmes : détérioration de la couche d’ozone, effet de serre, pluies acides, changement climatique.
L’Assemblée générale des Nations Unies crée une nouvelle commission, en 1983, chargée de réfléchir aux relations entre le développement et l’environnement. Cette commission, la Commission mondiale
pour l’environnement et le développement (CMED), présidée par Gro Harlem Brundtland publie en 1987
« Notre avenir à tous ». Les auteurs de ce rapport reconnaissent que les ressources naturelles et les atteintes à l’environnement constituent une contrainte majeure pour la croissance économique, mais ils défendent, à l’inverse du rapport Meadows, une approche conciliant les deux dimensions. Dans ce rapport, on
12
trouve la proposition d’un « développement soutenable » ou « durable », qui « réponde aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs ». Cette définition aborde
donc deux aspects essentiels :
- La répartition des fruits de la croissance puisqu’on affirme la primauté des besoins des plus démunis.
- La prise en compte des besoins des générations futures pour limiter et encadrer notre croissance actuelle.
Le développement durable apparaît donc comme un compromis entre trois contradictions fondamentales :
 Les intérêts des générations actuelles face à ceux des générations futures.
 Les intérêts des pays développés et ceux des pays en développement.
 Les besoins des hommes et ceux de la préservation des écosystèmes.
Le rapport Brundtland demande et obtient l’organisation d’un sommet sur l’environnement et le développement. La conférence des Nations unies sur l’environnement et le développement (Le Sommet de la
Terre) a lieu à Rio de Janeiro, du 3 au 14 juin 1992. C’est le sommet le plus important des Nations unies
(108 chefs d’Etat, 2400 représentants d’ONG, 10000 journalistes…). C’est à Rio que Bush père déclare :
« le mode de vie des américains n’est pas négociable ». Cette conférence débouche sur la Déclaration de
Rio qui permet la signature de deux conventions internationales (La convention sur le changement climatique et la convention sur la diversité biologique) et de deux déclarations, non contraignantes, sur les forêts
et la désertification.
En 1997, le protocole de Kyoto est signé. Les pays industrialisés s’engagent à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre de 5% par rapport à 1990, d’ici à 2012. Trois mécanismes sont prévus, reposant tous les trois sur le marché :
- Le marché des droits à polluer. Cette disposition permet de vendre et d’acheter des droits à émettre
entre pays industrialisés.
- La mise en œuvre conjointe. Cette disposition permet, entre pays développés, de procéder à des investissements visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre en dehors de leur territoire national et de
bénéficier des crédits d’émission obtenus par les réductions ainsi obtenues.
- Le mécanisme de développement propre : un pays développé peut aider un pays pauvre à financer
un projet de développement propre, ce qui lui vaudra un supplément de droits à polluer, alors que le pays
bénéficiaire verra son quota diminuer.
Néanmoins, des désaccords (refus des Etats-Unis de le signer, réticence des pays du Sud, comme la
Chine et l’Inde à s’engager) et de nombreux problèmes restent en suspens pour une mise en œuvre efficace.
Les conférences de Buenos-Aires (novembre 1998), de Bonn (novembre 1999), de La Haye (novembre
2000) et de Marrakech (novembre 2001) vont montrer les difficultés d’une internalisation des externalités
par le marché.
Les réunions préparatoires au Sommet mondial sur le développement durable organisé à Johannesburg en 2002 vont également faire le constat que les progrès sont maigres et les reculs nombreux. Le principal résultat de ce sommet est d’officialiser le blocage mondial sur ces questions, et de faire prendre conscience à un grand nombre de décideurs que le problème est sérieux.
Un problème essentiel demeure : comment imposer les exigences du développement durable aux
pays, aux entreprises, aux consommateurs ? Il n’existe pas, pour le moment, d’autorité mondiale (cf. gouvernance) capable d’imposer les nécessités du développement durable.
2. Que signifie accroître toujours plus le PIB ?
La poursuite de la croissance signifie-t-elle nécessairement une amélioration du bien-être ?
Le PIB représente la valeur de tout ce qui a été produit par les entreprises ou les administrations pu
bliques. Le PIB a donc été crée pour mesurer l’augmentation de la production de biens et de services. Mais
le PIB ne dit rien de l’utilité de ces biens et de ces services : vendre des armes s’ajoutent au PIB comme
vendre des livres. De même, par exemple, l’augmentation de la consommation de tabac contribue à
l’augmentation du PIB pour plusieurs raisons : hausse de la production de tabac, hausse des dépenses de
santé, hausse des dépenses de sécurité sociale…
13
Le PIB ne tient pas compte de l’épuisement des ressources, de la destruction des écosystèmes…
Le PIB ne dit rien sur la qualité de la justice sociale, l’égalité, les droits civiques et politiques, la
qualité de vie de la population (état de santé, niveau d’instruction, qualité des rapports sociaux…).
Le PIB ne rend compte ni le travail bénévole ni le travail domestique.
Des indicateurs ont été mis au point pour donner une autre vision de la richesse. On peut les classer
en deux grandes catégories : des indicateurs sociaux et des indicateurs environnementaux.
Comme nous l’avons vu, le PNUD a développé au cours du temps différents indicateurs : IDH, IPF,
IPH et enfin IDT (indicateur de développement technique). Ce dernier indicateur, élaboré en 2001, rend
compte de la capacité d’un pays à innover, à diffuser les innovations et à élever les compétences humaines
en matière technologique. Il synthétise plusieurs indices : un indice d’innovations technologiques (nombre
de brevets par habitant, redevance et droits de licences payés à l’étranger), un indice de diffusion des technologies récentes (nombre d’ordinateurs reliés à Internet par habitant, importance des exportations de produits à contenu technologique intermédiaire ou élevé dans l’ensemble des exportations), un indice de diffusion des technologies anciennes (nombre de lignes téléphoniques et consommation électrique par habitant),
un indice de compétences humaines (durée moyenne de scolarité de la population de 15 ans et plus, taux
d’accès dans les filières scientifiques et techniques de l’enseignement supérieur). Plus l’IDT est proche de 1
et plus le technologique est élevé et inversement, le rapprochement vers 0 indique un faible niveau de développement technologique (Finlande : IDT=0,744 ; Etats-Unis : IDT=0,733 ;… ; Mozambique :
IDT=0,066).
En France, le Réseau d’alerte sur les inégalités a mis au point en 2002 un indicateur synthétique : le
BIP 40 (BIP : baromètre des inégalités et de la pauvreté). Le nom de cet indicateur est une référence ironique à la fois au PIB et au CAC 40. Cet indicateur utilise 58 indicateurs répartis en 6 catégories :
- Travail et emploi (taux de chômage, précarité,…)
- Revenus (inégalités, consommation…)
- Santé (espérance de vie…)
- Education (diplômes…)
- Logement (part de logements sociaux…)
- Justice (taux de personnes en prison…)
Les indicateurs sont agrégés en une moyenne pondérée donnant un résultat compris entre 0 (bon) et
10 (mauvais).
Marc et Marque-Luisa MIringoff, du Fordham Institute à New York, ont mis au point à la fin des
années 1990 un indicateur de santé sociale composé de 16 variables regroupées en cinq composantes associées à des catégories d’âges :
- Enfants (mortalité infantile, maltraitance des enfants, pauvreté infantile)
- Adolescents (suicide des jeunes, usage de drogues, abandon d’études universitaires, enfants nés de
mères adolescentes).
- Adultes (chômage, salaire hebdomadaire moyen, couverture par l’assurance-maladie)
- Personnes âgées (pauvreté des plus de 65 ans, espérance de vie à 65 ans)
- Tous âges (délits violents, accidents mortels liés à l’alcool, accès à un logement d’un prix abordable, inégalités de revenu familial).
La note finale est comprise entre 0 (mauvais) et 100 (parfait). Pour les Etats-Unis, le résultat montre
une augmentation jusque dans les années 1970 (score de 65 ans), avant une dégradation continue, atteignant la note de 25 au début des années 1990, avant une timide remontée.
Les indicateurs environnementaux sont très nombreux. L’Institut français de l’environnement
(IFEN) en a produit des dizaines mais le seul indicateur agrégé aujourd’hui est l’empreinte écologique.
selon ses inventeurs, William Rees et MathisWackernagel, « l’empreinte écologique est la surface correspondante de terre productive et d’écosystèmes aquatiques nécessaires à produire les ressources utilisées et
à assimiler les déchets produits par une population définie, à un niveau de vie matériel spécifié » (Notre
empreinte technologique, éditions Ecosociété, 1999).
La surface est « bioproductive » si elle peut fournir des ressources telles que la nourriture (végétaux, animaux), les fibres (bois…), les capacités de recyclage nécessaires pour absorber ses déchets (gaz à
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effet de serre…), ainsi qu’un espace pour les infrastructures (routes, villes…). Seul un quart de la surface
de la terre est bioproductif.
Les mesures indiquent que l’empreinte écologique des pays industrialisés ne cesse de croître. Et
comme les capacités bioproductives restent limitées, l’espace restant pour les générations à venir et pour le
tiers-monde a diminué, malgré les progrès de la productivité dans l’usage des richesses naturelles. Combinée à la démographie, cette évolution a réduit l’empreinte écologique disponible par terrien de 8 ha en
1900 à 2 ha aujourd’hui.
Enfin, il faut souligner que la croissance ne s’accompagne ni d’une réduction des inégalités et de la
pauvreté dans le monde, ni d’une amélioration sensible du bien-être. C’est donc la croissance elle-même
qui est en cause et la société doit changer d’objectif.
A travers la notion de décroissance, il s’agit de réduire le poids des activités nuisibles à
l’environnement, de réorienter l’économie vers la qualité plutôt qu de viser la quantité, de partager autrement les gains de productivité et de réduire le temps de travail. Constatant les dégâts environnementaux et
sociaux de la croissance, insatisfaits par le développement durable, les promoteurs de la décroissance proposent un « après-capitalisme » (Boisvert et Vivien, 2005) (cf. extrait d’un article des « Cahiers français »
n°337, Développement et environnement, mars-avril 2007)
II. Accumulation du capital, progrès technique et croissance.
A. Les liens entre investissement et croissance.
1. Rappels sur l’investissement et son financement.
Pour l’économiste, l’investissement est un « détour de production » : au lieu de consommer
directement tout ce qui est produit par l’économie nationale, une partie est consacrée à améliorer les capacités de production. On dépense aujourd’hui pour produire davantage demain. Investir peut consister en
achat de moyens de production supplémentaire, en dépenses de formation du personnel, en dépenses de
logiciels, en dépenses de recherche et développement…
L’économiste donne une vision plus restrictive de l’investissement en le limitant à l’achat de biens
de production. Il s’agit donc des seules dépenses visant à acquérir des biens servant directement et pendant
au moins un an à la production (en comptabilité générale, il s’agit des immobilisations corporelles). Ces
biens forment le capital technique ou capital fixe. Ce capital ne doit pas être confondu avec le capital circulant qui représente les biens intermédiaires (consommations intermédiaires) utilisés au cours du processus
de production et donc ne font pas partie de l’investissement. Le capital fixe comprend essentiellement les
machines, les bâtiments et les terrains.
La comptabilité nationale donne également une vision restrictive de l’investissement. Il est mesuré
par la FBCF (Formation Brute de Capital Fixe). Il s’agit de la somme des investissements réalisés par les
unités résidentes : « La valeur des achats de biens durables utilisés pendant au moins un an dans le processus de production ». Elle comprend essentiellement les investissements matériels (machines, véhicules, bâtiments et équipements divers) et une partie des investissements immatériels (acquisition de logiciels,
œuvres récréatives, littéraires ou artistiques originales et les dépenses de prospection pétrolière et minière).
La FBCF n’inclut donc pas les dépenses de recherche et développement ou en formation du personnel.
La FBCF est dite brute car elle inclut les investissements de renouvellement (dépenses de remplacement des biens d’équipement ou amortissement) ; rappel : FNCF = FBCF – consommations de capital
fixe (amortissement).
15
L’investissement productif prend en compte la FBCF des entreprises.
On mesure l’effort d’investissement d’une entreprise ou d’une branche par le ratio
(taux d’investissement) et l’effort d’investissement de l’économie par le ratio
FBCF
* 100
VAB
FBCF
* 100 (taux
PIB
d’investissement global)
En définitive, les agents économiques disposent, à un moment donné, d’un stock de capital qui lui
permet de produire des biens et des services. L’augmentation de ce stock s’appelle l’investissement et représente un flux.

Les différentes formes de l’investissement.
L’investissement productif peut être décomposé en deux grandes catégories : l’investissement matériel et l’investissement immatériel.

L’investissement matériel.
L’investissement matériel correspond à la création ou à l’acquisition de biens de production durables. On peut distinguer trois formes d’investissement matériel en fonction de l’objectif de l’entreprise
quand elle investit.
 L’investissement de remplacement :
L’entreprise remplace son capital usé ou obsolète. Elle ne fera qu’acheter des biens de production
identiques à ceux qu’elle possédait déjà. Le capital fixe n’augmente donc pas et cet investissement correspond à l’amortissement.
 L’investissement de productivité :
Afin d’améliorer sa productivité, l’entreprise achète de nouvelles machines plus performantes, intégrant du progrès technique. Cet investissement, appelé aussi investissement de modernisation ou de rationalisation, doit permettre de rendre la combinaison productive plus efficace et viser à diminuer les coûts. Il
ne s’agit pas de produire plus mais de produire mieux. Par ailleurs, cet investissement peut se révéler nuisible à l’emploi lorsqu’il s’agit d’une substitution du capital au travail.
 L’investissement de capacité :
L’entreprise cherche à, augmenter son volume de production. Cet investissement ne transforme
donc pas les méthodes de production. Il se produit lorsque le taux d’utilisation des capacités productives est
élevé et que l’équipement existant ne permet plus de satisfaire la demande supplémentaire. Par ailleurs, cet
investissement peut se révéler favorable à l’emploi si l’achat de nouveaux biens de production induit
l’embauche de nouveaux travailleurs.
S’il est facile théoriquement de distinguer ces trois formes d’investissement, c’est beaucoup plus
difficile dans la réalité. Peut-on remplacer une machine obsolète à l’identique ? L’investissement de remplacement est aussi souvent un investissement de productivité.
Ces différentes formes nous permettent aussi de distinguer investissement brut et investissement net.
L’investissement brut est composé de l’ensemble des biens de production acquis ou créés. L’investissement
net correspond uniquement à l’accroissement du capital.

L’investissement immatériel.
Toute dépense destinée à produire des effets pendant plus d’un an et ne se concrétisant pas sous la
forme d’un bien physique constitue un investissement immatériel. Ces investissements comprennent des activités ou des outils technologiques, organisationnels ou commerciaux. On distingue cinq grands types de
dépenses en investissement immatériel : la recherche-développement, l’achat de brevets, la formation,
l’achat de logiciels et les actions commerciales.
16
 Recherche-développement et innovation :
Selon l’OCDE, « la recherche et le développement représente l’ensemble des travaux entrepris
systématiquement dans le but d’accroître la somme des connaissances scientifiques et techniques dont dispose une organisation humaine donnée ainsi que l’utilisation des résultats de ces travaux pour amener au
stade de l’exploitation des nouveaux produits, matériaux, dispositifs, systèmes et procédés ».
Cette définition met en avant trois types d’activité :
- Les travaux de recherche fondamentale.
- La recherche appliquée en entreprise.
- Le développement expérimental.
 Les dépenses de formation :
Ces dépenses sont en rapport avec la progrès technique et permettent aux salariés d’acquérir des
qualifications indispensables à l’utilisation de nouvelles technologies. Il s’agit de formation continue. C’est
donc un accroissement du capital humain, un investissement en gestion des connaissances : le but recherché étant l’amélioration de la valeur du travail. Toutefois, les résultats de cet investissement restent incertains dans la mesure un salarié bénéficiant d’une formation peut quitter, sauf cas exceptionnel, l’entreprise
ayant assuré cette formation.
 Les achats de logiciels :
Les entreprises doivent faire un effort important d’investissement en matériel informatique (investissement matériel) mais aussi en logiciels (investissement immatériel) afin de faire face aux changements
liés aux applications informatiques.
 Les actions commerciales :
Il s’agit notamment des dépenses en publicité et en marketing. Elles permettent à l’entreprise de
renforcer son potentiel commercial grâce à des études de marché, l’anticipation des besoins, des actions de
communication et de promotion, l’implantation commerciale.
Certaines entreprises réalisent également des investissements directs à l’étranger. Cette notion sera
développée dans le chapitre sur la stratégie internationale des firmes.
On peut distinguer les investissements privés des investissements publics. Les investissements publics réalisés par l’Etat et les collectivités locales – routes, ponts, universités, casernes, hôpitaux, infrastructures – ont une logique en général non marchande, fondée sur la seule logique de la rentabilité, ce qui
ne signifie pas qu’ils n’influencent pas la qualité des infrastructures qui conditionnent les performances des
entreprises. Ils ne dépendent pas d’une demande solvable sur un marché, des taux d’intérêt ou des autres
facteurs qui déterminent l’investissement privé, mais des ressources que la collectivité décide de mobiliser
pour répondre à certains besoins.
Les investissements publics peuvent être utilisés pour soutenir une conjoncture économique défaillante. On parle alors de politique contra cyclique. La FBCF des APU représentait en 2002 3,5% du PIB,
soit un sixième environ de l’investissement national.
On peut enfin opposer les investissements induits par la croissance économique c'est-à-dire
l’augmentation du stock de capital nécessaire pour produire davantage et les investissements autonomes
qui résultent de choix des agents en fonction de leur vision de l’avenir.

Les modes de financement de l’investissement.
Le comportement d’investissement des entreprises est très divers et cette diversité est liée à la
structure financière de l’entreprise. Ainsi, une entreprise en difficulté, déjà très endettée, sera moins incité à
investir et préférera même se désendetter – si cela est possible – plutôt que d’investir. Par ailleurs, elle
trouvera moins facilement des fonds pour investir, ou la banque lui proposera des taux d’intérêt très élevés
si elle présente un risque trop important.
17
La structure financière est de plus elle-même influencée par la taille de l’entreprise. Les petites entreprises auront moins de facilité à obtenir un crédit pour investir car elles ont moins de garanties à offrir
aux banques. Par conséquent, le taux de profit et le taux d’endettement sont des variables très importantes
dans la décision d’investir pour ces entreprises. C’est moins le cas pour les grandes entreprises.
Ainsi, la contrainte d’accès au financement peut peser négativement sur l’investissement.
Sa décision d’investissement prise, ses objectifs fixés, l’entreprise se demande comment se procurer
l’argent dont il a besoin pour réaliser son investissement. L’entreprise dispose de différents moyens substituables ou complémentaires pour financer son investissement. Schématiquement, elle peut choisir un financement interne ou un financement externe.
 L’autofinancement ou financement interne.
En comptabilité, l’autofinancement se calcule en ajoutant les bénéfices (après impôts) aux dotations aux amortissements et en soustrayant les dividendes distribués aux actionnaires. Ainsi, plus les bénéfices de l’entreprise et ses amortissements sont élevés, plus les dividendes distribués sont faibles et plus
l’entreprise pourra s’autofinancer.
L’autofinancement dépend donc des capitaux propres existants de l’entreprise, de sa rentabilité, de
son épargne et de ses amortissements.
Le taux d’autofinancement est égal au rapport entre l’épargne brute et la FBCF, multiplié par 100.
Si ce taux est inférieur à 100% alors l’entreprise (le secteur institutionnel, l’Etat) a un besoin de
financement (l’épargne est insuffisante pour financer l’investissement).
Si ce taux est égal à 100% alors l’épargne couvre intégralement l’investissement.
Si ce taux est supérieur à 100% alors l’entreprise (le secteur institutionnel, l’Etat) dispose d’une
capacité de financement (l’épargne est suffisante pour autofinancer l’investissement).
Depuis la fin des années 1990, les capacités d’autofinancement des entreprises ne cessent de se dégrader : leur taux d’autofinancement supérieur à 100% en 1998, se situe en 2006 autour de 60%. Les conditions de financement interne des entreprises se sont donc détériorées, notamment en raison de la baisse
du taux de marge. Néanmoins, on a observé que le taux d’investissement a continué de progresser. On peut
donc en déduire que la diminution de leurs possibilités d’autofinancement n’a pas découragé les entreprises
d’investir, mais que, pour financer leurs investissements, elles se sont tournées vers des capitaux extérieurs.
Remarque : L’interprétation du taux d’autofinancement doit se faire avec prudence. En effet, un taux
d’autofinancement supérieur à 100% peut signifier une bonne santé financière de l’entreprise et / ou la faiblesse de leurs investissements.
 Le financement externe direct ou indirect.
Les entreprises peuvent emprunter ou bien émettre des titres financiers (actions, obligations,…).
Ce financement externe peut être soit indirect ce qui signifie que les entreprises passent par des intermédiaires financiers, les banques par exemple, pour emprunter les capitaux nécessaires, soit direct ce qui signifie que les entreprises s’adressent directement aux marchés financiers.

Le financement indirect ou intermédié : les emprunts bancaires.
L’emprunt bancaire est la solution la plus couramment utilisée par les PME. Les banques peuvent
proposer à l’entreprise plusieurs solutions de financement de leurs investissements, dont les crédits à moyen
terme (de 2 à 7 ans) et les crédits à long terme (de 7 à 20 ans et distribués par les institutions financières
spécialisées comme la Banque de développement des PME et le Crédit foncier).
Dans tous les cas, la banque étudie le risque lié à la durée de l’emprunt et à l’importance de la
somme empruntée, les prévisions de rentabilité de l’investissement, de la situation de l’entreprise,des garanties qui peuvent lui être apportées. Plus le risque est grand et plus le taux d’intérêt sera élevé.
Ce mode de financement possède toutefois quelques inconvénients :
- L’entreprise est sous la dépendance des décisions des banquiers (demande de ga18
ranties, prime de risques, choix des risques…) et des modes d’attribution des crédits (montant, délais
d’acceptation,…)
- Il peut être à l’origine d’un coût élevé de l’investissement en raison d’un taux
d’intérêt élevé, ce qui pèse sur la rentabilité de l’investissement.
- Il peut même s’avérer dangereux pour l’entreprise s’il est mal maîtrisé en raison
du surendettement ou de l’effet boomerang (cf. l’effet de levier)
Si l’emprunt bancaire risque de mettre en danger la rentabilité de l’investissement, l’entreprise peut
se diriger vers un autre type de financement externe : le financement direct sur les marchés financiers.

Le financement direct : le recours aux marchés financiers.
Le financement direct de l’investissement peut s’effectuer de deux manières principales : soit par
augmentation de capital (émission d’actions), soit par emprunt (émission d’obligations).
-
L’émission d’actions : l’augmentation de capital.
Pour financer son investissement, l’entreprise peut accroître son capital en émettant de nouvelles
actions ou en augmentant le nombre de parts sociales. Cette augmentation de capital peut concerner les
actionnaires déjà présents ou de nouveaux actionnaires.
La valeur de l’entreprise, qui influe sur la valeur des actions nouvelles à émettre, est calculée sur la
base de sa capitalisation boursière (prix d’une action * nombre d’actions en circulation).
Les actionnaires perçoivent des dividendes en fonction des résultats de l’entreprise, ou des plusvalues s’ils revendent leurs actions à un cours supérieur (cours du marché) à celui auquel les entreprises
les ont émises (cours d’émission). Les mouvements de vente et de revente d’actions sur le marché secondaire n’affectent pas le financement de l’investissement dans la mesure où l’argent initialement obtenu par
l’entreprise lors de l’émission d’actions n’a pas à être remboursé à qui que soit .
-
L’émission d’obligations : l’accroissement de l’endettement.
L’émission d’obligations correspond pour une entreprise au recours à l’emprunt obligataire. Il
s’agit d’un emprunt à long terme (de huit à dix ans) divisé en parts d’un certain montant qui vont être souscrites par un grand nombre d’épargnants. L’émission d’obligations correspond donc à un endettement à
long terme. Une obligation est un titre de créance alors que l’action est un titre de propriété.
Les détenteurs de ces obligations deviennent donc des créanciers de l’entreprise et les obligations
sont accompagnées de coupons qui représentent le taux d’intérêt de l’emprunt obligataire émis par
l’entreprise. Tous les ans, les obligataires perçoivent des intérêts fixes et définis à l’avance. De plus, à
l’échéance de l’emprunt – déterminée au départ – l’entreprise rembourse les prêteurs d’un montant égal à
la valeur de l’obligation acquise. Enfin, l’obligataire peut revendre ses obligations afin de réaliser des plusvalues.
Les obligations sont de plusieurs natures :
 Les obligations convertibles en actions : l’obligation pourra être remboursée en actions et pas seulement en numéraire (en monnaie).
 Les obligations remboursables en actions : l’obligation est remboursée obligatoirement en actions.
 Les obligations à fenêtre : le remboursement de l’obligation peut être réalisé pendant plusieurs périodes appelées fenêtres et non en totalité à la fin de l’échéance.
 Les obligations à coupon zéro : aucun coupon n’est versé durant la vie de l’obligation, mais ils sont
capitalisés et versés en intégralité à la fin de l’échéance.
Le marché des obligations est le deuxième en termes de volume, après celui des actions. Sur ce
marché interviennent les notions de risque de crédit et de solvabilité, déterminées par les agences de notation de crédit. Plus le risque est grand, plus le rendement devrait être important. Les obligations à rende19
ment très élevé étaient autrefois appelées des « obligations pourries » et sont connues maintenant sous le
nom de d’ « obligations de qualité inférieure ». Les acheter représente un gros risque pour l’épargnant.
-
Les éléments du choix :
L’augmentation de capital évite les remboursements ; les dividendes dépendent des résultats et
des choix de l’entreprise. Mais elle conduit à ouvrir le capital social (de nouveaux actionnaires) ou à en
modifier la répartition (poids des différents actionnaires déjà présents).
Si l’endettement évite ces problèmes, il implique le versement d’intérêts et / ou des remboursements
fixes qui, eux, ne dépendent pas des résultats. Un investissement n’étant pas nécessairement immédiatement
rentable, cette contrainte peut être lourde.
2. l’investissement favorise la croissance à court terme par l’augmentation de la demande de biens et de services.
Investir, c’est acquérir des machines, des bâtiments,… donc l’investissement représente une composante de la demande globale. Ainsi, si l’investissement augmente alors la demande globale augmente : il
faut produire davantage de machines, par exemple, pour répondre à la demande d’investissement des entreprises. Keynes a montré que l’accroissement de l’investissement entraînait un accroissement plus que
proportionnel du revenu national (mécanisme du multiplicateur d’investissement). En effet, la hausse de la
demande induit une hausse de la production qui permet elle-même l’augmentation du revenu, d’où une
augmentation de la demande… Pour Keynes, l’investissement autonome – celui ne dépendant pas des variations de la demande – va engendrer des vagues successives de revenus qui vont se traduire par des dépenses de consommation nouvelles se traduisant elles-mêmes par des augmentations de production, donc de
nouvelles vagues de revenus…
Il faut aussi rappeler que l’effet multiplicateur dépend de la propension à consommer et est plus
élevé en économie fermée qu’en économie ouverte.
Par ailleurs, pour que le processus d’investissement se mette en place, il faut que les capacités de
production ne soient pas pleinement utilisées, sinon il n’y aurait pas de possibilités de répondre à
l’augmentation en biens d’équipements sauf à augmenter les importations ou à réduire la consommation ou
les exportations.
A court terme, l’investissement, parce qu’il est une composante de la demande, peut entraîner de la
croissance, sous certaines conditions. L’investissement joue un grand rôle dans les variations de la demande à court terme. L’investissement augmente ou baisse en fonction des anticipations des agents.
L’investissement est donc instable. Dans les fluctuations conjoncturelles (court terme), la variation de
l’investissement joue un rôle essentiel.
3. L’investissement favorise la croissance à moyen et long terme en augmentant les capacités de production.
Investir, c’est acquérir des moyens de production et donc, une fois l’investissement réalisé,
l’entreprise a augmenté ses capacités de production. Elle peut donc produire plus de biens et de services. A
moyen terme, l’investissement agit sur l’offre. Par ailleurs, l’investissement va permettre de mettre en
œuvre le progrès technique, notamment en permettant de mettre en place de nouveaux procédés de production permettant ainsi l’accroissement de la productivité favorisant la croissance.
4. Le rôle spécifique des investissements publics.
L’investissement public présente certaines spécificités par rapport à l’investissement privé. Ces
spécificités portent sur les domaines concernés et sur l’intérêt général.
 Les domaines :
- Les infrastructures (transports, télécommunications…) utiles à tous.
- La construction de bâtiments nécessaires à la production de services (enseignement, santé…)
20
Ces investissements ne pourraient être assurés par le secteur privé du fait de leur faible rentabilité à court terme, du fait de leur coût (cf. biens collectifs), l’Etat les prend donc en charge. Enfin, ces investissements entraînent des externalités positives importantes.
 La décision d’effectuer tel ou tel investissement relève donc rarement de la rentabilité immédiate.
En général, l’Etat raisonne plutôt en termes d’intérêt général, l’intérêt qui dépasse les intérêts individuels
ou du groupe et ne correspond pas à la somme des intérêts individuels.
Par ailleurs, la décision d’investir entre aussi dans le cadre de la politique conjoncturelle de l’Etat :
en effet, l’Etat peut décider d’utiliser les investissements publics comme instrument pour relancer une croissance faible, politique qui entre dans le cadre d’une politique contracyclique d’inspiration keynésienne.
Toutefois, l’investissement public, qui pourrait avoir un rôle incitateur, déclencheur de
l’investissement privé (il pourrait agir comme une demande) et qui pourrait susciter un effet
d’entraînement, est contraint par la politique budgétaire et l’endettement public. Les critères de Maastricht
limitent à 60% du PIB l’endettement public des pays de la zone euro, or l’endettement est un moyen de financer l’investissement.
B. La décision d’investir.
Il s’agit ici d’examiner les différents déterminants de l’investissement.
1. La nécessité de la rentabilité.
Un des premiers éléments qui peut inciter l’entrepreneur à investir est bien sûr le profit qu’il
pourra tirer de l’investissement : les entrepreneurs investissent si le profit attendu de l’investissement est
supérieur à son coût de financement. Le taux d’intérêt joue un rôle important dans les déterminants de
l’investissement.
 La notion de rentabilité.
D’une manière générale, la rentabilité peut être définie comme le rapport entre un revenu et le capital engagé pour obtenir ce revenu. Schématiquement, on peut distinguer deux types de rentabilité : la rentabilité économique et la rentabilité financière.
 La rentabilité économique :
C’est une mesure de la performance de la mise en œuvre des capitaux indépendamment de leur
mode de financement (capitaux propres de l’entreprise ou capitaux empruntés).
Cette rentabilité peut être mesurée de la manière suivante :
EBE
Capitaux engagés = capitaux propres + capitaux empruntés
R.E. 
Capitaux _ engagés
Rappel : L’excédent brut d’exploitation est le revenu de l’entreprise.
EBE = VAB – (rémunérations des salariés + impôts liés à la production)
On assimile parfois l’EBE à la notion de profit et c’est pourquoi la rentabilité économique est aussi
appelée taux de profit.
La rentabilité économique exprime le point de vue de l’entreprise sur la rentabilité d’un investissement.
 La rentabilité financière :
Elle se mesure par le rapport entre les profits conservés par l’entreprise (profits non distribués) et
les capitaux immobilisés. Plus précisément, la rentabilité financière se mesure ainsi :
EBE  int érêts _ liés _ à _ l ' emprunt
R.F . 
Capitaux _ propres
21
La rentabilité financière exprime le point de vue des propriétaires (actionnaires) sur la rentabilité
de l’entreprise.
Un grand nombre de variables influencent la rentabilité d’un investissement :
- Le coût de l’investissement : plus l’investissement est important, plus celui-ci sera difficilement rentable.
- Le niveau de l’EBE : plus le profit est important, plus la rentabilité attendue est meilleure.
- Le partage de la valeur ajoutée : plus ce partage est favorable à l’EBE, plus l’investissement sera
plus facilement finançable ; mais cela se fera au détriment des salaires, donc de la demande, ce qui
risque de réduire les débouchés futurs.
- Le taux d’intérêt : plus le taux d’intérêt est élevé, moins la rentabilité financière est bonne.
- D’autres variables doivent aussi être prises en compte : l’évolution de la valeur de la monnaie (inflation future), la durée de vie l’investissement (l’obsolescence est plus difficile à prévoir que
l’usure), la vente de la production nécessaire à la réalisation des profits escomptés…
Une fois que l’entrepreneur a mesuré la rentabilité attendue de son investissement, il va le comparer avec le coût de cet investissement (le taux d’intérêt). En d’autres termes, il va comparer les profits escomptés de cet investissement et les coûts de l’investissement (l’investissement ne sera réalisé que si la
somme des profits escomptés est supérieure aux coûts de l’investissement). Il peut même accroître sa rentabilité en faisant jouer l’effet de levier.
 L’endettement peut accroître la rentabilité et faire jouer l’effet de levier.
L’effet de levier indique que tant que le taux d’intérêt est inférieur à la rentabilité économique,
l’entreprise aura intérêt à s’endetter pour investir car la rentabilité de cet investissement sera supérieure à
son coût financier. L’effet de levier correspond donc à l’augmentation de la rentabilité financière de
l’entreprise provoquée par son endettement pour financer son investissement.
L’effet de levier incite donc les entreprises à s’endetter pour s’investir mais cet effet n’est ni systématique, ni infini :
D’une part, cet effet de levier peut se retourner et jouer en défaveur de l’investissement dans le cas
où les taux d’intérêt réels augmentent. On parle alors d’effet massue ou d’effet boomerang. En effet,
l’élévation du taux d’intérêt renchérit le coût financier de l’investissement, ce qui peut entraîner une baisse
de l’investissement puisque le taux d’intérêt devient supérieur à la rentabilité de l’investissement.
D’autre part, l’endettement ne peut pas être illimité, il peut même devenir dangereux et menacer la
pérennité de l’entreprise ; dans ce cas, l’entreprise cherchera à se désendetter.
2. Le rôle de la demande anticipée.
 Une augmentation de la demande anticipée favorise l’investissement.
En période de croissance soutenue, l’entreprise cherche à produire plus et donc à investir si cela
lui semble nécessaire. De plus, à long terme, on observe une hausse du niveau de vie qui s’accompagne
d’une augmentation de la demande mais aussi d’un changement de nature : la demande se diversifie. Les
entreprises doivent donc s’adapter à ces transformations quantitatives et qualitatives de la demande. Ces
adaptations s’effectuent par le biais des investissements.
Keynes introduit la notion de demande effective dans la décision d’investissement. Cette demande
effective est constituée de la demande anticipée des entreprises en termes de biens de consommation (ménages) et de biens de production (entreprises). Dans le cas où l’entrepreneur prévoit une augmentation durable de la demande, il va investir afin d’accroître ses capacités productives. Toutefois, cet investissement
ne s’effectuera que si l’équipement existant est déjà utilisé à près de 100%. La décision d’investissement
dépend donc du taux d’utilisation des capacités productives.
 La demande accélère l’investissement : le principe de l’accélérateur.
Ce principe a été mis en évidence par Albert Aftalion (1909) et John Maurice Clark (1917). Ce
22
principe montre comment les variations de la demande induisent les variations de l’investissement.
Il faut préciser que l’accélérateur repose sur trois hypothèses :
- Le coefficient de capital – rapport entre le capital technique nécessaire à la production et cette
production – est stable au cours du temps et est supérieur à 1.
- Le taux d’utilisation des capacités productives est de 100%. Pour produire plus, il faut donc investir.
- Les entrepreneurs réagissent à l’augmentation de la demande par une augmentation de la pro
duction (et non pas par une augmentation des prix, par exemple)
On peut aussi souligner l’absence de stocks.
Ainsi, pour produire plus, les entreprises doivent disposer d’un capital fixe plus important. Si le
stock de capital varie proportionnellement à la production et à la demande, l’investissement net (augmentation du stock de capital) varie, lui, en fonction de la croissance de la production, et non pas en fonction du
niveau de la production. Les flux supplémentaires d’investissement doivent donc être plus importants que
l’augmentation de la demande de façon à permettre au stock de capital fixe de l’entreprise de s’accroître.
Ainsi, compte tenu du coefficient de capital, si la demande progresse et donc si la production augmente,
cela entraîne un accroissement plus fort de l’investissement.
Le mécanisme de l’accélérateur est donc le suivant :
Toute variation de la demande induit une variation plus que proportionnelle de l’investissement. Si
la demande augmente, l’investissement s’accroîtra plus fortement ; mais à l’inverse, si la demande diminue
ou même ralentit, l’investissement s’effondre ou ralentit fortement.
3. Le rôle des coûts relatifs des facteurs de production.
Lorsqu’elle produit, l’entreprise peut avoir le choix entre plusieurs combinaisons productives :
soit elle utilise relativement plus de capital que de travail ( combinaison productive « capital using » ou
« labor saving »), soit elle utilise relativement plus de travail que de capital (combinaison productive « labor using » ou « capital saving »).
L’entreprise va donc choisir la combinaison productive qui va lui permettre de minimiser les coûts,
et donc de maximiser ses profits. Le coût relatif des facteurs de production influence donc la décision
d’investissement :
Si le coût salarial s’accroît par rapport au coût du capital, l’entreprise a intérêt à investir plutôt
Capital
qu’à embaucher. On substitue donc du capital au travail et l’intensité capitalistique (
) augmente.
Travail
La combinaison productive devient davantage capital using.
Dans le cas inverse, l’entreprise aura intérêt à substituer le capital au travail et donc à ne pas investir.
Nénmoins, cette relation, logique sur le plan théorique, entre coûts relatifs des facteurs de production et niveau d’investissement n’a jamais été vérifiée empiriquement.
Signalons enfin que le coût des facteurs de production joue un rôle dans la localisation de
l’entreprise (cf. les délocalisations).
4. Le rôle des taux d’intérêt.
Le financement d’un investissement peut se faire par un endettement (Un emprunt). Dans ce cas, le
taux d’intérêt représente le coût de financement de l’investissement.
 Le taux d’intérêt influence la décision d’investir par deux mécanismes :
- La profitabilité (a)
- Le choix placement / investissement (b)
(a) Une hausse du taux d’intérêt diminue la profitabilité de l’investissement. Quand le taux
d’intérêt réel est élevé, c'est-à-dire que le prix à payer pour emprunter est élevé, cela renchérit le coût du
financement de l’investissement et diminue donc le profit escompté. Le taux d’intérêt élevé décourage les
investissements. On peut donc définir la profitabilité de la manière suivante :
Profitabilité = taux de profit anticipé (ou taux de rentabilité économique anticipé) – taux d’intérêt
réel
23
Une profitabilité trop faible voire négative ne doit pas inciter à investir. Cependant, dans la réalité,
l’entreprise prendra aussi en compte le long terme et l’état de la concurrence. Si les concurrents investissent alors l’entreprise doit investir sinon elle risque de se trouver pénalisée et de perdre des parts de marché. Ainsi, même si ce n’est pas avantageux à court terme, l’entreprise a intérêt à investir.
(b) Les profits non distribués permettent l’autofinancement et évite de recourir à des financements
externes. Néanmoins, le taux d’intérêt intervient dans le choix des entreprises quant à l’utilisation de leurs
capitaux.
En effet, les entreprises les revenus qu’elles vont obtenir de leurs investissements aux revenus
qu’elles obtiendraient en prêtant leurs capitaux, c'est-à-dire en les plaçant sur les marchés financiers, au
lieu d’investir.
Ainsi, plus le taux d’intérêt réel est élevé, plus l’entreprise est incitée à placer ses capitaux sur le
marché financier plutôt qu’à investir, et inversement. Les entreprises peuvent donc renoncer à des investissements éventuels pour deux raisons essentielles :
- emprunter pour investir coûte cher et diminue les profits escomptés.
- placer ses capitaux rapporte davantage.
5.
Le risque :
La décision d’investir est une décision qui engage l’avenir. En effet, l’entreprise va décider
d’augmenter son stock de capital alors qu’elle ne sait pas encore de quoi demain sera fait. Elle parie donc
qu’elle arrivera à rentabiliser son investissement c'est-à-dire augmenter son profit.
Les facteurs d’incertitude sont nombreux, on peut citer :
 Le problème de l’actualisation des valeurs futures :
Principe : 1 € aujourd’hui n’aura pas le même pouvoir d’achat que 1 € demain.
L’actualisation est une méthode qui permet de calculer la valeur actuelle (présente) d’une somme
future, compte tenu du taux d’actualisation.
Ainsi, pour obtenir la valeur actuelle de l’ensemble des revenus attendus de l’investissement (R), il
suffit d’actualiser chaque revenu ( Rt, revenu du capital à la période t ) avec un taux d’actualisation (taux
d’intérêt r).
R
R1
R2
Rn

 ... 
é
1  r (1  r )
(1  r ) n
On appelle alors Valeur Actuelle Nette (VAN) la différence, pour un taux donné, entre les revenus
actualisés attendus de l’investissement et le coût du projet.
Le Taux Interne de Rentabilité (TRI) de l’investissement est le taux pour lequel la VAN est nulle,
donc le taux égalise le coût actuel du projet et les revenus actualisés escomptés. Keynes appelle le TRI
l’efficacité marginale du capital.
La décision d’investir dépend de la comparaison entre le taux d’intérêt siu le marché des capitaux
(i) et l’efficacité marginale du capital (r) :
- Si r › i alors l’entrepreneur a intérêt à investir. Le projet d’investissement aura une rentabilité supérieure à un placement de même montant sur le marché des capitaux. L’entrepreneur peut même financer
son investissement par un emprunt (coût de l’emprunt ‹ ∑ des profits actualisés)
- Si r ‹ i alors l’entrepreneur doit renoncer à investir. Il est préférable de placer sur le marché des
capitaux.
24
 La demande peut varier de manière imprévisible :
La demande constatée ou anticipée implique la combinaison de facteurs de production pour satisfaire cette demande. Mais l’évolution de la demande est changeante et peut ne pas correspondre à ce qui
était prévu, l’investissement perd alors sa justification.
 Le prix des facteurs de production ou des consommations intermédiaires peuvent varier de manière imprévisible :
La rentabilité dépend du coût des facteurs de production (L, K, CI). Si le prix des biens de production est connu au moment d’investir, il n’en va pas de même pour les autres :
- Le prix de l’énergie peut augmenter brutalement.
- Le coût du travail peut s’accroître à la suite d’un conflit social ou la protection sociale coûte de plus
en plus chère.
L’investissement dépend donc de la capacité de l’entreprise à réaliser des profits et à faire face à
la concurrence pour gagner des parts de marché. La pérennité de l’entreprise donc du « bon » choix de ses
investissements, que ce soit sur le plan de leur volume (leur montant), que ce soit sur le plan de leur nature
(matériel, immatériel, productivité, capacité…)
L’investissement joue donc un rôle important dans la croissance économique à court et moyen
terme.
C. Progrès technique et croissance : la destruction créatrice.
Le progrès technique est en amont de l’investissement et a un rôle important sur les transformations
à long terme de la société. Il est aussi en aval de l’investissement car le progrès technique résulte de certaines dépenses d’investissement.
1. Progrès technique, inventions et innovations :
Le progrès technique est l’ensemble des améliorations apportées aux façons de produire et aux
produits.
Les façons de produire concernent les biens de production mais aussi l’organisation de la production ou de la commercialisation.
Les produits concernent les transformations de produits existants et les créations de produits existants.
Le progrès technique résulte du processus de recherche-développement (RD) allant de la recherche
fondamentale aux différentes innovations dans la production et la consommation. Chacune des étapes nécessitent des investissements.
 la recherche fondamentale est un travail théorique et expérimental réalisé par des scientifiques.
Leurs laboratoires ont besoin de locaux, de matériel, de formation nécessitant d’importants investissements matériels et immatériels, qu’ils faut souvent renouveler. Ces dépenses très lourdes relèvent en
partie de l’intervention publique.
 la recherche appliquée aboutit à des inventions permettant une application industrielle des découvertes.
Des procédés de fabrication sont créés donnant lieu à des brevets.
 Le développement est la troisième phase durant laquelle sont conçus des prototypes permettant la
mise au point de licences d’exploitation.
On vérifie alors la viabilité industrielle et économique de l’invention. Si elle viable alors naissent
des innovations c'est-à-dire l’industrialisation et la commercialisation de l’invention.
La R-D associe donc des scientifiques, des techniciens et des entrepreneurs. Elle permet des innovations de produits (conception, fabrication, vente de nouveaux produits), de procédés (nouveaux modes de
fabrication de produits déjà existants) et de marché (nouvelles modalités de commercialisation)
25
Les dépenses de R-D représentaient environ 1,5% du PIB en 1960. Elles représentent aujourd’hui
de 2,5% à 4% (France : 2,2% en 2001 ; Suède : 4,3% ; Japon : 3,1%)
L’union européenne s’est fixée un objectif de 3% à l’horizon 2010 (Conseil européen de Barcelone
de 2002)
2. L’origine du progrès technique :
On peut distinguer plusieurs origines aux innovations.

Le rôle de l’entrepreneur :
Joseph Schumpeter (1883-1950) a montré le rôle majeur de l’entrepreneur qui, à contre-courant
de la société, va prendre le risque d’innover.
En échange de cette prise de risque, et si l’invention est un succès, l’entrepreneur va réaliser des
profits très au-dessus de ceux réalisés dans les autres entreprises.
En effet, l’innovation va donner à l’innovateur une situation de monopole sur le marché. Ce monopole n’est que temporaire car les autres entreprises vont vouloir imiter l’entreprise innovante, ce qui permettra la diffusion de l’innovation.
On peut souligner que plus une entreprise a un vaste marché, plus elle pourra facilement assumer ce
risque : les coûts de la recherche seront répartis sur davantage de produits (cf économies d’échelle)

La croissance favorise le progrès technique :
On souligne aujourd’hui le caractère endogène du progrès technique c'est-à-dire le fait qu’il est
le produit de la croissance elle-même en même temps qu’il en est à l’origine.
Par ailleurs, la croissance économique donne les moyens de financer un effort de recherche important.
D’autre part, les innovations s’enchaînent les une aux autres, une innovation donne des idées à
d’autres chercheurs, dans d’autres secteurs, pour d’autres produits (cf grappes d’innovations) exemple :
La création de technopole (Sophia Antipolis)

Le rôle décisif de l’État :
- L’État va financer très largement la recherche fondamentale. En effet, celle-ci qui est à
l’origine des inventions, est beaucoup trop coûteuse et aléatoire pour être prise en charge par des laboratoires privés. Cela peut se faire aussi dans des laboratoires privés sur subventions publiques.
- L’État va encourager les entreprises à développer la R-D et, pour cela, leur garantir une
protection contre le pillage de leurs découvertes : c’est le principe des brevets (en France : INPI)
Mais il faut aussi faire face à l’espionnage industriel.
- L’État joue un rôle très important en formant la population, en donnant une solide formation initiale à sa population. L’État contribue à la formation du capital humain favorable au progrès technique et à la croissance.
3. Le progrès technique est un facteur de croissance :
Nous avons vu que le progrès technique se manifeste par la réalisation de gains de productivité.
C’est l’objectif des innovations et notamment des innovations de procédé. Le progrès technique rend donc
les facteurs de production plus efficaces. A quantité de facteurs de production inchangée, il accroît le niveau de production.
Le progrès technique met aussi à la disposition des consommateurs de nouveaux biens et services
susceptibles de relancer la consommation..
26
Par ailleurs, le progrès technique peut aussi être facteur de croissance par le biais de la répartition
des gains de productivité :
- Les gains de productivité vont permettre une hausse des salaires qui peut se répercuter sur
la demande des ménages auprès des entreprises.
- Ils peuvent aussi permettre d’abaisser les coûts de production engendrant la baisse des
prix et la hausse de la demande interne (CF, FBCF) et externe (X), à condition toutefois que la demande de
biens et de services soit suffisamment élastique c'est-à-dire sensible aux variations des prix.
- Ils peuvent se traduire par une hausse des profits ce qui, dans une optique classique, est de
nature à encourager la production (investissement). Mais ces profits peuvent aussi être distribués aux actionnaires. Le pouvoir d’achat des actionnaires va donc progresser ce qui peut favoriser la demande.
- Enfin, les gains de productivité permettent de diminuer la durée du travail. En effet, les
gains de productivité permettent de produire une même quantité en moins de temps. Ainsi, c’est grâce aux
gains de productivité que le temps de travail a pu beaucoup diminuer en France à partir des années 1960,
alors même que les salaires continuaient à augmenter.
Cette diminution du temps de travail n’engendre pas directement de croissance économique mais
elle modifie les modes de vie et peut améliorer le bien-être. C’est donc un effet positif plus sur le développement que sur la croissance.
Mais le partage des gains de productivité est source de conflits. Le choix entre les quatre possibilités
citées précédemment dépend des entreprises mais les entreprises subissent certaines contraintes :
- Si la concurrence par les prix est vive sur le marché, l’entreprise cherche à diminuer ses
prix pour garder sa compétitivité et à refuser des augmentations de salaires.
- Les salariés peuvent être en position de force pour négocier et obtenir qu’une partie des
gains de productivité soit utilisée pour une augmentation des salaires.
4.
Le progrès technique et la transformation des structures économiques : la destruction créatrice.
Schumpeter a montré les bouleversements qu’entraînait à long terme le progrès technique dans les
structures de production. Le mécanisme de la « destruction créatrice » est le suivant : dans les entreprises,
ou les branches, où les gains de productivité sont importants parce qu’il existe de nombreuses innovations,
les profits sont élevés. Ces profits attirent de nouveaux producteurs, la concurrence augmente et les prix
baissent. Les producteurs les moins productifs ne pourront pas supporter cette baisse des prix et cesseront
leurs activités. Cela entraîne des problèmes sociaux mais, sur le long terme, il est nécessaire que les entreprises les moins rentables et/ou fabricant des produits obsolètes disparaissent ; en effet, dans ces entreprises, les facteurs de production sont utilisés moins productivement qu’ils pourraient l’être ailleurs. Il y a
donc gaspillage.
Le progrès technique transforme donc les structures de la production et il y a en permanence un
mouvement de secteurs en déclin et de secteurs en essor. Les transformations structurelles qui résultent de
la destruction créatrice ne sont pas qu’économiques, elles sont aussi sociales.
Le progrès technique imprime un rythme cyclique à la croissance économique : les innovations ne
surviennent pas régulièrement. En général, une innovation majeure donne lieu à une vague d’innovations
(« grappes d’innovations »), puis celles-ci de diffusent et leurs effets finissent par s’épuiser jusqu’à
l’innovation majeure suivante. On observe alors des cycles longs de croissance économique (50 ans environ) : dans une première phase, les innovations soutiennent une croissance rapide, c’est la phase
d’expansion ; mais ensuite les innovations s’épuisent, les entreprises fragiles font faillite car les marges
bénéficiaires ont beaucoup diminué et c’est la phase de récession qui dure tant que les conditions de la reprise, avec des innovations plus importantes ne sont pas réunies.
27
D. Les liens entre les transformations des structures économiques, politiques et
sociales : l’exemple de l’urbanisation.
Tout d’abord, il faut souligner que la croissance bouleverse les structures socioéconomiques :
- déplacement de la population et de la production vers l’industrie et les services. Ainsi la
hausse de la productivité agricole dégage de la main d’œuvre pour l’industrie, puis au XXe siècle pour les
services. La population active agricole est passée en deux siècles d’environ 80% à moins de 5% ; celle de
l’industrie de 5-10% à 30% et celle des services de 10-15% à près de 70%.
- Recul des entreprises individuelles au profit des sociétés, rôle croissant de l’équipement
et de la technique au détriment du travail direct.
- Internationalisation des échanges et de la production depuis l’ère coloniale jusqu’à
l’unification actuelle des marchés avec l’appui des firmes multinationales et des organismes internationaux. Les exportations et la production à l’étranger augmentent plus vite que la production.
- monétarisation et bancarisation de l’économie : l’ensemble des échanges et des revenus
passe par le système bancaire. La monnaie perd sa forme matérielle pour céder la place à des instruments
bancaires (dépôts en comptes…). La finance prend le pas sur l’industrie et le commerce.
- Transformations socioprofessionnelles : naissance et essor des employés, cadres et techniciens, salarisation au détriment des indépendants agriculteurs, artisans et commerçants.
- Mutations sociales et culturelle : urbanisation, laïcisation, installation et crise de la famille nucléaire, baisse de la fécondité, attitude hédoniste face à la consommation, à l’épargne, à la monnaie
et au patrimoine.
- La démocratie et l’institutionnalisation des rapports sociaux mènent à une économie de
marché dirigée. Avec le syndicalisme, les associations, la protection sociale et le suffrage universel,
l’atomisation des débuts cède la place à un partenariat entre les groupes sociaux.
L’urbanisation permet d’illustrer les interactions entre la croissance et les transformations
des structures économiques, sociales et politiques.
L’urbanisation peut se définir comme le mouvement qui fait que la population habite de plus en
plus dans les villes. La population urbaine est, approximativement, celle qui vit dans des agglomérations
rassemblant plus de 2000 personnes. La population rurale est donc celle qui n’est pas urbaine. Il faut donc
distinguer la population rurale de la population agricole : la première est déterminée par son habitat, la
seconde par son activité économique. Ainsi, dans la population rurale, il existe de nombreux ménages non
agricoles.
1. la croissance favorise l’urbanisation.
La croissance économique débute avec la révolution industrielle au XIXe siècle pour les pays anciennement développés. Elle repose sur le développement de branches industrielles (industrie, sidérurgie…). Ces industries concentrent la main d’œuvre sur des lieux précis, des villes préexistantes mais aussi
des lieux complètement nouveaux (près des gisements miniers par exemple) où naissent de nouvelles villes.
Comme la journée de travail est très longue au XIXe siècle, il ne peut être question d’habiter très loin de
son lieu de travail. L’habitat urbain se développe donc très rapidement dans les zones qui s’industrialisent.
2. l’urbanisation engendre des transformations économiques.
De nombreux exemples peuvent illustrer ces transformations. On peut en souligner deux :
- La salarisation croissante de la population active travaillant dans les industries, c'est-àdire dans les villes, va susciter une demande qui n’existait pas auparavant, en rendant « marchandes » des
activités qui ne l’étaient pas auparavant. Ainsi, le fait de travailler hors de son domicile, toute la journée et
toute l’année, rend impossible la confection des tissus et des vêtements dans l’espace domestique. Se développe alors une demande de tissu dans un premier temps, puis de vêtements directement, dans un second
temps, qui va favoriser le développement de la branche textile.
- Le développement des villes, et en particulier, leur extension spatiale, va rendre nécessaire le développement de services collectifs, tels le ramassage des ordures, le développement des réseaux
de distribution d’eau puis d’énergie, les transports collectifs. Ces services, il faut les produire et parfois
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même reconfigurer la ville pour cela (travaux d’Haussmann à Paris, percement de la rue de la République
à Lyon…)
3. L’urbanisation transforme les solidarités anciennes.
L’urbanisation rend possible l’individualisation croissante des comportements : l’individu est loin
du regard de sa famille et de la communauté villageoise qui pesait sur lui. Il va pouvoir s’affranchir de ce
contrôle social pesant. En contrepartie, la solidarité de voisinage, très forte dans les sociétés traditionnelles, s’affaiblit aussi : l’isolement est bien plus grand dans les villes qu’il ne l’était dans les campagnes.
Cela se traduit au XIXe siècle par une misère individuelle très grande dans les villes. A partir du milieu du
XXe siècle, c’est l’Etat-providence qui va peu à peu assumer la prise en charge des risques individuelles et
protéger les individus contre les risques de l’existence (maladie, vieillesse…)
4. L’urbanisation transforme les structures du pouvoir politique.
Le développement des villes a imposé la création de nouvelles entités politiques. On peut en citer
deux :
- les syndicats intercommunaux ou communautés de communes : il s’agit de regroupements
de communes destinés à gérer les problèmes communs (exemple : les problèmes de transport (des personnes, des déchets ou de l’énergie))
- les Régions sont un échelon de décision politique qui a été créé récemment pour rendre
plus efficaces et cohérentes les décisions politiques concernant un espace moins vaste que la nation mais
plus grand que la commune ou le département.
L’urbanisation montre donc que la croissance économique et les transformations structurelles qui
lui sont liées sont interdépendantes. Les liens ne sont pas à sens unique : certes la croissance engendre
l’urbanisation mais l’urbanisation engendre aussi la croissance.
Il faut aussi souligner que l’urbanisation croissante fait apparaître de nombreux problèmes :
- Dans les pays en développement : problèmes d’approvisionnement, de traitement des déchets, de pollution, de qualité de l’habitat, d’infrastructures, de pauvreté urbaine…
- Problèmes de ségrégation sociale dans l’espace de la ville, de l’apparition de ghettos, de
relégation sociale, de cités stigmatisées…
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