Emission Des Sous…et des Hommes diffusée le 12-12-03 sur Aligre FM- 93.1
Site Internet: www.des-sous-et-des-hommes.org
quelques mois, ce sont des nouvelles tendances qui se créent : c’est vraiment un changement de
cours. Cette inflation va nous emmener jusqu’à des taux de chômages de 10% : c’est quelque
chose de tout à fait nouveau puisque l’on sort d’une période de plein emploi ! Il y a donc
véritablement un train qui déraille. On entre dans une nouvelle phase.
Alors jusqu’à quand cela va–t-il durer ? Ce n’est pas très facile de le dire, mais il faut
prendre conscience du fait que cette crise structurelle n’est pas éternelle et ne va pas durer
jusqu’à maintenant. On peut dire que, dans la première partie des années 1980, certains
symptômes indiquent que l’on est train de sortir de cette crise, mais seulement certains
symptômes, parce que la lenteur de la croissance, le chômage vont durer, vont se perpétuer
mais ils vont se perpétuer à partir d’autres mécanismes, c'est-à-dire que les mécanismes dont
nous parlerons plus tard ne sont plus les mêmes véritablement, il y a des évolutions qui
s’arrangent, mais nous entrons dans un nouvel ordre social qui est caractéristique du
néolibéralisme et qui malgré ces améliorations dont je parlais, va avoir des effets dépressifs sur
la croissance également et cela va aboutir au maintien du chômage. Donc, d’une certaine façon,
dans un pays comme la France, on pourrait dire : « On est en crise depuis le milieu des années
1970 » : c’est une vision qui est un petit peu simple si on s’en tient à un indicateur comme le
chômage, car les mécanismes vont changer considérablement avec l’entrée dans le néolibéralisme.
Mais le résultat pour les chômeurs seront les mêmes malheureusement.
Pascale Fourier : Et en ce qui concerne la crise structurelle à proprement parler, à quoi
était-elle due ? Etait-ce le prix du pétrole qui a tout fait craquer ?
Gérard Duménil : Le prix du pétrole a été une toute petite chose dans une évolution qui a été
beaucoup plus longue et beaucoup plus profonde. Essentiellement, cela a à voir avec le progrès
technique, le changement technique. Ce sont des notions un peu compliquées mais dans la
production capitaliste, il y a un progrès de la productivité du travail. La productivité du travail,
c’est ce qu’un travailleur moyen est capable de produire en une heure. Mais, pour produire, il ne
faut pas simplement du travail : il faut aussi des machines, des équipements. Il est donc aussi
très important de s’interroger sur la quantité de produits que l’on peut fabriquer avec une
machine moyenne. Pour parler très simplement, on peut entrer dans des évolutions qui peuvent
signifier un progrès de ces variables ou une détérioration. Cette question du changement
technique est absolument centrale pour comprendre ce qui s’est passé. Avec le début des
années 1970, on entre dans une période où se matérialisent des évolutions qui étaient déjà en
marche mais qui étaient jusqu’à présent relativement discrètes., une période où les performances
vont alors largement se détériorer. Par exemple, la productivité du travail continue à croître,
mais elle va croître beaucoup plus lentement... Cela veut dire que pour produire une même
quantité de bien, au fil des années, on continue à économiser, mais on économise peu de travail
chaque année. Par ailleurs, la technique change en ce sens que pour obtenir ces petites
économies de travail, il faut investir beaucoup : il faut acheter des machines qui sont lourdes,
des machines qui sont coûteuses. Donc cela coûte cher d’une certaine façon. Tout cela coûte cher
aux entreprises et tout cela se tient bien entendu.
C’est cette détérioration du court du changement technique qui va dérégler cette
machine de progrès. Elle aura une conséquence très importante qui va être la chute de la
rentabilité du capital, la chute du taux de profit. Le taux de profit est une variable-clé dans
le système dans lequel nous vivons qui dit : si une entreprise investit 1 million, combien va-t-elle
gagner, combien va-t-elle faire de profit en fin d’année et on va comparer cette somme à ce que
l’entreprise a avancé : y aura-t-il un taux de profit de 5%, de 10% ? C’est donc la capacité à
gagner de l’argent pour parler simplement quand on a mis son argent dans une entreprise. Donc ce
taux est un taux extrêmement important pour la production capitaliste parce que, si les