Rencontres philosophiques d’Uriage 2013 Vendredi 11, samedi 12, dimanche 13 octobre 2013 Le plaisir « Sans plaisir point de vie, le combat pour le plaisir est le combat pour la vie », Nietzsche, Humain trop humain La vocation des Rencontres Philosophiques d'Uriage est de rassembler des auteurs contemporains, philosophes ou experts d'autres savoirs ouverts au questionnement philosophique. Ce qui nous réunit et mobilise le public est la volonté d'examiner ou de forger collectivement les catégories intellectuelles qui permettent de juger et d'agir aujourd'hui. Il s'agit d'abord, lors de cette édition, de penser philosophiquement le plaisir. Ce terme désigne un état affectif agréable lié à la satisfaction d'une tendance, d'un désir ou d'un besoin. Mais comment penser le plaisir ? Le plaisir est-il un être ou un avoir ? De quoi le plaisir est-il le signe ? d'un bien ? du bonheur ? de la satisfaction des désirs? Nous avons l'habitude de penser le plaisir en référence à autre chose comme s'il ne se suffisait pas à lui-même. La difficulté à penser le plaisir vient de ce qu'il est une expérience. Le plaisir n'est pas un concept, mais une sensation, un certain état éprouvé par le sujet qu'il qualifie d'agréable. On peut avoir envie d'un gâteau, mais seule sa dégustation accompagnée d'un sentiment positif fera le plaisir. Le plaisir passe incontestablement par le corps, mais pour éprouver du plaisir, il faut avoir un minimum de conscience. Pourtant, l'expérience du plaisir est celle d'une dissolution de la conscience, l'expérience d'une immersion (on s'engouffre dans le plaisir). La vivacité du plaisir nous plonge dans l'ignorance de ce qu'il est, elle nous fait perdre maîtrise et volonté. Le plaisir n'est pourtant pas la jouissance, qui est ineffable, indicible. Chacun sait intuitivement ce qu'est le plaisir pour l'avoir éprouvé, mais peut-il pour autant l'expliquer, savoir ce qui lui fait éprouver du plaisir ? Ensuite, aborder philosophiquement le thème du plaisir aujourd’hui conduit à revenir sur certaines questions classiques et oblige à se prononcer sur sa valeur pour une société telle que la nôtre. Questions classiques, mais importantes, celles qui abordent la nature et la spécificité du plaisir humain et la pertinence d’une éthique du plaisir. Questions actuelles, aussi, qui engagent l’évaluation des comportements contemporains et des finalités que poursuit notre société. Des conférences et des tables rondes réunissent les penseurs invités à nous faire partager leurs points de vue (philosophes, mais aussi, pour cette édition, neurologues, sociologues, historiens, psychiatres, psychanalystes et sexologues). Des ateliers permettent au public de pratiquer la philosophie, guidé par des philosophes et des professeurs de philosophie. A la fin de l’édition, le 1 Prix du Jury sera décerné par des amateurs de philosophie à un auteur présent, pour son ouvrage lauréat d’une sélection de livres soumis à la lecture commune durant plusieurs semaines. Conférences plénières - Un regard philosophique sur l’année écoulée : Corine Pelluchon, lauréate du Prix des Rencontres 2012 (la conférence, enregistrée du fait de l’absence de l’auteure, sera diffusée pendant les Rencontres). - Conférences sur le plaisir : o Samedi 12 octobre : Eva Illouz, sociologue, auteur de Pourquoi l’amour fait mal. L’expérience amoureuse dans la modernité (éd. du Seuil, 2012), sélectionné pour le Prix des Rencontres 2013 o Dimanche 13 octobre : Giulia Sissa, historienne de l’Antiquité, auteur de Sexe et sensualité : La culture érotique des Anciens (Odile Jacob, 2011), sélectionné pour le Prix du Jury des Amateurs de philosophie Table ronde n° 1: « La nature du plaisir » Le plaisir est une sensation agréable de détente, à la fois du corps et de l'esprit, mais reste à savoir quel est le facteur qui fait la détente dans la sensation de plaisir. Les recherches des neurologues aujourd'hui s'orientent vers des explications physiologiques : certaines zones du cerveau sont activées quand on éprouve du plaisir. Le plaisir intellectuel lui-même s'expliquerait par la libération de certaines endomorphines. Cela signifie-t-il que le plaisir est affaire de chimie organique ou de connexions neuronales ? Difficile pourtant de croire que l'on puisse ainsi rendre compte du plaisir pris à écouter Mozart ou déguster un grand cru, sans parler des mystères de l'orgasme... Participants à la table ronde : Bernard Andrieu, philosophe, auteur de Les Avatars du corps. Hybridités et Somatechnies (Montréal, éd. Liber, 2011), sélectionné pour le Prix du Jury des Amateurs de philosophie Alim Louis Benabid, neurochirurgien, membre de l’Académie des sciences Philippe Brenot, sexologue Table ronde n°2: « Plaisir et sagesse » Pourquoi faire du plaisir l'objet d'une préoccupation morale ? C'est la question qui s’est posée depuis les débuts de la sagesse antique, et même dans le discours chrétien de la chair où le plaisir tombe sous la condamnation du péché. Il prend la figure de la tentation, de ce qui peut nous conduire au mal. Peut-on faire de la recherche du plaisir le but de la sagesse ? Que vaut 2 philosophiquement l'hédonisme ? Le plaisir constitue un souci éthique, la question est à la fois celle « de l'usage des plaisirs » et de la valeur du plaisir. Y a-t-il de bons ou de mauvais plaisirs ? Cela ne signifie pas que le plaisir soit un mal, mais qu'on peut mal en user. Le plaisir est donc à penser entre mesure (puisqu’il s'agit de régler les plaisirs) et démesure. Participants : Maxime Rovere, philosophe Alain Gigandet, philosophe Olivia Gazalé, philosophe, auteur de Je t’aime à la philo (Robert Laffont, 2012), sélectionné pour le Prix du Jury des Amateurs de philosophie Table ronde n° 3: « L'expérience des plaisirs » Il n'y a pas d'unicité du plaisir. Le plaisir se décline au pluriel, il faut plutôt parler des plaisirs et de leur extrême variété. On a souvent tendance à assimiler le plaisir aux seuls plaisirs physiques ou à la satisfaction des sens. Mais c'est négliger la dimension spirituelle et culturelle qu'il y a déjà dans les plaisirs de la chère et de la chair. Se délecter d'un grand vin ou goûter à la grande cuisine est une expérience qui dépasse largement la satisfaction des sens. Le raffinement, voir l'artifice montre toute la complexité du plaisir humain. Il y a aussi les plaisirs liés à la satisfaction d’avoir réalisé quelque chose, à l’estime de soi en général, les plaisirs intellectuels nés de la compréhension du vrai et de la saisie d’un sens. Que serait la philosophie sans désir et plaisir de connaître ? Il nous faudra ainsi comprendre en quoi le plaisir a aussi un rôle dans l’élaboration de la connaissance. Participants : Carole Talon-Hugon, philosophe Isabelle Queval, philosophe Pierre-Henri Tavoillot, philosophe Table ronde n°4 : « Le plaisir et la société de consommation » Pendant longtemps, la société a fonctionné sur la répression des plaisirs, maintenant elle fonctionne par son exaltation. L'imagerie du désir sexuel s'est banalisée, comme en témoigne la publicité, le cinéma ou la télévision. Ce qui était censuré est aujourd'hui la norme. Autrefois il était interdit d’avoir du plaisir, maintenant la jouissance, dans les formes indiquées par la société, est une injonction. Avons-nous beaucoup progressé ? Un ouvrage qui a connu un certain succès évoquait à ce propos « la tyrannie du plaisir ». Nous vivons dans une société hédoniste où le plaisir a semble-t-il triomphé. Mais si la collectivité a une emprise sur nos plaisirs, ne va-t-elle pas nous 3 dicter ces plaisirs, nous imposer une sorte d’injonction à jouir qui va dans le sens de son propre fonctionnement plus que dans le sens de l’épanouissement de l’individu ? Dany Robert Dufour, philosophe, auteur de Il était une fois le dernier homme (Denoël, 2012), sélectionné pour le Prix du Jury des Amateurs de philosophie Joëlle Zask, philosophe Thierry Vincent, psychiatre-psychanalyste Grand témoin : Christophe Aribert, Chef des Terrasses d’Uriage 4