Deuxième partie ______ Les Rois-Perdus ______ "Sur le plan

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Deuxième partie
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Les Rois-Perdus
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"Sur le plan successoral, les Capétiens avaient connu une chance inégalée dans
l'histoire dynastique : pendant douze générations ils avaient toujours eu un fils apte à
succéder".
(Duc de Castries - Histoire de France)
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Chapitre premier
La royale origine ?
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La mort soudaine du général Dagobert plongea sa femme Jacquette dans
l'affliction ainsi que ses deux filles. Dans l'affliction, mais aussi dans la gêne car elle
n'avait que quarante deux ans et deux enfants à élever.
Caffarelli, l'aide de camp de Dagobert avait assuré la veuve du général de
son dévouement et promis qu'il ferait l'impossible pour lui faire parvenir ce que son
chef avait laissé dans ses bagages et au château de Cascastel. En fait, des maigres
bagages de campagne, elle ne récupéra pas grand chose si ce n'est sa montre en or
à répétition. Caffarelli vendit, avec l'accord de Madame Dagobert, quelques effets
usagés, ses épaulettes d'or, son épée aussi, tous ces objets trop difficilement
expédiables en Normandie par ces temps troublés.
De plus, la malheureuse veuve se retrouvait seule, loin de son pays
natal, à Saint-Lô, au 13 bis rue Torteron au pied des remparts où, au temps des
guerres de religions les Dagobert et les Myette avaient combattu les troupes
catholiques avec Montgomery dont Catherine de Médicis avait juré la mort parce
qu'il avait tué son mari, Henri II, le roi de France au cours d'un tournoi.
Et puis, avec la mort du général, (l’aî des « Trois Frères Unis ») la
famille Dagobert, celle de Normandie était éteinte : en effet, les deux frères cadets
de son mari étaient disparus eux aussi sans laisser de postérité, Jean-Gilles,
d'abord, le plus jeune, en 1781, celui qui était écuyer, sieur de Boisfontaine et
garde du corps du roi Louis XVI après avoir été capitaine de cavalerie.
Ensuite, Gabriel-Charles Dagobert, écuyer, Sieur de Groucy (on
prononçait Grouchy), en la Chapelle Enjuger le 1er février 1741, sous lieutenant
au régiment de Tournaisis en 1760, lieutenant en 1768, capitaine en second à
Royal-Italien en 1778, capitaine-commandant en 1782 qui obtint la croix de Saint-
Louis, le 24 août 1783 pour vingt trois ans de service dont cinq de guerre. Le 20
juillet 1784, Louis-Philippe-Joseph d'Orléans, prince de sang, duc de Chartres et
d'Etampes, Grand-Maître du Grand-Orient le nommait conservateur des chasses de
Perriers, Gonfreville, Gorges et autres paroisses. Faut-il rappeler qu'autrefois, l'abbé
de Fontenelle, Austrulf, qui avait succédé à Wandon chargé de recevoir Thierry, le
fils du dernier roi mérovingien, avait augmenté les possessions de la maison en
Cotentin particulièrement à Perriers situé à quelques kilomètres de la Chapelle-en-
Juger, berceau de la famille Dagobert depuis des siècles.
Charles de Groucy était d'ailleurs noté "bon officier". Le 1er octobre 1787,
il eut sa pension de retraite fixée à 600 livres. Il est, disait l'année précédente le
comte de Murinais, obligé tous les ans d'aller prendre les eaux ou pour respirer l'air
natal, et l'inspecteur proposait de l'attacher à un des régiments royaux de
Normandie, service moins actif et qui ne l'obligerait pas à se déplacer aussi souvent.
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Cette obligation de se rendre à Spa chaque année prendre les eaux pour
sa santé lui joua un mauvais tour, en 1792, car il fut porté sur la liste des émigrés
et ses biens furent confisqués, dont le manoir de Groucy le général Dagobert, sa
femme et ses filles avaient coutume de passer l'été. Le manoir eut de ce fait à
souffrir des déprédations des révolutionnaires qui brisèrent les armoiries gravées
dans la pierre près de la porte d'entrée principale. Heureusement, la cheminée
renaissance n'eut pas à souffrir du vandalisme de ces extrémistes.
Dans l'impossibilité de rentrer en France sous peine d'être arrêté et peut
être guillotiné, Charles Dagobert, réfugié à Jersey écrivit une lettre au commissaire
et représentant du peuple du département de la Manche lorsqu'il fut débarqué à
Port-bail, le 2 octobre 1793, chassé de Jersey par les autorités :
Le citoyen Gabriel Dagobert (son nom était Gabriel-Charles) de la
municipalité de Saint Ebremont, canton de Canisy, district de Saint-Lô, vous expose
qu'au mois de mai 1792 il fut obligé de demander un passeport pour aller prendre les
eaux de Spa pour rétablir sa santé qui était extrêmement délabrée par plusieurs
maladies qu'il avait essuyées. Les eaux, ayant fait un effet contraire, avaient encore
aggravé son état, l'avaient mis à toute extrémité : ce qui l'avait absolument empêché
de rentrer dans sa patrie au terme des décrets ainsi qu'il est prouvé par le certificat
de médecin ci-joint. En conséquence, l'exposant a été traité comme émigré. Sa santé
s'étant tablie, il est venu à Jersey pour être porté à faire des réclamations ; mais,
toutes communications ayant été interceptées, il n'a pu remplir son objet. Mais hélas !
pour comble de malheur pour l'infortuné exposant, il a été regardé comme un homme
suspect à tous les ci-devants qui sont dans l'île parce que son frère commande
l'armée de la République qui est aux environs du Mont-libre et qu'il a remporté
plusieurs victoires sur les Espagnols. Après lui avoir fait essuyer toutes les
humiliations possibles, ils ont déterminé le commandant à l'envoyer sur les côtes de
la République il a é débarqué le 2 de ce mois sans d'autre espoir qu'en votre
justice et la faveur que les services de son frère peuvent lui faire obtenir. En
considération de ses malheurs, de votre justice et des services de son frère, il vous
demande de lui accorder un passe-port afin qu'il puisse aller joindre son frère ; ce qui
le mettrait à portée par quelque acte de valeur et de courage à bien mériter de la
patrie. L'exposant espère que votre âme généreuse et sensible sera touchée de sa
triste position, qu'elle adoucira ses peines en lui faisant une prompte et satisfaisante
réponse sans laquelle l'exposant se livrerait au plus affreux désespoir en terminant
sa déplorable carrière.
Pour présenter à Cherbourg.
Le 8 octobre l'an deuxième de la liberté de la République française.
Gabriel-Charles Dagobert
Cette lettre est extrêmement importante pour la compréhension des
événements qui suivirent. En effet, selon la 266e liasse de l'inventaire Yver du 30
octobre 1826, déposé aux archives départementales de la Manche, article 11, on
peut lire qu'en l'An XI (1803) l'amnistie fut prononcée en faveur de feu Gabriel
Charles Dagobert "décédé à Portbail le 8 octobre 1793" et qu'en conséquence, il fut
procédé à la mainlevée du séquestre ce qui permit aux héritiers, les deux filles du
général, de recueillir la succession.
A l'article 512 (1824 - 1828), sont déposées les pièces fournies pour
obtenir l'indemnité des biens vendus sur l'émigré Gabriel-Charles Dagobert de
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Groucy, conformément à la loi du milliard des émigrés. Ces biens situés à Saint
Côme du Mont, à Angoville-au-Plain et à Saint Ebremond-de-Bonfossé, et pour
liquidation des droits de M. Mmes Yver et Achard dans la succession de leur oncle,
on peut lire que Charles-Gabriel de Groucy est décédé à "Portbail" en JANVIER
1794. Est joint le certificat médical du dit sieur de Groucy pour justifier son
absence du pays et son séjour à Jersey (An II) - (1826-1828).
Ainsi, le séjour de Charles-Gabriel Dagobert à Jersey est incontestable de
même que son retour sur le continent, le 2 octobre 1793.
Alors, dans quel but Madame Dagobert avait-elle fait établir un certificat
par des habitants de la Chapelle-Enjuger, le 20 prairial An III attestant que son
beau-frère avait fait sa résidence depuis le 12 janvier 1793 au manoir de Groucy ?
Nous citoyens (de la Chapelle Enjuger) soussignés, certifions à tous ceux à
qui il appartiendra, que le nommé Charles-Gabriel Dagobert, natif de la commune de
la Chapelle-Enjuger a fait sa résidence depuis le 12 janvier 1793 (vieux stille) au
manoir de Gruchy où sa belle-sœur, la veuve Dagobert, le norisset caché, crainte de la
percécution de Robezepierre, jusqu'au 10 septembre de la même année il partit
pour la paroisse de Goué où il est mort
Le 20 prairial An III correspondait au 8 juin 1795, jour de la mort de
Louis XVII au Temple et jour le comte de Provence se proclama roi sous le nom
de Louis XVIII. Deux jours après, le 22 prairial, un cret de la Convention rayait
de la liste des émigrés tous ceux qui avaient fui la France après le 31 mai 1793. Ce
n'était bien sûr pas le cas de Charles Dagobert qui était parti à Spa en mai 1792,
soit un an avant. Et puis, il était mort, ses biens vendus "au profit de la Nation" : le
clos Fontenil adjugé en l'an II pour 47.300 F au citoyen Jean Le Bedel la même
année et l'année suivante, situés à Penesme, la Grève d'Angoville, la Grève du
Devant et 22 autres vergers de grèves également vendus.
Ainsi, la veuve du général chercha-t-elle avec une grande logique à
obtenir des preuves qui lui permettraient de rentrer en possession des biens-fonds
de la famille Dagobert, tous les espoirs étant permis pour les Royalistes après la
chute de Robespierre, le 9 thermidor An II (28 juillet 1794). Toutefois, il ne semble
pas qu'elle ait produit cette pièce puisque l'amnistie en faveur de Charles fut
prononcée au vu de la lettre qu'il avait écrite, le 8 octobre 1793. Quant à la
liquidation de l'indemnité sur la loi du milliard des émigrés, seuls les documents
attestant les confiscations et les ventes au profit de la Nation ont été fournies et la
date du décès volontairement erronée pour ne pas faire état de la fameuse lettre du
8 octobre 1794 dans laquelle Charles Dagobert s'engageait à bien mériter de la
patrie par "quelque acte de valeur et de courage" ! Seul, le certificat médical
justifiant son absence et son séjour à Jersey fut donc porté au dossier, en 1824, et
le certificat de complaisance des citoyens de la Chapelle Enjuger ne fut de ce fait
d'aucune utilité.
Il n'empêche que la démarche de Charles était désastreuse pour la
famille Dagobert car cette lettre du 8 octobre fut écrite à une époque le général
Dagobert était gravement mis en cause par Fabre et Gaston dans les Pyrénées
Orientales au point d'être destitué et incarcéré à la prison de l'Abbaye dès son
arrivée à Paris, le 22 novembre, pour se justifier devant le Tribunal Révolutionnaire
des accusations des représentants.
Nous avons vu aussi au cours des précédents chapitres que les Dagobert
de Normandie, fidèles à leurs idéaux étaient devenus francs-maçons à l'exemple de
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Louis-Philippe d'Orléans, premier Grand-Maître du Grand-Orient. D’ailleurs, les
trois frères Dagobert, tous trois officiers avaient fondé à Versailles une loge
militaire: « LES TROIS FRERES UNIS ». Qui était donc ce personnage devenu
Philippe-Egalité, député de la Convention qui vota la mort de Louis XVI ?
à Saint-Cloud, le 13 avril 1747, descendant en ligne directe de
Monsieur, frère de Louis XIV, Louis Philippe Joseph, d'abord duc de Montpensier,
puis de Chartres, devint duc d'Orléans à la mort de son père en 1785. C'était un
des hommes les plus riches de France mais aussi l'un des plus dépensiers, obligé
d'accueillir des boutiques plus ou moins bien famées autour de Palais-Royal, sa
demeure, afin de payer ses dettes. D'une anglophilie qui ressemblait à de
l'anglomanie, joueur, amateur de courses de chevaux et de femmes (de la haute
société jusqu'au bas-fond de la prostitution) ce jouisseur se piquait de politique et
s'intéressa avec légèreté aux idées nouvelles. Il devint ainsi le premier Grand-Maître
de la franc-maçonnerie, puis du Grand Orient.
Lorsque le roi décida de réunir les Etats Généraux, il orienta la rédaction
des cahiers de doléances en faisant diffuser très largement ses "instructions pour les
personnes chargées de ma procuration aux assemblées de bailliages relatives aux
états généraux". Elu par la noblesse de plusieurs bailliages, il se réunit au Tiers
Etat parmi les premiers mais refusa son élection à la présidence par coquetterie
démagogique alors que le 11 juillet la foule parisienne promena triomphalement son
buste et celui de Necker, ses agents distribuant des médailles à son effigie portant
l'inscription "père du peuple". Il reste fortement soupçonné d'avoir fomenté la prise
de la Bastille et préparé la marche sur Versailles, les 5 et 6 octobre 1789. Pourtant,
il niera toujours avoir voulu supplanter Louis XVI sur le trône faisant valoir qu'il ne
venait qu'en cinquième position dans l'ordre successoral : argument bien faible
lorsque l'on a connu l'importance de l'agitation qu'il entretenait et l'importance de
son ambition personnelle.
Invité par la Cour à passer quelque temps en Angleterre après les
événements de la première semaine d'octobre, il revint à Paris en juillet 1790 et se
présentant aux Tuileries, hué par les courtisans, il rompit définitivement avec Louis
XVI. Alors, il siégea à l'extrême-gauche de la Constituante, espérant être nommé
régent peut être roi après l'échec de la fuite de Varennes. Il se montra alors
beaucoup, fit débaptiser le Palais-Royal en Palais d'Orléans et se fit admettre
comme un simple citoyen au club des Jacobins. Il incita les républicains à lancer la
pétition du Champ de Mars. Ses relations avec Danton ne furent pas dépourvues
d'ambiguïté mais il repoussa les avances de Marat qui lui demandait de
subventionner son journal.
Sollicitée par Orléans, le 14 septembre 1792, la Commune de Paris le
baptisa Philippe Egalité puisque, depuis l'abolition des titres de noblesse, il avait
fait valoir qu'il ne pouvait plus porter le sien. Il fut élu par les parisiens député à la
Convention malgré l'opposition de Robespierre et grâce au soutien de Danton et à la
neutralité plutôt bienveillante de Marat. Sans hésiter, il vota la mort du roi, son
cousin, geste qui lui attira la réprobation de tous, y compris Robespierre qui
déclara: Egalité était peut être le seul membre qui pût se récuser.
Pourtant, ce dernier geste de démagogie régicide fut inutile. Il devint
suspect lorsque son fil, le duc de Chartres, futur Louis-Philippe 1er passa aux
Autrichiens en compagnie de Dumouriez, le 5 avril 1793. Arrêté à Marseille, le 6
avril 1793, il fut amené à Paris alors que la Terreur battait son plein, jugé,
condamné à mort et exécuté le 7 novembre 1793. Aucun de ses anciens amis du
Grand-Orient ne levèrent le petit doigt pour essayer de le sauver, son statut de
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