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Le manifeste du parti communiste, les
colonies et les peuples des pays dominés
Communication de M.L. Benhassine
PLAN DE L'ARTICLE
I. QUELLES SONT LES RAISONS D’UNE TELLE INTERROGATION ?
II -LE PROBLEME COLONIAL DANS LE MANIFESTE.
III. DISCUSSION DE QUELQUES POINTS DU MANIFESTE ET
PERSPECTIVES.
Au début de l’année 1848, le Manifeste du Parti communiste, élaboré par Marx et
Engels est discuté à Londres par la Ligue Communiste, adopté et publié. C’est un
grand événement historique dont les effets se feront sentir progressivement plus
tard.
L’Idéologie allemande rédigée en 1846, le Manifeste en 1848 et le Capital en 1867
pour le premier livre, 1885 et 1894 pour les deuxième et troisième livres sont les
œuvres qui fixent et synthétisent la pensée de Marx-Engels.
Avec le Manifeste, le marxisme deviendra progressivement le mode de pensée et
d’action de la classe ouvrière, malgré tous les interdits et les obstacles dressés par
les bourgeoisies et les Etats des pays capitalistes et ceux des pays sous-développés.
L’édification d’une société communiste planétaire demeure le grand projet
marxien. Ses contours se dessinent lentement mais sûrement dans et par le
processus de mondialisation en cours et dont les prémisses sont annoncées maintes
fois dans les écrits de Marx - Engels.
Il y a des développements significatifs dans le Manifeste sur l’émergence du
marché mondial et la tendance à l’extension des relations intercontinentales.
Les illusions que l’échec de la révolution de 1848 a révélées, les erreurs
d’appréciation reconnues par Marx-Engels, la Commune de 1871 et les
enseignements qui en ont été tirés ; et de nos jours, les marches forcées des
économies sociales d’Etat pendant ce vingtième siècle, ne sont pas des situations
qui confortent ou confirment les jugements, les prédictions des bourgeoisies
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passées et contemporaines, ou ceux aussi des petites-bourgeoisies de par le monde
sur la non validité du projet social marxien, et dont le Manifeste se trouve être
l’statement la plus condensée.
Les réserves de luttes de classes sont immenses dans notre monde contemporain
dont les différentes parties se sont encore plus rapprochées les unes des autres.
Cette réalité nouvelle devient un moyen gigantesque d’accélération et de
coordination des formes de luttes mondialisées contre le projet néo-libéral qui
appauvrit la plus grande partie de l’humanité travailleuse.
Le mécontentement généralisé et de plus en plus étendu au sein des travailleurs de
la planète et la prise de conscience de plus en plus grande des formes injustes de la
répartition du capital social et de la richesse mondiale, renforcent de plus en plus la
nécessité de l’extension et de l’approfondissement des luttes pour dépasser le
capitalisme.
Il est fort possible, comme l’ont maintes fois écrit Marx et Engels, que ce seront les
classes et les forces sociales des pays les plus développés qui déclencheront le
processus historique long et lent des grandes transformations.
Ces idées pour l’essentiel, constituent la trame principale de la problématique du
Manifeste autour de laquelle s’organise le projet de transformation communiste de
la société.
D’autres événements auxquels font allusion les deux auteurs, bien après le
Manifeste, se sont concrétisés pendant ce siècle. La libération politique des pays
jadis colonisés, leur devenir et leurs orientations de développement[21]. Ce sont
des questions encore non résolues si on quitte le terrain des conjonctures
immédiates ou rapprochées. Mais la question reste posée dans le Manifeste même.
L’histoire, de nos jours, n’a pas non plus donné une réponse.
Ou encore les derniers réajustements des économies sociales d’Etat - caractérisées
un peu trop vite, comme des économies socialistes. Marx et Engels dans leurs écrits
jusqu'à 1848 - puisque c’est la période qui nous intéresse dans cet exposé - ont vu
dans l’étatisation un ensemble de mesures transitoires qui arrêtent le
développement de la propriété privée capitaliste. Y a t - il là des illusions
explicables par la nouveauté de la proposition en ce moment là et qui seront
corrigées plus tard à la lumière des événements de la Commune. ?
Dans le processus d’étatisation, quand cette mesure est entreprise au nom de la
classe ouvrière, il y a une sorte de hiatus politique, un jeu qui très souvent fait
basculer les résultats de la mesure vers les couches sociales qui maintiennent en
leur faveur les avantages de la division intellectuelle du travail au détriment des
classes sociales encore régies par la division manuelle du travail.. - Du moins cette
façon étroite d’approcher ce problème se trouve dans les « Principes du
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Communisme « [22], dont les idées du Programme d’action seront reprises dans le
Manifeste. Engels, dans la préface à l’édition anglaise de 1888 corrige beaucoup
d’affirmations et de positions développées alors dans le Manifeste.
Toutes ces questions demeurent d’une brûlante actualité, même si à un certain
moment, c’est la théorie qui devance la pratique et, à un autre moment de
l’évolution historique, c’est la pratique qui échappe à l’investigation théorique.
C’est donc aussi pour ces raisons que le Manifeste - programme théorique et
pratique de la classe ouvrière mondiale - ne peut pas échapper à des
questionnements multiples suscités par la charge historique dont il est porteur à
travers son message.
La lecture que l’on en fait et les réflexions qui en découlent réagissent toujours au
mouvement des tendances historiques les plus récentes et les plus significatives.
D’où, traiter du Manifeste, de ses relations aux colonies d’une part, et aux peuples
des pays dominés d’autre part, c’est chercher à interroger Marx-Engels dans leur
œuvre, sur la place et les fonctions que cette partie du monde contemporain occupe
dans leur vision théorique et pratique et dans le mouvement historique que leur
projet social implique.
I. QUELLES SONT LES RAISONS D’UNE TELLE
INTERROGATION ?
La lecture du Manifeste, soumise en quelque sorte aux bruits des événements et aux
bouleversements historiques postérieurs aux périodes de vie de Marx et Engels,
conduit à se poser la question sur la place qu’occupent les colonies dans le
nécessaire processus de transformation communiste mondiale analy par ces
auteurs.
Ceci est une première interrogation.
Mais cette interrogation est elle même sous-tendue par des préoccupations qui
relèvent aussi d’une volonté de recherche d’une meilleure compréhension et d’une
approche adéquate du marxisme :
La nécessaire réhabilitation de la pensée de Marx-Engels sur les colonies et sur les
sociétés non européennes peut être un moyen précieux de pénétration approfondie
de cette pensée dans ses différents aspects. C’est par la connaissance et la maîtrise
de cette partie du patrimoine marxien souvent épars, dispersé, difficile d’accès dans
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l’œuvre de ces auteurs, que l’argument souvent avancé par les bourgeoisies des
pays sous-développés sur le caractère étranger du marxisme à ces sociétés, peut être
sérieusement contrecarré et remis en cause.
L’ignorance est une institution dans nos pays. Mais organiser l’ignorance de la
connaissance des sciences académiques en général, et de la science théorique
marxiste en particulier, est sans aucun doute aussi un projet pratique qui vient
occuper, meubler ce vide institutionnel.
Il ne s’agit pas de remettre à jour de vieux débats qui ont eu lieu beaucoup plus
dans plusieurs pays européens, il y a de cela deux ou trois décennies.
Il s’agit pour les marxistes des pays dominés - du moins pour ceux que ne repousse
pas l’effort souvent ingrat de la connaissance théorique - de faire le bilan de la
pensée marxienne sur les colonies et sur le monde non européen, un bilan puisé
directement dans les œuvres de Marx-Engels, sans médiation aucune. Cette pensée
- si limitée qu’on puisse à tort le croire - devrait nous conduire à lui désigner sa
place et ses fonctions dans l’ensemble de l’architecture théorique et pratique du
marxisme .
Une fois la connaissance de cette partie du patrimoine marxien mise à jour,
analysée, débattue et critiquée, la relation organique entre le marxisme et les pays
sous-développés deviendra directe.
Marx et Engels, à travers leurs enseignements multiformes auront acquis droit de
cité dans ces différents continents et pays si leurs idées ne restent pas cloîtrées dans
des cercles étroits.
Au moins pour être fidèle au message marxien du Manifeste.
Il s’établira alors aisément une relation nécessaire entre le spécifique et l’universel,
entre les racines théoriques des rapports économiques et sociaux dans nos sociétés -
si diverses soient elles - et le mouvement général de cette pensée et de son projet
social qui s’adresse à toute l’humanité opprimée.
Un autre point d’ordre méthodologique nous aidera à mettre de l’ordre dans la
matériau que Marx et Engels nous ont légués sur les colonies.
Il est nécessaire de distinguer entre deux approches ou deux optiques dans le
traitement du problème colonial :
- Il y a l’optique de la « métropole », de l’Etat, ou de la bourgeoisie européenne que
l’on trouve exposée par Marx-Engels dans leurs écrits. Il y a aussi la critique de ce
point de vue quand les sources de la documentation le permettaient en cette
période.
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- Il y a l’autre optique, celle de la colonie. Elle est saisissable dans l’analyse
économique et sociale que font ces auteurs des effets de domination du politique,
de l’économique, des institutions du capitalisme étranger sur la colonie. Les effets
de cette domination, à l’exemple de l’Inde sont souvent quantifiés et qualifiés.
-Ces deux optiques ne sont pas toujours présentes dans le me texte. A titre
d’exemple, dans le Manifeste, ce sont des développements où la première optique -
celle qui consiste à saisir le mouvement des colonies dans le capitalisme - semble
dominer ou prendre le dessus. Parfois même, nous constatons l’absence de la
deuxième optique, celle qui consiste à savoir ce que la présence de la colonie dans
le capitalisme peut rapporter à cette même colonie. Il est possible que cela soit dû à
l’insuffisance d’informations.
Nous reviendrons sur ces points à la lumière des textes du Manifeste.
II -LE PROBLEME COLONIAL DANS LE MANIFESTE
-1. Les sources du problème colonial jusqu’à 1848.
Dans cette partie, nous voulons d’abord localiser dans l’œuvre les passages
explicites les auteurs mentionnent les colonies. Celles-ci sont impliquées dans
un mouvement historique plus vaste qui est celui de l’ascension du capitalisme
dans le monde. Mais face à cette ascension, qui en apparence se fait sans obstacles
sous l’égide de la bourgeoisie industrielle , dans les pays que sont l’Angleterre, la
France, plus tard l’Allemagne et l’Amérique, il y a émergence et accroissement
d’une classe sociale nouvelle, de plus en plus consciente de ses propres intérêts, la
classe ouvrière industrielle, le prolétariat.
La vision philosophique du Manifeste avec toutes ses multiples facettes, ainsi que
son programme d’action trouvent leur insertion dans la lutte de ces deux classes
sociales, la bourgeoisie et le prolétariat.
Où et comment Marx et Engels situent-ils les sociétés coloniales ou colonisées dans
ce mouvement mondial ?
D’abord, quelques indications préliminaires. Elles peuvent fournir un éclairage
utile à la question posée.
Le Manifeste est une œuvre qui se situe dans un long parcours s’entrecroisent
une production intellectuelle intense et incessante depuis avant 1842 et une activité
militante de plus en plus soutenue à partir de 1844. Par exemple, en remontant dans
l’œuvre, les indications sur les colonies se trouvent déjà dans les écrits des auteurs
à partir de 1842.
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