plus ancienne version conservée, que l'on date généralement de 1628
. Nous disposions également d'une
édition de 1740 mais nous avons choisi de prendre en compte celle de 1628, en raison naturellement de sa
plus grande ancienneté, mais aussi par méfiance envers les versions ultérieures, qui ont été – en particulier
celles parues au cours du XIXe siècle – enrichies de termes dont l'origine argotique est douteuse.
Avant tout développement sur le contenu, le titre de l'ouvrage lui-même mérite quelques mots d'explication :
le sens que le terme argot avait il y a quatre cents ans doit être précisé. En effet, au XVIIe siècle, argot n'est
pas synonyme de jargon ; le mot désigne l'ensemble des "gueux". La mention d'argot reformé indique donc
qu'il y aurait eu, à cette époque, une sorte de constitution nouvelle de cette confrérie et de réaffectation des
diverses "tâches" de mendicité et de truanderie à des groupes de "gueux" nouvellement constitués, ce qui
est donc l'un des thèmes principaux de l'ouvrage de Chereau. Le Jargon de l'argot reformé apparaît donc
comme le parler propre à une nouvelle organisation du monde de la mendicité et de la truanderie.
L'intégralité de l'ouvrage a été prise en compte. Le glossaire est composé de 216 entrées glosées, ce qui ne
pourrait que difficilement être considéré comme un lexique exhaustif du parler argotique de l'époque (on
peut en effet supposer qu'il était plus fourni). Outre le fait que ce glossaire est succinct, d'autres raisons nous
ont conduite à ne pas exclure de notre étude les synapsies ou les mots composés, notamment le fait que
ceux-ci sont formés soit de termes inconnus aujourd'hui qu'il nous a semblé intéressant d'étudier, soit de
termes ayant survécu sous des formes différentes. Faire des coupures parmi un si faible nombre d'entrées
aurait certainement rendu l'ensemble trop peu étoffé pour être représentatif. En effet, nous considérons éga-
lement que ce recueil doit être étudié dans son intégralité car il nous paraît représentatif, dans ses choix
lexicaux – Chereau a forcément dû en faire –, de ce que devait être le lexique argotique du début du XVIIe
siècle : les thèmes principaux sont la truanderie, la nourriture, la représentation des autorités, civiles, reli-
gieuses et royales.
L'ordre des mots, tels que ceux-ci se présentent dans le tableau synoptique donné en annexe de cette
étude, est alphabétique. Cependant, à l'intérieur de chaque lettre initiale, on remarquera que ce même ordre
alphabétique n'est pas scrupuleusement respecté. Nous avons en effet reproduit l'ordre donné par Sainéan,
lequel est lui-même fidèle à celui imprimé dans l'ouvrage de référence, un ordre alphabétique non strict. Si-
gnalons que les gloses données par Chereau ont été fidèlement recopiées à l'identique, sans changer ni la
forme ou le sens, ni la syntaxe ou l'orthographe.
Sur un total général de 216 entrées dans le glossaire, nous avons retenu ici 82 entrées, unités lexicales ou
synapsies dont l'un des deux éléments, voire les deux, apparaît comme mot complexe construit. Ceci donne
un pourcentage de près de 38 % du nombre total des entrées. Nous avons également pris en considération
des mots présents dans les autres parties de l'ouvrage (dialogues, chansons et descriptions) ; ils sont au
nombre de 15 (également présents en annexe). Nous n'examinerons pas tous ces termes en détail ici ; nous
allons présenter ceux d'entre eux que nous estimons exemplaires des questions que la morphologie peut se
poser au sujet de ce genre de lexique.
Enfin, nous tenons à faire une dernière remarque avant de développer : le lexique populaire ou argotique
pose de très nombreux problèmes d'ordre étymologique. Aussi nous semble-t-il nécessaire, avant toute
étude morphologique de ce lexique, d'établir avec le plus de sûreté possible l'étymologie des termes étudiés.
C'est pour cette raison que la difficulté majeure fut d'opérer un tri parmi les termes de l'ouvrage. En effet,
comment savoir si, pour tel ou tel mot, nous sommes en présence d'un mot complexe, construit ou non, ou
d'un mot simple ? Cette question se pose continûment car le recueil présente un grand nombre de termes
d'étymologie incertaine, sinon inconnue. Toutes ces étymologies n'ont pas encore été éclaircies, et les
termes donnés en annexe comme mots complexes présentant un ou plusieurs affixes, standard ou popu-
laires, le sont donc sous toutes réserves.
Le Jargon de l'Argot reformé est donc un bon terrain d'expérimentation pour la question de la composition
lexicale, puisque, en effet, la tâche la plus ardue consiste à identifier les formants entrant dans la composi-
tion des termes de l'ouvrage. L'investigation est compliquée par le fait que, si plusieurs termes sont bien
identifiés comme étant des emprunts à des langues étrangères ou à des variétés régionales de français ou à
des patois, ou encore des survivances de l'ancien français, il reste difficile de se prononcer avec assurance
"La première édition de cet opuscule est perdue ; celle dont nous venons de citer le titre, est sans date. Les biblio-
graphes la placent généralement vers 1628." (Sainéan 1912:177, 1er vol.).
Nous avons ainsi tenu compte des mises en garde que L. Sainéan adresse au lecteur au fil des deux tomes de son ou-
vrage ; en effet, il a parfois été mis au jour la présence de mots (dans les rééditions du glossaire de Chereau aussi bien
que dans d'autres recueils) qui n'ont jamais existé ni n'ont été, a fortiori, utilisés dans la langue populaire.