Pneumonie communautaire Pathologie 1. Définition et épidémiologie La pneumonie communautaire est une pneumonie dont l'agent pathogène est acquis en dehors de l'hôpital. Pneumonie communautaire: données épidémiologiques (repris de Delaunois, 1998) Incidence - 2 à 15 cas/1000 personnes/an Taux d'hospitalisation - Varie de 1 à 35% des cas selon les séries, en fonction de l'âge ou de facteurs épidémiologiques, mais aussi de la variabilité des facteurs qui ont décidé l'admission - En moyenne 20 à 25% des cas seraient hospitalisés Mortalité - Cas traités au domicile: 3% - Patients dont la gravité de la pneumonie a nécessité l'hospitalisation: 20% (30% chez les patients plus âgés) 2. Classification et facteurs de risque Lors de la prise en charge d'une pneumonie communautaire il est très important de pouvoir établir le degré de gravité. Les principaux facteurs pronostics péjoratifs sont présentés dans le tableau ci-dessous. Facteurs prognostics péjoratifs (repris de Delaunois, 1998) 1. Facteurs de base (surtout épidémiologiques) - Age: > 60 ans - Présence de comorbidité: pathologie chronique cardiaque et respiratoire (par exemple bronchite chronique, décompensation cardiaque), diabète, insuffisance hépatique ou rénale, alcoolisme, immunodéficience, maladie neurologique - Prise en charge thérapeutique tardive (> 3 jours) - Traitement inapproprié 2. Facteurs cliniques et paracliniques de départ - Tachypnée > 30 respirations / minute TA systolique < 90mmHg ou diastolique < 60mmHg Tachycardie Confusion Possibilité de fausse déglutition Cyanose Abcès métastasiques Epanchement pleural - Leucocytes > 20000 ou < 4000 / ml Albumine basse Urée élevée Anémie < 9g/dl Hémoculture positive Infiltrats multiples ou cavitaires 3. Facteurs de progression - Extension en dépit d'un traitement approprié - Insuffisance respiratoire - Cyanose malgré une oxygénothérapie - Choc septique - Apparition d'une insuffisance rénale Les facteurs épidémiologiques et cliniques ont permis de classer la pneumonie communautaire en 4 sous-groupes. L'étiologie et la prise en charge de la pneumonie varient suivant le sous-groupe auquel le patient est rattaché. Classification de la pneumonie communautaire: sous-groupes 1. Patient ambulant, < 60 ans, sans co-morbidité 2. Patient ambulant, > 60 ans et/ou avec comorbidité 3. Patient devant être hospitalisé 4. Patient hospitalisé aux soins intensifs Parmi les patients atteints de pneumonie, environ 80% des patients sont des patients ambulatoires. Dans les 20% de patients devant être hospitalisés, 1 sur 10 est hospitalisé aux soins intensifs. 3. Etiologie Etiologie des pneumonies communautaires 1. Bactéries (70-80%) - Majoritairement: Streptococcus pneumoniae (lien) - Occasionellement: H. influenzae, Staphy aureus, bacilles Gram (-) , Moraxella catarrhalis 2. Bactéries atypiques (10-20%) - Mycoplasma pneumoniae - Chlamydia pneumoniae - Legionella pneumophila 3. Virus (5-10%) - Virus respiratoire syncytial, parainfluenza, influenza A et B - Essentiellement chez les enfants Les bactéries atypiques et les virus sont communément regroupés sous le nom d'"atypiques". Etiologie de la pneumonie communautaire suivant les sous-groupes Sous-groupe Pathogènes les plus fréquents 1. Patient ambulant, < 60 ans, sans comorbidité - S. pneumoniae - H. influenzae: rare - M. pneumoniae, C. pneumoniae, virus respiratoires: inconnu 2. Patient ambulant, > 60 ans et/ou avec comorbidité - S. pneumoniae, H. influenzae, bacilles aérobies Gram - S. aureus, M. catarrhalis: rare - M. pneumoniae, C. pneumoniae, virus respiratoires: inconnu 3. Patient devant être hospitalisé - S. pneumoniae, H. influenzae, bacilles aérobies Gram - S. aureus, M. catarrhalis: rare - M. pneumoniae, C. pneumoniae, virus respiratoires: inconnu 4. Patient hospitalisé aux soins intensifs - S. pneumoniae, bacilles aérobies Gram - , S. aureus, L. pneumophila, H. Influenzae - M. catarrhalis, M. pneumoniae, C. pneumoniae: rare - Virus respiratoires: inconnu Remarque: entité clinique particulière: pneumonie de fausse déglutition - Cause: aspiration du contenu gastrique et/ou oropharyngé - Principaux pathogènes: bactéries anaérobes (qui colonisent l'oropharynx): Bacteroides spp., Porphyromonas spp., Prevotella melaninogenica, Fusobacterium spp. - Facteurs de risque: âge, patients placés dans des insitutions telles que homes, spécialement ceux ayant un déficit neurologique, alcoolisme,... 4. Physiopathologie Le mode d'acquisition varie suivant le pathogène impliqué. La plupart des infections résultent de l'aspiration d'organismes résidant dans les sécrétions nasopharyngées. L'infection peut également provenir de l'inhalation de particules infectées provenant d'autres patients (infections virales), d'animaux (psittacosis), de l'environnement (légionellose). Les facteurs favorisant le développement d'une infection de type pneumonie sont: infection virale des voies respiratoires supérieures, insuffisance cardiaque, cigarette, bronchopneumopathie chronique obstructive, immunodépression (diabète, insuffisance rénale chronique), alcoolisme, dysphagie, altération de l'état de conscience. 5. Présentation clinique et diagnostic Il n'est pas toujours facile, parmi les infections des voies respiratoires supérieures, de distinguer la pneumonie communautaire d'une bronchite aiguë ou d'une exacerbation de bronchite chronique: les symptômes habituels de fatigue, coryza, fièvre, céphalées, toux productive ou non sont communs aux 3 affections. Seuls les frissons, la douleur thoracique et la dyspnée sont plus fréquents dans la pneumonie. Dans 1 cas sur 4, le patient raconte une histoire d'infection virale des voies respiratoires, survenue la semaine précédente. Dans les autres cas, la pneumonie apparaît brusquement, sans aucun prodrome. Le but des différentes investigations est de: - Confirmer le diagnostic - Déterminer l'étiologie - Evaluer la sévérité - Déterminer l'impact de la maladie sur d'autres pathologies, telles que la bronchopneumopathie chronique obstrucitve, l'insuffisance cardique - Fournir des données à visée épidémiologiques Clés du diagnostic de la pneumonie typique - Début brutal Auscultation précoce de crépitements fins Densification parfaite précoce Douleur pleurale précoce Signes cliniques de la pneumonie Signes cliniques respiratoires - Toux: symptôme inconstant; sèche en début de maladie; productive après 2-3 jours - Douleur pleurale: très précoce; précède ou suit le début de la fièvre; vive, augmentée par les mouvements respiratoires et la toux; le plus souvent ressentie dans la région sous-mammaire ou latéralement à hauteur des mammelons - Tachycardie et tachypnée - Signes physiques: crépitements ("crackles"- signe physique le plus fréquent); consolidation parenchymateuse (matité à la percussion, bruit respiratoire bronchique et egophonie - rare) Signes cliniques non - Fièvre: appraition rapide, souvent accompagnée d'un grand frisson initial; se respiratoires maintient au-delà de 38° en l'absence de traitement - Confusion: en particulier chez les personnes âgées - Occasionellement: nausées ou vomissements - diarrhées - maux de tête - douleurs abdominales Informations paracliniques Formule sanguine - Très forte neutrophilie - Syndrome inflammatoire biologique majeur Radiographie du thorax - Densification homogène (dès le 2e jour) avec un large contact pleural (lien) - Remarque: l'absence de densification parenchymateuse malgré des signes cliniques évidents ne veut pas dire qu'il n'y a pas pneumonie Investigations microbiologiques - Sputum (expectorations): analyse controversée (contamination par des bactéries du tractus respirtoire supérieur, problème si antibiothérapie déjà commencée, risque de faux négatifs,...) - Hémoculture: positive pour S. pneumoniae dans 1 cas sur 4 (si prélèvement dès le début de la maladie) Une fois le diagnostic clinique ou radiographique posé, on peut essayer à travers le tableau clinique de déduire l'organisme pathogène le plus probable: c'est la distinction entre pneumonies "typiques" et "atypiques" (voir tableau ci-dessous). En pratique, il y a un certain recouvrement entre ces deux tableaux cliniques, et la combinaison des éléments "typiques et "atypiques" ne permet pas un diagnostic de certitude. Certains germes, comme le Legionella, donnent souvent un tableau mixte. Symptomatologie et autres données cliniques des pneumonies typiques versus atypiques Pneumonies typiques Pneumonies atypiques - Brutalité des symptômes: frissons, fièvre élevée, douleur pleurale avec expectorations rouillées ou purulentes - Signes cliniques de consolidation et crépitements plus évidents - Radiographe thoracique: montre plus souvent des densifications systématisées - Leucocytose sanguine: souvent plus élevée - Frappent une population plus jeune - Prodromes respiratoires supérieurs ou de type grippaux, toux, myalgies, malaise général, rhinorrhée et fièvre modérée - Frissons rares et examen clinique souvent peu contributif - Radiographie: peut montrer des infiltrats diffus et non systématisés - Leucocytose souvent normale ou presque Il n'existe pas de signes ni de symptômes spécifiques qui permettent de confirmer l'étiologie précise de la pneumonie. Toutefois, certains pathogènes sont plus souvent associés à un tableau clinique particulier. 6. Complications * Epanchement pleural: - initialement peu inflammatoire, pauvre en germes et en globules blancs neutrophiles - peut devenir une véritable collection purulente, très inflammatoire: on parle alors d'"empyème pleural". Il devient nécessaire d'évacuer le pus par des ponctions répétées de la cavité pleurale, ou par la mise en place d'un drain. * Abcès pulmonaire et pneumothorax * Méningite par métastase de germes par voie sanguine