NATURE
&
CULTURE
L’homme est un être qui appartient à la nature et s’en sépare en même temps puisqu’il est capable de
revenir sur elle, c’est-à-dire de réfléchir (tant sur la nature en elle-même, que sur lui en tant qu’il appartient à
cette nature.) Il est le seul être naturel à détenir ce pouvoir.
Il se sépare aussi de la nature par sa conduite envers elle puisqu’il la transforme. Cette séparation
engendre deux sentiments contraires : La joie de dominer cette nature et de s’en sentir supérieure ou à contrario
la nostalgie d’une sorte d’unité perdue dans laquelle l’homme fusionnait avec la nature. Ainsi d’un côté on
célèbre la technologie de pointe et l’aube du troisième millénaire, de l’autre on dégage une nostalgie souvent
reprise dans la publicité ou dans les films qui évoquent un retour à la nature ou à tout ce qui est naturel pour
retrouver de nouvelles valeurs : le culte du bio par exemple.
L’homme en effet, est confronté à deux grands ordres, deux grandes réalités qui sont face à nous : la
nature et la culture. On a souvent tendance à les opposer car le premier apparaît comme quelque chose qui est
donné et le second comme quelque chose qui est produit.
I ] ESSAI DE DEFINITION
A LA NATURE
Qu’est ce que la nature ? Que désigne-t-elle ? La définition d’un tel concept est très vaste d’où toute la difficulté
de cette notion surtout si on la confronte à celle de culture.
On peut la distinguer en deux grands ensembles.
1) La nature en général
C’est l’ensemble des choses considéré comme obéissant aux lois générales (en cela Aristote l’oppose au
hasard. Mais ce sens général se spécialise lui-même.
a. L’ensemble créé et le monde visible
La nature peut désigner tout ce que Dieu a créé. Ou, dans une perspective non chrétienne, tout
ce qui existe matériellement et est soumis à une causalité (par opposition à la liberté ou à
l’esprit.) Il s’agit donc du cadre physique, minéral et végétal, bref, tout le milieu qui nous est
donné, et dans lequel l’homme vit.
En tant qu’il s’oppose à l’esprit et à tout ce qui est d’ordre affectif, intellectuel et spirituel, ce
point s’oppose aussi à tout ce qui est surnaturel. On pourrait dire que la nature est ce à quoi
nous sommes habitués.
b. Les principes en eux-mêmes
La nature peut aussi être considérée comme un principe normatif. Les ‘lois de la nature’ étant
considérées comme des lois universelles et non positives. Ainsi elle désigne toutes les lois du
mouvement.
2) La nature d’un être
a. Cause d’un être
De la même façon qu’elle peut être considérée comme l’ensemble des lois universelles, la
nature peut-être entendue comme le principe dirigeant d’un être. En tant que cause, elle
s’oppose à l’art ou à la technique.
b. Essence
Elle peut désigner l’ensemble des caractères qui définissent un être comme conforme à son
espèce. Cf. la nature humaine qui est donc présente en tout homme. Point de vue contestée par
l’ethnologie, la psychologie moderne, le marxisme ou l’existentialisme.
c. Tout ce qui est inné
Inné ou spontané dans une espèce (quasiment par raison héréditaire et biologique.) En cela, la
nature s’oppose à la culture, à la révélation et la grâce.
d. Caractères individuels
Dans un sens plus particulier, la nature désigne les caractères propres d’un individu, qui le
distinguent des autres. Elle est alors synonyme de caractère ou de tempérament.
Dès lors le naturel s’emploiera dans tous les sens du mot nature pour s’opposer à tout ce qui est acquis,
réfléchi, artificiel, humain, divin, révélé, surnaturel, monstrueux, anormal.
Il ne faut pas oublier la racine étymologique : natus = né du verbe naître (Ne faut-il donc pas entendre
l’état dans lequel les hommes naissent ?)
B LA CULTURE
Devenu à peu près synonyme de civilisation, ce terme désigne l’ensemble des traditions, techniques et
institutions qui caractérisent un groupe humain. Ainsi elle apparaît comme quelque chose d’acquis. Elle peut-
être entendue sous plusieurs acceptions :
1) Ensemble des productions humaines
Dès lors celles-ci vont constituer l’univers social de l’homme. La culture désigne alors la partie de ce
milieu que l’homme crée lui-me. Ainsi la culture représente l’ensemble des institutions et des
coutumes, mœurs (bref, tous les modes de penser, les usages fixés par la société, les techniques, les arts,
les religions, la science, etc…) En définitive on peut reconnaître dans la culture l’ensemble des
productions intellectuelles d’une civilisation
2) Culture individuelle
Etant entendu le sens de l’ensemble des savoirs possédés par un individu. Il sera alors dit un « homme
cultivé. » Il s’agit donc de l’ensemble de ses acquisitions intellectuelles, et sa capacité de réflexion sur
ses connaissances.. Ainsi parle-t-on depuis le 19°s. de culture de classe (pour souligner l’héritage
idéologique) ou de culture de masse par exemple.
« Une culture est la configuration des comportements appris et de leurs résultats, dont les éléments composants sont partagés
et transmis par les membres d’une société donnée » (R. Linton, Le fondement culturel et la personnalité.) Il est clair
que par la culture quelle que soit son acception, l’homme se distingue fondamentalement de toutes les autres
espèces naturelles.
II ] BREF PARCOURS HISTORIQUE
A LA NATURE HELLENIQUE
Pour Aristote la nature était avant tout les principes de développement d’un être. Une sorte de force
omniprésente, universelle, une puissance dominante, un pouvoir de croissance immanent à toute réalité
puisque toutes chose et toute réalité procèdent de la nature.
Mais on peut dire que pour beaucoup de philosophes antiques, la nature constitue plus que cela encore :
elle est presque sacrée. Il faut comprendre que longtemps leur philosophie ne considérait que la cause
matérielle des choses, ainsi la nature représentait-elle tout pour eux (d’où cette captivité des 4 éléments, ces
courants de pensée tels les atomistes.)
B DESACRALISATION DE LA NATURE
Avec la philosphie chrétienne, la nature sera perçue comme une création divine. Dès lors la nature
n’avait plus ce caractère directement sacré, mais se rtrouvait être à la disposition de l’homme. L’homme est-il
l’achèvement de la nature ? Si tel est le cas alors la nature a un sens et la culture serait la manifestation de cette
nature qui a conscience de son accomplissement. Ainsi Descartes parle-t-il de l’homme comme le maître et
possesseur de la nature : « Au lieu de cette philosphie spéculative, qu’on enseigne dans les écoles, on en peut trouver une
pratique, par laquelle connaissant la force et les actions du feu, de l’eau, de l’air, des astres, des cieux et de tous les autres
corps qui nous environnent, aussi distinctement que nous connaissons les divers métiers de nos artisans, nous les pourrions
employer en même façon à tous les usages auxquels ils sont propres, et ainsi nous rendre comme maître et possesseurs de la
nature » (Descartes, Discours de la méthode.) L’homme peut-il être maître de la nature ?
Vision très moderne, voire révolutionnaire, Kant désigne la nature comme un simple ensemble de lois.
C LE RETOUR A LA NATURE
C’est Rousseau qui souligne l’opposition entre nature et culture. Il se réfère à la notion de l’état de nature,
cependant il serait faux de croire qu’il le considérait comme une réalité existante. En fait cet état de nature est
pour lui une hypothèse méthodologique : l’homme selon l’état de nature n’a certainement jamais existé (c’est-à-
dire un homme dénué de tout ce que la société pourrait lui fournir et lui apporter.) Cette hypothèse
méthodologique permet de juger de notre pauvre état présent. La nature serait une origine perdue que la société a
mise à distance. Il considère donc cette origine perdue comme un état d’immanence privilégiée, une sorte de
modèle idéal.
Pour Rousseau liberté et maîtrise de la nature ne sont pas liées.
III ] DEBATS : UNE QUESTION DE RAPPORT
Tous les problèmes philosophiques relatifs à cette notion, repose sur la question de la frontière entre nature et
culture.
A INTRODUCTION AUX DEBATS
Il semblerait de prime abord que la nature soit antérieure à la culture. La culture serait-elle donc une
transformation de la nature ? Une seconde nature, en somme ?
La nature étant tout ce qui entoure l’homme et qui n’est pas son œuvre (du brin d’herbe à l’étoile la plus
lointaine), et désignant aussi l’essence, c’est-à-dire l’être profond de tout sujet, il apparaît que la nature soit tout
ce qui subsiste par sa propre force, donc tout ce qui est vivant et originaire.
Y a t’il pour autant opposition radicale entre nature et culture. Car enfin, le simple fait de constater que la nature
fut appréhendée de façon fort différente au cours des siècles montre bien que sa prise de conscience s’est
effectué par l’intermédiaire d’une culture.
B NATURE-CULTURE ET SOCIETE
1) Principes rousseauistes
Rousseau est révolutionnaire puisqu’il nie l’homme comme animal social. Ainsi explique-t-il,
c’est trop facile de présupposer les relations sociales en l’homme : Il faut les expliquer et on se rendra
compte qu’elles ne sont pas si innées. En fait l’homme accède à l’état social par ses seules forces. Il
convient de se demander si ce retour extrémiste vers l’état de nature n’est pas précisément contre nature.
2) Les lois naturelles
Mais la nature est-elle autant absence de règles que l’on voudrait bien le croire ? Serait-elle
inorganisation ? Indifférenciation donc ?
Force est de constater qu’il y a une organisation et un ordre dans la nature, sans quoi ce serait
le chaos permanent : Les saisons et les jours passent ont peut même les calculer (cf. la précision avec
laquelle on a pu prévoir le moment de l’éclipse), les espèces animales illustrent elles-mêmes fort bien
cette régularité de la nature. Dans la nature il n’y a pas d’élan individuel et incontrôlé : ce monde
indépendamment de la volonté humaine est organisée. Cependant la société animale n’est aucunement
comparable à la société humaine, car si la première est rudimentaire la seconde est complexe, elle a une
histoire, elle a une culture. Dès lors le rapport animal/nature n’apparaît pas équivalent au rapport
homme/société.
3) La nature vue par la société
Toute la question est de savoir si la société est un fait naturel. Il faut se pencher sur la naturalité
de la société. Est-ce que l’homme est, comme le disait Aristote, un animal social ?
Il est intéressant de constater qu’aucune société ne veut laisser son corps dans l’état initial. Le
donné biologique disparaît dans les marques d’acculturation. Le fonctionnement du corps est lui-même
modifié par l’environnement culturel : nourriture, comportement familiaux, gestes quotidiens, etc… En
anthropologie et en ethnologie ces différences culturelles sont fort nombreuses et très importantes, aussi
est-ce là un point qui permet aux anthropologues de dire que cette faculté de diversification permet de
distinguer l’homme de l’animal. Une telle conclusion laisse donc entendre que la culture n’est pas le
fruit d’une évolution d’espèces biologiques.
Il est un point que Claude Lévy-Strauss évoqua et qui est depuis repris très fréquemment en
philosophie moderne : c’est le cas de l’inceste. Pour le célèbre anthropologue, cette question illustre
parfaitement un passage de l’état de nature à l’état de culture. En effet cet acte est naturellement banni
de toutes les sociétés, mais les interdits sont modulés différemment selon les cultures.
4) Le danger ethnocentrique
a. L’exclusivisme culturel
La philosophie moderne tient à faire remarquer qu’ici se situe une clé d’interprétation
à la question du racisme ? Ce danger ethnocentrique touche tous les groupes sociaux qui ont eu
une position historique dominante et qui considérait tout ce qui était hors d’elle comme une
société barbare ou sauvage. Uns considération qui horrifie la philosophie moderne pour
laquelle il n’y a pas de société inculte, mais des civilisations différentes.
Ainsi l’ethnocentrisme provient de ce que chaque société a toujours tendu à confondre
« sa » civilisation avec « la » civilisation, ce qui conduirait ainsi à rejeter en dehors de la sphère
de l’humanité tout ce qui relèverait d’une autre civilisation. Ce phénomène ne serait que le
refus, la négation d’admettre la diversité culturelle.
S’il faut admettre qu’il y a une unité de l’espèce humaine, peut-on raisonnablement
affirmer que toute civilisation se vaut ? Peut-on accepter un total relativisme des civilisations ?
Qui pourrait supporter d’entendre que l’esclavage, le travail ou la prostitution des enfants ne
sont que des valeurs culturelles différentes des nôtres, et qu’en tant que telles, très
respectables ?
Le racisme lui-même, ne serait-il qu’un donné culturel, tyranniquement exclu par les valeurs
culturelles des ‘droits de l’homme’ ?
C’est ce qui pousse Sartre et Merleau-Ponty à récuser toute notion de nature humaine pour la
substituer par une sorte d’universalité de la condition humaine. Pour ces philosophes
existentialistes, l’existence précède l’essence. Il n’y a donc pas de définition à priori de
l’homme ni de la nature humaine. L’inné n’existe pas ; seul l’acquis façonne l’humanité. Mais
peut-on, raisonnablement nier l’absence d’une nature humaine ?
b. Le racisme
La philosophie moderne entend expliquer l’idéologie du racisme par une confusion
entre nature et culture. Parce que la notion de nature humaine est confuse, l’idéologie raciste se
fourvoie dans la mesure où elle attribuerait à notre « nature » des goûts, des désirs, etc… qui
relèvent en fait de la culture.
Qu’est-ce qu’une race ? C’est un groupe ayant des caractères biologiques analogues se
transmettant par les lois de l’hérédité. Or l’idéologie raciste, nous explique la philosophie
moderne l’idéologie raciste repose sur ce postulat que la diversité des cultures s’expliquent par
la diversité des natures ! Les différences culturelles s’expliquent par des différences
biologiques et naturelles. Cf. Les théories de A. de Gobineau et d’A. Carrel. Ce dernier va
assez loin en poussant jusqu’au bout cette théorie : la différence des classes sociales s’explique
par des raisons biologiques : les prolétaires et paysans sont tels de par des défauts héréditaires.
Est-ce qu’une telle explication pseudo-scientifique n’aurait pas en fait un fondement
idéologique, dans la mesure où elle justifierait les privilèges des classes dominantes ? C’est
évidemment par l’affirmative que répond la philosophie moderne. Elle surenchérit en
expliquant que si l’infériorité des prolétaires n’était qu’un fait purement culturel, les privilèges
perdraient toutes justifications…
D’où la problématique fondamentale : Est-ce le social qui explique le biologique ou le
contraire ? Le facteur social et culturel l’emporte-t-il sur le facteur racial pour expliquer les
différences d’aptitudes des groupes divers ?
c. Evolutionnisme
Nous pouvons constater qu’au cours des siècles des cultures brillantes ont décliné sans que les
caractères biologiques des peuples en furent modifiés (Ex : l’Egypte ou l’Ethiopie.) Ainsi se
trouve nié le fait de l’évolution biologique de l’homme pour admettre plutôt une évolution
culturelle.
C NATURE/CULTURE ET PERSONNE
1) Quel état de nature pour l’homme ?
Pour revenir à l’idéal de Rousseau, nous pouvons constater que si un animal domestique
s’échappe et retourne dans la nature il va retrouver un comportement instinctif caractéristique de son
espèce, mais pour l’homme une telle situation ne va que l’entraîner dans un état de régression et non pas
un bel état de nature (cf. le cas des enfants sauvages.)
Quand l’homme s’interroge sur la nature comme état originaire, c’est sa propre culture qui est
remise en cause : il essaye de porter un jugement sur cette culture et essaye de découvrir ce qu’était sa
nature 1ère. Il cherche à déterminer sa place et sa vocation essentielle (causes et fins.) C’est une quête de
l’homme par l’homme qui est alors entreprise. Il cherche une unité par delà la multiplicité des
civilisations et des différences individuelles. Les facteurs culturels et naturels ne sont pas isolables
expérimentalement. On comprend que Rousseau n’est considéré son bon sauvage que sous l’angle
méthodologique, car il n’en est pas d’autres.
2) L’homme, fruit de la société ?
Pour Rousseau la culture et le besoin de société naissent de la volonté de l’homme. Pour C.
Lévy-Strauss qui s’avère être un néo-rousseauiste (quoique très critique), le point d’émergence de
l’humanité repose sur l’obligation d’établir des liens de réciprocité, d’échange selon 3 modalités :
parenté, économie, langage. A partir de ce donné de base, la société évolue selon une configuration qui
lui est propre.
Il faut bien reconnaître qu’éducation, instruction et nature jouent sur l’intelligence des
hommes. Mais l’homme en tant qu’être de culture, est-il perfectionné, déformé et dénaturé ? La culture
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