Analyse des incidents dans un centre de stockage de déchets radioactifs en couches géologiques profondes : centre de stockage des déchets radioactifs militaires (Waste Isolation Pilot Plant (WIPP)), Etats-Unis Dominique Boutin, Directoire Energie de FNE Le Waste Isolation Pilot Plant (WIPP), situé en plein déserte du NouveauMexique, est un centre de stockage de déchets radioactifs militaires et issus de la recherche. Il n’est pas censé accueillir de déchets radioactifs provenant des réacteurs nucléaires. C’est le seul site aux États-Unis de stockage définitif de déchets radioactifs à vie longue. Il a été fermé le 14 février 2014 après une fuite radioactive. (page Wikipédia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Waste_Isolation_Pilot_Plant ) Dominique Boutin s’intéresse au WIPP afin de dégager des arguments contre le projet Cigéo de stockage des déchets radioactifs à Bure en Champagne-Ardenne. Constatant que le WIPP est très peu connu en France et que même l’ASN et l’IRSN n’ont que peu d’information sur ce centre et en particulier sur le retour d’expérience de l’accident de février 2014, que l’avis de l’IRSN est erroné, Dominique a alerté l’IRSN et proposait ses services. Il a ainsi pu être missionné par l’IRSN pour produire un rapport sur le WIPP. Celui-ci sera disponible à l’automne 2015 (ainsi qu’un livre). L’objectif de ce rapport est de produire une expertise indépendante sur les incidents du WIPP. Il est exploité depuis mars 1999 par le Département de l'Énergie des États-Unis. D'abord géré par Washington TRU Solutions, il est désormais géré depuis octobre 2012 par le consortium Nuclear Waste Partnership (NWP) formé par URS, Babcok & Wilcox et Areva. 27 acteurs, dont Areva, sont impliqués dans l’accident du WIPP. Ce qui rend la gestion (décisions, responsabilités, dédommagement) et la compréhension de l’accident très complexe. Des sommes considérables sont réclamées par l’Etat du Nouveau Mexique. La même situation est probable en cas d’accident à Cigéo. Le WIPP est installé dans une couche de sel à 600 m de profondeur et s’étend sur 42 km². Il peut contenir 173 600 mètres cubes de « déchets transuraniens mixtes ». Le contenu de certains colis n’est pas connu ! La nomenclature et la classification des déchets radioactifs ne sont pas les mêmes entre pays. C’est une source de risque si un site de stockage accepte des déchets étrangers. Les galeries sont creusées en même temps qu’elles sont remplies de colis. Similitude avec Cigéo : Décision politique qui a anticipé la faisabilité technique. Gros débat sur la localisation et la capacité géologique du milieu naturel. En fait comme à BURE, un karst surmonte des couches dites imperméables et stables. Ici du sel. Sa localisation très loin dans le sud dans une région désertique sans grande ressource économique : création de 800 emplois sur site. Au milieu d’un désert pas loin de sites d’anciens essais nucléaires aériens, mais présentant d’autres ressources minières. Et à grand renfort de dollars pour emporter les décisions…. Les incidents de 2014 Le matin du 5 février 2014, un véhicule utilisé pour transporter le sel a pris feu dans la mine. Suite à cet incident de nombreuses erreurs ont été relevées : véhicule non entretenu : accumulation de matières combustibles, système d'extincteur automatique désactivé malgré un incendie précédent, fonctionnement du véhicule malgré des fuites de liquides constatées, véhicule conçu pour utiliser du fluide hydraulique ininflammable mais chargé du fluide inflammable, conducteur non formé pour les démarches à suivre en cas d'incendie, Etc. La mauvaise préparation et gestion de l’incendie, encore de nombreuses erreurs humaines : exercices d'évacuation inadéquats système de sonorisation inefficace et volume des haut-parleurs insuffisant certains postes téléphoniques de la mine inopérants alarme d'évacuation n'a sonné que 2 secondes défaut d'allumage des lumières stroboscopiques pour les évacuations ; manque de visibilité masques respiratoires non entretenus, et donc inefficaces : stockage dans un endroit non reconnaissable pendant l'incendie la surveillance centrale a mis en route le système de filtration pendant l'incendie, réduisant l'extraction des fumées : opacité et difficultés respiratoires! Le 14 février 2014 à 23h14 (heure locale) le système de contrôle de l'air dans le souterrain du WIPP a signalé la présence de radioactivité, vraisemblablement liés à une explosion d’un colis au fond de la mine. Pourtant le personnel est descendu dans le WIPP dès le lendemain car les services n’ont pas « cru » l’alarme et n’ont pas donné l’information au personnel. Une fuite de 2 registres (clapet automatique) semble la source du rejet radiologique. Ces registres n’ont été scellés que le 6 mars. Pendant 3 semaines la fuite était toujours effective. D’autres rejets radioactifs ont été enregistrés par la suite (mars et juin 2014). De nombreux manquement ont été identifiés et auraient pu prévenir l’accident : outils et équipements non-adaptés à la gestion des déchets radioactifs Le devenir du WIPP est aujourd’hui très incertain. Ce sont davantage des manquements humains et des décisions socio-économiques qui ont conduit aux incidents. Cigéo n’est pas à l’abri de telles erreurs.