
plus, selon Cérinthe, Jésus était fils de Marie et de Joseph, un homme semblable à tous les autres, sur qui, au jour
du baptême, était descendue une vertu sortie du Dieu suprême, et qui, abandonné de cette vertu avant la Passion,
avait souffert et était mort selon la loi commune (ibid., I, XXVI, 1; III, XI, 1; cf. Hippolyte, Philosoph., VII,
XXXIII, 1-2 X, XXI). Irénée ajoute, et ceci est important (ibid., III, XIII, 1), que S. Jean a écrit son Evangile
contre Cérinthe, pour montrer que Jésus n’était pas simple ment un homme, mais le Fils de Dieu venu en ce
monde, le Verbe fait chair" (G. BARDY, art. Cérinthe, in Catholicisme, II, col. 834).
Ces paroles d’Isaïe montrent encore clairement l’ordre suivi dans cet Evangile. En effet, Jean
nous présente d’abord LE SEIGNEUR SIEGEANT SUR UN TRO NE SUBLIME ET ELEVE,
quant il dit: Dans le Principe était le Verbe 30. Ensuite il montre comment TOUTE LA TERRE
ETAIT REMPLIE DE SA MAJESTE, par ces paroles: Tout a été fait par Lui 31. Enfin il
manifeste comment CE QUI E TAIT AU-DESSOUS du Seigneur REMPLISSAIT LE
TEMPLE, en disant: Et le Verbe s’est fait chair (...) et nous avons vu sa gloire 32.
De même ces paroles d’Isaïe manifestent bien la fin de cet Evangile: il faut que les fidèles,
devenus le temple de Dieu, soient remplis de la majesté divine. C’est pourquoi Jean lui-même
dit: Ces miracles ont été écrits pour que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et
qu’en croyant vous ayez la vie en son Nom 33.
Nous voyons donc clairement par là quelle est la matière de cet Evangile — la connaissance de
la divinité du Verbe —, quel est son ordre et quelle est sa fin.
II
11. Tout ce qui vient d’être dit permet de situer l’auteur lui-même de cet Evangile, et cela de
quatre manières: du point de vue de son nom, de sa vertu, de son symbole et de son privilège.
Le nom de l’auteur de cet Evangile est Jean, nom qui signifie" en qui est la grâce". En effet,
seuls ceux qui ont en eux la grâce de Dieu peuvent contempler les secrets de la divinité, et c’est
pourquoi l’Apôtre dit: Nul ne connaît les secrets de Dieu, si ce n’est par l’Esprit de Dieu34
Jean vit donc LE SEIGNEUR SIEGEANT SUR UN TRONE SUBLIME ET ELEVE. A cela, il
fut disposé du fait qu’il était vierge. C’est aux vierges en effet qu’il appartient de voir le
Seigneur, comme le Seigneur Lui-même l’a dit: Bienheureux ceux qui ont le coeur pur, car ils
verront Dieu 35.
Le symbole de Jean est l’aigle. Voici pourquoi: les trois autres Evangélistes se sont occupés de
ce que le Christ a accompli dans la chair et ils sont désignés par des vivants qui marchent sur la
terre, à savoir par l’homme, le boeuf et le lion36. Jean, lui, volant comme un aigle au-dessus des
nuages de la faiblesse humaine, contemple la lumière de l’immuable Vérité avec les yeux du
coeur, du regard le plus pénétrant et le plus ferme qui soit possible à l’homme, et, attentif à la
divinité même de Notre Seigneur Jésus-Christ, par laquelle Il est égal à son Père, il s’est
efforcé principalement, dans son Evangile, de la manifester autant que, homme parmi les
hommes, il l’a cru nécessaire. De ce vol de Jean il est dit au Livre de Job: L’aigle c’est-à-dire
Jean — à ton commandement s’élèvera t-il en haut? et encore: Ses yeux perçants voient de
loin37, car du regard de l’esprit il contemple le Verbe même de Dieu dans le sein du Père.
Quant à son privilège, il fut d’être, parmi tous les disciples du Seigneur, celui qui fut le plus
aimé par le Christ: Jean fut en effet le disciple que Jésus aimait 38, comme lui-même l’a dit sans
se nommer. Or aux amis on révèle ses secrets, comme le montrent ces paroles de Jésus: Je ne
vous appelle plus mes serviteurs, mais mes amis, parce que tout ce que j’ai appris de mon Père,
je vous l’ai fait connaître39. Le Christ a donc révélé ses secrets de façon toute spéciale à ce
disciple très spécialement aimé. A ceux qu’enfle la démesure — à savoir les orgueilleux — le
Christ cache la lumière — c’est-à-dire la vérité de sa divinité — et il annonce à son ami —
Jean — que la lumière est son partage 40; c’est lui en effet qui, voyant plus parfaitement la