L’Algérie, dès la fin de la colonisation française s’est attelée simultanément à développer les
instruments modernes de la culture (le livre avec la création de la Société Nationale d’Edition et
de Diffusion, le cinéma avec le lancement de l’Office National du Commerce et de l’Industrie
Cinématographiques, le théâtre avec la création du Théâtre National Algérien et de ses
théâtres régionaux, la valorisation du patrimoine et des musées etc. et à sortir de la
marginalisation pour la revivifier, sa culture traditionnelle millénaire.
En 1964 déjà, le ministère de l’information comprenait une « Direction de la culture populaire ».
Sous son égide, le « premier festival national du folklore » était organisé en juin-juillet 1964 et a
permis de réunir des groupes d’artistes venus de toutes les contrées de l’Algérie. Les musiques
populaires et les chorégraphies traditionnelles ont fait alors l’admiration du public qui découvrait
la richesse de son patrimoine culturel immatériel. Les troupes folkloriques venues de l’Algérie
profonde ont notamment donné d’inoubliables spectacles composés de danses costumées
représentant les styles et les régions du pays (targui, kabyle, al’alaoui, reguibi etc.).
Sur décision de l’Organisation de l’Union Africaine (OUA), l’Algérie a organisé en juillet 1969 le
premier festival culturel panafricain. Ce fut une opportunité historique précieuse pour le pays
organisateur de produire au grand jour et de valoriser son patrimoine culturel immatériel
millénaire. Ce fut le lieu et le moment d’affirmer sa personnalité de base et son identité
collective qui, après 132 ans d’occupation et de colonisation de peuplement, demandaient à
être réinvitées. L’Algérie montrait au monde que sa matrice civilisationnelle était
consubstantielle à son peuple et son terroir. Un des organisateurs de la grandiose
manifestation culturelle de juillet 1969, écrit dans la Revue du Festival : « Il est indispensable
qu’un continent qui s’ouvre volontairement aux lumières du progrès et au bonheur de vivre,
comprenne pourquoi nous ne sommes pas les héritiers du siècle de Périclès et les
constructeurs des cathédrales gothiques et pourquoi nous avons travaillé l’ivoire et l’ébène,
construit les murs de Fez et fait chanter les tambours et les cuivres ». Autrement dit, à la faveur
du festival, l’Algérie a dit haut et fort qu’on ne peut contribuer à l’universel que si l’on possède
des biens propres. Il fallait sortir du complexe du colonisé et du mimétisme culturel qui
l’accompagne. Il fallait signifier qu’on n’est pas redevable à une culture qui s’impose par la
contrainte. C’est pour analyser la force de résistance et les fonctions régaliennes de la culture
que fut organisé, dans le cadre du festival panafricain de 1969, le symposium d’Alger sur la
culture africaine. De nombreux chercheurs nationaux et étrangers y ont débattu pendant 10
jours de tous les aspects de la culture et, en particulier, de la place privilégiée qu’occupe la
culture immatérielle à travers le Continent.
De leur côté, et dès l’indépendance, l’Université d’Alger et le Centre de Recherches
Anthropologiques, Préhistoriques et Ethnographiques (CRAPE) ont mis sur pied des
programmes d’enseignement et de recherche visant à collecter et à analyser le substrat culturel
oral d’une densité et d’une richesse alors insoupçonnées. De nombreuses équipes de
recherche ont investi, entre les premières années de l’indépendance et le début du troisième
millénaire, des terrains anthropologiques productifs et variés. Le Centre National de
Recherches Préhistoriques, Anthropologiques et Historiques a organisé sur plusieurs années
de nombreux colloques internationaux du plus haut niveau sur le soufisme, sur l’anthropologie
et la musique, sur la culture orale, sur les savoir et savoir-faire …
Le CRAPE (Centre de recherches Anthropologiques, Préhistoriques et Ethnographiques)
devenu le CNRPAH a, en effet, organisé depuis près d’un demi-siècle de nombreux colloques
et séminaires consacrés au patrimoine culturel immatériel. Il dispose d’ores et déjà de plus
d’une centaine d’heures d’enregistrement de poésie populaire écrite et déclamée des XVIIème,
XVIIIème et XIXème siècles et le programme d’enrichissement de cet inventaire se poursuit. Il
dispose également de plusieurs centaines de bandes magnétiques enregistrées durant les
années 70 portant sur des musiques et chants du patrimoine national et qu’il est en train de
numériser. Les supports scientifiques de ce Centre (revues et collections) ont accueilli des
centaines d’études et d’articles consacrés en particulier à tout ce qui a trait à la tradition orale et
aux savoir-faire locaux. Pour n’évoquer à titre illustratif que quelques travaux d’anthropologie
culturelle publiés dans Libyca, on peut citer :
- Signification des rites et coutumes relatifs aux céréales
- les rituels