portoricaines, on peut reconnaître deux traits essentiels du modèle, intimement liés l’un et
l’autre.
D’une part, le modèle américain repose sur l’égalité des chances, c’est-à-dire sur le liberté
d’initiative et la compétition entre les individus : « Tout est libre en Amérique », « Libre d’être ce
que tu veux être ». Le modèle politique repose depuis 1787 sur la même Constitution complétée au
fil de temps par 27 amendements qui concourent à assurer le respect des droits et des libertés
individuelles dans cette démocratie libérale. Ensuite, le dynamisme économique américain est
intimement lié au modèle du capitalisme libéral. La propriété privée est un droit sacré. La primauté
de l’initiative individuelle, l’esprit de concurrence et la recherche du profit commandement le
fonctionnement de la vie économique. Personne ne croit à la lutte des classes. Chaque Américain est
en effet persuadé que s’il travaille d’arrache pied et si la chance lui sourit, il gagnera plus d’argent et
deviendra, qui sait, un nouveau Rockfeller.
L’idée liberté est donc intimement liée à celle de la réussite sociale, comme l’exprime la phrase :
« Ici tu es libre et fier », sous-entendu : fier d’avoir réussi. Et dans la société américaine, les riches
offrent le modèle de la réussite sociale : cette réussite est donc synonyme de prospérité matérielle. La
foi dans les vertus du système est confortée par la puissance économique du pays qui entre dans la
société d’abondance après la Seconde Guerre mondiale. La vigoureuse croissance de l’économie
américaine trouve une répercussion dans les paroles de la chanson : « Partout des gratte-ciels en
Amérique ! » « Un boom des industries en Amérique ! ». Le baby boom de l’après guerre se
prolonge ; l’urbanisation s’intensifie, les villes s’étalent : le dynamisme de la civilisation suburbaine
symbolisent la domination des classes moyennes : « On construit de grands appartements ! » ou
« J’aurai un appart’ avec terrasse ! ». L’abondance, le confort marquent la vie quotidienne. La
publicité stimule les achats à crédit, donc les affaires (« Acheter à crédit est si chouette »). Confiants
dans l’avenir, les Américains, impatients de profiter des biens matériels, n’hésitent pas à s’endetter :
« Des Cadillac pour tous en Amérique ! », « J’aurai ma machine à laver ! »
Au total, le modèle américain a de quoi séduire : « La vie est sympa en Amérique ! », elle est même
« formidable » : l’hédonisme est aussi un trait distinctif de la société américaine après 1945.
2. Si ce rêve a de quoi séduire il comporte aussi une face cachée. Les garçons mettent
l’accent sur la pauvreté : acheter mais « à condition de payer ». Plus qu’en Europe, où les
Etats providence développent précocement une politique d’assistance maladie et
chômage, la société américaine compte nombre de laissés pour compte. La société
d’abondance ne concerne donc pas tous les Américains (« Que crois-tu avoir à laver ? »).
L’urbanisation accélérée provoque aussi une grave crise urbaine : les classes moyennes se
réfugiant dans les banlieues, havres de paix au terme de la journée de travail, les vieux
centre-villes se dégradent et les familles pauvres, surreprésentées dans les minorités
raciales, s’y entassent (« à douze dans une pièce en Amérique ! ») : c’est la
« ghettoïsation » qui débouchera sur des affrontements violents dans nombre de grandes
villes américaines dans les années 1960. Enfin, les garçons dénoncent le mythe du
« Melting Pot » : les Etats-Unis ne sont décidément pas une Terre promise puisque la vie
n’est « sympa » que « si tu es Blanc en Amérique » et l’égalité des chances dénoncée
comme une illusion : il vaut mieux « perdre [son] accent » si l’on veut être sûr de
trouver du travail.
3. Les critiques des garçons sont évidemment justifiées, à condition de préciser que malgré
ses revers le modèle américain ne perd cependant pas sa puissance attractive. Cependant,
en dépit de l’abondance, la pauvreté frappe de 30 à 40 millions d’Américains sur une
population de 183 millions en 1960. La surreprésentation des pauvres dans les minorités
raciales est indéniable. Dans le Sud des Etats-Unis, la ségrégation raciale exerce ses