Traduction de l’article : « CDM : myths and misconceptions », Ben Pearson, CDM Watch « MDP: mythes et fausses idées » Un certain nombre de mythes sur le MDP se sont imposés dans le débat sur le MDP et sa mise en œuvre. Comme tous les bons mythes, la facilité avec laquelle ils peuvent être réfutés n’éprouve en rien leur popularité. Ci dessous, voici les 6 mythes les plus largement véhiculés et dommageables sur le MDP. Premier mythe : les Accords de Marrakech définissent l’additionnalité comme une « additionnalité environnementale » Les termes « additionnalité environnementale » ou « émissions additionnelles » n’apparaissent pas dans les Accords de Marrakech. Comme test de l’additionnalité, ils n’ont aucune base légale. Pourtant, les développeurs de projet, et d’autres, continuent à utiliser ces termes dans les documents de projet. L’UE est allée très loin en prétendant que les Accords de Marrakech « réfèrent spécifiquement à des émissions additionnelles » tandis que pour le PCF de la Banque Mondiale, les Accords de Marrakech « énoncent l’additionnalité comme une additionnalité environnementale ». Ces déclarations sont manifestement fausses. Les Accords de Marrakech définissent l’additionnalité ainsi : « Un projet MDP est additionnel si les émissions de gaz à effet de serre anthropiques sont réduites en dessous de ce qui se serait passé en l’absence d’un projet MDP enregistré ». Il n’y a pas de référence spécifique à « des émissions additionnelles » ou à une « additionnalité environnementale ». Des progrès ont été faits dans la déconstruction de ce mythe. Après plusieurs critiques venant du Panel des Méthodologies du MDP et des ONG, le PCF a concédé qu’il n’y a pas de base légale à une « additionnalité environnementale ». Une déclaration publiée sur son site Internet en juin indique que « le PCF reconnaît et accepte que ce terme ne figure pas dans les documents officiels de l’UNFCCC et il n’utilisera plus ce terme dans ses rapports au Conseil Exécutif du MDP ». Espérons que d’autres suivront. Second Mythe : Un MDP d’envergure est un bon MDP La taille du MDP n’a aucune importance. Le nombre actuel des projets et le volume des Réductions d’Emissions Certifiées (REC) généré ne sont pas une norme standard à partir de laquelle le MDP devrait être jugé. La qualité du projet devrait dépendre de son additionnalité, de sa contribution au développement durable et du transfert de technologie opéré dans les pays en développement. Plus généralement, il doit être reconnu que le MDP n’existe pas seul et ne doit pas être évalué isolément. Il doit être évalué sur sa contribution à l’atteinte de l’objectif premier du Protocole de Kyoto, la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Si le MDP inclut des projets non additionnels générant des « crédits bidons », alors, en réalité, il augmente les émissions globales et permet à un pays de l’Annexe I d’éviter de faire de réelles réductions. De ce fait, le MDP manquera à toutes ses promesses. Un nombre important de projets ne compensera pas des règles faibles, comme certains l’ont suggéré. En réalité, si les règles du MDP sont faibles, en particulier pour les règles concernant l’additionnalité, alors, plus un projet MDP sera d’envergure, plus il fera du tort aux efforts internationaux de lutte contre le réchauffement climatique. En fin de compte, le MDP doit être jugé sur la qualité et non sur la quantité. Troisième mythe : Que des projets non additionnels existent n’est pas un problème, la question se réglera avec le temps et l’augmentation du prix du carbone L’opposé est vrai. Le MDP fonctionne, de facto, sur une base jurisprudentielle. Ceci implique qu’autoriser des projets non additionnels créera un précédent, ouvrant la porte à d’autres projets non additionnels. Loin d’être des anomalies, les premiers projets MDP non additionnels donneront inévitablement forme au MDP. L’argument selon lequel le prix du carbone augmentera éventuellement jusqu’à un niveau permettant le développement de projets vraiment additionnels, résolvant ainsi le problème, est extrêmement discutable. Si les règles de l’additionnalité sont faibles, il est plus probable que l’augmentation du prix du carbone entraînera un meilleur prix pour les « crédits carbone bidons » issus de projets MDP non additionnels. De plus, l’entrée sur le marché d’un grand nombre de « crédits bidons » à faible coût n’aura probablement pas pour effet d’augmenter le prix du carbone. Quatrième mythe : des règles de l’additionnalité stricte aboutira à l’absence de projets et les pays en développement rateront une occasion pour des investissements dont ils ont besoin Il existe une tactique alarmiste aussi cynique qu’elle est fausse. Un projet MDP non additionnel est un projet qui se développera quoiqu’il arrive même en l’absence du MDP, qu’il soit enregistré comme projet MDP ou pas. Par conséquent, les bénéfices pour le pays hôte, à savoir transfert de technologie, investissement, accès à l’énergie, création d’emplois, sont tous assurés que le projet soit enregistré comme projet MDP ou pas. Aucun de ces bénéfices n’est accru ou compromis par un enregistrement MDP. L’impact sur le pays hôte d’un projet non additionnel non enregistré est négligeable. Il ne devrait certainement pas être perçu comme un obstacle à des règles de l’additionnalité plus fortes. Cinquième mythe : si les pays en développement insistent pour appliquer des règles plus strictes et un prix plus élevé, alors les acheteurs rejetteront le MDP et se tourneront vers « l’air chaud » pour atteindre leurs objectifs Savoir où et comment se procurer des crédits carbone est une question aussi politique qu’économique. Les pays industrialisés peuvent remplir théoriquement jusqu’à 50% de leurs engagements en achetant de « l’air chaud ». Mais cela peut être très mal perçu par l’opinion publique, particulièrement dans les pays européens. Le MDP est un moyen beaucoup plus crédible pour réduire les frais de mise en œuvre de leurs engagements. Se procurer des crédits issus d’une ferme éolienne en Chine est politiquement beaucoup plus intéressant qu’acheter de l’air chaud d’une usine dilapidée en Ukraine. Les pays du Nord savent également qu’ils ont besoin de garder les pays en développement à bord du Protocole de Kyoto. Le MDP est ce qu’ils ont de plus tangible à offrir. Un boycott, de facto, des projets MDP par les investisseurs des pays de l’Annexe I, en raison des demandes légitimes des pays en développement pour des règles de fonctionnement plus strictes et des prix plus élevés, serait une position difficile à défendre. Ceci sera d’autant plus vrai quand les pays de l’Annexe I demanderont aux pays en développement d’accepter des obligations de réductions pour la seconde période d’engagement. Les pays en développement sont dans une bonne position pour négocier sur le MDP. Ils devraient faire en sorte que cela leur bénéficie et bénéficie au climat. Sixième mythe : les prix des REC sont bas du fait du retrait des Etats Unis de Kyoto Le prix actuel des crédits carbone est antérieur au retrait des Etats Unis. La Banque Mondiale a fixé, en 1999, le prix des crédits issus des projets du PCF à 5 $ par tonne, soit 2 ans avant le retrait des américains. Ce prix a évidemment influencé les néerlandais et influencera inévitablement les autres pays de l’Annexe I. Prétendre que le prix actuel est le résultat des fluctuations du marché, c’est ignorer le fait que la fixation d’un prix est une question politique. Le prix actuel est bas car les acheteurs de l’Annexe I ne veulent pas payer plus. Ils appliquent les règles de manière à atteindre ce prix. Le plus important est de réinterpréter l’additionnalité afin d’autoriser les projets « business as usual ». Si les projets « business as usual sont rendus éligibles alors le prix des crédits peut être maintenu artificiellement bas, il n’est plus obligatoire de démontrer la nécessité pour la réalisation du projet de la « prime carbone ». Si l’additionnalité est appliquée avec efficacité, le prix augmentera à un niveau où la « prime carbone » pourra financer de nouveaux projets. Il est généralement admis que le prix du carbone augmentera, à l’approche de la première période d’engagement quand le Protocole de Kyoto entrera en vigueur. Certains soutiennent que cela permettra la réalisation de projets vraiment additionnels. Mais, si les règles de l’additionnalité sont réécrites afin d’autoriser les projets « business as usual » dans le MDP, alors le marché sera inondé de crédits carbone artificiellement bon marché, ce qui, dans le futur pourrait maintenir des prix bas. Insister sur des règles de l’additionnalité stricte est la seule manière pour les pays en développement de garantir des prix élevés. CDM Watch, juin 2003