virales chez l'enfant, insiste Pierre Géhanno, et l'idée qu'un
traitement par antibiotiques protège des surinfections bactériennes
est fausse. Il faut avoir le courage d'attendre."
Aujourd'hui, en Ile-de-France, 79 % des pneumocoques isolés au
cours d'otites aiguës sont résistants à la pénicilline, contre 70 % en
moyenne pour l'ensemble du pays. Dans les Ardennes et en
Franche-Comté, ce sont 100 % des pneumocoques qui sont
résistants, alors que ce chiffre descend à 33 % en Alsace. En
Europe, les pays les plus touchés par ces résistances sont la
France, l'Espagne et quelques pays de l'Est. Ailleurs, la résistance à
la pénicilline du pneumocoque dans les otites reste inférieure à
20 %.
"Dans les différents pays européens où elle est présente, cette
résistance est corrélée à la consommation d'antibiotiques" constate
Edouard Bingen, microbiologiste à l'hôpital Bichat. Mais ce n'est pas
le seul facteur. Le mode de garde des enfants joue un grand rôle
dans les contaminations bactériennes des petits. Dans les pays où
le congé parental permet une garde à la maison pendant les deux
premières années et dans les pays où il n'y a pas de crèches, les
enfants sont moins souvent malades et on n'assiste pas à cette
ruée sur les antibiotiques.
Les échecs de traitement sont cependant encore rares. Si après 7
ou 8 jours de traitement antibiotique pour une otite bactérienne
l'état général n'est pas amélioré, s'il existe une collection de pus
derrière le tympan, la paracentèse (ponction par le tympan) permet
de recueillir le pus et d'isoler le germe en cause. Souvent on n'en
trouve pas, ce qui démontre que l'antibiotique était actif. Il faut
alors rechercher une autre cause à cet échec clinique qui se
manifeste par le maintien de la fièvre, en particulier un état
inflammatoire qui cède en quelques jours.
En revanche, la présence de bactéries permet de dresser un
antibiogramme et de sélectionner les meilleurs antibiotiques à
administrer. Les complications restent extrêmement rares : une
mastoïdite pour 10 000 à 100 000 otites, environ 200 méningites
pour 1,5 million d'otites,
Depuis la guerre, le recours aux antibiotiques a tellement
transformé la lutte contre les infections qu'on en a fait un outil
miracle toujours efficace. Mais certaines bactéries n'y sont plus
toujours aussi sensibles. Ces microorganismes évoluent en
permanence par mutations. Sont alors sélectionnés ceux qui
résistent le mieux à la pression du milieu environnant, en
particulier aux agents anti-infectieux, quels qu'ils soient.
L'apparition de résistances est donc naturelle et inéluctable.
L'inventeur de la pénicilline, Alexander Fleming, l'avait envisagé dès
1945.
Aujourd'hui, c'est une réalité. "Malgré les avertissements lancés par
certains microbiologistes pendant les années 1960 et 1970, les
médecins ont cru que l'apparition de bactéries résistant aux
antibiotiques n'était qu'un phénomène limité. Ils ont cru aussi que
le phénomène serait compensé par la découverte de nouvelles