Heaven-Lee Roskam (3114333)
Résumé: Starren, The Second Time. The Acquisition of Temporality in Dutch and French as a second language
La deuxième fois. L’acquisition de la temporalité en néerlandais et français
comme langue seconde
2.1 Relations temporelles: trois paramètres
Le but principal de cette étude est d’analyser la manière dont un adulte, qui ne suit pas de
cours de langue, apprend le concept des relations temporelles, encodé dans la langue cible. De
plus, le cadre d’analyse comparatif et cross-linguistique de la référence temporelle, qu’on
utilise dans cette étude, peut éclairer les concepts sous-jacents de temporalité.
D’abord, il faut qu’on se demande de quelle manière les locuteurs (de niveaux différents)
expriment les notions temporelles. Dans cette étude, on n’exclut aucun des possibilités que
donnent les langues pour marquer la temporalité (temps, aspect, adverbes temporels, référence
implicite, etc.). En plus, on peut s’attendre à ce que les apprenants comparent le système
temporel de leur langue maternelle avec celui de la langue cible. Cela peut poser des
problèmes d’interférence.
On peut se demander si nos idées de temporalité dépendent de la langue que nous parlons. La
relation entre l’expression linguistique et l’impression mentale ne peut pas être directe ou
unique. Pourtant, les grammairiens ont longtemps pris le système de trois temps (passé,
présent, futur) comme base, mais ce système ne fonctionne pas pour toutes les langues. Il y a
par exemple des langues sans marqueurs temporels sur le verbe (p.e. le chinois) ou des
langues sans aspect (p.e. le néerlandais). Est-ce que les locuteurs de ces langues ont un autre
concept de temps et comment marquent-ils la temporalité ?
Un autre but de cette étude, c’est de décrire l’interaction entre les moyens pragmatiques,
lexicaux et morphosyntaxiques dans l’acquisition d’une langue seconde (L2). Pour pouvoir
faire tout cela, on a besoin d’un concept de base de temps.
Le concept de temps qu’on utilise dans cette étude est la Basic Time Structure (BTS) de
Klein, qui est basé sur l’approche de temps à trois paramètres de Paul. Sa définition de temps,
d’aspect et des caractéristiques temporelles inhérentes d’intervalles temporels, est utile pour la
comparaison de différents systèmes temporels et différentes variantes d’apprentissage. Le
système fonctionne pour les relations déictiques et anaphoriques entre les intervalles
temporels, ainsi que pour ‘Aktionsart’ (caractère de l’action). Pour cette étude, on n’utilise
qu’une version minimal de BTS, qui définit les notions de temps et aspect grammatical.
Les apprenants d’une langue seconde n’ont pas toujours besoin de morphologie verbale, pour
raconter des histoires compliquées. Ils utilisent, par exemple, des termes lexicaux, des
descriptions calendériques, référence déictique, discours direct, l’anaphorique ‘puis’ et une
organisation spécifique du discours, pour marquer la temporalité. Souvent, les apprenants
n’utilisent (au début du procès d’apprentissage) même pas de verbes. Grâce à la BTS, les
différents systèmes d’apprentissage individuels deviennent comparables, parce que le système
de Klein n’est pas basé sur l’inflexion verbal, mais la comparaison est basée sur les catégories
sémantiques (passé, présent, futur, (im)perfectivité, durativité et ponctualité).
2.1.1 Pourquoi pas le système de Reichenbach ?
On utilise souvent le système de Reichenbach, mais ce système pose les problèmes suivants:
1) Le système de Reichenbach est un système de points temporels. Il ne parle pas
d’intervalles temporels qui peuvent s’inclure, bien que cette vision soit nécessaire pour
pouvoir expliquer les différences entre l’imperfectif et le perfectif.
2) Quand on exprime une relation temporelle, il y a toujours une asymétrie entre les deux
intervalles temporels. On a un relatum qui est donné et un thème, relié au relatum. E
(événement) est le thème et on a besoin de temps pour pouvoir localiser E dans le
passé, présent ou futur. D’après Klein, le système de Reichenbach ne peut pas être
correct, parce que l’intervalle temporel localisé dans le temps, n’est pas le temps de la
situation (E), mais c’est le temps pour lequel on a fait une assertion.
3) La définition que Reichenbach donne pour le point de référence (R) est assez vague et
multi-interprétable. Pourtant, Reichenbach n’a pas tenu compte du fait qu’un adverbe
temporel peut spécifier un intervalle temporel, autre que R. Il peut par exemple
spécifier le temps de la situation (E) dans un énoncé. Pour Reichenbach le temps
d’adverbes est toujours le temps de R. Il ne montre pas qu’un adverbe peut renvoyer
aux différents temps, dans la même phrase. Comparez les phrases anglaises suivantes:
- I shall go tomorrow (R dans le futur)
- He knew that he was going tomorrow (R dans le passé)
R n’est pas indiqué par l’adverbe. R est supposé et pourrait venir du contexte.
D’après Comrie (1981), le système de Reichenbach est trop riche. Au lieu de traiter le futur
perfect de la manière S-E-R, S,R-E et S,E-R, Comrie propose de ne faire qu’une distinction
entre E et R, et R et S. La solution de Klein pour ces problèmes est qu’il veut trouver une
définition précise de R et il sépare les relations temporelles et aspectuelles (par l’identification
des rôles différents de R-S et R-E).
2.1.2 La BTS de Klein
Dans le système de Klein on utilise trois termes importants: topic time (TT), time of utterance
(TU) et time of situation (Tsit). Le TT est le temps dont on parle (pour lequel on fait une
assertion), le TU est le temps d’énonciation et le Tsit est le temps de la situation (temps de E),
associé avec la partie infinie de la phrase/du verbe. On peut résumer la BTS comme suite:
1. Les éléments de la structure temporelle sont des intervalles temporels, non pas des
points temporels.
2. Il y a deux types de relations entre les intervalles temporels:
a) relations d’ordre, comme t1 > t2 ou t1 < t2
b) relations topologiques, comme t1 est inclus dans t2 (t1 t2), t1 recouvre t2
(t1 0 t2), etc. Ils ont le même subinterval.
3. Temps est la relation temporelle entre TT et TU.
4. Aspect est la relation temporelle entre TT et Tsit.
On appelle ces relations temporelles des propriétés temporelles externes. Ils peuvent être
exprimé par la morphologie temporelle/aspectuelle et par les adverbes temporels positionnels.
Il faut les distinguer des propriétés temporelles internes ( aspect lexical). En faisant cette
distinction, on évite l’ambiguïté du terme aspect (lexical ou grammatical).
2.1.3 Temps et aspect: relations temporelles externes
Comme on a déjà vu, temps est la relation entre TT et TU, et non pas entre Tsit et TU.
Exemple: Hier, Jean était malade.
Cette phrase ne dit rien sur la santé de Jean au moment d’énonciation, alors il n’y a pas de
relation entre le Tsit Jean est malade (E) et le TU (maintenant). L’assertion que cette phrase
fait est une assertion pour l’intervalle temporel hier.
En contraste avec les notions traditionnelles, temps est donc défini, par Klein, comme la
relation entre le moment d’énonciation et le temps dont on parle, et non pas le temps
d’événement. De plus, Klein dit que dans les langues indo-européennes, temps est souvent
marqué par l’inflexion (passé, présent, futur) du verbe, qui dépende de la relation entre TU et
TT:
Il nage
présent
TT = TU
Il nageait
passé
TT < TU
Il nagera
futur
TT > TU
Chez les apprenants débutants ou fossilisés, on ne voit pas les marqueurs temporels du verbe,
comme ci-dessus. Le verbe est souvent totalement absent. De plus, il y a des langues sans
temps (tense). Dans le système de Klein, la relation entre TU et TT est une relation temporelle
qui est si abstrait, qu’on peut toujours analyser la relation fonctionnelle entre TU et TT,
n’importe de quelle manière le temps est marqué dans la variante de langue de l’apprenant.
Aspect
L’aspect peut être décrit comme la relation entre TT et Tsit. Il est important de savoir que la
manière dont les relations temporelles et aspectuelles sont encodées, dépend de la langue.
Pour illustrer comment l’aspect est expliqué dans la théorie de Klein, on peut utiliser des
exemples de l’anglais:
He is walking now
TT est inclus dans Tsit
Imperfectif
He walks
TT inclut Tsit
Perfectif
He has walked
TT > Tsit
Perfect
He is going to walk
TT < Tsit
Prospectif
Dans le premier exemple, TT est inclus dans Tsit. C’est pour cette raison qu’on dit souvent,
qu’on ne voit pas de limites, quand on utilise l’imperfectif. Il y a aussi des langues qui n’ont
(presque) pas d’aspect, comme l’allemand. Dans ces langues, la distinction entre perfectivité
et imperfectivité vient des caractéristiques temporelles inhérentes du sens du verbe.
2.1.4 Le point de vue aspectuel comme l’objectif d’une caméra
On peut expliquer la relation entre TT et Tsit, en les comparant avec l’objectif d’une caméra.
Le TT est la caméra, qui peut filmer et faire un zoom sur un moment spécifique. Si la caméra
filme une partie de l’événement (une partie de Tsit), on parle d’imperfectivité. Si la caméra
filme tout le Tsit (du début jusqu’à la fin), on parle de perfectivité.
Pour pouvoir mieux expliquer cela, on utilise une petite histoire anglaise:
a. What did you notice when you entered the room?
b. A man was lying on the floor. Intervalle 1
c. He was Chinese or Japanese
d. He did not move
e. A woman was beding over him
f. She was taking a purse from his pocket
g. She turned to me
---------------------------------------------------------------------------------------------
h. She said: Intervalle 2
i. They have gone
La caméra commence à filmer au moment a, disons que c’est hier, à trois heures (= TT). Tsit
(le moment de l’entrée) est inclus dans TT. Quelques événements/états de l’intervalle 1 sont
a-temporels, ils ne changent jamais (phrase c) et il y a des choses qui ne sont pas a-
temporelles, mais qui étaient déjà comme ça avant l’entrée et qui peuvent rester comme ça
(phrase b). On ne peut pas voir les limites et pour cette raison on peut dire que ces événements
ne se suivent pas, mais ils se recouvrent temporellement l’un l’autre. La caméra TT peut
filmer plusieurs choses, en même temps.
Phrase g, par contre, doit suivre le fait que la femme se tourne vers l’autre personne. La limite
à droite de la phrase g est assertée dans le TT ( [---]) et le Tsit ‘dire qc’ commence après
la limite droite de ‘tourner’. Entre g et i la caméra passe d’un intervalle à l’autre. Intervalle 1
= hier, à trois heures, intervalle 2 = hier, à trois heures et dix secondes.
Le marqueur aspectuel simple (perfectif) past indique que TT inclut l’événement total de dire
quelque chose, mais c’est toujours avant TU.
Phrase h (discours direct) est un autre TU (TU’) qui est le TT du fait qu’elle dit ce qu’elle dit
(présent). L’utilisation d’une forme du présent dans un discours au temps passé, est une
stratégie qu’on voit beaucoup chez les apprenants L2.
Ces notions du point de vue aspectuel expriment la relation entre la position de la caméra
(TT) sur l’axe du temps et le temps de l’événement (Tsit).
TT et Tsit peuvent s’inclure l’un l’autre:
TT Tsit = imperfectif
Tsit TT = perfectif
Et TT et Tsit peuvent se suivre l’un l’autre:
TT < Tsit = prospectif
TT > Tsit = perfect
Perfect / prospectif
Quand on remplace la phrase f de l’histoire par la phrase She had taken the purse from his
pocket, on obtient une autre relation. Au moment TT on ne voit que le résultat de cette action.
TT > Tsit. TT = hier, à trois heures, Tsit = (par exemple) 14h55
La caméra ne filme pas avant TT. Ici, on a à faire avec un perfect.
Pour obtenir un prospectif, on peut remplacer la phrase par She was going to take the purse
from his pocket. Dans ce cas TT est avant (<) Tsit. La caméra, qui ne peut pas filmer plus que
TT, régistre le trajet préparatoire de quelque chose qui va se passer dans le futur, mais pas
l’événement même.
Conclusion
On peut conclure qu’avec la BTS de Klein, on peut toujours analyser la cohérence temporelle
d’une histoire, n’importe la langue ou le niveau de la langue. Cette cohérence temporelle
résulte de la relation TT-TU (temps, marqué d’une manière implicite/explicite), la relation
TT-Tsit (aspect) et la relation anaphorique entre les différents TT’s.
La manière dont le Tsit est lié au TT dépend de marqueurs perfectifs, imperfectif, perfects et
prospectifs, mais aussi de l’Aktionsart.
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