Longtemps les promesses de stabilité du verset de la
Genèse que j’ai placé en exergue de mon propos, ont été acceptées
comme vérité d’évidence. Au lendemain du Déluge, un ordre
règne et si le climat est variable, comme les saisons, s’il est
imprévisible même, souvent, dans ses manifestations, cette grande
instabilité s’inscrit dans une permanence de long terme. Des
phénomènes extrêmes, comme la neige, à Rome, un cinq août, au
IVème siècle de notre ère, sous le Pape Libère, ont pu conduire à
la construction d’une basilique dédiée à la Vierge Marie, Sainte
Marie Majeure, mais ils n’ont pas fait douter de la permanence du
climat environnant, avant et après.
Comme l’a écrit l’historien français Emmanuel Le Roy
Ladurie dans son « Histoire du climat depuis l’an mil » (1) : « le
mouvement de longue durée du climat est trop lent, trop
minime, trop marqué par les oscillations plus brèves et de forte
amplitude, trop peu perceptible enfin en cinquante années de vie
consciente, pour que les témoins directs soient capables d’en
élaborer eux-mêmes la synthèse. C’est l’historien et lui seul qui
peut faire toute la lumière, par le recoupement et par la collection
des témoignages ».
Les Indiens Anasazi de l’Arizona et du Nouveau Mexique
précolombien ont-ils eu conscience qu’un changement climatique
était à l’origine de la disparition de leurs terres cultivées (de 230
000 milles carrés en 1250 à 85 0000 milles carrés à la veille de la
conquête espagnole) ? Le coup d’arrêt à la colonisation du
Groenland, le pays vert, par les Vikings au XIIIè siècle a-t-il été
conçu par eux comme la conséquence du « petit âge glaciaire » du
moyen âge ? Rien n’est moins sûr.
Rares sont les manifestations suffisamment claires sur la
durée d’un changement de climat pour les rendre perceptibles à
leurs contemporains.
(1) Histoire du climat depuis l’an mil (première édition 1967 – troisième édition 2003, Flammarion
Paris) Vol II p. 14