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République Française
Laurent Stefanini
Ambassadeur délégué Le 26 avril 2007
à l’environnement
« Comment, quand et pourquoi le problème
du changement climatique est-il apparu ? »
« Tant que la terre durera,
les semailles et les moissons,
le froid et la chaleur, l’été et
l’hiver, le jour et la nuit,
ne cesseront point »
(Genèse 8 ; 22)
Eminence,
Monsieur le Ministre,
Excellences, Messeigneurs,
Mesdames, Messieurs,
Nous allons traiter ces deux jours du changement
climatique et la confiance du Cardinal Martino m’amène, dans
cette partie historique de nos travaux, à être celui qui a la
responsabilité de poser la question fondamentale : depuis quand,
comment et pourquoi avons nous conscience de ce problème
qu’est le changement climatique ?
Cette conscience est récente. Elle date de notre
génération. Chacun d’entre nous peut faire une facile recherche en
se demandant depuis quand il a lui même - grâce aux progrès de la
science et à la mobilisation politique internationale et non pas il
faut bien le reconnaître à l’expérience personnelle conçu ce
changement ou plutôt cette menace de changement. Pour ce qui
me concerne je dirais depuis quinze ans et la réunion du Sommet
de la Terre de Rio de Janeiro, l’année même de l’adoption de la
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Convention cadre des Nations Unies sur les changements
climatiques. D’autres, plus éclairés, diront depuis vingt ou trente
ans, rarement plus.
Le changement climatique ou plus précisément, le
réchauffement global, ce qui ne recouvre pas exactement la
même thématique, sont des sujets de préoccupation très récents.
On comprend que la communauté internationale, inquiète mais
divisée et encore souvent sceptique, n’ait pas trouvé à ce jour une
réponse convaincante pour faire face à une menace gigantesque.
Je m’efforcerai de répondre à trois questions
successivement :
Depuis quand a-t-on pris conscience que le climat
n’était pas immuable ?
Comment la responsabilité des activités humaines
dans le dérèglement climatique est-elle devenue une
évidence ?
Pourquoi les réponses apportées jusqu’à ce jour par
la communauté internationale sont-elles restées
insuffisantes ?
1) Depuis quand a-t-on pris conscience que le climat
n’était pas immuable ?
Je serais tenté de faire une réponse simple : depuis que les
rapports entre l’Homme et la Terre qui le porte se sont
profondément modifiés c’est-à-dire pour être plus précis, depuis
que l’Homme a quitté un univers à la fois familier, borné, local et
aux ressources perçues comme infinies ; depuis que l’explosion
démographique et la multiplication par deux du nombre de nos
congénères en quarante ans est devenue physiquement perceptible
pour chacun d’entre nous ; depuis que l’immensité des temps
géologiques nous a été révélée.
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Longtemps les promesses de stabilité du verset de la
Genèse que j’ai placé en exergue de mon propos, ont été acceptées
comme vérité d’évidence. Au lendemain du Déluge, un ordre
règne et si le climat est variable, comme les saisons, s’il est
imprévisible me, souvent, dans ses manifestations, cette grande
instabilité s’inscrit dans une permanence de long terme. Des
phénomènes extrêmes, comme la neige, à Rome, un cinq août, au
IVème siècle de notre ère, sous le Pape Libère, ont pu conduire à
la construction d’une basilique dédiée à la Vierge Marie, Sainte
Marie Majeure, mais ils n’ont pas fait douter de la permanence du
climat environnant, avant et après.
Comme l’a écrit l’historien français Emmanuel Le Roy
Ladurie dans son « Histoire du climat depuis l’an mil » (1) : « le
mouvement de longue durée du climat est trop lent, trop
minime, trop marqué par les oscillations plus brèves et de forte
amplitude, trop peu perceptible enfin en cinquante années de vie
consciente, pour que les témoins directs soient capables d’en
élaborer eux-mêmes la synthèse. C’est l’historien et lui seul qui
peut faire toute la lumière, par le recoupement et par la collection
des témoignages ».
Les Indiens Anasazi de l’Arizona et du Nouveau Mexique
précolombien ont-ils eu conscience qu’un changement climatique
était à l’origine de la disparition de leurs terres cultivées (de 230
000 milles carrés en 1250 à 85 0000 milles carrés à la veille de la
conquête espagnole) ? Le coup d’arrêt à la colonisation du
Groenland, le pays vert, par les Vikings au XIIIè siècle a-t-il été
conçu par eux comme la conséquence du « petit âge glaciaire » du
moyen âge ? Rien n’est moins sûr.
Rares sont les manifestations suffisamment claires sur la
durée d’un changement de climat pour les rendre perceptibles à
leurs contemporains.
(1) Histoire du climat depuis l’an mil (première édition 1967 troisième édition 2003, Flammarion
Paris) Vol II p. 14
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Un exemple peu connu est donné par l’extension
exceptionnelle et catastrophique pour les villages avoisinants des
glaciers alpins à partir de 1560, pour trois siècles, jusque vers
1850, que nos aïeux ont reconnu, et alors, comme un véritable
changement de climat dans la permanence.
Dieu seul pouvait lutter contre un phénomène devant
lequel l’ingéniosité humaine était sans ressource.
Abattus par un tel coup du sort, c’est donc à ses vicaires
qu’ils s’en remettaient : ce sont des montagnards de Chamonix se
rendant à Aoste le 6 avril 1600 pour conférer avec leurs voisins du
versant oriental du Mont Blanc sur les meilleurs moyens de lutter
contre l’englaciation et s’il était vrai que les valdotains avaient
envoyé une députation à Rome pour « supplier le Saint-Père de
remettre le tout à la main de Dieu » (2) ; C’est Monseigneur
Charles de Sales, coadjuteur de l’évèché de Genève et neveu de
Saint François, conduisant une procession au début de juin 1644
dans les villages « menacés de ruine totale par un grand et
épouvantable glacier poussé du haut de la montagne » (3) .
Le fait est que si nos aïeux étaient inquiets parfois d’un
changement, c’était surtout d’un éventuel refroidissement du
climat, pour de bien compréhensibles raisons. Cette crainte n’a
pas disparue et plus récemment le thème de l’ « hiver nucléaire »
a dominé la fin de la guerre froide et a conduit, en mai 1977, à
l’adoption de la convention sur l’interdiction d’utiliser des
techniques de modification de l’environnement à des fins
militaires ou toutes autres fins hostiles dite convention ENMOD.
Le thème fait encore régulièrement recette comme le succès du
film « The day after tomorrow » montrant New York sous les
glaces le prouve.
(2) Histoire du climat depuis l’an mil – déjà cie - Vol I p. 183
(3) Histoire du climat depuis l’an mil – déjà citée - Vol I p. 221
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Bref, jusqu’à il y a cinquante ans, si chacun savait que le
climat était une fonction du temps et qu’il variait, si certains
comme Aristote ou Montesquieu lui donnait même une part
prépondérante dans le choix par un peuple particulier de son
organisation politique, mocratie ou dictature, monarchie ou
oligarchie, la cadre était immuable.
Entre 1860 et 1960 ces certitudes ont progressivement
volé en éclat. D’abord nous avons appris à remonter dans le
temps. Dans l’ « Annuaire pontifical pour l’année 1844 » (4), la
toute première page est consacrée à l’histoire du monde et établi
que nos aïeux étaient alors dans l’année 7041 de la création du
monde, dans l’année 4801 du Déluge universel, dans l’année 2596
de l’édification de Rome et dans l’année 1844 de l’Incarnation. Il
est intéressant de noter que ce temps court d’un univers né de la
veille s’inscrit assez exactement dans la dizaine de milliers
d’années qui a suivi l’ultime glaciation quaternaire.
Dans le même temps devenait perceptible pour tous
l’explosion démographique qui faisait passer de 1 à 3 puis 6
milliards d’êtres humains la population de la planète et la pression
accrue qu’ils faisaient peser sur des ressources naturelles
longtemps perçues comme inépuisables, l’eau, l’air, les sols, les
autres espèces vivantes végétales ou animales.
Enfin, les progrès des sciences ont permis une mesure
bien plus exacte des phénomènes climatiques et donc de leur
mutation. Si les observations thermométriques en France ou en
Angleterre remontent à la seconde moitié du XVIIème siècle, elles
ne deviennent dignes de foi et surtout systématiques que deux
siècles plus tard. En 1873 est fondée l’Organisation
météorologique mondiale qui encourage la standardisation des
mesures.
(4) « Notizie per l’anno 1844 » (Stamperia Cracas, Roma)
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